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31 janvier 2019

Février et mars, mois du Maroc sur le blog !


Cela fait deux ans que je ne vous avais pas convié à un voyage virtuel. En 2017, cela a été le plus riche que je vous ai jamais proposé en nombre et en variété d’articles. C’était aussi pour un pays à la fois fascinant par sa civilisation et angoissant pour sa direction politique, puisqu'il s'agissait de la République Islamique d’Iran.

Cette fois-ci, nous irons dans un pays beaucoup plus proche, à la fois géographiquement et par les valeurs partagées puisqu’il s’agit du Maroc : le seul État arabe où existe, encore, une vraie communauté juive organisée même si elle est très faible numériquement ; la Terre d’origine à la fois d’une grande partie de la population israélienne, mais aussi de Diasporas fières et dynamiques ; et aussi, un des pays musulmans à avoir toujours conservé des liens – même discrets – avec l’État hébreu. Mais le Maroc ce n’est bien sûr pas seulement cela, et mes lecteurs comme mes auditeurs savent bien que je n’ai jamais limité au « prisme juif » ce que j’essaie de partager avec vous. On parlera donc à nouveau de culture, tourisme, politique internationale, vie quotidienne ; mais aussi de la condition de la Femme et des problèmes sociaux, du pays entre tradition et modernité ; et j’essaierai au gré des articles de ne pas vous donner un portrait biaisé de la société marocaine.

Le Maroc a été souvent évoqué sur le blog. Des dizaines d'articles ont porté ce libellé, année après année, et c'est en vous invitant à parcourir les archives que nous débuterons ces "mois" bien spéciaux. Nouveauté, aussi, vous pourrez grâce à ma chaine Youtube écouter ou réécouter des émissions où fut évoqué ce beau pays.

Attachez vos ceintures, et direction Casablanca, Fez, Marrakech, Tanger … vous aurez le choix !

J.C

29 janvier 2019

Une association musulmane pour une « intégration sereine de l’islam en France »


L’essayiste Hakim El Karoui a présenté son projet d’Association musulmane pour l’islam de France, destinée notamment à réguler les secteurs du pèlerinage et du halal.
D’ici à « quelques jours », le projet porté par l’essayiste et consultant Hakim El Karoui pour favoriser « une intégration sereine de l’islam en France » entrera dans une phase concrète. 

Les statuts de l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF), un instrument destiné à organiser et certifier les flux financiers liés au culte musulman, seront déposés. Accompagné de plusieurs des participants à l’aventure, il a présenté, lundi 21 janvier à Paris, le détail du futur dispositif dont il veut faire « un tiers de confiance au service des fidèles, sans conflit d’intérêts ».
Cette initiative répond au souhait exprimé par Emmanuel Macron dès le début de son quinquennat de voir émerger une meilleure organisation du culte musulman. « Auparavant, à mes yeux, la question religieuse était du domaine privé, a fait valoir M. El Karoui. Depuis les attentats [de 2015], ce n’est plus seulement une question privée, mais aussi politique ». Le dispositif en gestation est censé dégager le culte musulman des « ingérences étrangères », apporter transparence, « professionnalisme » et régulation aux marchés du pèlerinage et du halal, permettre à un conseil théologique de produire un discours religieux « conforme aux valeurs de la République » et étendre l’offre de formation pour les cadres religieux.

 « Notre projet s’inscrit dans la logique d’un islam indépendant financièrement et théologiquement », a résumé Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux. « Nous voulons faire en sorte que nos enfants n’aient pas à se demander si leur islamité cadre avec leur francité », a ajouté Mohamed Bajrafil, imam à Ivry. Tous deux feront partie du futur conseil théologique de l’AMIF.

Pour couvrir le champ de ses missions, l’AMIF comportera en réalité deux associations. L’une, chargée des questions cultuelles, sera sous le régime de la loi de 1905, ce qui lui permettra de recueillir des dons défiscalisables et « traçables » destinés soit à l’AMIF elle-même, soit à des projets de construction de mosquée. C’est aussi elle, à terme, qui pourra allouer des financements aux questions directement cultuelles (formation et soutien aux imams). Une seconde association, loi de 1901 celle-là, interviendra sur le terrain de « la lutte contre la radicalisation, la représentation de l’islam dans les médias et sur Internet, la lutte contre l’islamophobie ».

Des agences accréditées pour le pèlerinage

Un conseil théologique composé d’imams conseillera les acteurs de ces deux associations. Il sera aussi chargé d’offrir un discours religieux « apaisant, alors que nous sommes noyés par un discours haineux de rupture », notamment sur Internet, a indiqué le théologien Tarik Abou Nour. « Nous ne cherchons pas à avoir un monopole, a précisé Mohamed Bajrafil. Nous n’avons aucun intérêt personnel dans cette affaire. Nous voulons juste travailler pour l’intérêt d’une communauté musulmane de France sans exclusion ni ingérence et pour la cohésion nationale ». Plusieurs participants ont évoqué l’idée d’un séminaire pour la formation des cadres religieux.

