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30 avril 2011

Pour l'islam de France : l'imam Hassen Chalghoumi sera mon invité le 8 mai



Nous allons rester en France dimanche prochain, et j'aurai le très grand plaisir de recevoir une personnalité musulmane très connue de la communauté juive, Hassen Chalghoumi. Hassen Chalghoumi avait déjà été reçu dans ma série en octobre 2008, en compagnie d'un ami commun, Bernard Koch qui était à l'époque son conseiller. Rappelons aussi, pour les rares personnes qui ne le connaitraient pas encore, qu'il est le responsable spirituel de la Mosquée de Drancy, Drancy une ville qui évoque des souvenirs particulièrement douloureux puisque ce fut le lieu où furent parqués des dizaines de milliers de Juifs déportés vers Auschwitz. Il a témoigné, à de très nombreuses reprises, sa sympathie à notre communauté, en disant d'abord dans un discours remarqué que les Juifs avaient raison de défendre cette mémoire - et rien que cela lui a valu, hélas, des inimitiés et des menaces. Il a dénoncé les manifestations, soit disant de sympathie au peuple palestinien, mais où on a entendu des slogans antisémites. Et surtout, Il a exprimé, malgré la difficulté du contexte, sa foi en une réconciliation entre Israéliens et Palestiniens en faisant avec le Rabbin Michel Serfaty un voyage à la fois à Sderot et à Gaza, au lendemain de la guerre de janvier 2009. Alors nous évoquerons à nouveau les relations entre Juifs et Musulmans dans notre pays, sujet difficile, hélas, tellement s'est développé aujourd'hui un repli communautaire de part et autre, qui entrave l'action d'hommes de bonne volonté comme lui. Mais nous allons aussi élargir le débat en parlant de la place de l'islam en France, un sujet qui malheureusement, par calcul électoraliste, est devenu central à l'approche des grandes élections de 2012. "Pour l'islam de France", c'est le titre de l'imposant ouvrage de plus de 400 pages publié par les éditions du Cherche Midi et qu'il a écrit avec la collaboration de Farid Hannache. Et c'est ce livre qui servira de fil conducteur à notre interview.

Parmi les questions que je poserai à Hassen Chalghoumi :

- En racontant votre parcours spirituel qui vous a conduit à devenir imam, vous racontez que vous avez étudié longuement à Lahore, au Pakistan, vous y avez même appris la langue du pays mais surtout vous avez été formé par l'école dite du Tabligh : pourriez-vous en parler, parce qu'elle n'a pas bonne presse en Occident, où on dit qu'elle est intégriste ?

- Vous posez crument le problème du financement des lieux de culte musulmans, et le problème semble assez insoluble : d'un côté, les Français sont de plus en plus crispés sur la défense de la laïcité, les sentiments anti-islam se banalisent et un aménagement de la Loi de 1905 semble impossible ; d'une autre côté vous dénoncez, à juste titre, l'argent des états étrangers, du Golfe ou du Maghreb, qui permet de construire de plus en plus de mosquées sous influence politique : à votre avis, quelle est la solution ?

- Vous avez des mots très durs à propos du Conseil Français du Culte Musulman, en écrivant : "le CFCM est la preuve acide que la République n'a pas le droit de remplir le vide avec un organe schizophrène, infantile ou liberticide". Pourquoi le "Conseil des imams de France" que vous avez fondé, n'a-t-il pas voulu participer aux élections de cette institution, alors que vous auriez pu l'influencer de l'intérieur ? Quels sont les principaux échecs que vous lui reprochez ?

- Vous avez été fortement médiatisé parce que vous avez été un des seuls imams à soutenir la loi contre le port de la burqa dans l'espace public ; mais en même temps, vous dénoncez les agressions verbales et parfois physiques contre les femmes voilées, alors même qu'un climat islamophobe se développe, et qu'une majorité de Français semblent prêts à en demander aussi l'interdiction : pourriez-vous expliquer votre position à nos auditeurs ?

Merci d'être nombreux à l'écoute, pour écouter cette personnalité musulmane vraiment attachante !

J.C

29 avril 2011

Kadhafi, al-Assad, deux poids deux mesures par Gérard Akoun


Bashar al-Assad utilise la manière forte pour venir à bout de la rébellion qui menace son pouvoir. Après avoir fait quelques promesses de réformes et supprimé l’état de siège qui perdurait depuis près de cinquante ans, il fait donner les tanks et tirer à l’arme lourde sur la population civile, qui continue à manifester à mains nues pour plus de démocratie. On compte plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés, mais la condamnation ou - l’indignation - reste très mesurée. On hausse le ton, « la situation est devenue inacceptable, on n’envoie pas, face à des manifestants, des chars » a déclaré mardi dernier Nicolas Sarkozy, mais il n’a pas mis directement en cause Bashar al-Assad comme l’a fait Obama qui a accusé le président syrien de placer « ses intérêts personnels au dessus du peuple syrien » et d’avoir demandé l’aide de l’Iran pour mener la répression ». Difficile, en effet, de critiquer trop durement Bashar al-Assad, après lui avoir déroulé le tapis rouge, en le recevant à Paris et lui avoir offert  la place d’honneur dans la tribune officielle au défilé du 14 juillet 2008. Nicolas Sarkozy rompait ainsi avec la politique d’ostracisme que Jacques Chirac exerçait à l’encontre de son homologue syrien, qu’il soupçonnait, sans doute avec raison, d’être responsable de l’assassinat de Rafic Hariri le Premier ministre libanais. Cette réception s’inscrivait dans l’ambitieux projet d’Union pour la Méditerranée dont Nicolas Sarkozy se voulait l’architecte, en s’appuyant sur Moubarak, Ben Ali, Kadhafi, Bashar al-Assad et quelques autres autocrates ou dictateurs. On sait ce qu’il en est advenu. Aujourd’hui, avec Alain Juppé se met en place une nouvelle politique étrangère, la France n’est plus aux côtés des dictatures, « la France est aux côtés des peuples arabes ». Mais si la France est en pointe dans le soutien aux rebelles libyens et participe à l’éviction de  Kadhafi, elle est plus prudente quand il s’agit de condamner le Président syrien qui n’a, pourtant, rien à envier au Président libyen : il massacre sa population avec autant de sauvagerie ; mais voilà la Syrie, constituée d’une mosaïque de minorités ethnique ou religieuses, se trouve au cœur du Proche Orient, et ses voisins pour des raisons diverses craignent que la chute de Bashar  al-Assad ne déstabilise la région. 
Israël perdrait son meilleur ennemi, il n’y a eu aucun incident de frontière avec la Syrie depuis 1973, le Golan est tranquille ; il y a quand même un hic, elle arme le Hezbollah et le Hamas, mais un nouveau régime n’en ferait il pas autant ? Après tout, Moubarak était le meilleur allié d’Israël, et les dirigeants israéliens auraient bien aimé qu’il restât au pouvoir, alors qu’il laissait se développer en Égypte un antisémitisme officiel et odieux, sans que cela ne les offusque!
L’Irak craint que la minorité alaouite au pouvoir ne soit remplacée par des sunnites, qui pourraient remettre en cause le pouvoir des Chiites en Irak et encourager les Kurdes à prendre leur indépendance, des Kurdes qu’on retrouve aussi en Syrie.
Les Occidentaux, les Américains  craignent les effets dévastateurs de l’instabilité syrienne sur le Liban, même s’il considèrent que cela entraînerait un affaiblissement de l’Iran et un renforcement de l’Arabie Saoudite.
L’Autorité palestinienne pourrait y trouver un avantage, le Hamas serait affaibli, mais en vérité, personne ne souhaite le départ de Bashar El-Assad. Il le sait et il joue là dessus.

