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31 janvier 2006

L'antisémitisme, une "tumeur cancéreuse" islamiste

Un article en exclusivité pour le blog du philosophe et universitaire tunisien Mezri Haddad.

Introduction :
Mezri Haddad est un universitaire tunisien qui fait partie des intellectuels musulmans parfaitement clairs vis à vis de la menace islamiste dans son propre pays, mais aussi pour l'ensemble du Monde arabe et au delà pour l'ensemble des sociétés ! Je l'avais reçu à mon émission le 1er juin 2003, sur le thème "Y a-t-il eu une campagne de désinformation contre la Tunisie" et à propos de son livre "Non delenda Carthago, Carthage ne sera pas détruite" (éditions du Rocher, prix : 22,87 E). Je le recevrai prochainement à propos de sa participation à un ouvrage collectif publié aux Editions Michalon (voir en fin d'article). En attendant, je salue sa venue dans la petite équipe de collaborateurs de toutes confessions qui ont déjà publié sur le blog. Et je publie, en exclusivité, un article où Mezri dénonce l'antisémitisme et le négationnisme du régime iranien, rappelle qu'ils ne sont pas nouveaux et demande de ne surtout pas céder aux sirènes de "l'islamisme modéré".
J.C

De part leur caractère sciemment outrageant, mortifiant et jusqu’au-boutiste, les éructations négationnistes du jeune président iranien ont provoqué stupeur et indignation partout dans le monde, à l’exception bien symptomatique des pays islamiques. Aucun gouvernement n’a estimé sinon moralement juste, du moins politiquement opportun de condamner des propos pourtant tenu à la Mecque, lors du sommet extraordinaire de l’OCI (Organisation de la conférence islamique), devant 54 représentants de ses pays membres. Ce silence assourdissant ne s’explique pas seulement par la crainte de subir quelques attentats, comme à l’époque lumineuse de l’obscurantisme khomeiniste. Il s’explique également par la contrainte de ménager une opinion publique arabe qui, pour avoir été des années durant galvanisée par une casuistique nationaliste et une dogmatique islamiste des plus réactionnaires, a trouvé dans l’antisémitisme le catalyseur parfait de toutes ses blessures narcissiques et de toutes ses frustrations sociales, économiques et politiques.

Il faut reconnaître que quelques versets coraniques, intentionnellement isolés de leur contexte historique, ont davantage contribué à l’ancrage des stéréotypes antisémites dans les mentalités arabo-musulmanes. L’on peut d’ailleurs en dire autant des Evangiles, dont certains passages ont, jadis et naguère, servi à couvrir d’une cire théologique les persécutions antijuives les plus abominables. Il a fallu que l’Eglise opère son propre "aggiornamento" et qu’elle cautionne de nouveaux courants exégétiques, pour priver les extrémistes chrétiens de toute légitimité évangélique. Ceci pour dire que la pétrification des mentalités arabo-musulmanes n’est pas du tout irrémédiable. A condition que les penseurs de l’islam fassent preuve d’audace intellectuelle : faute de pouvoir expurger le Coran de ses scories potentiellement antisémites, ils devraient soumettre ce corpus au crible de la raison herméneutique. Et qu’est-ce que l’herméneutique si ce n’est la démarche historico-critique qui consiste à expliquer le texte par le contexte ?

Si l’indignation, côté occidental, est parfaitement compréhensible et justifiée, la stupeur dénote en revanche une certaine crédulité dans l’appréciation même du régime iranien. Ceux qui ont été surpris par les stigmatisations haineuses de Mahmoud Ahmadinejad sont ceux-là même qui, distinguant le régime des hommes qui l’incarnent et gobant la fable selon laquelle il y a des islamistes « modérés » et des islamistes « extrémistes », ont longtemps cru à une normalisation de la république islamique et à son inéluctable démocratisation. Heureux ceux qui ont cru sans voir disait Jésus !

Fasciné par le pragmatisme islamiste -manifesté notamment lors de la seconde guerre du Golfe -, floué par le petit et très sournois jeu de l’alternance au pouvoir, certains ont même commencé à présenter cette "Mollahrchie" comme un modèle politique parfaitement respectable et applicable au reste du monde musulman dans la perspective messianiste d’un Grand Moyen Orient démocratique. Il est vrai que cette réhabilitation du régime intégriste iranien n’a été possible qu’à la suite de l’irruption, le 11 septembre 2001, d’une nouvelle forme mutante du maximalisme islamiste : Al-Qaida et son macabre cortège de candidats au martyr. De même qu’un intégrisme peut en cacher un autre, un intégrisme peut en ressusciter un autre. Outre l’aggravation d’une fracture déjà latente entre le monde occidental et le monde musulman, le triomphe de Ben Laden, son vrai miracle a consisté à donner, non seulement une apparence civilisée à des théocraties hideuses, mais également un visage humain, voire humaniste à des mouvements néofascistes qui aspirent au pouvoir : le Hamas en Palestine (qui vient d’infliger une défaite historique au Fatah), le Hezbollah au Liban, les Frères musulmans en Egypte (dont 88 député siègent désormais au parlement), et leurs alter ego partout dans le monde arabe.

