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01 mars 2008

Le ministre des affaires étrangères lituanien en visite à Sderot

Les Ministres des Affaires Etrangères lituanien et israélien
(photo Reuters, 28 février 2008)

Introduction :
Juste quelques lignes de présentation pour ce nouvel article, très fort, que m’envoie Isabelle Yaël Rose, ma correspondante à Jérusalem. Un lecteur juif pressé pourra trouver sans importance un tel reportage, alors qu’une nouvelle guerre menace au Sud d’Israël et il aura bien tort : les sites communautaires débordent, trop souvent, d’éditoriaux écrits par des « pleureuses professionnelles » rabâchant sur notre sempiternelle solitude ... raison de plus pour saluer ce ministre en exercice, venu prendre des risques physiques en allant à Sderot. Un lecteur ne sentant pas directement concerné par ce qui se passe à la frontière de Gaza n’en comprendra pas non plus l’intérêt et il aura également tort : car il y est question de l’amitié entre deux tout petits états, pour qui la survie nationale - une notion presque totalement étrangère aux Français - veut dire quelque chose. Bonne lecture !
J.C


Près de 100 roquettes ont été tirées sur Sderot et Askhelon en deux jours, provoquant la mort d’un étudiant et père de famille mercredi 27 février. Jeudi, pour la première fois dans l’histoire d’Israël, une katioucha a frappé de plein fouet un bâtiment d’Askhelon, d'où 17 personnes ont été hospitalisées à l’hôpital Brazilaï lui même devenu cible des lanceurs de roquettes. Alors que le petit Osher Twito - et d’autres - sont toujours à Brazilaï pour recevoir des soins médicaux, le ministre des Affaires étrangères lituanien a tenu pourtant à visiter Sderot le jour de la fête nationale de son pays. Plus qu’un symbole : une véritable prise de risque qui marque la solide amitié liant les deux pays.

La Lituanie, pays balte issu de l’éclatement de l’Union soviétique, fêtait jeudi 28 février les 90 ans de sa « restauration ». Le ministre des Affaires étrangères lituanien, Petras Vaitiekunas, a saisi l’occasion de cet anniversaire pour venir en Israël. Comme l'a declaré la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni lors de la cérémonie organisée au Centre culturel Einav de Tel-Aviv, « il n’est pas indifférent que la Lituanie ait choisi de venir célébrer un événement aussi important de son histoire avec nous en Israël ». La soirée s'est caractérisée par un vrai climat de solidarité, palpable dans la liberté que Vaitiekunas et Livni se sont accordés : celle de sortir du cadre fixé par leur discours officiel pour s’autoriser une improvisation plus personnelle. Oubliant l’espace de quelques minutes les contraintes du langage diplomatique, l’un et l’autre ont en effet livré au public leurs impressions.

Le ministre des Affaires étrangères lituanien a précisé que cette visite était sa première rencontre avec la Terre Sainte. L’émotion, quoique retenue, était évidente. Vaitiekunas est revenu sur les liens particuliers qui lient la Lituanie à Israël : d’abord, les deux pays sont petits, d’une taille semblable. Ensuite, le ministre a confié que de la même manière que la fin de l’Union soviétique a permis la « restauration » - et non pas la création - de la Lituanie, la déclaration d’indépendance d’Israël a marqué celle de l’État juif. L’identification entre les deux processus de retour et de « réparation » était donc très forte.

Vaitiekunas a également rappelé l’importance de la contribution de la communauté juive à l’histoire lituanienne. Vilna, « capitale » du Judaïsme européen jusque la Seconde Guerre Mondiale, est restée marquée par l’empreinte de cette présence. Depuis la liquidation du ghetto de Vilna pendant la Shoah, la Lituanie a été sensibilisée à la haine et à l’antisémitisme. Le nouvel État, décoré du titre de « Juste parmi les Nations », n’a cessé de participer activement à toutes les initiatives développées par Yad Vashem. Vaitiekunas, tout en revenant sur la longue histoire qui rattache la Lituanie aux Juifs et l’État lituanien à Israël, pense que le futur est devant nous et nous appartient. Il a terminé son intervention en faisant le vœu que « la paix soit sur nous et que la bonne volonté soit présente pour tous ».

Livni a commencé sa prise de parole en expliquant les conditions dans lesquelles Vaitiekunas a visité Sderot l’après-midi même : alors qu’ils étaient en train de déjeuner, les services de sécurité du ministère des Affaires étrangères ont informé la ministre qu’il serait plus prudent d’annuler la visite à Sderot. Le matin même, alors que le ministre de la sécurité intérieure Avi Dichter avait fait le déplacement à Sderot pour visiter le collège Sapir - où un homme a été tué et un autre blessé la veille - une attaque de roquettes a frappé la ville, blessant l’un de ses gardes du corps aux jambes. Celui-ci, blessé légèrement, a été hospitalisé à Brazilaï. Dichter se tenait seulement à quelques mètres.
Pourtant, malgré les circonstances ; malgré les représailles d’Israël dans la bande de Gaza où les frappes aériennes de l’armée ont tué une vingtaine de Palestiniens, la plupart des terroristes du Hamas - Vaitiekunas a refusé d’annuler. Livni a confié qu’un tel courage n’était pas évident parmi tous les dirigeants internationaux. Elle a également souligné le contraste entre leur empressement à s’exprimer sur le conflit qui oppose Israël aux Palestiniens, et la limite de leurs interventions quand il s’agit d’en venir aux actes et non pas seulement de s’en tenir aux paroles.

Le ministre des Affaires étrangères lituanien a expliqué qu’il était venu à Sderot « pour être avec nous ». Il a rencontré le maire de la ville Eli Moyal, les habitants de Sderot, pour exprimer « sa solidarité et parler pour la paix ». Il a souligné que l’engagement de son pays à lutter contre le terrorisme était total. Livni est revenue sur la nature du combat : « Nous nous battons contre le terrorisme. Nous gagnerons, car nous nous battons pour les bonnes valeurs et pour la bonne cause. » Livni a rappelé qu’elle était engagée dans les pourparlers avec l’Autorité Palestinienne, mais elle a précisé qu’elle était pareillement engagée dans le combat contre le terrorisme : Loin de s’opposer et d’être contradictoires, ces deux objectifs se complètent. Enfin, elle est revenue sur la situation paradoxale de Gaza : « Nous avons quitté Gaza pour faire avancer la paix, non pas pour y revenir ». Sans exclure la possibilité, elle a confié qu’elle espérait que « nous n’aurons pas à y revenir ». Livni a terminé en soulignant la frustration d’Israël qui n’est pas toujours compris par la communauté internationale. Pour insister sur le fait que la Lituanie ne reconnaît pas seulement Israël en tant qu’État, mais « comprend Israël comme étant la patrie des Juifs ».


Isabelle Yaël Rose