Il y a donc très peu de chances pour qu’une intervention, sous les auspices de l’ONU ou de la Ligue Arabe puisse avoir lieu en Syrie, d’autant que la Russie et la Chine y mettraient leur veto.
 Morale et Politique ne font pas bon ménage, on s’en doutait, que des gouvernements réagissent de cette manière n’a rien d’étonnant ; par contre, je suis frappé par le silence des diverses associations ou personnalités promptes à exprimer leur colère, leur condamnation, leur indignation, à aller manifester quand des Palestiniens sont victimes d’exactions provoquées par les Israéliens !!! On cherche vainement le moindre communiqué, c’est le mutisme complet, alors que ces associations et ces personnalités ne sont soumises à aucune obligation de réserve, qu’elles ne sont pas astreintes à  des contraintes de gestion gouvernementale. Combien leur faudra t-il de morts de blessés, pour qu’elles manifestent leur indignation ? Sans vouloir faire de comptabilité macabre, un seul mort et son auteur est déjà condamnable, il y a eu bien plus de victimes civiles en Libye, et le chiffre ne cesse de s’élever en Syrie, qu’à Gaza lors de l’opération « plomb durci ».
L’indignation ne peut pas être sélective, n’est ce pas Monsieur Hessel ?

Gérard Akoun        
Judaïques FM, le 28 avril 2011

26 avril 2011

Ils se battent pour rester chrétiens


Dans son message annuel pour la paix, rendu public le 16 décembre et qui sera lu dans toutes les églises le 1er janvier, Benoît XVI appelle les responsables politiques à «mettre fin à toute brimade contre les chrétiens» vivant «en Asie, en Afrique, au Moyen-Orient et spécialement en Terre sainte». Et le pape d'ajouter: «Les chrétiens sont à l'heure actuelle le groupe religieux en butte au plus grand nombre de persécutions à cause de leur foi.»

Du sang, des cris, des larmes. Nul n'a oublié les scènes d'horreur qui se sont déroulées à Bagdad, le 31 octobre dernier, dans l'église Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours, la cathédrale syriaque catholique. Bilan de l'attentat perpétré par un commando d'Al-Qaida: 2 prêtres et 44 fidèles tués, de même que 7 membres des forces de sécurité et 5 assaillants, ainsi que 60 blessés. C'était il y a deux mois. Mais depuis, combien de victimes anonymes parmi les chrétiens d'Irak?

Quand il est question de la persécution des chrétiens dans le monde, c'est ce pays qui vient immédiatement à l'esprit. Il n'y a pas qu'en Irak, pourtant, que l'appartenance au christianisme se paye au prix fort. Les témoignages que nous avons réunis dans ce dossier l'illustrent abondamment: de l'Afrique à l'Asie et de l'Amérique à l'Europe (songeons au Kosovo), être chrétien, en 2010, peut coûter cher.

Au mois de juin, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui réunit 56 États d'Europe, d'Asie centrale et d'Amérique du Nord, tenait une conférence à Astana, la capitale du Kazakhstan, sur « la tolérance et la non-discrimination ». A l'issue de ce sommet international, le chef de la délégation du Saint-Siège, Mgr Toso, soulignait que «plus de 200millions de chrétiens, partout dans le monde, subissent sous une forme ou une autre la haine, la violence, la menace, la confiscation de leurs biens et d'autres abus, en raison de leur religion, faisant d'eux le groupe religieux le plus discriminé».

Persécutions et discriminations anti-chrétiennes? C'est une impression fondée, mais avec ce qu'il peut y avoir de subjectif dans ce constat. Cerner la réalité sur des bases objectives nécessite des faits, des chiffres, des courbes et des statistiques, capables de rendre compte d'une tendance générale. La carte que nous publions, et qui traduit (en la simplifiant) la situation globale des chrétiens à travers le monde, n'a pas été conçue à partir d'éléments fortuits, mais de deux documents établis selon une méthode scientifique, dont nous avons opéré la synthèse.

L'Aide à l'Église en détresse (AED) est une association catholique qui dépend du Saint-Siège et dont l'action d'entraide envers les communautés chrétiennes s'étend à 130 pays. Fin novembre, elle a fait paraître un Rapport 2010 sur la liberté religieuse dans le monde. Ce volume de 500 pages contient 194 fiches de pays présentées par ordre alphabétique. L'ambition, affirment les auteurs, est de fournir un état détaillé de la liberté religieuse à travers le monde, selon des critères rigoureux. Leur rapport, précisent-ils, «s'efforce de donner la parole aux différentes religions, croyances et communautés religieuses, en évitant tout jugement de valeur sur les croyances et les convictions qui sont à la base de leurs pratiques et de leurs enseignements religieux». De ce tour d'horizon, il ressort que 75 % des cas de persécution religieuse concernent les chrétiens, dont la condition se détériore en de nombreux endroits. En tête de liste, outre le Moyen-Orient, l'AED place la Corée du Nord, la Chine, le Vietnam, l'Inde, le Pakistan, le Soudan et Cuba.