On a ainsi négligé le structurel au profit du conjoncturel, évacué l’essence doctrinale pour ne considérer que les apparences politiciennes. Amnésiques, on ne voulait plus se souvenir sur quel substrat idéologique reposait cette théocratie chiite que Khomeiny a fondé en 1979 non sans l’aide de quelques démocraties occidentales. On a oublié que l’islamisme, cette idéologie théocratique, fondamentalement totalitaire et clairement antisémite, dont la genèse remonte à 1928 en Egypte, est doctrinalement inaltérable, indépendamment de son identité confessionnelle (sunnite ou chiite) et de la forme politique qu’il peut prendre au début de son implantation comme au cours de sa consolidation. Epousant les tournants géopolitiques les plus inattendus, répondant aux exigences de la realpolitik, l’islamisme peut faire preuve d’un grand pragmatisme dans ses rapports aux puissances occidentales. Il ne renoncera pas pour autant à ses objectifs stratégiques : imposition d’une Charia anachronique à la totalité de ses sujets (politique intérieure), extension hégémonique, prosélytisme international et éradication de « la tumeur sioniste » (politique étrangère). Changements sémantiques dans la continuité idéologique, ainsi se résume le machiavélisme islamiste. C’est le ton politique qui change, jamais le fond idéologique dans lequel se ressourcent et se reconnaissent toutes les mouvances islamistes dans le monde.

C’est parce qu’on a longtemps entretenu l’illusion d’un islamisme fréquentable et « désamianté », et la chimère d’un intégrisme soluble dans la civilisation séculière qu’on a recouru à toutes les ratiocinations possibles et imaginables pour donner un sens aux diatribes foncièrement antisémites du président iranien. Dans cette anatomie de l’anathème, on a fait usage de tous les outils analytiques : tactique, stratégie, géopolitique, psychologie et même théologie. Un simple détour par l’ontologique aurait pourtant suffi à rendre intelligible l’obscurantisme antisémite de cet ex-pasdaran qui, avec l’omnipuissant "hiérocrate" Ali Khamenei, successeur de Khomeiny et guide suprême de la république islamique (qui a approuvé l’antisémitisme d’Ahmadinejad), préside aux destinées d’un peuple iranien à la civilisation multiséculaire. En d’autres termes, il faudrait revenir à la pureté originelle de la doctrine khomeyniste pour comprendre l’antisémitisme congénital de l’actuel président iranien, qui n’est pas une fuite en avant mais une fuite en arrière, un retour aux sources, une réminiscence.

En effet, le 30 août 1979, Khomeiny déclarait à Qom que « Ceux qui exigent la démocratie veulent entraîner le pays à la corruption et à la perdition, ils sont pires que les Juifs. Il faut les pendre. Ce ne sont pas des hommes ...». Dans son libelle, "Principes politiques, philosophiques, sociaux et religieux", il reproduit tous les stéréotypes véhiculés par la rhétorique islamiste : « C’est une honte d’être sous les ordres d’un chef de service juif », ou « Les Juifs, que Dieu les abaisse, ont manipulé les éditions du Coran ... Ces Juifs et leurs souteneurs ont pour dessein de détruire l’Islam et d’établir un gouvernement universel juif ». D’où cet impératif catégorique : « Israël, tumeur cancéreuse (!), doit disparaître et les Juifs doivent être maudits et combattus jusqu’à la fin des temps ». Mais, en attendant, l’ayatollah Khomeiny peut quémander à Israël armes et assistance militaire pour résister à l’invasion irakienne. On devine bien de qui Rafsandjani, Khatami et les autres figures emblématiques de l’«islamisme éclairé » tiennent leur pragmatisme cynique !

Dès l’« élection » d’Ahmadinejad en juin 2005, l’universitaire iranien Mohammed-Reza Djalili, dans un article prémonitoire intitulé Iran : le retour de l’idéologie khomeyniste, a eu raison d’écrire que « La nouvelle donne politique en Iran ... a le mérite de clarifier les choses, de mettre le pouvoir devant ses responsabilités : désormais il ne peut plus évoquer les agissements, souvent imaginaires, des empêcheurs de tourner en rond qu’étaient les pragmatiques et autres réformateurs »(Le Figaro du 20/7/2005). Il convient par conséquent de renoncer à l’angélisme avec lequel certains perçoivent le régime iranien en perpétuant le mythe d’une opposition entre « réformistes » et « conservateurs » qui, pour traduire une nuance politicienne réelle mais bien utilitariste n’implique pas pour autant un antagonisme doctrinal. On ne réforme pas une théocratie, mais on la rejette dans la poubelle de l’histoire d’où elle n’aurait jamais dû surgir.