Comment l’AMIF compte-t-elle s’imposer dans le paysage ? En commençant par intervenir dans l’organisation du pèlerinage. Alors qu’aujourd’hui les pèlerins se heurteraient à une certaine opacité dans la formation du prix demandé par les agences et les intermédiaires mais aussi dans les prestations obtenues sur place, l’AMIF voudrait obtenir une fonction de certificateur : seules les agences accréditées par elle pourraient obtenir des visas de l’Arabie saoudite. Elle vérifierait que les agences respectent bien un référentiel d’accréditation.
Ces agences rémunéreraient l’AMIF pour cette fonction. Celle-ci offrirait par ailleurs aux fidèles des aides à la préparation du pèlerinage, des enquêtes sur les prix pratiqués, etc. Elle assisterait les agences pour négocier les tarifs d’hôtellerie et de transports. Ce schéma suppose que les autorités saoudiennes soient d’accord pour réserver les visas aux agences certifiées par l’AMIF. Cette négociation reste à conduire. Si cette étape est franchie avec succès, l’AMIF projette ensuite de se définir un rôle semblable de certificateur sur le marché du halal.

Cécile Chambraud

Le Monde, 21 janvier 2019

27 janvier 2019

Miss Algérie 2019 face au racisme et au sexisme


Khadidja Benhamou, à la peau plus foncée que la plupart des autres candidates, a subi de nombreux commentaires discriminatoires depuis son élection.

 « Il n’y a pas de différence entre les couleurs de peau et il ne faut pas juger une personne avant de la connaître ». Couronne brillante sur la tête, Khadidja Benhamou fait le tour des plateaux de télévision et répète le même message, sourire aux lèvres. Vendredi 4 janvier, cette Algérienne de 26 ans a été élue Miss Algérie 2019. A peine diffusées sur les réseaux sociaux, les premières photographies de la gagnante, en longue robe de soirée dorée, lui valent de nombreuses insultes racistes.
Khadidja Benhamou vient d’Adrar, une région du sud du pays. Elle a la peau plus foncée et les cheveux plus crépus que la plupart des autres candidates du concours de beauté. Dans la journée du samedi 5 janvier, des journalistes dénoncent les commentaires discriminatoires. Le buzz gagne alors les réseaux sociaux algériens mais, cette fois, ce sont des milliers de messages de solidarité qui soulignent la beauté de la jeune femme ainsi que l’africanité de l’Algérienne qui sont publiés.

« Un racisme décomplexé »

« Certains commentaires, qui suggéraient de mettre la Miss dans une machine à laver pour la blanchir, étaient révoltants. Mais ce n’est que l’exemple d’un racisme décomplexé sur les réseaux sociaux de certains Algériens, analyse Redha Menassel, journaliste de la radio Alger chaîne 3. Il faut que l’on arrive à ce que les Algériens acceptent la différence. »
Lundi 7 janvier, l’organisation de Miss Algérie publie les photos officielles de la gagnante et déplore « le comportement et les commentaires racistes de plusieurs personnes suite à des publications de photos dévalorisantes et retouchées ». Khadidja Benhanmou n’est pas la première femme à subir des critiques racistes. « Les insultes et les remarques désobligeantes sur ma couleur de peau sont régulières, explique Amina Hamouine, 33 ans, mannequin algérienne à la peau noire. Cela se produit dans la rue, alors que je me promène avec mes parents, mais aussi lorsque les photos de mes shooting sont publiées. Sur Internet, le harcèlement est systématiquement lié à mon physique et à ma couleur de peau ». En 2016, une photo d’elle portant une robe traditionnelle de Kabylie conduit même à un déferlement d’insultes et à une décision définitive : « Depuis, j’évite de lire les commentaires ».
La majorité des commentaires après l’élection de Khadidja Benhamou concernait le physique de l’élue. « Faire l’objet de commentaires désobligeants est le lot quotidien des concours de beauté », relativise Rym Amari, 24 ans. Elue Miss Algérie en 2013, elle s’était vue reprocher d’avoir une beauté « trop européenne ».

« Cyberharcèlement »

Au-delà des élections de Miss, la présence des femmes algériennes sur les réseaux sociaux les expose particulièrement au harcèlement. Imène Shetae, 26 ans, a lancé une chaîne YouTube en 2013. La jeune femme, voilée, y présente des tutoriels de maquillage, des astuces pour couvrir ses cheveux et parle de ses voyages. « J’ai reçu beaucoup d’insultes sur mon physique, ma façon de parler, le fait que j’utilisais la langue anglaise. Plus mon nombre d’abonnés augmentait, plus il y avait d’insultes et plus elles étaient vulgaires ».
Elle évoque aussi le harcèlement sexuel, « des messages au contenu pornographique » envoyés par des hommes comme des femmes. Elle raconte n’avoir eu que « très peu » de soutien à l’époque. Aujourd’hui, elle tente de sensibiliser : « Le cyberharcèlement et le body shaming sont pris à la légère dans notre société, ils sont même normalisés alors que ça ne devrait pas. »
Pourtant, selon les professionnels de la mode, la situation s’améliore. « Lorsque j’ai commencé en 2004, les gens considéraient le mannequinat comme de la prostitution de luxe », se souvient Naim Soltani, directeur général du magazine féminin Dzeriet. A l’époque, il invite systématiquement les parents des mannequins aux séances de photo et aux défilés pour déconstruire l’idée qu’ils s’en font. En 2011, lorsqu’il organise l’élection de Miss Université, le catalogue qui présente les photographies des candidates est détourné et le mot « candidate » est remplacé par « pute ». « Aujourd’hui, nous publions des photos de mannequins tous les mois. Et si les critiques sont très sévères, c’est désormais à propos des vêtements », tempère Naim Soltani.

Zahra Chenaoui
Le Monde, 11 janvier 2019