Second document que nous avons utilisé, L'Index mondial de la persécution 2010, réalisé par Portes ouvertes, une association protestante. Son indice est calculé d'après différents paramètres, dont le statut juridique et politique des chrétiens dans les pays concernés, et la réalité de leur condition observée. Au sommet de cet affligeant palmarès figure la Corée du Nord («persécution très sévère»). Suivent 9 pays caractérisés par l'«oppression» des chrétiens: l'Iran, l'Arabie saoudite, la Somalie, les Maldives, l'Afghanistan, le Yémen, la Mauritanie, le Laos et l'Ouzbékistan. Puis 18 États où l'on relève de «fortes restrictions» au christianisme, et 21 autres, coupables de «discriminations» antichrétiennes.

Si l'on tente de classer ces phénomènes de christianophobie en fonction de leur origine, il ressort que leur premier vecteur, à l'échelle de la planète, est constitué par l'islam politique ou le fondamentalisme musulman. Sans doute l'islam s'étend-il, du Maghreb à l'Indonésie, sur des États et des aires culturelles différents. Néanmoins, ainsi que le souligne le rapport de l'AED, un trait commun caractérise les pays à majorité musulmane: en sont citoyens, disposant de l'intégralité des droits afférents, uniquement ceux qui professent la religion dominante. Les habitants du pays qui appartiennent aux confessions minoritaires sont, au mieux, tolérés, au pire, regardés comme un danger pour la cohésion sociale, et partant, vite suspects.

Dans le monde musulman, il est ainsi des États dont la Constitution garantit la liberté religieuse, comme l'Algérie, la Tunisie ou la Libye, et où le christianisme est autorisé en théorie. Dans la pratique, cependant, les chrétiens se trouvent sous surveillance, et traités comme un corps étranger. Les autorités algériennes se targuent par exemple d'avoir assuré la restauration de Notre-Dame-d'Afrique, basilique historique qui surmonte la baie d'Alger et dont l'inauguration des travaux vient d'avoir lieu, mais il n'y a plus que 5000 catholiques dans le pays, et les protestants y sont poursuivis. Dans la péninsule arabique (Émirats arabes unis, Bahreïn, Qatar, Arabie saoudite, Yémen et Koweït) vivent 3 millions de chrétiens, mais tous sont des travailleurs immigrés, doublement marginalisés. En Mauritanie, dans le nord du Nigeria ou en Somalie, c'est le règne de la charia, où des actes condamnés par l'islam peuvent entraîner des peines comme la flagellation, l'amputation ou la lapidation. Au Pakistan, la Constitution garantit l'égalité des citoyens devant la loi «sans distinction de race ni de croyance», mais la loi sur le blasphème a permis d'inculper un millier de personnes depuis 1996, sous des prétextes qui n'avaient fréquemment rien à voir avec le Coran.

Même s'il est géographiquement limité, l'hindouisme constitue un deuxième facteur de persécution antichrétienne. Si cette idéologie politico-religieuse est rejetée par le gouvernement central de New Delhi, elle inspire des forces actives dans plusieurs États de la fédération indienne, provoquant des violences qui ont culminé en 2009, mais qui n'ont pas cessé depuis.

Troisième vecteur antichrétien: le marxisme. En Corée du Nord, toute activité religieuse est qualifiée de révolte contre les principes socialistes, et des milliers de chrétiens sont emprisonnés. En Chine, le Parti communiste fait paradoxalement bon ménage avec le capitalisme, mais les vieux réflexes sont loin d'avoir disparu: l'État tient à contrôler les religions. Passé les Jeux olympiques de Pékin et l'Exposition universelle de Shanghaï, où il fallait séduire les Occidentaux, la mécanique s'est remise en marche. Protestants et catholiques disposent de la marge de liberté que les autorités veulent bien leur laisser. Et, après une période de détente, un évêque de l'Église officielle a été nommé dans la province du Hebei, le 20 novembre dernier, sans l'aval du pape, ranimant le contentieux avec le Saint-Siège.

Le Moyen-Orient forme la région du monde où les difficultés s'amoncellent le plus. Dans la mesure où il s'agit du berceau du christianisme, un symbole est en jeu. Bien sûr, il faut prendre garde à ne pas simplifier un état des lieux complexe, et à ne pas l'interpréter selon des schémas occidentaux préconçus, car des surprises peuvent se révéler: c'est ainsi que dans certains pays, les chrétiens servent de tampon entre chiites et sunnites, dont les relations ne sont pas tendres. Mais la tournure générale des événements est évidente: les Églises d'Orient sont en recul. Spécialiste du Moyen-Orient et de l'islam, auteur d'un livre éclairant sur la question (Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître? aux Éditions Salvator), Annie Laurent dresse un constat frappant: «Au VIIesiècle, quand l'islam est arrivé, tout l'espace correspondant à l'Orient arabe, à la Turquie et à la péninsule arabique était habité, à l'exception des communautés juives, par des populations chrétiennes. De nos jours, sur 17pays et 350millions d'habitants, les chrétiens sont 14millions. La Turquie, notamment, comptait 20% de chrétiens vers 1900; ils sont moins de 1% aujourd'hui. Le déclin est considérable.»

Soumis à une pression constante, les chrétiens d'Orient choisissent souvent l'exil, menaçant d'extinction leurs propres communautés. Du 11 au 24 octobre, Benoît XVI a réuni en synode, à Rome, les délégués des sept Églises catholiques du Moyen-Orient, afin que celles-ci se connaissent mieux et, retrouvant le sens de leur vocation, envisagent ensemble les conditions de leur pérennité. Annie Laurent, nommée experte auprès de ce synode et qui y était la seule femme laïque, rappelle que les communautés d'Orient ont un rôle à jouer non seulement pour elles, mais pour tous les habitants de la région: «Les chrétiens sont porteurs de valeurs universelles, comme la gratuité, le don, l'amour et le pardon. Ils le prouvent par leurs œuvres sociales, écoles ou hôpitaux, qui sont ouvertes à tous, sans distinction de religion.»

Le contexte géopolitique aggrave la situation des chrétiens d'Orient, car ils font les frais du conflit israélo-palestinien. Sans le rétablissement d'une paix juste et durable, leur condition ne s'améliorera pas. Mais ils sont aussi victimes d'eux-mêmes: leurs divisions historiques, quand ce ne sont pas leurs rivalités, brouillent le message évangélique. Si l'œcuménisme progresse - Benoît XVI est très soucieux du rapprochement avec les orthodoxes -, un long chemin reste à parcourir. Quand les confessions chrétiennes d'Orient fêteront-elles toutes Pâques à la même date?

