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31 mars 2008

Lutter contre les préjugés antisémites à l’école : Samia Essabaa et Josiane Sberro seront mes invitées le 6 avril

Une élève et Gillah Tatar Ytshak,
directrice de l'école Hattie Friedland de Jérusalem
(photo tirée du site Primo-Europe)

Nous allons évoquer lors de ma prochaine émission un sujet douloureux pour beaucoup d’auditeurs de la fréquence juive, ce sujet ce sont les préjugés antisémites qui sont revenus de façon plus qu’inquiétante dans le milieu scolaire. En novembre 2003, j’avais reçu Barbara Lefebvre et Joseph Hattab et nous en avions déjà parlé, c’était quelques mois après la sortie du livre « Les territoires perdus de la République » qui avait tiré la sonnette d’alarme. (cliquer sur le libellé en fin d’article). Le 3 avril, j’aurai le plaisir d’avoir comme invitées deux femmes qui connaissent très bien le corps enseignant, l’une est musulmane et l’autre juive et j’ai été particulièrement heureux de les réunir pour cette émission.
La première invitée est Samia Essabaa. J’ai fait sa connaissance lors de la soirée d’ouverture de la quinzaine du Judaïsme marocain, au Centre communautaire de Paris. Elle est professeur d’anglais au lycée professionnel du Moulin Fondu, à Noisy-le-Sec, et elle a mené à bien un projet remarquable, en amenant des élèves de cet établissement, qui sont à 95 % musulmans, visiter le camp d’extermination d’Auschwitz. Mais elle n’a pas amené avec elle uniquement ces élèves, puisqu’il y avait aussi des lycéens juifs parisiens, et des Marocains - juifs et musulmans - du lycée Maïmonide de Casablanca. Elle nous racontera cette expérience et surtout le travail de préparation qu’elle a réalisé, parce que ce sujet de la transmission de la mémoire de la Shoah est un sujet délicat, même explosif si on en juge par les polémiques suscitées par le projet de Nicolas Sarkozy visant à l’enseigner aux élèves de CM2.

Ma deuxième invitée est Josiane Sberro. Elle est vice présidente de l’association « Primo Europe » (voir en lien permanent). Militante communautaire toujours enthousiaste et infatigable, c’est un directeur de collège à la retraite qui a vu, souvent avec peine, le relâchement du « savoir vivre ensemble » et des valeurs républicaines en milieu scolaire. Elle milite aussi dans plusieurs associations laïques, réunissant des citoyens de toutes confessions et qui essaient de promouvoir ces valeurs, et en particulier « P.E.R.E.C » (« Pour une école citoyenne »). Je l’ai invitée parce qu’elle a été, comme Samia Essabaa, la cheville ouvrière d’un très beau projet qui vise aussi à la réconciliation entre jeunes juifs et musulmans, et ce projet est réalisé en mémoire d’Ilan Halimi : en effet, après l’assassinat atroce d’Ilan, l’équipe de Primo Europe et les éditions Yago se sont mobilisées afin de proposer au public un livre exposant ce qui avait permis cette horreur : pourquoi, en quelques années, l’antisémitisme a été banalisé dans une partie de la jeunesse française. Ce livre s’appelait « Le canari dans la mine ». Il avait été décidé que les fonds recueillis par la vente de ce livre seraient attribués à une association cherchant à semer la paix et la réconciliation, et il a été choisi une école de Jérusalem : cette école réunit des sourds muets juifs et arabes, et elle est un exemple de coexistence pacifique, malgré le climat désastreux que l’on connaît ... Ses deux directrices sont l’une israélienne et l’autre palestinienne (voir photo) : pour en savoir plus sur ce projet et sur la remise du « Prix de la Paix », lire sur le site de "primo-europe".

J.C

Nota (ajouté ulérieurement à l'article) :
- J'ai corrigé la légende de la photo, où j'avais écorché le nom à la fois le nom de l'école et de l'une des directrices ... quand à la directrice musulmane, je l'avais par erreur désignée par le personnage de gauche.
- En fait, j'ai fait la connaissance de cette deuxième directrice, Madame Maha Abu Ktesh, lors de la soirée de remise du prix le 15 avril 2008. Et vous pourrez découvrir son visage ainsi qu'un petit reportage dans une futur article.

30 mars 2008

Conversion de Magdi Allam, film «Fitna » : quelques commentaires

Le journaliste italien Magdi Allam

1. Magdi Allam.
La conversion du célèbre journaliste italien d’origine égyptienne Magdi Allam a eu un immense impact médiatique (lire ici) : en raison, justement, de sa célébrité dans son pays, et surtout parce qu’il a été baptisé par le Pape en personne, le samedi 22 mars en pleines Pâques catholiques. Notons d’abord qu’il n’y avait guère d’articles en langue française à son sujet avant cette conversion, et que je ne suis pas peu fier d’avoir contribué, un peu, à la faire connaître l’an dernier par une publication sur le blog - voir en lien -, classée en sixième position sur Google ... ce qui m’a valu des centaines de visites la semaine dernière !

Mais qu’en penser sur le fond ? Dans l’absolu, j’avoue éprouver des sentiments partagés. D’un côté, le droit de pouvoir changer de religion - comme de ne pas en avoir - fait partie des acquis de nos société occidentales, et Magdi Allam a raison de dénoncer le scandale (rarement dénoncé), qui voit des dizaines de milliers de convertis à l’islam jamais inquiétés, tandis que ceux qui font le chemin inverse craignent pour leur vie. Intellectuel courageux, ayant récolté sans intérêt aucun une condamnation à mort du Hamas pour sa défense d’Israël, lui-même exilé et marié à une chrétienne, il a du mûrement réfléchir avant de changer de route, lui qui se présentait il y a peu comme un « musulman modéré » et qui écrivait que la « culture de la haine n’est pas inscrite dans l’ADN de l’islam » ... Au lendemain de son baptême, il écrivit dans son journal, le « Corriere dela Sera » : « Mon esprit s’est libéré de l’obscurantisme d’une idéologie qui légitime le mensonge et la dissimulation, qui mène à l’homicide, au suicide, à la soumission et à la tyrannie » ... En lisant
sur des forums de discussion certaines réactions écrites par des jeunes musulmans, en voyant les ricanements de tous ceux qui associent avec délectation son apostasie à l’islam et ses amitiés « sionistes », je me dis donc, d’un autre côté, qu’il est dommage que les « Musulmans modérés » - à qui l’on reproche si souvent leur silence -, aient perdu quelqu’un de son envergure intellectuelle. Et puis, en pensant à tous les racistes qui, des siècles durant, qualifiaient de « bons Juifs » ceux qui ne l’étaient plus, je serais assez gêné de prôner le dialogue avec l’islam tout en applaudissant une conversion ... question de logique et d’un minimum de probité intellectuelle !


Le député néerlandais Geert Wilders

2. Le film « Fitna ».
D’abord quelques informations, car l’actualité va très vite autour de ce qui tient beaucoup plus du vidéoclip vu sa durée (17 minutes) que du film. N’ayant trouvé aucun distributeur, son producteur - le député hollandais Geert Wilders du parti libéral présenté comme « d’extrême droite » - l’a fait mettre en ligne sur un serveur anglais, « LiveLeak.com » où il a été retiré après avoir été visionné par plus de quatre millions et demi de personnes en trois jours, suite à des menaces de mort reçues par l’équipe !

Quoiqu’on puisse penser, à la fois sur le fond et la forme de ce film (voir mes critiques ci-dessous), il faut d’abord dénoncer avec force ce chantage totalement abject - qui ne risque pas d’améliorer l’image de marque de l’islam en Europe, pas plus que les hélas très probables « représailles » contre les Pays Bas dans les États musulmans, et ce alors que l’on a assisté à une démonstration préalable de contrition de la part de presque tous les dirigeants occidentaux : du Premier Ministre néerlandais au Conseil de l’Europe en pensant par presque tous les éditorialistes de la presse occidentale, ce ne sont que des condamnations ; ce qui fait même dire au site « iran-resist » pourtant si en pointe dans le combat contre les « islamo fascistes » : « Il n’y a pas lieu de s’en réjouir. Ce que nous redoutions se réalise au-delà de nos craintes. Il est nécessaire de rappeler que nous avions émis des doutes sur la sincérité de la démarche de Geert Wilders : nous y avions vu une double opération politico-médiatique délibérée aussi bénéfique à l’auteur, en mal de reconnaissance politique dans son pays, que bénéfique aux mollahs (victimes de la discrimination nucléaire) qui ainsi volent au secours des musulmans offensés victimes d’une nouvelle discrimination. »