En Iran, et de façon générale dans le monde musulman, la ligne de démarcation ne s’opère donc pas entre les islamistes « modérés » et les islamistes « extrémistes », mais entre les théocrates et les démocrates, entre les fondamentalistes et les laïcs, entre ceux qui ont réduit le Coran à un nauséabond factum antisémite et ceux qui, pour en avoir saisi l’esprit et relativisé la lettre, savent que le juif, comme le chrétien, sont pour le musulman des frères en monothéisme et en humanité, que le Dieu des musulmans est bien plus tolérant que la divinité des islamistes. Et si, pour étayer cette vérité élémentaire, il faut une sourate, en voici une qui ne souffre d’aucun doute exégétique, puisqu’on la trouve répétée trois fois dans le Coran :
« Ceux qui ont cru et ceux qui se sont judaïsés, et les Nazaréens et les Sabéens, quiconque a cru en Dieu et au Jour dernier et fait oeuvre bonne, pour ceux-là, leur récompense est auprès du Seigneur. Sur eux, nulle crainte ; et point ne seront affligés » (Sourate II, verset 62).
Les démangeaisons génocidaires d’Ahmadinejad n’impliquent donc pas l’islam, ni l’ensemble des musulmans, ni même la majorité des Iraniens.
Mezri Haddad
Philosophe et théologien musulman.

Auteur et coauteur de plusieurs essais dont "L’islam est-il rebelle à la libre critique", éd. Corlet, 2001, et "Pour un islam de paix", éd. Albin Michel, 2001. Dernier ouvrage paru (coauteur), "La République brûle-t-elle ? Essai sur les violences urbaines françaises", éd. Michalon, 2006.

30 janvier 2006

Pour trente mille voix d'écart ...

L'ensemble des commentateurs, dans la presse ou sur les blogs, semblent passer à côté d'un important élément d'information : le Hamas a certes obtenu, et à la surprise générale, la majorité des sièges au Conseil Législatif Palestinien ; mais du fait du système électoral, ce résultat ne traduit pas du tout le rapport de forces au sein de la population : en effet, seules 30.000 voix le séparent du Fatah !

Voici les chiffres d'après l'AFP (données publiées hier sur le site du journal "Le Monde" : les candidats du Hamas ont recueilli 440 409 voix et ceux du Fatah 410 554. Il y a eu 1 042 424 votants, soit un taux de participation de plus de 77 %. On peut être étonné par la modestie du corps électoral, beaucoup moins quand on considère le taux d'abstention et surtout l'extraordinaire jeunesse de la population des Territoires Palestiniens ; et ces chiffres sont bien cohérents avec la population estimée pour Gaza et la Cisjordanie (environ 3 millions et demi d'habitants).

Maintenant, pourquoi ces résultats ? Le mode de scrutin était compliqué, mêlant pour moitié scrutin proportionnel et scrutin d'arrondissement ; par simple effet mécanique, il amplifiait les mouvements d'opinion à la marge ... et donnait facilement une large majorité au camp légèrement dominant.

Reste voir, maintenant que l'on connait les vraies proportions de la "vague verte", si la "moitié minoritaire" de la population palestinienne des Territoires va accepter la "charia", un isolement international, le blocage de l'aide américaine et le soutien ouvert d'alliés aussi peu ragoutants que Bashar el Assad ou Mahmoud Ahmadinejad ; et cela, sans oublier les quelques dizaines de milliers de "policiers" recrutés dans l'ex-majorité, et qui n'ont pas encore rendus leurs armes ...

Les paris sont ouverts !

J.C

29 janvier 2006

Après la victoire électorale du Hamas, quelles réactions en Israël ?

Le Ministre des Affaires Etrangères Tzipi Livni
et le Premier Ministre Ehud Olmert
Photo Reuters, Jérusalem 26 janvier 2006

Introduction :
Après le "séisme" des élections palestiniennes, le monde entier retient son souffle ... Aux premières loges, l’État juif où un pouvoir fragilisé (gouvernement de transition, élections proches) vient de dire qu'il est hors de question de négocier avec une organisation vouée à sa destruction. Mais en même temps, ici où là, des voix discordantes s'expriment. En Israël même, où Shimon Peres dit qu'il serait possible de négocier avec le Hamas s'il renonçait au terrorisme, et où selon certains sondages publiés par la presse, une majorité relative serait prête à discuter avec les Islamistes. Claude Moniquet , expert en matière de terrorisme que l'on ne peut soupçonner de la moindre complaisance vis à vis du "fascisme vert" vient de publier sur "proche-orient.info" une analyse inattendue, disant que ce succès peut favoriser le succès du courant centriste Kadima, et donc est "une chance pour la Paix". Mon ami Alain ("a frenchie in the Holy Land") écrit sur son blog un article très émouvant - "Enfants d'Abraham" -, où il dit à la fois sa douleur de voir reparti la région trente ans en arrière, "comme au début des années 70 avec le Fatah et Septembre noir", et sa conviction que forcément il y aura des négociations avec le Hamas ... Tout ceci est donc fort embrouillé.
Claire par contre, et à partir d'une logique implacable, Isabelle Rose qui vit aussi en Israël, replace cet évènement selon les paramètres qui viennent le plus naturellement à l'esprit : l'Intifada ("révolte" en arabe) est finie, on passe maintenant à un état de guerre, guerre d'une entité réclamant la destruction de l'autre. Je publie in extenso sa tribune libre sur le sujet.
J.C

Tribune libre
par Isabelle Rose

Résultat des élections palestiniennes : l’Intifada est terminée

Au moment même où la Communauté démocratique internationale s’apprête à célébrer la première journée internationale de mémoire de la Shoah, l’Iran confirme sa volonté de poursuivre son programme nucléaire en même temps que l’organisation d’une commission historique qui devra déterminer si la Shoah a réellement eu lieu. La semaine passée, dans la perspective des élections, les « groupes armés » palestiniens ont rencontré le président iranien dont il faut se rappeler qu’il a été élu par son peuple.