Lors de la clôture du synode, le pape a appelé les pays de la région à «élargir l'espace de la liberté religieuse». Face aux États ou aux groupes fanatiques qui aspirent à se débarrasser du christianisme, dans une aire de civilisation où le concept de laïcité, tel qu'il est entendu ici, est incompréhensible, les chrétiens disposent d'une arme: réclamer la réciprocité avec les musulmans, demander l'égalité de tous les citoyens, défendre la liberté de conscience. Pour cela, ils ont aussi besoin du soutien occidental. «C'est bien d'accueillir les blessés irakiens, commente Annie Laurent, mais la compassion n'est pas une politique. Notre crédibilité est en jeu: le monde musulman nous respectera si nous prenons la défense des chrétiens d'Orient, qui sont nos coreligionnaires.»

Encore faut-il que, chez nous, cette volonté se manifeste. Le 10 décembre dernier a été publié, à Vienne, un rapport de l'Observatoire sur l'intolérance et les discriminations contre les chrétiens en Europe, concernant les années 2005-2010. Ce document recense les actes de vandalisme contre les églises et les symboles religieux, les manifestations de haine et les brimades contre les chrétiens observées sur le continent européen au cours des dernières années. La liste est impressionnante, mais les faits incriminés ont suscité une émotion bien discrète ici. Aux facteurs aggravants de la situation des chrétiens dans le monde, peut-être faudrait-il ajouter l'indifférentisme religieux en Occident: si les Européens ne respectent pas le christianisme chez eux, comment aideraient-ils les chrétiens persécutés aux quatre points de l'horizon ?

Jean Sevilla
Le Figaro, 23 décembre 2010 
  

24 avril 2011

Libye : la coalition redoute l'infiltration par al-Qaida

Terroristes de l'AQMI
(source : site "Algérie-plus")
 

À l'heure où les Occidentaux s'interrogent sur l'opportunité d'armer les rebelles libyens, les principales agences de renseignement manquent d'informations sur l'infiltration, par des membres d'al-Qaida, de l'insurrection anti-Kadhafi. Devant le Sénat américain, l'amiral James Stavridis, commandant des Forces de l'Otan en Europe, vient d'évoquer «des soupçons» de présence djihadiste parmi les insurgés. «Nous devons être très vigilants quand on parle d'armer les rebelles , affirme au Figaro Mike Shereur, ancien haut responsable de la CIA en charge de la traque d'Oussama Ben Laden. Les Libyens ont été parmi les premiers à établir leur propre camp d'entraînement en Afghanistan au milieu des années 1980. Et, aujourd'hui, ils jouent un rôle important autour de Ben Laden, qu'il s'agisse d'Abou Yaya, le numéro 3 d'al-Qaida, ou d'Abou Laith, l'un des plus importants chefs militaires de l'organisation terroriste.»
Les Américains n'ignorent pas que la Libye a été l'un des principaux pourvoyeurs de moudjahidin étrangers en Irak. En décembre 2007, à Sinjar (nord de Bagdad), le Pentagone mit en effet la main sur 700 fiches décrivant les pays d'origine, motivations et itinéraires empruntés par chacun des djihadistes étrangers infiltrés dans le pays via la Syrie. Les conclusions du rapport Sinjar ne peuvent que nourrir l'inquiétude.
À l'époque, les Libyens constituaient le deuxième contingent djihadiste derrière les Saoudiens, avec 112 Libyens, soit près de 20 % des moudjahidins étrangers entrés en Irak au pic de la violence en 2006 et 2007. Loin devant les Algériens, les Syriens et les Yéménites.
Autre donnée alarmante: Darnah, un des fiefs de la rébellion contre Kadhafi, est la ville qui fournit le plus de djihadistes, devant Riyadh, la capitale saoudienne. Sur les 112 Libyens infiltrés dans l'ancienne Mésopotamie, 53 venaient de Darnah et 21 de Benghazi, la capitale de l'insurrection contre Tripoli. Enfin, les moudjahidins libyens étaient les plus déterminés à se transformer en kamikazes. 85% d'entre eux avaient délibérément choisi de mourir en martyr.

Vétérans afghans

Abou Abbas, Abou al-Walid ou Abou Bakar - leurs noms de guerre - s'étaient répertoriés comme «employé», «étudiant» ou «enseignant»: bref, ils étaient issus de toutes les strates de la société, comme ceux qui combattent aujourd'hui pour se libérer du joug de Kadhafi.
Opposés de longue date au régime de Tripoli, Darnah et Benghazi sont en fait des bastions de l'islamisme radical. Au milieu des années 1990, les deux villes ont été le théâtre de soulèvements intégristes extrêmement violents contre Kadhafi, qui dut recourir aux hélicoptères de combat pour soumettre les «barbus». Ces dernières années, la montée en puissance des Libyens dans le djihad mondial fut le résultat direct de l'adoubement donné par Ben Laden en novembre 2007 à la succursale libyenne d'al-Qaida: jama'ah al-libiyah al-muqatilah.
Beaucoup de Libyens ont très certainement péri en Irak, mais pas tous. L'un d'entre eux a encore été arrêté en fin d'année dernière lors du démantèlement d'une cellule d'al-Qaida à Bagdad. Les retours en Libye sont actuellement scrutés par les espions occidentaux, qui cherchent également à savoir combien de vétérans afghans combattent aujourd'hui avec la rébellion. L'un d'entre eux, Abdul Hakim al-Hasadi, s'est livré récemment à un journal italien. «Les membres d'al-Qaida sont de bons musulmans et luttent contre l'envahisseur», a déclaré ce moudjahidin de Darnah, rentré d'Afghanistan en 2002. Selon Il Sole/24 Ore, une radio de la ville diffuserait le message suivant: «Frères qui avez combattu en Irak et en Afghanistan, il est temps maintenant de défendre votre terre.»
«Il ne s'agit pas de commettre la même erreur qu'en Afghanistan», prévient un diplomate français, qui rappelle les livraisons d'armes américaines consenties aux djihadistes avant que ces derniers ne les utilisent contre leurs ex-alliés. En Libye, les sympathisants d'al-Qaida ont aujourd'hui tout intérêt à masquer leurs amitiés. Ils ont besoin des Occidentaux pour se débarrasser de Kadhafi et asseoir leurs positions. Un peu comme les rebelles chiites d'Irak, qui avaient accueilli à bras ouverts les soldats américains en 2003 afin que la démocratie leur donne le pouvoir. Avant de retourner ensuite leurs armes contre leurs libérateurs.