Et j’en viens au fond du film : en le visionnant (vous pouvez pour le moment le voir sur « dailymotion » en version française ici ou en version anglaise sur Google), vous aurez l’impression de ne rien apprendre du tout pour ceux qui ont déjà eu la curiosité de visionner ces extraits vidéos tout à fait accessibles sur la Toile, par exemple sur mon blog ou d’une manière plus complète sur le site « memri.org ». Petite palestinienne traitant les Juifs de « fils de porcs et de singes », Ayatollahs rêvant tout haut de conquérir le Monde, homosexuels pendus, défilés du Hezbollah bras tendu à la mode nazie, appels à la guerre sainte sur des chaînes de télévision du Proche Orient ... tout ceci n’est ni un cauchemar, ni une invention de Geert Wilders : seulement, cette vidéo risque d’avoir l’effet inverse ! Au lieu de dénoncer de façon précise ceux qui allument les braises de l’incendie et avec qui des soit disant experts nous invitent à discuter - le Hamas, l’Iran, le Hezbollah et autres Ben Laden - on désigne à la vindicte tous les Musulmans, ce qui est à la fois inefficace et dangereux. En disant que tous les musulmans adhèrent aux discours les plus extrémistes, en résumant le Coran à certains passages qui, effectivement, appellent à l’élimination violente « des ennemis d’Allah », au Djihad ou au meurtre des apostats, Geert Wilders pose le problème selon une équation impossible : si l’islam n’est qu’une idéologie comme le nazisme ou le communisme, on ne peut plus guère qu’attendre une guerre mondiale (à gagner absolument) ou notre soumission ... ce qui, vu le pacifisme ambiant, risque fort d’arriver dans une première étape dans notre vieille Europe !

Jean Corcos

28 mars 2008

Des visites amicales


Je vous ai parlé trop souvent ici de certains visiteurs dont on aimerait bien se passer ... et qui viennent sur le blog en raison de l’excellent classement attribué à certains articles dans les moteurs de recherche ; tout cela, rappelons-le, étant « tracé » grâce à l’excellent logiciel « sitemeter » dont vous pouvez, en direct, suivre les enregistrements en cliquant sur l’icône en bas de la colonne de droite.

Ne soyons pas paranoïaque, toutes les visites ne sont pas inamicales et j’ai redécouvert dernièrement que « rencontrejudaïquesfm » était aussi cité par des lecteurs qui l’appréciaient ! En voici quelques exemples :

- le 25 janvier, un de mes articles a été cité sur le forum juif « mitspe » (voir en lien) ;

- l’historien Pierre Vermeren, que les lecteurs fidèles du blog connaissent un peu et qui a été dernièrement et à nouveau mon invité, a mis en lien l’article que je lui avais consacré sur un répertoire en ligne très intéressant, dédié aux historiens du temps colonial (découvrir le site) ;

- la photographe Valérie Cuscito est une amoureuse de la Turquie, et en particulier d’Istanbul : j’avais découvert un magnifique clip musical illustré par ses clichés, et je l’avais mis en ligne en mars dernier dans le cadre de mon « mois de la Turquie » ... cette artiste l’a remarqué, et elle a repris l’article dans le cadre de son dossier de presse en ligne (lire ici) : mille mercis, et allez visiter son site !

- J’ai eu la surprise de voir un ancien article (2006), écrit par mon amie Claudine Barouhiel à propos des Juifs de Turquie, être repris par un site ... arménien combattant le négationnisme de ce pays, qui hélas, ne veut toujours pas reconnaître le premier génocide du XXème siècle. Ce site s’appelle « collectif van », et on pourra découvrir ou redécouvrir l'article ici.

- le site du « Comité contre l’esclavage moderne » a annoncé mon émission du 27 janvier avec Ould Saleck El Arby, militant mauritanien contre cette abjection, hélas encore contemporaine, et a largement relayé l’information auprès de ses adhérents (aller sur le site "esclavage moderne")

- enfin, peut-être la reprise sur un autre site qui m’a le plus ému - parce qu’elle démontre que les frontières de nationalités ou de religions ne sont pas étanches lorsque l’on parle avec la voix du coeur -, Hadia « la Gitane libanaise », a découvert par hasard mon dossier consacré au Liban et mis en ligne au mois de décembre. Elle m’a écrit pour me dire qu’elle l’avait apprécié, et elle a repris sur son site dédié à la fois à son pays et à la poésie, le « clip musical » hommage au Premier Ministre assassiné Rafik Hariri (aller sur le lien)

Merci à toutes et tous pour ces liens amicaux : venant de personnes de qualité, ils me touchent particulièrement - et me consolent d’autres visites moins sympathiques !

J.C

26 mars 2008

Hommage au Docteur Salomon André Corcos (z"l) dans une revue médicale tunisienne


Le Docteur Salomon André Corcos au milieu de ses collègues
de l'hôpital de La Rabta, années 1950


Le Docteur Corcos au milieu de ses collègues du même hôpital, années 1960
(ma mère tout à fait à gauche de la photo)

J'ai été extrêmement touché de recevoir du Docteur Mohamed Moncef Zitouna le numéro de décembre 2007 de "La Tunisie médicale", Journal de la Société Tunisienne des Sciences Médicales. Ce numéro annonce en couverture un article intitulé "Le Docteur André Corcos, hommage à un pionnier de la médecine tunisienne", et cet article - corédigé par le Docteur Zitouna et deux de ses collègues - est publié sous la rubrique "Notes d'Histoire" au tout début de la revue.
Il retrace la carrière de mon père (z"l), disparu l'an dernier au mois d'août, et à qui j'avais moi-même rendu hommage sur ce blog (voir en libellé). L'article est illustré par deux photographies, l'une qui date des années de l'indépendance (en haut), et l'autre des années 60 : les visages de mon père et de ma mère que l'on y découvre me rappellent donc des souvenirs d'enfance, et cette photo me "parle" encore plus (cliquer sur les illustrations pour les agrandir) !
Je reproduis juste ci-dessous les dernières lignes de cet article :
"Son dernier voyage hors de France l'aura donc mené symboliquement en Tunisie en 1999, où il a eu le bonheur de retrouver plusieurs anciens confrères et élèves, et d'être reçu parmi nous dans le service d'anatomie pathologique de son cher et vieil hôpital de la Rabta.
Il décéda à Paris, "Que Dieu ait son âme", le 4 août 2007, laissant le souvenir impérissable d'un grand médecin, pionnier de la médecine tunisienne."

J.C

25 mars 2008

Le message du Kremlin


Juste après le départ de la chancelière allemande Angela Merkel, le ministre des Affaires étrangères russe, Serguei Lavrov, est arrivé en Israël jeudi 20 Mars. Il a rencontré le Premier ministre Ehoud Olmert, la ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni, et le ministre de la Défense Ehoud Barak. Sa visite en Israël était motivée par deux raisons officielles : la signature d’un accord portant sur les visas, et l’ouverture des archives du ministère des Affaires étrangères russe pour la période couvrant les années 1953-1967.
Jusque maintenant, les citoyens israéliens souhaitant se rendre en Russie, ou les citoyens russes souhaitant venir en Israël, devaient faire une demande préalable de visa. A l’initiative du président d’Israël Beiténou, Avigdor Lieberman, cette mesure a été supprimée : si certains se sont inquiétés du fait que son annulation ne permettra plus de contrôler le passage de personnes recherchées - ouvrant la frontière aux criminels - l’objectif est de faciliter le tourisme et les relations commerciales entre la Russie et Israël.
En 1993, la Russie et Israël ont signé un protocole selon lequel les documents diplomatiques devaient être rendus publics de manière à permettre les recherches historiques. Des documents de la période 1941-1953 du ministère des Affaires étrangères russe, relatifs à ses relations avec Israël, ont déjà été publiés. Si certains diplomates ont confié que les documents véritablement importants - qui pourraient par exemple apporter de nouvelles informations sur le rôle de l’Union Soviétique dans la guerre des six jours - n’étaient probablement pas consignés au ministère des Affaires étrangères, les historiens s’accordent à penser que l’ouverture des archives mettra à la disposition des universitaires de nouveaux matériaux, précieux pour leurs recherches.

Mais l’intérêt du voyage de Lavrov ne consistait pas seulement dans la signature de ces deux accords. Le ministre des Affaires étrangères russe arrivait directement de Damas, et à un moment relativement critique dans les relations entre la Russie et l’Occident.