Nous venons d’assister à l’élection du Hamas dans les territoires destinés à devenir « la Palestine ». Au même titre que l’OLP, qui n’a jamais supprimé de sa charte l’article qui comporte la destruction d’Israël, le Hamas tout entier est dirigé vers la réalisation du même projet. Le statut particulier du Hamas, de même que sa toute récente élection, changent cependant considérablement la donne dans la région : d’une part, le Hamas est répertorié sur la liste des organisations terroristes ; il ne peut donc pas être considéré comme un partenaire politique. En ce sens, son élection ne lui octroie aucune légitimité dans la mesure où son existence en tant que telle est illégale : les Palestiniens viennent donc d’élire un parti hors la loi qui figure sur toutes les listes noires de la Communauté Internationale. D’autre part, cette organisation terroriste est à l’origine de nombreux attentats. D’un point de vue « juridique », tant que ces attentats étaient perpétrés par une organisation terroriste qui vivait dans l’illégalité, nous pouvions parler d’une « Intifada » ou d’un « groupe armé ». Mais maintenant que cette organisation terroriste est devenue le gouvernement et le Parlement, tous ses actes et ses propos violents doivent être interprétés différemment : quand un gouvernement appelle à la destruction d’un État, on parle en effet de guerre, et non pas d’Intifada. Nous nous trouvons donc devant une nouvelle situation : « la Palestine », qui n’existe pas encore, a déclaré la guerre à Israël, État membre de l’Onu. La Communauté internationale doit très sérieusement prendre en compte ce changement de situation qui doit également se traduire dans les mots : au niveau du droit juridique, Israël est un pays en guerre, agressé par son voisin, contre lequel il peut utiliser tout l’arsenal juridique et militaire pour se défendre avec l’aide des Institutions internationales - Onu, Usa, Europe.

La présidente (autrichienne) de l’Union vient de déclarer que le Hamas ne pourrait pas être un partenaire tant qu’il ne serait pas un partenaire pour la paix. Qu’est-ce que cela veut dire en clair ? Que le Hamas, s’il se réforme, peut devenir un partenaire pour des négociations. Il semble que l’Europe n’ait rien appris de ses expériences : d’une part, pendant de nombreuses années, nous l’avons vu négocier - et financer - Yasser Arafat dont l’implication dans la préparation de certains attentats n’a fait que reculer la venue de la paix. Rappelons seulement l’échec d’Oslo et des propositions pourtant très généreuses d’Ehoud Barak. D’autre part, sa politique frileuse avec la Syrie et l’Iran nous a conduit à la situation que nous pouvons tous observer maintenant : on n’évite pas un affrontement, on le diffère (au bénéfice de l’adversaire) seulement. Enfin, ses condamnations trop molles du terrorisme et des États voyous lui ont fait perdre tout crédit dans le monde : que l’on se contente d’écouter les grossières provocations de l’Iran qui devraient nous faire honte.

Quelles conclusions en tirer ? Avec la violence et le terrorisme - avec la volonté de guerre - il est impossible de négocier. Mieux : que ce soit d’un point de vue moral ou simplement stratégique, il ne faut pas négocier. Parce que toute négociation sera interprétée comme signe de faiblesse. La Communauté Internationale a dressé une liste des organisations terroristes. Non seulement elle doit se tenir à cette liste, mais elle doit aussi lui donner un pouvoir juridique coercitif. Sans quoi ce sont les institutions démocratiques - nationales et internationales - qui seront détruites. Voilà ce qui ressort de 58 ans d’expérience en Israël : de quoi méditer ...

Jérusalem, le 27 Janvier 2006,
 

Isabelle Rose

"Politique arabe de la France", le "blog des blogs" !

Je vous avais signalé dans un article déjà ancien publié dans la série "Blogs en stock" le blog "politique arabe de la France" dont la lecture est indispensable à quiconque veut s'y retrouver dans la diplomatie de notre Pays, avec à la fois ses permanences et ses virages sur l'aile (lire ici).

Depuis lundi dernier, et alors que l'actualité s'emballe, "PAF" est passée en version 2, encore plus riche et interactive ! Nouvelle présentation (reprenant les archives de l'ancienne), nouveaux collaborateurs, nouvelles rubriques et surtout (ce qui à ma connaissance est unique) publication d'un véritable "journal des blogs" donnant au fil de l'eau les articles publiés sur différents blogs dans le domaine concerné. Grâce à l'ajout de nouvelles fonctions sur "rencontrejudaïquesfm" (syndication RSS), plusieurs publications de mon propre journal en ligne ont ainsi pu être découvertes dans la rubrique "PAF news : les blogs".