Georges Malbrunot
Le Figaro, 1er avril 2011

22 avril 2011

Une beauté exotique

Une beauté exotique, toile d'Auguste Toulmouche
 
Une toile sur la Toile
 - avril 2011


Qui se souvient d'Auguste Toulmouche (1829-1890) ? J'avoue n'en avoir jamais entendu parler, et pourtant il fut, d'après cet article, l'un des peintres les plus connus du Second Empire.

Réputé pour ses tableaux de "Parisiennes", il n'a guère une réputation d'orientaliste.  J'apprécie, cependant, cette beauté immortalisée par l'un de ses tableaux : vous aussi je l'espère !

J.C

21 avril 2011

Ergenekon : 4000 procès contre les journalistes turcs



Busra Erdal, journaliste spécialisée sur l’affaire Ergenekon, est l’objet de nombreuses poursuites avec pas moins de 70 procès en cours la visant.
Des organisations de défense de la presse dénoncent l’acharnement judiciaire contre les journalistes turcs qui ont couvert l’affaire Ergenekon. Pas de moins de 4000 procès sont en cours contre l’ensemble de la profession. L’armée et la justice turque sont pointées du doigt et l’Union européenne s’inquiète de la multiplication des attaques contre la presse.
La vague de protestation contre l’arrestation des journalistes Ahmet Şık et Nedim Şener laisse dans l’ombre une autre forme de censure dénoncée par de nombreuses organisations de défense de la presse. Dans un communiqué publié le 14 mars, Freedom House avait dénoncé les arrestations de journalistes soupçonnés d’être liés au réseau Ergenekon. La directrice de l’organisation américaine de défense de la liberté de la presse, Karin Deutsch Karlekar, a déploré le fait qu’en Turquie près de 4000 procès sont en cours contre des journalistes. A elle seule, Büşra Erdal, connue pour sa critique d’Ergenekon, est la cible de près de 70 de ces procès. Spécialiste de l’affaire, elle comparaissait en audience le 1er avril avec le soutien de l’Association de la justice et du droit, l’Association des juristes, le Conseil de la presse, la Société des journalistes de Turquie et la Plateforme de la liberté des journalistes.

Le risque d’un contrôle militaire des médias

L’audience a été finalement reportée au 27 avril. Si les craintes d’une ingérence gouvernementale dans la Justice pour faire taire l’opposition sont souvent évoquées à travers les arrestations des journalistes Ahmet  Şık et Nedim  Şener, de l’autre côté, cette même Justice a déjà ciblé de nombreux journalistes dénonçant le réseau putschiste et anti-gouvernemental Ergenekon. Dans ce contexte, Freedom House avait exprimé sa vive préoccupation sur les tentatives de contrôle des médias par l’armée. Karin Deutsch Karlekar déclarait alors : « Il est manifeste que l’armée tente de contrôler ce type de média. Et le fait qu’internet soit devenu un média aussi important rend plus préoccupantes encore ces tentatives [de l’armée] d’en manipuler le contenu. »

La pression n’est pas nécessairement gouvernementale

Elle soulignait en outre que « la pression n’est pas à chercher automatiquement du côté du gouvernement ou du chef de l’Etat ; en Turquie, le pouvoir judiciaire se fait volontiers complice pour que certains cas soient jugés et que soit décidée ensuite l’interdiction de certaines choses. Il arrive ainsi que les intentions du gouvernement se voient dévoyées dans la pratique par ceux qui exercent réellement la pression sur les journalistes : l’armée et la magistrature. » Par ailleurs, dans son dernier rapport publié en novembre 2010 intitulé Les attaques contre la presse, le Comité de protection des journalistes (CPJ) rappelle comment l’Union européenne a adressé des remontrances à la Turquie au sujet de la liberté de la presse. Elle lui a notamment  reproché « de poursuivre des journalistes ayant exprimé des opinions non violentes » et a soulevé ses « préoccupations particulières au sujet du nombre élevé d’affaires pénales portées contre les journalistes qui couvrent le complot anti-gouvernemental connu sous le nom de l’affaire Ergenekon. » Citant entre autres Büşra Erdal et Melih Duvaklı du journal Zaman ou Helin Şahin de Star, le rapport précise que « les journalistes et rédacteurs en chef de la totalité du spectre politique ont été ciblés pour leur couverture du complot Ergenekon. » Les chefs d’inculpation portent notamment sur la violation de secrets d’Etat dans cette affaire judiciaire.

ZAMAN FRANCE
le 15 avril 2011

18 avril 2011

Connaissez-vous ce charmant pays (suite) ?



La devinette du mois
- Avril 2011

Nouvelle devinette ... mais avec une petite évolution dans cette série : en effet, j'ai pratiquement fait le tour des armoiries pas trop difficiles à identifier. D'où une nouvelle idée, celle de vous faire deviner le pays musulman du mois à partir d'une photographie, représentative de l'architecture locale !

Comme d'habitude, e-mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr. Le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.

Quand à la devinette précédente, il n'était pas trop difficile car il s'agissait ... du Royaume du Maroc.


J.C

17 avril 2011

La burqa, épouvantail ou signal d'alarme ? Agnès De Féo sera mon invitée le 24 avril



