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31 janvier 2021

« La géopolitique s’est enrichie d’un nouvel objet et la puissance d’un nouvel instrument : le vaccin »

 Enjeu politique autant que sanitaire, la vaccination devient un sous-produit du Brexit, place l’UE en porte-à-faux avec les pays en développement et voit la Chine et l’Inde rivaliser en Asie.

Chronique. Inépuisable perturbateur, le Covid-19 n’en finit pas de faire progresser la science, dans ses multiples disciplines. A la vitesse de l’éclair, la géopolitique s’est enrichie d’un nouvel objet d’analyse, et la puissance d’un nouvel instrument : le vaccin. Un an après le début de la pandémie, le vaccin est l’arme politique la plus disputée.

La vitesse de l’éclair – en anglais, warp speed – c’est précisément le nom donné aux Etats-Unis à l’opération qui, grâce à un partenariat public-privé particulièrement vertueux, a permis de faire émerger un vaccin en dix mois là où, en temps normal, le processus prend de cinq à dix ans. En injectant des milliards de dollars de subventions dans la recherche et le développement de plusieurs laboratoires pharmaceutiques, les administrations fédérales de la défense et de la santé ont ouvert la voie à une accélération sans précédent de la production de vaccins contre le Covid-19.

La chancelière allemande, Angela Merkel, n’a pas voulu, mardi 26 janvier, laisser aux Etats-Unis le monopole de cette fierté. Devant le Forum économique de Davos, elle a rappelé que le premier vaccin homologué par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait été conçu « grâce à la clairvoyance » d’une start-up allemande, BioNTech, qui avait très tôt réorienté sa stratégie. BioNTech a noué un partenariat industriel avec le géant américain Pfizer ; leur vaccin est, à ce stade, le plus utilisé.

Mais, en ce début d’année, ce ne sont pas les dirigeants des pays où a été inventé le vaccin qui marquent des points : ce sont ceux qui organisent les meilleures campagnes de vaccination.

Enjeu politique énorme

A cette aune, trois pays peuvent s’enorgueillir d’avoir lancé des campagnes massives : Israël, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Paradoxalement, ce sont des pays où la gestion de l’épidémie a été marquée par la confusion ; le vaccin constitue là une planche de salut autant sanitaire que politique.

Le premier ministre britannique, Boris Johnson, en fait même le fer de lance d’une campagne visant à effacer ses erreurs et à contrer les effets négatifs du Brexit, avec des accents nationalistes rappelant la période héroïque du Blitz. « Nous avons administré plus de doses que l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne réunies », annonce, triomphale, une affiche du Parti conservateur à l’esthétique désuète. Avec un peu de chance, c’est du succès de l’offensive de la vaccination que ses électeurs se souviendront, plus que du bilan tragique de la pandémie, qui vient de passer le cap des 100 000 morts.

Si l’enjeu politique est énorme pour Boris Johnson, il l’est aussi, par contrecoup, pour l’Union européenne (UE) – d’où le conflit qui a éclaté entre Bruxelles et le fabricant anglo-suédois AstraZeneca, partenaire de l’université d’Oxford. Contrairement à l’épisode des masques au début de la pandémie, l’UE pensait avoir visé juste avec le vaccin : subventions aux laboratoires, mutualisation des commandes pour une répartition équitable des doses entre les vingt-sept Etats membres, initiative Covax pour que les pays pauvres hors UE ne soient pas oubliés. Irréprochable !

C’était compter sans la fluctuation des vagues de virus qui ont fait monter la pression politique, l’irruption des nouveaux variants qui a semé la panique et les retards de livraison des compagnies pharmaceutiques : les doses n’arrivent pas assez vite.

Peu préparé à ce type d’opérations, l’appareil européen est accusé d’avoir vu petit et manqué d’agilité. L’Allemagne, où l’on n’est pas loin de penser que l’on s’en sortirait mieux tout seuls, pèse de tout son poids – qui peut être très lourd – sur Bruxelles. Pour l’UE, il serait du plus mauvais effet que Boris Johnson puisse proclamer que son pays a relevé le défi de la vaccination grâce au Brexit. Et il en est capable.