Merci à Emmanuel, webmaster de "politique arabe de la France" ! Et pour ceux qui ne sont pas encore allés sur son adresse, allez vite découvrir la version 2.

J.C

26 janvier 2006

Le séisme



Meeting du Hamas, ville de Hébron, 23 janvier 2005
Photo A.P


Je titrais hier soir « le choc » pour commenter les premiers résultats des élections législatives palestiniennes, qui laissaient présager la perte de majorité par le Fatah et un Hamas fort de 40 % des suffrages. La réalité a dépassé la pire des fictions imaginées : les Islamistes ont gagné, et largement ! Au vu de leur programme, la Communauté internationale s’inquiète et c’est bien un minimum (voir synthèse donnée sur le site de Libération). François Bayrou, dont j’ai loué la semaine dernière le « parler - vrai » (cliquer ici) qualifie l’évènement de « tremblement de terre » (voir sur le blog "politique arabe de la France"), d’où le titre retenu pour cet article.

En y regardant d’un peu plus près et en rassemblant des souvenirs ou des interviews marquantes d’invités, je me dis en fin de compte que Bayrou a raison, mais que c’est l’histoire du monde arabe qui va vivre un tournant - beaucoup plus que celle d’Israël. Et cela pour une raison simple : c’est la première fois qu’un gouvernement arabe risque (si le Hamas gouverne seul) d’être une émanation directe des " Ikhwan ", les " Frères " (musulmans). Faisons rapidement un point historique.

Islamiste, l’Iran l’est depuis la révolution de 1979, mais les Perses ne sont pas arabes ... et surtout ils sont chiites. Ce matin dans "le Figaro", s’inquiétant de la poussée fondamentaliste dans toute la région, Alexandre Adler souligne les contradictions internes qui peuvent endiguer la « vague verte ». Je reproduis ci-dessous un extrait de sa tribune :
« Mais il y a encore quelques obstacles sérieux à franchir pour parvenir à ce scénario de cauchemar. Isolons-en les trois principaux : le sentiment viscéral de solidarité politico-religieuse des chiites iraniens avec leurs frères du monde arabe qu'exclut à terme le lâchage de l'ayatollah Sistani par Téhéran, et menace très directement le maintien au pouvoir d'Ahmadinejad. Le second obstacle réside dans la lassitude générale de la population palestinienne qui, d'accord pour sanctionner un gouvernement inepte, ne le serait pas nécessairement pour reprendre les armes contre l’État d'Israël. Le dernier obstacle réside dans le sectarisme sunnite intéressé des principaux courants intégristes du Moyen-Orient, lesquels dépendent de subventions saoudiennes très officieuses. »

Islamiste, l’Arabie saoudite l’est depuis sa fondation, mais dans un moule particulier, celui d’un régime associant l’épée et le tapis de prière, le pétrole et la mosquée, propageant dans son peuple le dogmatisme étroit du Wahabbisme et un mépris pour l’Occident, mais en même temps cultivant une relation schizophrène avec les « mécréants », à la fois clients, gestionnaires du trésor de la couronne et fournisseurs discrets de plaisirs contraires à la lettre du Coran. A la clé, cela produit des rejetons dangereux comme Ben Laden, lui-même un croisement de toutes les mouvances islamistes du siècle précédent (celle des « Frères » fondé par l’Égyptien Hassan El Banna dans les années 20) ; celle du Pakistanais Mawdûdi, vrai théoricien d’une théocratie totale - la « Hakamiya » ; et celle du Wahabbisme). Relire « La maladie de l’Islam » de l’excellent Abdelwahab Meddeb ; Meddeb fut mon invité à deux reprises en mars 2004.

Islamiste, le Soudan l’est depuis plus de quinze ans, sous la férule du Général Al Bachir, avec application de la « Charia » et une dure répression de la population non musulmane (ou musulmane ne se considérant pas comme arabe comme au Darfour, voir notre émission de l’année dernière). Il n’empêche (comme nous l’avait exposé l’orientaliste israélien Emmanuel Sivan lors d’une conférence à Paris), que pour le reste du monde arabe, les Soudanais ... ne sont pas tout à fait des arabes ! ... et donc ce Pays, membre de la Ligue arabe et officiellement islamiste ne pouvait représenter un risque de contagion.

Donc il y aura bientôt, et pour la première fois, un gouvernement arabe qui sera une émanation directe d’une confrérie radicale islamiste ; ce que l’on aurait connu en Algérie si l’armée n’avait pas interdit après les élections de 1991 la prise de pouvoir par les « frères féroces » comme les surnomme la brillante universitaire franco-algérienne Latifa Ben Mansour (lire un extrait d'interview). Il sera rapidement temps de voir si, comme le disait à mon micro en décembre dernier le journaliste égyptien Ahmed Youssef, il y a « plusieurs sortes de Frères musulmans », des modérés et des extrémistes ...