Nous allons laisser dimanche prochain l'actualité internationale et les révolutions dans le monde arabe, pour revenir dans notre pays, la France. Et il s'agira aussi d'une actualité brûlante, puisque nous allons parler de la burqa et du niqab, dont le port en public est désormais interdit depuis le lundi 11 avril. Mon invitée sera Agnès De Féo,  chercheuse associée à l'IRASSEC (Institut de Recherche sur l'Asie du Sud Est contemporaine), elle nous dira comment ce domaine, qui est un peu loin, a priori, de l'islam intégriste l'a conduite à s' intéresser à ce sujet. Elle m'a envoyé il y a quelques mois un DVD intitulé "Sous la burqa" : c'était après le vote de la loi, votée à une écrasante majorité le 13 juillet dernier à l'Assemblée Nationale puis confirmée en septembre au Sénat. Dans son film, produit par Marc Rozenblum, viennent témoigner plusieurs femmes intégralement voilées, qui présentent leur tenue vestimentaire comme un libre choix personnel n'entravant en rien leur bonne intégration dans la société, et bien entendu elles protestent fortement contre la future application de la loi. Avec elles, quatre Français non musulmans, Jean Baubérot, Michel Wievorka, Bérangère Lefranc et surtout Raphaël Liogier se font, tout le long de ce film de 51 minutes, les procureurs résolus contre cette loi, avec des arguments que, je dois le dire, j'ai souvent trouvé de mauvaise foi. Soyons donc très clair, à propos de cette interview, pour mes auditeurs et pour les lecteurs de ce blog : je suis bien conscient qu'un vague d'opinion hostile à l'islam se développe dans notre pays, que ce racisme risque de toucher par ricochet aussi les Juifs français, et ce climat ne me plait pas du tout. Mais en même temps, je soutiens pleinement cette loi, comme la majorité des Français, pensant que la burqa est un véritable signal d'alarme, et donc pas  un simple épouvantail électoraliste - comme le disent les Verts et l'extrême- gauche, qui, dans le fond, acceptent la transformation de notre pays en une société multiculturelle.

Parmi les questions que je poserai à Agnès De Féo :

- Vous soulignez bien dans un article l'obsession de la séparation des sexes chez les fondamentalistes islamiques : tenues vestimentaires imposées, mais aussi vêtements qui sont l'image anachronique d'une époque supposée idéale, celle du Prophète, de ses épouses et de ses compagnons. Seulement cette réalité historique et idéologique, n'apparait pas dans le commentaires des sociologues qui se font les avocats de la burqa dans le film : au fond l'écrasante majorité des Français regardent, avec effroi, ces tenues vestimentaires parce qu'elles portent symboliquement quelque chose qui nous fait horreur, la société des Talibans afghans ou des madrassas pakistanaises : est-ce qu'on ne peut pas les comprendre ?
- Plusieurs femmes dans le film disent "je suis féministe parce que je protège mon corps des désirs masculins, je ne veux pas être un morceau de chair présenté à l'étalage" : d'abord on peut avoir une tenue pudique, sans porter une tenue qui fasse penser à des "Belphégors", et là je pense aux Juives orthodoxes ; ensuite, cette théorie selon laquelle tout regard masculin serait associé à un désir sexuel, est-ce que ce n'est pas la marque, justement, d'une sale mentalité qui rendrait tout homme incapable de considérer la femme comme autre chose qu'un objet de désir ?
- Toutes les femmes interviewées disent qu'elles portent cette tenue volontairement et que personne ne les a forcées, mais franchement est-ce que vous pensez que celles qui seraient contraintes par la force pourraient le dire dans un reportage ?
- On se souvient de la loi Stasi qui à partir de la question du voile islamique à l'école a interdit également les kippas et les crucifix de grandes dimensions. Or justement, après l'interdiction du port du voile intégral dans l'espace public, le nouveau ministre de l'intérieur, Claude Guéant, a évoqué aussi l'interdiction de toutes les tenues associées à une religion dans les écoles, mairies, etc. Est-ce que, à votre avis, les Juifs orthodoxes peuvent faire les frais, à terme, de ce climat hostile et suscité, finalement, par un phénomène intégriste minoritaire chez les Musulmans ?

Un sujet brûlant ... et une émission que j'espère vous serez très nombreux à suivre dimanche prochain !

J.C

Dôme d'acier, plomb fondu ... et infos laminées.

Batterie "Dôme d'acier" dans le Sud d'Israël


Que de métaphores métallurgiques pour évoquer un évènement majeur survenu pendant ma pause sur le blog ! Il s'agit, vous l'avez compris, d'évoquer la grave tension à Gaza et dans le Sud d'Israël et qui a failli provoquer un embrasement généralisé.

"Dôme d'acier", c'est le système anti-missile contre les Grads, Kassams et autre roquettes à courte portée (quelques dizaines de kilomètres), de conception et de fabrication totalement israélienne : il a connu son baptême du feu, on le sait, en fin de semaine dernière, lorsque 8 missiles ont été interceptés alors qu'ils allaient s'abattre sur des zones d'habitation des grandes villes du Sud (Beersheba,  Ashdod, Ashkelon) ; génie du système, les missiles intercepteurs "Tamir" ne sont lancés que contre les roquettes potentiellement dangereuses, le radar associé et une informatique de pointe analysant toutes les trajectoires - y compris celles des "entrants" non dangereux. Événement historique, c'était la première fois dans l'histoire militaire qu'une telle interception était réussie.

"Plomb fondu", c'est l'opération militaire contre Gaza entre décembre 2008 et fin janvier 2009, opération qui a été un succès tactique - puisque les bombardements massifs du Hamas avaient ensuite quasiment cessé pendant plus de deux ans ; mais un échec politique, dans la mesure où le Califat islamique de Gaza avait non seulement réussi à s'accrocher au pouvoir, mais à manipuler l'opinion publique mondiale contre Israël, grâce à des opérations médiatiques sponsorisées soit par l'ONU (la commission d'enquête Goldstone), soit par la Turquie (la fameuse affaire de "la flottille"). Illustration implacable des "guerres asymétriques", de simples images de télévisions viennent à chaque opération faire oublier qu'elles sont défensives ; et souligner une inégalité "du faible au fort", censée lier les mains à l'état juif et le condamner à mourir à petit feu ... En bref, Israël pouvait se lancer dans un "plomb fondu numéro deux", mais cela aurait été fort coûteux en vies humaines et en dommages politiques.

"Infos laminées", c'est le voile de silence qui aura recouvert ces évènements : faites le test de taper sur "Google", "Dôme d'acier + "Le Monde" (ou + "Le Figaro") : vous tomberez sur des articles anciens, aucune dépêche n'ayant titré sur l'évènement et sur ces profondes répercussions militaro-stratégiques. Certes, en remontant dans les archives de la presse nationale, on pourrait retrouver une évocation de ce qui s'est passé, mais manifestement - et sans faire preuve de délire de la persécution - on peut dire que ce genre d'évènement agace les grandes rédactions, comme toute réalisation positive de l’État juif. Lesquelles se sont montrées tellement bavardes dans le passé, pour nous raconter qu'avec ce genre d'armements le Hezbollah et le Hamas étaient devenus imbattables !