A Damas, Lavrov s’est entretenu avec le président syrien Bashar El Assad et avec le chef du bureau politique du Hamas Khaled Meschaal. Interrogé sur les relations que la Russie entretient avec le Hamas, Lavrov a répondu que le but de la Russie était de renouer le dialogue entre l’Autorité palestinienne et le Hamas, de manière à trouver une position commune qui permette de mettre en œuvre les objectifs de la Feuille de route. Après que l’Arabie Saoudite et l’Égypte - la Ligue arabe en son entier - aient échoué à ramener le Hamas et l’Autorité palestinienne à la table des pourparlers, une semblable tentative du Yémen n’a pas rencontré plus de succès ce week-end.
A son arrivée, quand le président Shimon Peres a évoqué les armes que la Syrie transférait au Hezbollah, le diplomate russe a répliqué que Moscou n’avait aucune information sur ce sujet. Plus tard, il a de nouveau invité le Premier ministre Olmert à participer à une conférence internationale sur le Moyen-Orient organisée à Moscou. L’idée de cette conférence avait déjà été soulevée au moment de la conférence d’Annapolis, quelques jours avant la conférence des donateurs de Paris. Ni les États-Unis, ni la France, ni Israël n’avaient manifesté un grand intérêt pour l’initiative de Poutine. Assad a répété lors de la visite de Lavrov que son pays se rendrait à la conférence de Moscou, dans la mesure où le statut du Golan y serait discuté, de la même manière qu’il s’était rendu à la conférence d’Annapolis, qui portait sur la relance des pourparlers israélo-palestiniens. Olmert a déclaré de son côté qu’il n’était pas certain que l’organisation de cette conférence était utile, confiant à Lavrov qu’il devait rencontrer Abbas la semaine prochaine.
Les États-Unis et la France ont donné la priorité à deux dossiers : les pourparlers entre Israël et les Palestiniens, la crise présidentielle libanaise. Un sommet de la Ligue arabe doit avoir lieu à Damas à la fin de la semaine, que certains pays arabes - dont l’Égypte et l’Arabie Saoudite - ont menacé de boycotter si une solution n’était pas trouvée à la crise politique libanaise. Le rôle obstructif de la Syrie, qui dirige l’opposition dans le parlement libanais, lui a valu des rappels à l’ordre tant de la part des États-Unis que de la France. En ce qui concerne les pourparlers avec l’Autorité Palestinienne, la situation semble être bloquée depuis que le Hamas, dopé par la prise de la bande de Gaza et sa mainmise sur la frontière égyptienne, prend progressivement le contrôle de la société palestinienne. Si la direction du Hamas qui opère dans la bande de Gaza a certainement pris le dessus - d’un point de vue politique et psychologique - sur celle qui œuvre depuis Damas, il n’en demeure pas moins que l’argent et les soutiens politiques transitent tous par la Syrie.
Dans ces circonstances, Israël préfère concentrer ses efforts diplomatiques sur les négociations avec le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas - remettant à plus tard le chemin de Damas. De toutes façons, ce chemin passe par Paris et Washington, qui ne donneront leur feu vert que lorsque leurs deux dossiers prioritaires auront progressé sensiblement. Le ministre des Affaires étrangères syrien Walid Moallem l’a bien compris, délivrant vendredi 21 mars au matin le vrai message de la Syrie : son pays ne participera à une conférence internationale à Moscou que si celle-ci ne porte pas préjudice aux pourparlers israélo-palestiniens. Dit autrement : Moallem admet que la Russie, qui pousse à l’ouverture de négociations entre Israël et la Syrie au détriment de la « piste » israélo-palestinienne parrainée par les États-Unis, n’est pas en position d’imposer sa volonté. C’est pourquoi la Syrie, qui a répété à plusieurs reprises qu’elle n’envisageait pas de négociations avec Israël en dehors d’un cadre officiel soutenu par les Américains, a fait un pas de côté.

Lavrov, en apportant à Olmert un message de Damas, a tenté de se substituer à l’interlocuteur naturel qui fait la médiation entre Israël et la Syrie : la Turquie. Celle-ci, appuyée par les États-Unis, ne peut que regarder d’un mauvais œil cette initiative russe, plus encore depuis qu’elle doit affronter les opérations de la guérilla kurde lancées depuis le territoire irakien où opèrent des groupes « révolutionnaires » manipulés par l’Iran. Mais une autre raison vient jeter le doute sur la sincérité - si l’on peut parler ainsi - de la médiation russe : le moment.
La secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice, accompagnée du ministre de la Défense Robert Gates, s’est rendue à Moscou lundi 16 mars pour y rencontrer le président Poutine - Medvedev prendra ses fonctions en mai - Lavrov, et le ministre de la Défense Anatoli Serdioukov. L’objet des discussions était le « bouclier anti-missiles » que les États-Unis comptent développer en Europe - en Europe de l’Est plus particulièrement. Cette rencontre a eu lieu à quelques jours d’un sommet de l’OTAN qui doit se dérouler à Bucarest où il sera question entre autre de l’adhésion de deux anciens alliés russes au pacte militaire de l’OTAN : l’Ukraine et la Géorgie. Toujours lundi, des émeutes violentes ont éclaté au Kosovo, la province séparatiste serbe à majorité albanaise qui a déclaré son indépendance il y a un mois, immédiatement reconnue par les États-Unis et la quasi totalité des pays d’Europe. La Russie, alliée de la Serbie, s’y oppose fermement. Mercredi, alors que Rice était encore à Moscou, les États-Unis ont répliqué en annonçant une livraison d’armes au Kosovo. 1 500 personnes, soutenues par l’opposition, ont manifesté devant l’ambassade des États-Unis à Tbilissi pour protester contre la visite du président géorgien Saakachvili à la Maison-Blanche. Le message de Bashar El Assad, relayé par Lavrov, ne pouvait donc pas tomber à pire moment. Pologne, République Tchèque, Ukraine, Géorgie, Arménie, Kosovo : du Caucase aux Balkans, les points de friction ne manquent pas entre la Russie et les États-Unis. Moallem et Olmert se sont bien gardés d’y ajouter la Syrie et le Liban.

La Russie, acculée le dos au mur, qui voit ses alliés un à un changer de camp, est donc placée dans une très mauvaise situation. Ne possédant pas un pouvoir direct sur les événements, elle se replie sur des réflexes d’autodéfense, utilisant l’agitation sociale, soutenant l’opposition, resserrant ses liens avec Téhéran et toutes les organisations en lien direct ou indirect avec l’Iran. Mais cette technique de déstabilisation et de pressions a un prix : mercredi 19 mars, pour la première fois depuis très longtemps, un accrochage violent a opposé les forces de sécurité russes aux rebelles tchétchènes, provoquant la mort de 9 personnes. Parmi elles, 3 terroristes tchétchènes, 4 policiers russes, un militaire et un civil. Tel était sans doute le message sans ambiguïté de Rice à Lavrov.

Isabelle-Yaël Rose,
Jérusalem

24 mars 2008

Le Diable n’est pas neutre, ou « Micheline chez les Mollahs »

Micheline Calmy-Rey et Mahmoud Ahmadinejad
(photo tirée du site iran-resist)

La semaine dernière aura été marquée par deux voyages bien différents, vus d’Israël ...
Lundi 17 et mardi 18 mars, l’État juif aura en effet eu droit à une visite plus que chaleureuse du Chancelier allemand, Angela Merkel, venue avec ses principaux ministres signer de très importants accords politiques et économiques - et marquant son voyage par des gestes d'amitié très forts.
Mais ce même lundi 17 se déroulait une autre visite, d’une autre femme leader d’un pays européen voisin, mais celui-là à Téhéran, chez l’affreux Ahmadinejad ... Micheline Calmy-Rey, ministre suisse des affaires étrangères, était venue signer un très important contrat gazier pour une durée de 25 ans, et portant sur des milliards de dollars (lire sur le site iran-resist tous les détails sur ce contrat) : brisant de facto la solidarité occidentale et internationale face au régime des Mollahs, elle n’a pas hésité non plus à s’afficher, tout sourire, portant un voile islamique en compagnie du nabot antisémite (voir la photo ci-dessus, ainsi qu’une collection complète toujours sur le site « iran-resist »).

Je vous propose de lire ci-dessous la traduction de la fin de l’éditorial - cinglant - du journal israélien « Haaretz » commentant cette visite ;

« Le comportement de la Suisse est honteux. Ce pays, qui se drape dans sa neutralité, est resté en dehors du conflit lorsque le continent où il se situe était à feu et à sang dans une guerre mondiale entre les forces des ténèbres d’Adolf Hitler et les forces de la lumière de Winston Churchill. Maintenant, il argue de sa neutralité dans le conflit entre l’Iran - qui réclame officiellement la destruction des Juifs dans leur propre pays - et Israël et le monde libre, qui essaient de faire échouer ce projet.

Soixante ans après l’établissement de l’État d’Israël, la Suisse ferme les yeux sur ce qui est évident à Merkel et Mac Cain. La Suisse doit être prévenue : le Diable n’est pas neutre, et il ne peut pas y avoir de neutralité à son égard. Quiconque n’est pas contre lui est, qu’il le veuille ou non, de son côté »



Editorial du Haaretz, 23 mars 2008
Traduction Jean Corcos

Pour une métaphysique volontaire de la politique en Mauritanie, par El Arby Ould Saleck (deuxième partie)

Tribune Libre

Le prisme de la singularité mauritanienne dans la généralité du monde arabo-musulman est un balancement instable ; en oscillation entre la déperdition des foules attachées à l’artefact d’un salut d’après la mort et la refondation métaphysique et politique qu’il exige de nous, le mouvement représente le summum du dilemme dans la quête d’un avenir viable et spirituel sur terre. La sortie de la religion dont il est question ici n’est pas une désertion de la croyance -l’une des expressions les plus abouties de l’Humanité - mais, plutôt, le dos tourné à un cadre où la religion commande la forme politique de la société, définit le lien social quotidien des citoyens et le rapport de la Mauritanie au reste de la mappemonde ; ce monstre dont il s’agit de s’émanciper frustre l’humain, le contraint dans son désir, l’oblige à tricher continument ou souffrir de transgresser. Notre programme de démocrates consiste à abattre l’enceinte d’une religion structurante pour élargir l’espace de vie où elle existe à l’intérieur d’une forme politique qu’elle ne détermine pas ; l’objectif tient d’une pulsion impérieuse, en somme refonder le consensus social sur des bases séculaires contre le fanatisme et l’intolérance ; c’est une stratégie de légitime défense mais à visée offensive.