Aux grands maux les grands remèdes : tout en rappelant la détermination européenne de considérer le vaccin comme « un vrai bien public mondial », la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en a aussi reconnu prosaïquement mardi, au Davos virtuel, la dimension « business ». La Commission entend donc contrôler les exportations de vaccins fabriqués dans l’UE, pour limiter le risque de pénuries. Ce pragmatisme est à ranger dans le chapitre « fin de la naïveté de l’Europe », qui ne cesse de s’allonger.

Lignes géopolitiques familières

L’affaire est d’autant plus délicate pour l’UE qu’elle a beaucoup plaidé pour une distribution « juste » du vaccin au niveau mondial et veut éviter de se retrouver taxée de protectionnisme. En écho au président sud-africain Cyril Ramaphosa accusant de « nationalisme vaccinal » les pays riches qui « stockent quatre fois plus de doses qu’ils n’en ont besoin », Angela Merkel a évoqué « les nouvelles blessures et les traces » que pourrait laisser la répartition internationale des vaccins. Pour elle, en revanche, « ceux qui recevront de l’aide sauront s’en souvenir ».

C’est bien le calcul de la Chine et de l’Inde. Les deux géants d’Asie rivalisent pour fournir leurs voisins sans ressources vaccinales, la Chine grâce à ses deux vaccins non encore homologués par l’OMS, l’Inde grâce à son importante production pharmaceutique : elle fabrique notamment le vaccin d’AstraZeneca. La géopolitique retrouve ici ses lignes familières. La Birmanie profite des dons des deux géants, le Bangladesh, les Maldives et le Bhoutan ont accueilli ceux de l’Inde, et les Cambodgiens seront vaccinés exclusivement chinois.

Très tôt sur les rangs, le vaccin russe Spoutnik V a aussi sa clientèle, dont la Hongrie, bien qu’il n’ait pas non plus encore reçu le feu vert de l’OMS, ni de l’Agence européenne du médicament.

Le combat sera long : « Tant que tout le monde ne sera pas vacciné, personne ne sera en sécurité », prévient le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Quant à désigner gagnants ou perdants, il est bien trop tôt. L’une des leçons d’un an de pandémie est que les gagnants d’hier peuvent être les perdants de demain – et inversement.

Sylvie Kauffmann

Le Monde, 27 janvier 2021

28 janvier 2021

Une pancarte qui dit tout


 Axel Kahn est président de la Ligue contre le Cancer, médecin et scientifique renommé ( lire ici ).

Il est intervenu avec passion dans le cadre de l’affreuse crise sanitaire que nous vivons, en allant à contre-courant d’une opinion publique longtemps hostile à la vaccination contre le COVID 19, et en critiquant vigoureusement la lenteur de la campagne à son début. Son compte Twitter est énormément suivi, et il le mérite car très instructif.

Naturellement, il a été très choqué par les images ahurissantes de l’invasion du Capitole le 6 janvier dernier. Et, le lendemain, il a publié cette photographie et ce court texte sur son compte Facebook

« Une illustration de mon propos - très factuel, allez consulter les réseaux FB GJ - établissant un lien idéologique entre extrême droite, complotisme, négationnisme, position anti - vaccin, anti masque, anti confinement. En fait , la démocratie est en jeu. Aux États-Unis et ailleurs. »

Sur ce lien idéologique, vraiment rien à ajouter et ce n’est pas une surprise pour qui recoupe les nébuleuses « anti vaccins », d’une part, et sympathisantes de cette ultra-droite, d’autre part. J’essaie de mon côté de retweeter le plus possible ce que ce que publient les « twittos » et sites assurant la veille des complotistes : merci de me suivre sur mon propre compte pour avoir ainsi des infos actualisées.

(*) Lire « Facebook Gilets Jaunes ». Sur les liens entre une partie de cette mouvance – probablement devenue majoritaire au fil du temps – et l’extrême-droite, lire ou relire cet article sous ma signature.