Alors, privilège de l'âge, ceci me fait penser à d'autres évènements, vieux de presque quarante ans ... La guerre du Kippour (octobre 1973) avait réservé bien des mauvaises surprises à Israël, la première étant les missiles anti-aériens de fabrication soviétique qui allaient mettre au tapis plus de cent de ses appareils. Le temps de mettre au point diverses contre-mesures embarquées, et l'aviation de Tsahal allait réaliser un quasiment "sans fautes" lors de la guerre du Liban en 1982, tenant en échec les batteries syriennes. Seulement déjà - et comme c'est étrange, n'est-ce pas ? - la majorité des reportages firent une impasse totale sur le succès israélien, se montrant d'autant moins bavards qu'ils avaient été lyriques en racontant ses déboires neuf ans plus tôt !

Bien sûr - et mes lecteurs et auditeurs fidèles le savent bien - je m'efforce, aussi, de toujours rester lucide et réservé : on l'aura lu dans la presse israélienne, le pays n'est pas encore couvert par des batteries anti-missiles. Il en faudrait treize pour protéger à la fois le Nord, le Sud, et les bases stratégiques à proximité des frontières. Il faudra au moins un an et demi pour que leur nombre passe de deux à quatre, mais le Hezbollah, surtout, peut-être tenté de déclencher une pluie de missiles AVANT, alors qu'il en a des dizaines de milliers en réserve.
Tout peut donc arriver, même le pire, mais ce succès est quand même à la fois merveilleux et inespéré, et invite au moins à l'espérance. J'ai eu le grand bonheur de faire une très belle émission avec Michel Gurfinkiel dimanche dernier. Dans la conclusion de son dernier ouvrage ("Israël peut-il survivre ?", Editons Hugo et Cie), il écrit : "On a toujours sous-estimé la résilience d'Israël. J'ai conservé dans un tiroir les plus beaux contre-sens commis à ce sujet par mes confrères et par les politiques d'ici et d'ailleurs pendant près de quarante ans : livres, articles, documents télévisuels (...)".

Jean Corcos

05 avril 2011

Un peu de repos !


Bon, tout de suite une précision ... Ce hamac tendu entre deux cocotiers face à l'Océan n'est hélas qu'un rêve, et je ne pars même pas en vacances ... Mais il y a des moments où il faut souffler un peu, et même sur les blogs, et même si l'actualité est captivante !

Comme vous avez pu le constater, jamais le rythme des publications - révolutions arabes oblige - n'avait été aussi soutenu : des articles repris d'autres médias, certes, mais aussi beaucoup de publications originales où j'ai essayé de vous dire ce que je pensais des évènements qui ont secoué successivement la Tunisie, l’Égypte, la Libye, la Syrie ... cela, sans oublier bien sûr d'évoquer Israël, ou de vous donner des infos sur mes émissions. Cette forte présence sur le Web s'est d'ailleurs traduite par une hausse importante de l'audimat (plus de 250 pages ouvertes par jour depuis janvier).

Mais par ailleurs, la vie continue et mon métier principal m'accapare fortement en ce mois d'avril. Il m'est donc nécessaire de prendre un peu de recul ; de trouver peut-être le temps de préparer d'autres publications pour mon retour ; et de donner rendez-vous aux lecteurs fidèles pour le dimanche 17 avril.

J.C

04 avril 2011

Laïcité et Islam par Gérard Akoun


Les représentants des six grandes religions de France, réunis au sein de la Conférence des responsables du culte en France, ont pris leurs distances avec le débat controversé sur la laïcité dans une déclaration commune rendue publique mercredi. Ils désapprouvent « sans précisent ils, aucun esprit polémique ou partisan » ce débat décidé par le Président de la République.

Comme le Grand Rabbin Gilles Bernheim l’avait fait il y a une dizaine de jours, dans une tribune parue dans le journal le Monde, certains d’entre eux avaient, déjà, exprimé des réserves, ou s’étaient interrogés sur le bien fondé d’un tel débat dans la période difficile que la France traverse. Mais  c’est la première fois que  la Conférence des responsables du culte en France, de fondation  récente - le 23 novembre  2010 - s’exprime publiquement et de manière solennelle. Les résultats des élections cantonales, un  taux d’abstention  très élevé, le score du Front National qui a fait campagne sur la défense d’une laïcité « nationale », sur  la lutte contre  l’immigration illégale en provenance des pays musulmans et l’insécurité qui en découle, leur a fait mesurer les risques de fracture encourus par notre société. Ils ont tenu à préciser pour éviter toute ambiguïté : «  la laïcité est un des piliers de notre pacte républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements de notre vouloir vivre ensemble». Les mots employés dans  cette déclaration ont été bien pesés et ils sont adressés directement au Chef de l’État. Je cite : «  veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis, il est capital pendant cette période pré-électorale, de bien garder sereinement le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation » Et ils ajoutent : «  le débat est toujours signe de santé et de vitalité, mais un parti politique, fut-il majoritaire, est il la bonne instance pour le conduire seul ? » fin de citation.

Je ne crois pas, malheureusement, que Nicolas Sarkozy soutenu en cela par Jean François Copé, Claude Guéant et quelques autres éminences grises, soit à même d’écouter ces mises en garde. Il n’écoute pas davantage celles de ses propres amis politiques, il les oblige même à se rétracter quand ils osent exprimer un point de vue différent ou plus nuancé, comme l’ont fait François Baroin et François Fillon. L’UMP est coupée en deux. Les uns s’imaginent qu’il faut  durcir encore plus le discours sur  l’Islam, sur l’identité, sur l’immigration et l’insécurité pour répondre au défi  lancé par Mme Le Pen. Des phrases, des expressions, des mots connotés, sont employés de manière irresponsable, pour susciter une complicité avec un électorat désemparé à la recherche de bouc émissaire. Je cite en vrac « la France n’est plus la France, on n’est plus chez soi,  l’opération en Libye qualifiée de croisade, les français musulmans, les vagues d’immigration, tout est bon pour récupérer l’électorat du Front National et permettre, croient ils, la réélection de Nicolas Sarkozy en 2012.
Les autres s’inquiètent de cette dérive vers l’extrême droite qui, loin de profiter au président sortant - il baisse encore dans les sondages, - ne fait que conforter le Front National et sa candidate à la présidentielle. Ils considèrent  que la France dispose d’un arsenal juridique  suffisant pour faire respecter la laïcité et que ce débat de quelques heures est inutile et surtout inopportun. 