Oui, n’en déplaise au Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui se fit bâtir une mosquée dans le domaine du Palais et nous ramena à l’inefficace démagogie du vendredi jour de congé hebdomadaire, la laïcité frappe, poliment, aux portes délabrées de la République Islamique de Mauritanie. Nous sommes ravis de citer ce mot de raison, pour le dépoussiérer de son interprétation simpliste que renforcent les esprits conservateurs et réfractaires à la possibilité d’un futur dont l’homme serait l’acteur démiurge. Nous le savons, quoique non étrangère au vécu de nos ancêtres sur ce sol, la notion comporte un sens hélas aux antipodes de la référence dominante en Mauritanie et en politique dans le monde arabo-musulman . La sécularisation est le cadre général d’interprétation de ce que nous avancions dessus sous l’appellation de sortie de la religion-carcan et qui se concrétise par la séparation du politique et du religieux pour l’émancipation de la politique. Nous voulons cantonner le spirituel et le culte dans l’ordre de la sphère privée et l’empêcher, ainsi, de servir d’outil de privation, de contrôle, d’amputation et de mort, entre les mains sanglantes du parti de la frustration que ses propres insatisfactions et délires conduisent à perturber le cours pacifique de la société. Notre loi fondamentale, que nous avons conçue et votée en toute conscience, pour les besoins spécifiques à notre destin en ce monde, devra subir une révision profonde afin de mieux cerner, sans concession, les contours du contrat social. En vertu de cette séparation, le salut restera une affaire individuelle, la religion la société de l’homme avec Dieu et l’Etat la société des hommes entre eux. Dans cette perspective, la domestication de la religion par la modernité politique (démocratie) s’effectuera avec une mutation tacite du contenu de la foi ... Dans l’effort de réduction-adaptation, la liberté du Citoyen couronnera l’échelle des valeurs et la figure de l’Etat en protégera l’usage, s’il le faut hors du champ de l’invisible.

La rupture ainsi esquissée, nous la souhaitons, l’appelons de nos voeux, voire l’exigeons pour que la Mauritanie s’affranchisse du bricolage bédouino-marchand que symbolique le scandale désormais courant d’une mosquée entourée de boutiques.

L’indépendance d’un peuple, se mesure un peu à la capacité de ses dirigeants à expérimenter, avec audace, des visions claires, lesquelles ne retiennent, en dernière instance, que les intérêts pratiques de la population. Oui, les collectivités citoyennes n’ont pas de religion mais des défis temporels. Dans le lexique de nos élites, ces terminologies agissent comme une soupape de sécurité à la médiocrité depuis longtemps domestiquée au point de devenir le naturel du chasseur revenant au galop. Certes tardive, l’oraison funèbre d’une politique de la Mauritanie axée sur un Orient divin, loin des souffrances de la majorité des citoyens, doit être prononcée après l’enterrement des 4 touristes assassinés en décembre 2007 aux environs d’Aleg.

Le pays entre dans une phase de l’histoire où toute communauté dépourvue des moyens de traiter ses contradictions se condamne à régresser. Si nous dédaignons de nous réapproprier, à reculons, le passé sombre des autres que nous tenons pour frères, nous contribuerions, de facto, à la métamorphose de l’Espèce vers davantage d’autonomie et de prévoyance. Paradis ou enfer, ici, maintenant, nous ne sommes encore que des ressortissants de la vie concrète.

El Arby OULD SALECK ,
Docteur en Science Politique, Paris, France

23 mars 2008

Pour une métaphysique volontaire de la politique en Mauritanie, par El Arby Ould Saleck (première partie)

Tribune libre
Introduction :
On ne parle pas assez de la Mauritanie, ce grand pays charnière entre le Maghreb et l’Afrique Noire. Pourtant, le terrorisme d’Al-Qaïda l’a mis sous les projecteurs de l’actualité il y a quelques mois : j’avais eu peu avant la chance de faire la connaissance d’El Arby Ould Saleck, un politologue mauritanien vivant en France, qui a été mon invité le 27 janvier (lire sur le blog). Il m’a envoyé récemment le texte d’un article publié dans la presse et sur des forums Internet mauritaniens : il s’agit d’un plaidoyer vibrant, à la fois pour un état de droit et pour la laïcité, et je le publie avec plaisir, ce journal en ligne servant aussi à faire entendre le courant libéral et démocrate existant dans le monde musulman. Il contient aussi des passages très critiques vis-à-vis du gouvernement actuel de Nouakchott, et c’est pourquoi je le reproduis ici sous la rubrique « Tribune Libre ». Cette contribution étant par ailleurs assez longue, je la publie en deux parties, la suite étant mise en ligne demain.
Bonne lecture !

J.C

L’islamisme renferme la plupart des signes d’inquiétude d’une Mauritanie qui se cherche et vacille entre la quête d’une modernité politique et l’attachement à une identité contestée et contestable par son instrumentalisation aux fins du pouvoir. Dans la constitution de ce qui ressemble à un Etat, la Mauritanie apparaît sous les traits imprécis d’une sous-banlieue lointaine du monde arabe et d’un faubourg gris de l’Afrique; point besoin n’est, donc, d’en recenser les handicaps à la naissance !

Les événements de ces derniers mois, avec l’assassinat de touristes français en décembre et les tirs d’armes sur la façade de l’ambassade d’Israël en janvier, suivis de la revendication, par une partie de l’opposition institutionnelle, de rompre les relations diplomatiques avec cet état, dévoilent l’impératif, pour notre génération et celle en devoir de forger une modernité transversale dans ce pays, d’une vigilance sans relâche. Ici, la nécessité a, pour préalable, une sortie de la religion-carcan pour qu’enfin se lève et marche un peuple mauritanien « métaphysiquement démocratique ».. Pour reprendre une idée d’André Malraux, « Dieu n’est pas fait pour être mis dans le jeu des hommes comme un ciboire dans la poche d’un voleur ! »

En effet, dans le monde arabe en général et la Mauritanie en particulier, il ne nous échappe que les dirigeants, faute de légitimité populaire ou historique, ont toujours été enclins à en rechercher, de substitution ; leur choix, comme souvent chez les paresseux incapables d’originalité, se portait sur la religion. L’alibi-bouclier-prétexte confessionnel- ici l’Islam comme fondement de l’Etat, un concept étranger à la première Constitution en 1959 - recelait une trouvaille pour asseoir la médiocrité politique au sommet et permit, à partir du 10 juillet 1978, de vulgariser le recrutement des cadres publics en fonction des critères de piété, de charité et de notoriété religieuse. Le tribalisme aidant et l’arabisation conçue dans un esprit d’exclusivité facilitèrent le glissement vers une révision des codes de valeur, au détriment de la compétence, du mérite, de l’intégrité, conditions à caractère laïc et universel, nettement plus en vigueur sous le régime civil de Maître Mokhtar Ould Daddah, cette époque aujourd’hui lointaine où un fonctionnaire corrompu échouait en prison et rendait compte de son forfait, bon croyant ou pas.

Aujourd’hui, nous pensons que nul parmi nous ne peut se concevoir en tant que citoyen commandé par l’au-delà ! Quelles que soient nos divergences d’idéologie - nombreuses au demeurant -nous oeuvrons, en qualité d’hommes en situation, à créer et entretenir une communauté de destin sur le seul espace où nous pouvons vivre. Un mauritanien qui s’est empli les poumons de l’air et de la poussière de chez soi ne peut que survivre ailleurs. La cité de Dieu sur terre est étrangère à notre besoin congénital de liberté. Ceux d’entre nous qui la réfutent justement au nom de l’authenticité n’acceptent pas de quitter le navire ; avec les barbus et leurs épigones, il nous faudra alors trouver une solution par quoi cohabiter. Hormis la démocratie pluraliste et apaisée, je n’entrevois d’autre formule viable. Reste la guerre ; en ce monde, nul n’a le monopole des armes, surtout pas la « maraboutiquerie » locale. Entre mauritaniens, nous savons nos limites historiques. Notre mémoire est encore verte d’où la limpidité de son legs.