J.C

26 janvier 2021

La normalisation entre le Maroc et Israël s'accélère

 

Si le faste et les «déclarations d’amour» ont pris le dessus lors de l’annonce de la normalisation des relations entre des pays arabes et Israël, avec le Maroc tout ce qui relève du folklorique a été écarté au profit de réunions sérieuses.

La normalisation entre le Maroc et Israël avance à grande vitesse. Les réunions entre les ministres des deux gouvernements s’enchainent et concernent presque tous les départements. Chacun des intervenants apporte sa pierre à l’édifice pour le renforcement de la coopération entre les deux pays, conformément aux orientations tracées dans le communiqué du cabinet royal du 10 décembre, insistant sur la «reprise de contacts officiels avec les vis-à-vis et les relations diplomatiques dans les meilleures délais».

Le cap tracé, très vite ont commencé les discussions pour la conclusion d’un accord de libre échange. Un objectif que le ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie verte et numérique, Moulay Hafid Elalamy et le ministre israélien de l’Economie et de l’industrie, Amir Peretz ont abordé à deux reprises : le 28 décembre et le 21 janvier.

En attendant la réalisation de ce grand objectif pour les deux pays, notamment pour leurs intérêts en Afrique, des discussions ont été engagé, le 31 décembre, entre la ministre israélienne du Tourisme, Orit Farkash Hacohen, et son homologue marocaine, Nadia Fattah Alaoui pour l’ouverture de lignes aériennes directes. Les deux pays ont d'ailleurs signé, ce jeudi, un accord aérien pour le lancement de vols directs.

Le ministre de l’Energie et des Mines, Aziz Rebbah, a de son côté pris part à une réunion avec le titulaire du département de l’Energie au gouvernement Netanyahu consacrée aux énergies renouvelables. Abdelouafi Laftite a rejoint cette semaine le mouvement avec le ministre de l’Intérieur Aryé Makhlouf Dery.

La normalisation marocaine constitue une «exception»

Cette proximité retrouvée, après deux décennies de rupture officielle, intègre également la culture, avec l’annonce du cinéaste Jérôme Cohen-Olivar de la signature de la première co-production cinématographique maroco-israélienne. Le sport complète cet ensemble. Le 1er janvier, le président de la Fédération royale de football a ainsi examiné avec son homologue israélien l’organisation de matchs de football entre leurs équipes nationales.

Cette vitesse avec laquelle avance la normalisation avec le Maroc ne relève pas du hasard. Elle n’est que la conséquence d’initiatives prises dès les premières heures des retrouvailles. Contrairement aux précédents accords de paix signés avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn, celui avec le royaume revêt une particularité. Au niveau protocolaire, sa signature le 22 décembre s’est faite au palais royal de Rabat et en présence du roi Mohammed VI alors que les autres étaient conclus le 15 septembre au jardin de la Maison blanche et sans la participation du prince héritier Mohamed Ben Zayed ou du roi Hamad.

La cérémonie au Maroc était précédée de réunions entre responsables du gouvernement israélien et de ministres du cabinet El Othmani (Tourisme, Transports et Equipement et Commerce et Industrie) et suivie dans la foulée par la signature d’un accord et de trois mémorandums d’entente.

Ces réunions ont bénéficié de la volonté politique des deux chefs d’Etats. A l’occasion d’un appel téléphonique du 26 décembre, ils ont mis l'accent sur l'établissement de fortes relations intégrant tous les secteurs. Côté israélien, le cabinet Netanyahu a déjà nommé David Govrin à la tête de son bureau de liaison à Rabat alors qu’une délégation technique s’est rendue à Tel-Aviv pour visiter le siège de la représentation diplomatique.

Cette normalisation à grande vitesse n'a pas été suivie de grandes manifestations des mouvements pro-palestiniens au Maroc.

Mohammed Jaabouk

Site Ybabiladi.com, 21 janvier 2021