Mais Nicolas Sarkozy s’obstine et pour le moment tout le monde rentre dans le rang, sauf, semble t-il, François Fillon qui ne participerait pas à la convention du 5 avril.
Certains essaient d’imaginer quelques propositions concrètes, pour se donner une raison de participer à ce débat. La ministre de l’enseignement supérieur Valérie Pecresse, par exemple, proposera de créer une formation à la laïcité, « un diplôme de la laïcité et des principes républicains à l’intention des personnes en charge des cultes, des directeurs des ressources humaines dans les entreprises, des agents des services publics, pour régler au quotidien les problèmes dans les écoles, les hôpitaux, les services publics ». Pourquoi pas ! mais il serait, sans doute, plus utile dans le cas de l’école d’avoir plus de surveillants, et d’assurer une formation pédagogique plus adaptée, aux jeunes certifiés ou aux jeunes agrégés qu’on envoie sans formation dans des zones difficiles ; il faudrait aussi trouver les moyens financiers et juridiques pour construire des lieux de culte qui permettent aux croyants musulmans de pratiquer dignement leur religion, sans avoir besoin pour cela de déborder sur les chaussées.
Des problèmes existent, il ne faut pas se le cacher, mais ils ne se règleront pas avec un débat qui dégage un parfum délétère.

Gérard Akoun               
Judaïques FM, le 31 mars 2011

02 avril 2011

L'avenir d'Israël après les révolutions arabes : Michel Gurfinkiel sera mon invité le 10 avril



Je pense que rares doivent être les auditeurs de la fréquence juive qui ne connaissent pas Michel Gurfinkiel, que je recevrai dimanche prochain. Je l'avais déjà eu comme invité il y a deux ans, nous avions établi ensemble un bilan de l'administration Bush qui venait de s'achever. Rappelons qu'il a eu une carrière très riche à la fois de journaliste et d’écrivain ; il est toujours resté fidèle, à la fois aux commandements de la Torah puisque c'est un Juif pratiquant, et à des convictions très fortes qui se retrouvent dans diverses revues et cercles auxquelles il collabore : il préside l’Institut Jean-Jacques Rousseau, spécialisé dans les questions géopolitiques ; il a été Rédacteur en chef  de « Perspectives » puis de « Valeurs Actuelles », il collabore aussi à de nombreuses revues américaines proches du courant dit « néo conservateur ». Mais surtout il a publié un grand nombre d'ouvrages consacrés à l'état juif dont le dernier, intitulé "Israël peut-il survivre ?" publié aux éditions Hugo et Cie. Il m'a envoyé cet ouvrage au moment de sa parution, c'était il y a quelques semaines or justement on venait de vivre la chute du régime Ben Ali en Tunisie, puis celle de Moubarak, et très vite nous avons tous compris que c'était une véritable vague de fond qui allait complètement rebattre les cartes dans le monde arabe : nous allons donc, certes discuter des chapitres du livre qui parlent des pays arabes, mais surtout profiter de son expertise pour discuter de ce qui inquiète la majorité de nos auditeurs, la survie d'Israël : quel peut-être l'avenir de l'état juif après toutes ses révolutions qui ne sont pas encore terminées ? Il y a en effet  deux écoles à travers ce que l'on peut lire, en gros une école de droite plutôt pessimiste qui ne croit pas que la démocratie soit possible dans ces pays ; et une école de gauche, qui espère que des sociétés libérées accepteront plus facilement la paix et la réconciliation avec le peuple juif.
Parmi les questions que je poserai à Michel Gurfinkiel :
- Vous avez titré le chapitre 16 du livre "Marcion", et je voudrais que vous donniez quelques éclaircissements à nos auditeurs : Marcion était en effet un théologien chrétien d'Asie Mineure qui a incarné un rejet absolu de l'Ancien Testament ; quel rapport avec l'islam ? Et pourquoi dites-vous, page 165, que le "Marcionisme" est considéré aujourd'hui dans le monde musulman comme la seule doctrine orthodoxe ?
- Dans une interview au journal "Haaretz" du 25 février, Fouad Ajami, universitaire américain d'origine libanaise, a dit que c'est la capture de Saddam Hussein, sorti comme un rat de son repère avant d'être jugé et exécuté, qui a donné du courage aux jeunes Arabes pour se dresser contre leurs tyrans ; il pense aussi qu'il n'y a pas de bons autocrates, et que même si Israël n'avait pas d'autres choix que de signer les premiers traités de paix avec eux, et bien des démocraties chez ses voisins donneront un support populaire à la paix : partagez-vous son avis ?
- Vous dites que ce qui caractérise les sociétés arabo-islamiques, c'est l'ocholocratie, le "gouvernement de tous pour tous", un totalitarisme fondé sur le conformisme, avec élimination immédiate par la société elle-même de celles et ceux qui ne soumettent pas à la norme : et vous citez un juriste musulman sunnite du XI ème siècle, Al-Muwardi, qui a défini les critères du bon chef, qui peut-être un usurpateur, mais au final un Calife légitime dans la mesure où il maintient la loi coranique à l'intérieur et combat les ennemis de l'islam à l'extérieur. Mais les révolutions arabes que l'on vient de vivre ont été le fait des peuples, sans leaders derrière eux, et sans référence claire à la religion. Et les révolutions tunisiennes, puis égyptienne, puis libyenne etc. ont eu des motivations tout à fait différentes : absence de libertés, classes moyennes sans perspectives, chômage des diplômés, corruption, pouvoirs quasi héréditaires usés, etc. Qu'en pensez-vous ?
- On a tout de suite lu, sur des blogs et sites juifs francophones, la théorie selon laquelle ces révolutions qui ont abattu des régimes pro-occidentaux comme celui de Ben Ali en Tunisie ou de Hosni Moubarak en Égypte, étaient un complot iranien : mais franchement, quand on voit ce qui s'est passé en Syrie, qui est l'alliée directe de Téhéran, voire même en Libye - parce que Kadhafi, même s'il s'était rapproché des Occidentaux, est toujours resté dans le fond un voyou, un nationaliste arabe et un anti sioniste radical - est-ce que vous pouvez défendre cette théorie ?

Vingt cinq minutes ne seront pas suffisantes pour discuter de tout ces sujets passionnants avec un invité d'une telle qualité ... j'espère donc que vous serez très nombreux à l'écoute !

J.C