Mêler l’idée d’un Dieu à l’ordre de l’ici-bas semble un sacrilège au regard de la relativité humaine et un frein aux efforts déployés, ici et là, pour la libération de l’individu pionnier, novateur ou simple architecte d’un devenir indéterminable. Il y’a, dans l’idée de satisfaire aux injonctions du Ciel sur terre, une insolence et une vanité égales. Par bonheur, la vie et ses joies auront toujours le dernier mot, face aux censeurs ; ici, avant d’élever un minaret de la dérision - il suffit de les voir minuscules par le hublot d’un avion - à la gloire de la Toute Puissance, il importe de se demander quel crime l’on ne commet pas à oublier la subvention d’une école, d’un dispensaire, d’une salle de cinéma. Nous étions nomades, pasteurs ou cultivateurs sobres ; l’Orient Arabe nous empoisonne depuis plus de deux décennies. Notre complication vient de ce mimétisme du mauvais goût. La Hassanité linguistique et esthétique est en train de s’y fondre, dérivant vers une copie consumériste où le discernement s’estompe sous le faix de la Marchandise. L’on s’endette pour rejoindre la Mecque et un tour à Dubaï rapporte de quoi racheter la créance. La norme conditionnelle - pas de pèlerinage sous crédit - se dissout dans cette négociation permanente entre la foi intime et le flot d’images des chaînes satellitaires arabes. Notre complication est une complexité qui puise dans la fertilité du complexe de ne pas être des sémites garantis. La seule manière de guérir d’une telle névrose, c’est finalement de se l’avouer.

El Arby OULD SALECK ,
Docteur en Science Politique, Paris, France

20 mars 2008

Pourim Sameah !

La Reine Esther face au Roi Assuerus,
huile de Francesco Cauciq (1755-1828)
Musée d'Art de l'Université de Virginie

Une toile sur la Toile
- mars 2008

Ce soir les communautés juives du Monde entier célèbreront la fête de Pourim, premier miracle en Diaspora, dont les héros sont des personnages historiques de la Perse ... et dont l'histoire a marqué aussi la culture européenne, de la célèbre pièce de Racine à de très nombreux peintres classiques. Je n'ai donc pas résisté à agrémenter le blog d'une œuvre fort jolie (cliquer sur l'image pour l'admirer en grandes dimensions).

Pourim Sameah, bonnes et heureuses fêtes à tous les lecteurs des communautés juives, en France et ailleurs !

J.C

19 mars 2008

Deux manifestations de l’Amitié Judéo Noire

Ce n’est pas tout à fait l’objet de mon émission et de ce blog et pourtant ... c’est avec plaisir que je relaie cette information reçue du Docteur Yves Kamami, infatigable militant communautaire au CRIF et dans d’autres associations. Il est l’un des cofondateurs de « L’amitié Judéo Noire », qui concerne donc indirectement beaucoup de Musulmans originaires d’Afrique, mais également des Antillais et Franco Africains de confession chrétienne ou autres.
Petit extrait de leur présentation :
« L'Amitié Judéo Noire souhaite faire en sorte qu'entre peuple juif et peuples noirs, africains et antillais, la connaissance, la compréhension, le respect et l'amitié se substituent aux malentendus et aux manifestations d'hostilité. Au sein de l'Amitié Judéo Noire, nous voulons, par un dialogue fraternel et par une coopération active et amicale, travailler sur l'histoire et la mémoire du peuple juif et des peuples noirs, africains et antillais, et combattre l'antisémitisme et le racisme dans toutes leurs manifestations. »Une association basée donc sur le dialogue inter communautaire et interreligieux, qui a beaucoup de choses en commun avec ma propre démarche.

L’Amitié Judéo Noire et le FIFET (Festival international contre l’exclusion et pour la tolérance) présentent tout d’abord deux films, suivis d’un débat au cinéma « Images d’ailleurs » (rue de la Clé, 75.005 Paris, à deux pas de notre radio Judaïques FM), ce dimanche 23 mars : plus d’informations sur le site du FIFET en lien.

Et puis, en collaboration avec le CM98, le CRIF et le B'nai B'rith France, un colloque au Sénat le dimanche 6 avril, sur le thème « Mémoires juives et antillaises, hommage à André et Simone Schwarz Bart » : plus d’informations sur le site de l'Amitié Judéo Noire

J.C 

Enfants assassinés de Jérusalem : un dessin redevenu d'actualité


J'ai illustré la semaine dernière un article d'Isabelle-Yaël Rose ("Après l'attentat contre la Yeshiva"), par la photographie des malheureuses victimes qui avaient, rappelons-le, en majorité entre 15 et 18 ans - ce que beaucoup d'agences de presse auront édulcoré, en parlant "d'étudiants" ...

Le choc passé, il m'est alors revenu une autre chose également effacée dans trop de commentaires de nos grands médias : le mépris absolu de toute règle d'humanité par les terroristes islamistes, qui ciblent volontiers des enfants : ainsi, lors de la prise d'otages il y a quelques années dans une école de Beslan, il y eut des centaines d'enfants tués ... mais la plupart des commentateurs occidentaux ont disserté sur la responsabilité des forces spéciales russes, présentées comme les vrais responsables du massacre.

Mais en voyant les regards de ces huit malheureux pris pour cibles, il m'est aussi revenu un autre souvenir : celui d'une époque, déjà lointaine, où mon engagement journalistique et bénévole portait sur un autre domaine, celui du dessin de presse ... et où je publiais sous le pseudonyme de "GAN" dans les médias communautaires. Ce dessin avait été fait suite à l'un des attentats antisémites qui allaient ensanglanter l'Europe au début des années 1980, et qui furent attribués au groupe terroriste Abou Nidal. J'avais fait ce dessin d'après la photographie de David Kohane (z"l), jeune écolier de 15 ans et demi assassiné lors d'une fusillade à Anvers en août 1980. Et il m'avait été "commandé" par l'ABK, "Association des bourses du Keren de l'Université de Tel Aviv", dont il devait illustrer le calendrier pour l'année 5742 ... plus de 25 ans après, j'ai conservé ce petit calendrier tout jauni. 

J.C

18 mars 2008

Qui a peur des Juifs orthodoxes ?

Jeudi 6 mars, le ministre de la Défense Ehoud Barak a provoqué une nouvelle crise dans la coalition au pouvoir en déclarant qu'il refuserait d'accorder l'exemption militaire à 1.000 haredim étudiants de la Torah (en hébreu, talmidei-Torah). Alors que la question de Jérusalem a déjà poussé le Shas hors du gouvernement, suite aux révélations selon lesquelles l'équipe de négociateurs israéliens avait abordé le statut de Jérusalem avec les Palestiniens, faisant pressentir un futur partage de la capitale d'Israël - le Shas est de nouveau dans la ligne de mire.

D'après une loi portant le nom du député l'ayant présentée, la « loi Tal » prévoit que les talmidei-Torah sont exemptés du service militaire. Juste après la seconde guerre mondiale, alors que l’État d'Israël était en train de poser ses fondations, les religieux orthodoxes (haredim) étaient venus soumettre au Premier ministre d'alors David Ben Gourion une requête : exempter du service militaire tous les hommes ayant dévoué leur vie à l'étude de la Torah. L'argument présentait deux faces. D'une part, la Shoah avait décimé toute la communauté juive d'Europe et avec elle les plus grands maîtres de la Torah, les écoles talmudiques les plus actives, mettant en danger la transmission de l'étude et par là même de l'identité juive. Pour protéger l'enseignement de la Torah et la transmission de notre Histoire, il était donc urgent de fonder de nouvelles écoles, qui forment de nouveaux élèves amenés à devenir de nouveaux maîtres, dont la présence était nécessaire pour assurer la renaissance de la vie juive en Israël. D'autre part, dans le contexte de la création du nouvel État, confronté à de multiples défis, les haredim soutenaient l'idée que les valeurs et les traditions juives étaient destinées à jouer un rôle fondamental : elles seraient les fondations spirituelles, l'âme de la nouvelle société, les repères mais aussi le but de l'accomplissement d'une vie véritablement juive en Israël. Parce qu'une armée puissante, des soutiens politiques importants, une vie économique florissante, ne suffisaient pas à garantir l'avenir du peuple juif de retour sur sa terre : Il fallait donner une âme au corps, qui l'anime et le protège. Dans cette perspective, l'étude de la Torah, les prières, le respect des lois sacrées, étaient un rempart aussi nécessaire qu'une armée - en fait, loin de se substituer, ou de se livrer une compétition, les deux se complétaient.
En votant la « loi Tal », Israël allait donc renouer avec une vieille tradition issue de son passé : l'alliance sacrée entre l'armée et les prophètes.