Enfin et pour ne pas faire trop long, disons que, pour ce qui concerne Israël, et sauf l’hypothèse profondément néfaste d’un retour aux affaires de Bibi Netanyahou - possible seulement si le Hamas jouait tout de suite la carte du terrorisme, mais Tsahal veille et lui a donné des coups terribles -, cette victoire islamiste va rendre définitivement crédible le scénario de divorce prolongé et sans négociations incarné par Sharon, puis par Ehud Olmert. Ceux pour qui l’avenir est le plus sombre seraient en définitive les plus sympathiques et les plus ouverts du peuple palestinien - ceux qui soutenaient la démarche résumée par l’appel « 2 peuples - 2 états » (voir en lien permanent) ; et qui risqueront gros à présent, à exprimer des positions réalistes avec des fanatiques déclarés au pouvoir !

J.C

25 janvier 2006

Le choc


Supporters féminines du Hamas, devant un bureau de vote de Bitunia, près de Ramallah
Photo : A.P

C'est la première fois que les Palestiniens s'expriment de façon totalement démocratique pour une élection majeure, puisque les Islamistes ont pris le risque de se présenter. Leurs suffrages ont été mieux respectés que dans l’Égypte voisine, puisque le vote s'est fait sous supervision internationale, et en présence des caméras de télévision du monde entier. Le résultat (d'après les premiers dépouillements) a de quoi faire frémir : le parti Hamas, émanation des "Frères Musulmans" et hostile à tout compromis avec Israël, aurait recueilli entre 35 et 40 % des voix !

Lire le texte fanatique et antisémite de la charte du Hamas, mouvement classé comme organisation terroriste depuis longtemps par les États-Unis et (postérieurement à la publication du site en lien) par l'ensemble de l'Union Européenne.

J.C

Nouveaux boutons, nouvelles fonctions !


Pour les habitués du blog ou ceux qui le découvrent, vous avez peut-être été frappés par la multitude d’icônes sur la colonne de droite ... Je reviendrai sur celles associées à une fonction « recherche » dans un prochain article, pour ne parler aujourd’hui que de celles liées au flux d’information.

Premier bouton important, celui marqué « botablog » :
En cliquant dessus, vous tomberez sur une fenêtre de dialogue vous invitant à laisser votre adresse e-mail : vous recevrez ainsi l’information de chaque mise à jour du blog, ce qui vous évitera (pour les habitués), soit de venir faire une visite pour rien, soit de rater plusieurs « posts » en n’étant pas venus pendant un moment. Pour mémoire, il y a plusieurs articles nouveaux par semaine, mais il n’y a pas d’actualisation quotidienne !

Deuxième bouton, celui là de couleur orange avec des stries blanches, il est situé juste en dessous de l’icône verte « technorati »:
Il correspond à la « syndication feedburner» du blog ; elle donne la possibilité d’enregistrer les flux d’actualisation, de lire sous des formes différentes, et à partir de serveurs autres que « blogger ». Appuyez sur le bouton ; vous verrez apparaître le même blog, mais sous un format beaucoup plus lisible (pleine page, caractères différents) ; les liens hypertextes des articles (titres et textes) existent toujours et renvoient à la forme « blogger » ; seules limites (pour le développement actuel), l’absence de liens avec d’autres sites, et l’absence d’accès au archives. L’autre « plus » apporté par cette « syndication » est la possibilité de vous abonner pour recevoir les mises à jour (autres méthode que par « botablog ») : allez sur la version « syndiquée » ; une fois ouverte la nouvelle page Web, vous trouverez en haut et à droite toute une collection d’icônes correspondant à des serveurs possibles pour les abonnements (« my yahoo », « newsgator » ; « podnova », etc. Il suffit de cliquer sur l’une d’elle, d’appliquer la procédure indiquée (abonnement), vous recevrez très facilement les mises à jour !

Merci d’enregistrer en favori l’adresse de la version « feedburner » du blog :
http://feeds.feedburner.com/blogspot/czkb

Et merci à Ouriel Ohayon pour ses conseils à distance ... Ouriel est un jeune passionné d'informatique, ancien élève de HEC, d'origine française et qui est devenu israélien comme Alain (blog « a frenchie in the Holy Land » en lien permanent). Si vous voulez tout savoir sur les blogs et leurs développements, visitez le sien.

J.C

22 janvier 2006

Réactions françaises aux menaces iraniennes (2) : Pierre Lellouche

Introduction :
Quatorze députés UMP ont apporté leur soutien à une tribune de Pierre Lellouche, publiée dans le journal "Le Figaro" une semaine avant le discours de Jacques Chirac, prononcé à la base de sous marins stratégiques de l'Ile Longue (voir article précédent). En voici la reproduction intégrale.
J.C

« Pourquoi il est urgent de répondre au défi iranien »
Par Pierre Lellouche, député et conseiller de Paris, président de l'Assemblée parlementaire de l'Otan.
Paru dans le Figaro du 12 janvier 2006