Aujourd'hui, la situation a tout à fait changé. Les écoles d'étude de la Torah sont dynamiques - en Israël comme à l'étranger. Elles fournissent à cette génération mais promettent aussi aux générations à venir des maîtres et des élèves de qualité de telle sorte que le Judaïsme ne paraît plus en danger. Au moins dans son aspect spirituel. La population haredi est prospère, représentant une partie non négligeable de la société israélienne. Mais cette vitalité du monde orthodoxe a un effet pervers.
D'après un récent rapport de l'armée, on observe un accroissement des demandes d'exemption de service militaire. Ainsi, un homme mobilisable sur quatre ne s'est pas engagé l'année dernière. 11% des exemptions ont été accordées au motif que le candidat est un talmid-Torah. Le rapport prévoit que d'ici 10 ans, les haredim constitueront le quart de la population des hommes de 18 ans, éligibles pour une exemption. Malgré les efforts de l'armée pour inciter les haredim à s'engager dans une unité spéciale de l'armée - l'unité des Nahal haredi - seulement 350 étudiants de Yeshiva se sont engagés l'année dernière, parmi une population qui compte des milliers de personnes. L'unité des Nahal respecte la stricte séparation des sexes, le respect des lois de la casheroute, du Shabbat, et des lois halachiques d'une manière plus générale.
Le rapport de l'armée a également mis en lumière un nouveau phénomène de société : alors que les religieux nationalistes se remarquaient par un taux de participation élevé dans l'armée, il semble décliner, les étudiants sionistes religieux préférant dorénavant repousser leur engagement militaire. Ce phénomène date en gros de la période du désengagement de la bande de Gaza, où de nombreux nationalistes se sont sentis trahis par l'armée.

C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la déclaration de Barak.

Eli Yishaï, le président du Shas, a vivement réagi accusant le ministre de la Défense « de mettre en danger la coalition » par ses provocations. Il a également indiqué que le Shas ne pourrait pas rester dans le gouvernement si celui-ci déniait aux étudiants de Yeshiva le droit d'étudier la Torah. Le parti orthodoxe séfarade, placé sous l'autorité du Conseil des sages de la Torah présidé par le Rav Ovadia Yossef, ne peut pas approuver ce projet de Barak. Du moins, pas en l'état.
De leur côté, des députés du Likoud ont déclaré que Barak avait fait cette déclaration pour cacher le fait qu'il donnait son approbation à toutes les autres initiatives du Shas. Il y a trois mois, le gouvernement a ré-instauré un ministère des affaires religieuses dirigé par le député Shas Itzak Cohen, quand ce ministère avait été liquidé par le Shinouï, le parti laïc voire anti-religieux de Tommy Lapid. Il y a deux semaines, la Knesset a approuvé à une large majorité une loi présentée par le Shas qui prévoit de limiter l'accès aux sites internet pornographiques et extrêmement violents pour les enfants. Enfin, d'autres projets sont en discussion, dont le plus décisif porte sur l'autorité des tribunaux rabbiniques dans les questions de mariage et de divorce. Le député Likoud Youval Steinitz - l'un des jeunes députés prometteurs liés à Benyamin Netanyahou - a déclaré que s'il devait être ministre de la Défense sous un gouvernement présidé par Netanyahou [donné largement vainqueur dans tous les sondages], il réformerait la « loi Tal ». A cause d'elle, 30.000 haredim sont exemptés de l'armée, soit 11% de la population mobilisable. Il a expliqué : « Ce n'est pas une question de nombre, mais une question d'éthique. Je peux accepter que quelques milliers d'étudiants soient sélectionnés pour étudier [la Torah], comme au temps de David Ben Gourion. Mais la situation actuelle de milliers de garçons ultra-orthodoxes qui ne servent pas dans Tsahal est intolérable et doit être changée, non pas parce que nous avons un besoin urgent de soldats, mais parce que nous avons besoin de sentir que tous les secteurs de la population partagent la mission de protéger notre patrie ». Se référant au fait que les haredim craignent que leurs enfants soient exposés à des situations qui mettent en danger leur observance des commandements de la Torah, Steinitz a proposé que ceux-ci servent dans des bases proches de leur domicile, ce qui leur permettrait de pouvoir rentrer dans leur communauté.
Steinitz ne s'est pas exprimé sur la nature des exemptions autres que « haredi » représentant 89% du chiffre total. Ni sur le taux particulièrement bas des engagements dans certains secteurs géographiques de la population.
Barak s'est mis en contact avec Yishaï et le ministre Shas des Communications Ariel Attias afin d'apaiser la polémique et de discuter du problème des exemptions.

Mais comme l'a dit Steinitz, indépendamment des chiffres, la déclaration de Barak pose deux graves questions : si l'armée est nécessaire - et accomplit un travail sacré - en protégeant Eretz-Israël, est-elle suffisante pour garantir la pérennité de l’État et du peuple d'Israël ? Un juif orthodoxe pratiquant est-il un mauvais Israélien ? C'est la nature du rapport entre Torah, État, Judaïsme et Israël qui doit être examinée.

Isabelle-Yaël Rose,
Jérusalem

17 mars 2008

Le Pakistan après l’assassinat de Benazir Bhutto : Coline Tison sera mon invitée le 23 mars

Partisans de Benazir Bhutto pleurant devant son mausolée (photo AFP)

Nous allons parler dans ma prochaine émission du Pakistan, un état de 160 millions d’habitants, le sixième du monde par sa population, et le deuxième après l’Indonésie parmi les pays musulmans. Cela faisait longtemps que je souhaitais traiter de ce pays, dont nous n’avions pas parlé depuis plusieurs années et qui est revenu au premier plan de l’actualité. Mon invitée sera Coline Tison. Coline Tison est une jeune journaliste reporter, travaillant pour une agence indépendante « Wild Angle productions » Je vous invite à visiter son site : http://www.waproductions.fr/ : vous pourrez y trouver des extraits de reportages vidéos, et en particulier plusieurs consacrés au Pakistan. Les téléspectateurs de Arte ou de France 2 ont pu suivre ces reportages, et j’ai vu personnellement celui produit par mon invitée juste après l’assassinat de Benazir Bhutto. Elle nous apportera donc un témoignage de terrain, il s’agit d’une région qu’elle connaît et aime particulièrement puisqu’elle est allée souvent en Inde et au Pakistan, et nous parlerons, au-delà de la politique, de ces sociétés tellement diverses dont nous n’avons en vérité que des clichés en mémoire.

Juste quelques mots de rappel sur les derniers mois : il y a eu d’abord en juillet dernier la prise d’assaut de la « mosquée rouge » d’Islamabad qui était un repère d’islamistes armés ; ensuite une longue année d’affrontements entre l’armée et ce que l’on pourrait appeler les « pro Talibans », avec de multiples attentats et au total plus de 800 tués ; et puis on a vécu, aussi, une crise politique avec un président dictateur, Pervez Musharraf, bien peu enclin à céder à l’opposition, et le retour de deux leaders exilés, Nawaz Sharif et Benazir Bhutto, cette dernière, surtout incarnant l’espoir d’un Pakistan à la fois démocratique, tournant le dos au fondamentalisme et aidant les Occidentaux embourbés dans l’Afghanistan voisin ; après une première tentative dès son retour, la malheureuse a été assassinée le 27 décembre ; et enfin, le 18 février dernier on a eu des élections législatives qui ont vu le triomphe des opposants à Musharraf.

Parmi les questions qui seront abordées dans notre interview :

- Où en est l’enquête sur l’assassinat de Benazir Bhutto ?
- Comment définir son parti : est-ce que c’est un parti clanique et féodal ? Est-ce que c’est un parti régionaliste ? Ou bien est-ce que c’est au fond le parti de la minorité chiite, qui est périodiquement persécutée par les Sunnites ?
- L’autre vainqueur des élections législatives, c’est Nawaz Sharif : lui est Sunnite, comme la majorité de la population, il avait été chassé par le coup d’état de Musharraf en 1999 et on le dit soutenu par l’Arabie Saoudite : comment son parti, la « Ligue musulmane », est-il vu au Pakistan, et quelles sont les couches de la société qui le soutiennent - et cela, alors qu’il devrait faire alliance avec le parti dirigé maintenant par le mari de Benazir Bhutto ?
- Il semble bien que les islamistes aient fait peur à beaucoup de Pakistanais : y a t il deux parties de la société complètement opposées ?

... Et puis Coline Tison, jeune femme reporter, nous racontera comment elle a été accueillie dans un pays où la plupart des femmes sont voilées !

J.C

16 mars 2008

Quand Bernard Lewis, Orientaliste mondialement reconnu, vient conseiller le gouvernement israélien …

Bernard Lewis

Bernard Lewis est un Orientaliste de réputation internationale. Né dans une famille juive anglaise en 1916, il a enseigné à l’Université de Londres jusqu’en 1974 avant de rejoindre la prestigieuse Princeton University aux États-Unis, dont il allait devenir citoyen et, beaucoup plus tard, un conseiller écouté en matière de politique au Moyen-Orient.

Pour mieux le connaître, je vous invite à consulter la page qui lui est consacrée sur l'édition de Wikipedia en langue anglaise, à comparer à la version française sur cette même encyclopédie. On notera en particulier que les rédacteurs français insistent relativement beaucoup plus sur ses positions controversées en ce qui concerne le génocide arménien ... Bernard Lewis, en fait, n’a jamais nié les massacres de grande ampleur commis dans l’Empire ottoman pendant la Première Guerre Mondiale ; mais il refuse d’accepter qu’il y ait eu une extermination planifiée par le gouvernement turc de l’époque.

Peut-être ce refus doit-il, en partie, à sa fascination pour la Turquie, dont il parlait la langue - comme d’ailleurs l’Arabe et le Farsi - et auquel il consacra de nombreux ouvrages. Mais on pourrait en dire autant pour le monde arabe dont il a été un éminent spécialiste, à la fois en matière d’histoire médiévale et contemporaine (voir sa bibliographie dans les liens ci-dessus). Je dois avouer - à ma grande honte - n’avoir lu de lui que deux traductions publiées aux éditions Gallimard, « l’Islam en crise » et « Que s’est-il passé ? L’Islam, l’occident et la modernité ». Précisons aussi que, pour des tas de raisons pratiques - et aussi parce qu’il ne donne que de très rares interviews - je n’ai pas eu l’immense honneur de l’avoir comme invité.

Bernard Lewis n’a jamais renié sa filiation juive, même si son approche historique est d’abord scientifique. Il a été un des premiers à consacrer un ouvrage au traitement des minorités juives par les Musulmans, sujet qui par exemple n’a guère intéressé les grands noms de l’Orientalisme français comme Louis Massignon, sous la direction duquel il obtint un « diplôme d’études sémitiques » en 1937. Contrairement à ses collègues obligés d’en « rajouter une couche » en matière d’antisionisme pour pouvoir continuer à être invités dans le monde arabe, Bernard Lewis a toujours pris la défense d’Israël ... y ayant même en « pied-à-terre » à Tel Aviv, où il se rend régulièrement.

A l’occasion de sa dernière visite au début du mois de mars, il a été reçu par les personnalités les plus importantes, du Premier Ministre Olmert au Ministre de la Défense Barak ! Vous pourrez lire (en anglais, naturellement) l'article du quotidien Haaretz où ces entretiens sont relatés : alors que les responsables israéliens du renseignement se montrent très pessimistes sur les chances de nouveau conflit en 2008, Bernard Lewis, lui dit « que le syndrome Sadate » pourra s’étendre au Moyen Orient, les dirigeants de plusieurs pays arabes sunnites trouvant au final la République Islamique d’Iran plus inquiétante pour eux que l’État d’Israël ; à noter aussi que, par contraste, il recommande ne rien négocier avec la Syrie : « Assad est un extrémiste dont le régime doit être remplacé », pense-t-il.

En complément, et pour ceux que la langue anglaise ne rebute pas, vous pourrez lire l'interview récente qu'il a donnée au quotidien "Jerusalem Post" : il y développe les mêmes analyses que celles que j’ai résumées ci-dessus, avec quelques illustrations qui témoignent de sa grande érudition.

J.C

13 mars 2008

"Boycotter le salon du livre est d'une bêtise rare", par Mohamed Sifaoui

Introduction :
Je n'ai pas encore eu le plaisir de recevoir Mohamed Sifaoui à mon émission ... Sans doutes, ce journaliste, libre penseur et profondément laïc, n'apprécierait pas d'être invité en tant que "musulman", même s'il ne renie pas sa religion d'origine. Mais, ayant du fuir l'Algérie après la vague d'attentats islamistes des années 90, ayant fait du combat intellectuel contre les salafistes une vraie raison de vivre, il aurait sûrement beaucoup, beaucoup de choses à raconter ! Indépendant il l'est, assurément, et il vient de le prouver par un article sur son blog (adresse : http://www.mohamed-sifaoui.com/) où il dénonce le boycott du salon du livre par plusieurs pays arabes, au motif qu'Israël est l'invité d'honneur cette année, année de son soixantième anniversaire !
N'ayant pas pour habitude de copier sans autorisation les articles de blogs confrères, je me permets juste de vous donner envie de le lire en en reproduisant ses premières lignes ... Soyons honnête : Mohamed Sifaoui se montre aussi critique vis à vis de la réponse militaire donnée aux attaques du Hamas, et je ne partage pas son avis ; mais dans la plus grande partie de son propos, il tranche par son courage par rapport à trop d'intellectuels d'origine musulmane ; et je me devais de le saluer ici.
J.C

"C'est une catastrophe, un malheur et une malédiction qui viennent de s'abattre sur la culture universelle : le sultanat d'Oman, l'Arabie Saoudite, l'Iran, le Yémen ainsi que d'autres pays arabo-musulmans boycottent le salon du livre de Paris. Le public n'aura donc pas l'occasion d'apprécier les grandes œuvres littéraires produites par ces pays. Quel dommage !

Naturellement, c'est pour rire - parce qu'il vaut mieux en rire qu'en pleurer - que j'écris ce qui précède. Quand on connait l'apport des intellectuels iraniens version Ahmadinejad ou celui des Saoudiens abreuvés au Wahabbisme ou encore celui des intellectuels algériens sympathisants de Bouteflika, on ne peut que se réjouir de l'absence de ces pays. Si j'avais ce pouvoir, j'aurais fait d'Israël l'invité d'honneur chaque année, juste pour constater l'absence de ces ennemis de la démocratie dans les couloirs du salon. Ces pays - dont les dirigeants boycottent par ailleurs la démocratie, les droits de l'Homme, l'intelligence, le travail, l'honnêteté, le respect de leurs administrés, le bon sens, la bonne gouvernance, etc. - ont décidé d'adopter cette attitude pour protester contre "le titre d'invité d'honneur accordé à Israël par les organisateurs du salon ..."

Mohamed Sifaoui

lire l'article sur le blog de Mohamed Sifaoui

12 mars 2008

Conférence le 17 mars : la Tunisie à l'honneur à l'Institut du Monde Arabe



C'est avec plaisir que je relaie cette invitation reçue d'amis tunisiens, et m'informant d'une conférence à l'Institut du Monde Arabe (1 rue des Fossés Saint Bernard, Paris), ce lundi 17 mars à 15h30 (réservations au 06.69.75.59.67).
Son thème sera : "Tunisie, diversité culturelle et modernité". C'est vrai que les deux vont toujours de pair, les pays les plus xénophobes ayant le plus de mal à s'intégrer dans le grand jeu de la mondialisation ... contrairement à la Tunisie, dont le PNB par habitant ne cesse de progresser !

Hélas, je ne pourrai personnellement me libérer le 17 mars : je raterai ainsi une occasion de retrouver, et de saluer deux personnalités rencontrées en Tunisie en mai dernier à l'occasion d'un colloque où j'avais été invité, le professeur Mohamed Hassine Fantar (titulaire de la Chaire Ben Ali pour le dialogue des Civilisations et des Religions) et le professeur Robert Bismuth, Président du Comité de Coopération Marseille Provence Méditerranée (voir articles en libellé).

J.C

Concert "Musiques d'Abraham" au Temple du Luxembourg



Ce n'est pas l'objet de ce blog de traiter de l'actualité culturelle ou littéraire, et il m'arrive de m'excuser auprès de lecteurs m'informant de la parution d'un nouveau livre, ou d'un CD musical s'ils sortent des domaines couverts par à la fois mon émission et ce site support.

Si je vous parle de ce prochain concert de musique classique, c'est qu'il est tout à fait dans l'esprit d'ouverture et d'espérance de "Rencontre" : il doit avoir lieu dans un lieu chrétien (le Temple du Luxembourg), très chrétien d'ailleurs avec un récital d'orgue ; mais la cantatrice mezzo qui m'en a informé est juive, et une militante qui ne désespère pas de la Paix, malgré l'actualité qui est bien triste depuis des années ... Le joli titre retenu pour l'ensemble des œuvres qui seront jouées est "Musiques d'Abraham", avec des titres comme "Chant du Muezzin", "Kaddish" ou "le Psaume 51" de Jean-Sébastien Bach.

Ce concert aura lieu le 15 mars prochain à 20 heures 30 (tous les détails sur l'affiche en illustration). 

J.C

11 mars 2008

Après l'attentat contre la Yeshiva

Les huit adolescents assassinés dans la Yeshiva Merkaz Harav

Jeudi 6 mars vers les 20h30, alors que les étudiants de la Yeshiva du Rav située dans le quartier de Kyriat Moshe étudiaient et célébraient le commencement du mois d'Adar, Ala Abou Dhaim, un résident de 25 ans de Jérusalem Est, a fait irruption dans le bâtiment sacré, massacrant avec une arme à feu des adolescents sans défense. Huit d'entre eux, âgés en moyenne de 16 ans, sont morts - parmi les victimes, un jeune français : Segev Peniel Avihail, 15 ans, de Neveh Daniel.
Cet acte n'est pas sans rappeler l'attentat-suicide de 2002 qui avait pris pour cible l'Université hébraïque de Jérusalem. Un autre jeune français, David Gritz, étudiant en philosophie, décrit par tous comme un jeune homme doux et tolérant, était mort. Le terroriste, en frappant l'Université, l'une des premières institutions créée par Israël, savait où il frappait : un lieu d'étude et de savoir, mais aussi un lieu de rencontres et d'échanges inter-culturels. Un lieu tourné activement vers la paix.