" A l'aube de la 6e année du nouveau millénaire, Adolf Hitler est ressuscité. Plus exactement, il s'est réincarné, après sa mort dans les ruines de Berlin, sous les traits d'un obscur terroriste iranien, petit et chétif comme lui, mais propulsé à la présidence de la République islamique d'Iran pour d'interminables répliques d'un séisme khomeynique qui n'en finit pas de tuer, vingt-six ans après. Le président Ahmadinejad a lu le Führer. Au demeurant, Les Protocoles des sages de Sion, le brulôt antisémite dont on connaît les ravages, n'ont-il pas été réédités à Téhéran dès 1985 par l'Organisation pour la propagande islamique afin de servir à l'édification des masses ? La filiation «intellectuelle», si l'on ose dire, saute aux yeux pour qui veut bien comparer le discours du leader iranien à la version originale de Mein Kampf.
Mais la différence entre Hitler et Ahmadinejad est que le premier a échoué, là où le second est en train de réussir : accéder à la bombe atomique. Selon les rapports de l'AIEA et de son directeur, le prix Nobel de la paix Mohammed El Baradei, l'Iran se rapproche aujourd'hui dangereusement du «seuil» nucléaire. Et l'acquisition de l'arme nucléaire, qui constitue depuis des décennies l'objectif du programme clandestin iranien, en complète violation de ses engagements internationaux, transformerait cet Etat, qui s'est depuis longtemps affranchi des règles du monde civilisé - que l'on songe à la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran en 1979 ou à l'épisode du «diplomate» iranien Wahid Gordji en 1986, qui n'était qu'une illustration de sa pratique ordinaire du terrorisme, y compris sur notre sol -, en une menace autrement plus sérieuse pour la paix et la sécurité internationales.
Ainsi parle aujourd'hui le dirigeant d'un grand pays musulman. Et que dit le reste du monde musulman, un milliard d'hommes, lesquels ne sont pour l'essentiel ni chiites, ni persans ? Réponse : rien. Aucun président, aucun ministre des Affaires étrangères, aucun média arabe, y compris dans les Etats modérés amis de l'Occident, ne s'est élevé pour dénoncer cet appel au génocide des Juifs. Mieux, il s'est même trouvé quelques thuriféraires de la foi islamique pour se féliciter de la force de conviction du président iranien. Deuxième question : si le monde arabo-musulman ne réagit pas, que fait l'Occident et surtout que fait l'Europe, qui a vu naître la folie hitlérienne et sa conclusion : la Shoah. Réponse : les démocraties occidentales «condamnent» et «s'indignent» de propos «scandaleux» et naturellement «inacceptables»... mais au-delà des mots, elles ne font rien.
L'inexistence de l'Europe sur un sujet aussi fondamental n'a d'égale que son échec, aujourd'hui patent, dans le bras de fer qui oppose l'Iran et la Communauté internationale sur ses ambitions nucléaires. Il est clair aujourd'hui que les négociations conduites par les trois Européens avec l'Iran ont fait long feu. Des solutions de compromis raisonnables avaient pourtant été proposées, en vain, aux Iraniens. Ceux-ci viennent d'annoncer, il y a deux jours, la reprise de leurs activités de recherche et d'enrichissement.
Au train où vont les choses, l'Iran d'Ahmadinejad aura la bombe d'ici un an ou deux, tout au plus. Les équilibres régionaux s'en trouveront bouleversés. Outre Israël, les pays arabes modérés, mais aussi la Turquie, qui est notre alliée au sein de l'Otan, risquent de se voir directement soumis à son chantage. Nous-mêmes pourrons a contrario nous féliciter d'avoir eu la sagesse de conserver une force de dissuasion en cours de modernisation. Mais compte tenu des liens étroits entretenus par l'Iran et en particulier par les pasdarans - que M. Ahmadinejad dirigeait encore récemment - avec plusieurs mouvements terroristes djihadistes, dont le Hezbollah, le pire serait à craindre - c'est-à-dire l'emploi de l'arme nucléaire au coeur de nos villes par une nébuleuse d'acteurs terroristes non étatiques -, alors que le territoire iranien serait «sanctuarisé».
On objectera que le président iranien n'est pas aujourd'hui détenteur de la totalité du pouvoir et qu'il demeure soumis en théorie à l'autorité du guide de la révolution Ali Khamenei, sorte de Hindenburg en turban. Mais pour combien de temps encore ? On assurera aussi que ses positions seraient affaiblies par ses propres outrances et plus encore par l'alliance réalisée de facto entre Américains et chiites en Irak. Cela est peut-être vrai. Mais la fuite en avant qu'il a déclenchée est une sorte de quitte-ou-double : soit nous laissons Ahmadinejad poursuivre sur sa lancée programmatique, et c'est l'assurance d'un nouveau conflit majeur au Proche-Orient, dans lequel nous risquerions d'être impliqués ; soit il en est empêché, ce qu'il faut évidemment souhaiter. L'idéal serait qu'il le soit de l'intérieur, à la faveur d'un changement de régime en Iran. On peut malheureusement douter que les circonstances s'y prêtent.
A défaut, il conviendrait, avant que la situation échappe à tout contrôle, que le Conseil de sécurité soit saisi de cette affaire, en espérant qu'il ne fasse pas une nouvelle fois la preuve de son incapacité à agir. Car il ne faut pas se voiler la face : l'un des dommages collatéraux du débat sur les armes de destruction massive en Irak - alors que l'intervention de la coalition aurait très bien pu être justifiée, à mon sens, par la seule nécessité d'écarter un dictateur particulièrement sanguinaire - aura été d'affaiblir durablement toute capacité de mobilisation des opinions publiques occidentales sur les questions de prolifération, qui sont aujourd'hui pourtant le danger le plus pressant. Ahmadinejad le sait : aussi pousse-t-il ses feux. A nous de savoir relever ce défi, sans faiblesse. Plus nous attendrons, plus le coût sera élevé."