Le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter a réagi dès vendredi à l'attentat, alors qu'il revenait d'Efrat [implantation en Judée] où l'une des victimes a été enterrée : « Nous devons trouver un moyen légitime et légal pour jeter dehors les quelques Arabes palestiniens qui choisissent d'aider et de participer au terrorisme. Il faut les expulser à Ramallah ! ». Deux jours plus tard, le président du parti national religieux, le député Zébulon Orlev, a déclaré que la loi devait être changée pour permettre l'expulsion de la famille Dhaim vers Gaza.
Un groupe jusqu'alors inconnu - « les martyrs d'Imad Mougnieh », du nom du chef du Hezbollah éliminé à Damas il y a un mois - a d'abord revendiqué l'attentat sur les ondes d'Al Manar, la télévision du Hezbollah qui émet depuis le Liban. Les officiels du Hezbollah ont pourtant rejeté toute implication dans le massacre. De son côté, le Hamas qui avait initialement revendiqué l'attentat est revenu sur sa déclaration.
Tout se passe comme si le Hezbollah et le Hamas, d'habitude prompts à revendiquer des attaques de cette sorte, se sont ravisés. Est-ce un effet de l'élimination de Mougnieh ? De l'opération « Hiver chaud » de la semaine dernière ? Cette retenue, cet effacement inhabituels, sont en tous les cas à méditer.
Pour sa part, le journal de langue arabe Al-Hayat, publié à Londres, a rapporté samedi 8 mars que la Syrie était derrière l'attaque. Selon l'article, celle-ci chercherait à détourner l'attention des pays arabes du Liban, pour la tourner vers la bande de Gaza et la Cisjordanie. Il y a deux semaines, certains pays - dont l’Égypte et l'Arabie Saoudite - avaient en effet menacé de boycotter le sommet de la Ligue arabe qui se tiendra à Damas à la fin du mois si une solution n'était pas trouvée à la crise présidentielle libanaise. Un officiel égyptien a confié au journal financé par les Saoudiens que l'escalade sur le front palestinien servait les intérêts syriens.
Quoiqu'il en soit, l’Égypte est de nouveau dans l’œil du cyclone : deux mois après la destruction de la frontière de Rafiah - qui protège l’Égypte de la bande de Gaza - la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, en visite en Israël mardi dernier, a demandé à l’Égypte d'utiliser son influence pour calmer le Hamas. Lors des rencontres organisées au Caire entre les officiels égyptiens et les officiels du Hamas et du Djihad islamique, ceux-ci ont posé trois conditions à un arrêt de leurs activités : que la frontière de Rafiah soit de nouveau ouverte, que le Hamas en partage le contrôle, qu'Israël cesse ses actions militaires en Cisjordanie. En demandant cela, le Hamas a donné un coup non seulement à la souveraineté de l’Égypte, et à celle de l'Autorité palestinienne qui est l'interlocuteur naturel pour tout ce qui concerne la Cisjordanie, mais aussi à celle des États-Unis : l'administration Bush agit en effet pour que le contrôle de Rafiah soit partagé entre l’Égypte et l'Autorité palestinienne sous la supervision d'une présence européenne. La présence du Hamas est exclue.

Mais l'attentat contre la Yeshiva a provoqué un autre débat dans la société israélienne : celui qui porte sur le deuil de la famille et sur la manière dont celle-ci doit être traitée. Débat moral, mais aussi religieux si l'on veut bien admettre que les lois du deuil sont un sujet religieux et non pas seulement sécuritaire ou politique, qui engage l'idée que nous nous faisons du Judaïsme. Et des normes éthiques qui doivent être celles de la première démocratie juive. Car Israël n'est pas comme les nations : Israël a été élu pour être la lumière des nations.
Le président du Likoud Benyamin Netanyahou a déclaré sur les ondes de Kol Israël dimanche 9 mars que la « tente de deuil » dressée par la famille du terroriste - suivant la loi islamique - devait être détruite. Il s'est réclamé de l'exemple des Jordaniens qui ont interdit à la famille du terroriste résidant près d'Amman de faire un deuil public.
Une source du ministère de l'Intérieur du royaume Hachémite a expliqué que l'interdiction du deuil public avait été décrétée pour des raisons de sécurité. Il a indiqué que la Jordanie ne permettrait à aucun groupe ou aucun individu de porter atteinte à sa sécurité nationale en organisant des événements qui soutiennent publiquement la violence contre des civils. Ces deuils publics sont en effet utilisés par les islamistes pour organiser des rassemblements qui célèbrent le « martyre », la « guerre sainte » contre «l'ennemi sioniste » mais aussi contre les pouvoirs et les institutions arabes modérés. La Jordanie est l'un des seuls pays arabes à avoir condamné l'attaque terroriste contre la yeshiva.
De son côté, un officiel du ministère de la Sécurité intérieure a déclaré qu'il fallait laisser la famille du terroriste célébrer le deuil tant qu'elle n'enfreignait pas les lois d'Israël. «La famille a le droit de faire son deuil public comme la famille de Baruch Goldstein. Je ne me souviens pas que quiconque a demandé à la famille de Goldstein d'interrompre son deuil après que celui-ci a tué des Arabes. C'est le même acte. Ils ont le droit de monter une tente de deuil : ce n'est pas illégal ». En 1994, Baruch Goldstein, habitant de Kyriat Arba, avait pénétré dans une mosquée proche de la Tombe des Patriarches à Hébron en pleine prière musulmane. Armé d'une mitraillette et revêtu de l'uniforme de Tsahal, il avait tiré sur les 500 fidèles désarmés en prière, tuant 29 personnes. Son acte était un geste de protestation contre la gauche et les accords d'Oslo, qui serait bientôt relayé par le meurtre de Rabin. L'assassin de Rabin, actuellement en prison, bénéficie du soutien des partis religieux sionistes qui réclament régulièrement sa libération.

Dimanche 9 mars, alors qu'elle se rendait à la yeshiva pour témoigner de sa solidarité, la ministre travailliste de l'Education Youli Tamir a été accueillie aux cris de : « Assassin ! Assassin ! ». Tandis qu'elle cherchait à retourner dans son véhicule pour se protéger, les étudiants s'en sont pris à elle physiquement ainsi qu'à ses gardes du corps. Malgré la bousculade, personne n'a été blessé.
Le grand rabbin de la yeshiva, le Rav Shapira, a organisé une conférence de presse dans la bibliothèque où le carnage s'est déroulé. Le Rav Mordechaï Eliyahou, ancien grand rabbin d'Israël et figure centrale du sionisme religieux, honore la Yeshiva de sa présence pour soutenir les étudiants. La direction rabbinique de la yeshiva a fait parvenir un message au bureau du Premier ministre lui indiquant qu'il n'était pas le bienvenu car sa politique était contraire à la Torah. Le Rav Shapira et le Rav Eliyahou avaient appelé les soldats à désobéir aux ordres lors du désengagement de Gaza. Benyamin Netanyahou avait démissionné du gouvernement, nommant à la direction de son cabinet le président de Yesha, l'organisation qui regroupe tous les habitants des implantations de Judée-Samarie. Ils avaient vivement critiqué le Premier ministre d'alors, Ariel Sharon, l'accusant de trahir la Torah et le Judaïsme. C'est pourquoi, quand celui-ci avait été victime de son attaque cérébrale - et quand son fils, la semaine dernière, a été jeté en prison - certains y ont vu une « punition de Dieu ». Le Rav Lior, figure populaire de Yesha, a soutenu l'idée de punition collective contre les Arabes. Le Shas s'est opposé à cette vision jeudi dernier quand le fils du Rav Ovadia Yossef, présidant un conseil de rabbins orthodoxes, a déclaré qu'avant de bombarder un lieu, Tsahal devait faire une annonce qui permette aux habitants innocents de l'évacuer.
L'attentat va accentuer la pression sur le Shas, sur tous les éléments modérés de la société israélienne, mais aussi sur tous les Arabes israéliens déjà sensiblement déconnectés du reste d'Israël. Si le Hezbollah et le Hamas n'ont pas revendiqué l'attentat, il correspond parfaitement à leur projet.
Dans l'après-midi de dimanche, des militants du parti national religieux ont manifesté devant la maison de la famille Dhaim tandis que les hommes du Shin Bet (services de sécurité intérieurs) lui remettaient une convocation. La famille a déclaré avoir reçu des menaces de mort.

Isabelle-Yaël Rose,
Jérusalem, le 10 mars 2008