Cette tribune est cosignée par les députés UMP Alfred Almont, Richard Dell'Agnola, Bernard Depierre, Claude Goasguen, Arlette Grosskost, Jean-Yves Hugon, Jean-Marc Lefranc, Pierre Lellouche, Lionnel Luca, Richard Mallié, Pierre Micaux, Marc Reymann, Jean-Marc Roubaud et Philippe Vitel.

Voir aussi un extrait d'interview de Pierre Lellouche sur le blog

Réactions françaises aux menaces iraniennes (1) : Chirac, décryptage


Le Président iranien Mahmoud Ahmadinejad

source « mrzine.monthlyreview »

L’allocution du Président de la République lors de sa visite de la base de l’Ile Longue ce jeudi 19 janvier, a fait des remous - bien au-delà de la rade de Brest ! Pour la première fois, l’usage de l’arme nucléaire a quitté, dans les discours officiels, le monde des concepts neutres, hérités de la guerre froide (« dissuasion » ; « réponse du faible au fort »), un monde où l’ennemi théorique n’était jamais nommé. 
Ci-dessous un extrait clé des propos de Chirac :"Les dirigeants d’États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposeraient à une réponse ferme et adaptée de notre part".
Alain Hertogue, dont l’excellent blog « carte de presse » a souvent été cité ici, écrit dans un article repris par « Yahoo » : « bienvenue dans le monde réel de l’après 11 septembre 2001 » (cliquer ici). Un article qui déclenche, comme d’habitude, une avalanche de commentaires que vous pourrez lire aussi (j’avoue qu’ils me fatiguent), avec l’inévitable pourcentage de surfeurs qui ont tout compris en désignant la vraie source de tous les problèmes, Israël bien sûr ... Même avalanche de commentaires sur le même sujet sur le blog « Politique Arabe de la France », PAF, mis en lien permanent (voir article du 20 janvier) : cette fois, impact direct d’un lectorat différent, plusieurs commentateurs ne veulent absolument pas croire à une inflexion de la politique étrangère et se moquent de la posture « guerrière » de Chirac.

Les lecteurs de mon propre blog ont du bien noter une absence d’indulgence pour le gouvernement actuel de notre pays ... raison de plus pour ne pas m’enfermer dans la mauvaise foi, et nier une vraie inflexion vis-à-vis de l’Iran. Pour preuve, le fait que l’on ait laissé parler le chef d’état major des forces armées, « la grande muette » (déclaration du général Henri Bentégeat sur RTL hier, reprise également sur « Yahoo ! Actualités ») : "ce qui a considérablement augmenté ces derniers temps, davantage que l'utilisation du terrorisme par un État, c'est l'utilisation potentielle par un État des armes de destruction massive, des missiles à longue portée, avec des têtes qui peuvent être nucléaires ou chimiques ou biologiques. Petit à petit, on voit beaucoup de pays commencer à s'en équiper, les exemples les plus frappants sont l'Iran et la Corée du nord".

Pour finir, disons que je suis plus que perplexe face aux positions de l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques), éreintée sur le site PAF (voir dans ce blog une sélection d’articles dans les « obsessions thématiques »). D’un côté, son Directeur Pascal Boniface minimise sans état d’âme les propos de Chirac, dans une une analyse publiée par « Yahoo ! Actualité » où (hélas !) il est un invité régulier. Surtout, les intentions génocidaires des Ayatollahs sont passées sous silence. Mais d’un autre côté, le véritable expert de l’IRIS sur les affaires iraniennes, Frédéric Tellier (un ancien attaché d'ambassade à Téhéran), a donné une interview à nos amis de « proche-orient.info » (entretien avec Nicole Leibowitz), où il est plus que clair dans l’extrait suivant : «C'est une déclaration sans ambiguïté et encourageante. À travers ce discours préparé de longue date, transparaît en filigrane la conscience de l'enjeu iranien. D'ailleurs, il faut noter que des trois pays européens engagés dans la négociation avec Téhéran, le seul dont les officiels n'ont jamais écarté formellement l'option militaire est la France. La France a été le maillon fort de l'initiative des trois européens. Les propos du Chef de l'État le confirment. Ils doivent se traduire en orientations claires pour notre diplomatie.»

Vous arrivez à vous y reconnaître ? Décidément il faudra consacrer plusieurs émissions au dossier iranien !
A propos de l’opinion publique française face aux menaces d’Ahmadinejad, voir article sur le blog (cliquer ici).

J.C

20 janvier 2006

"A frenchie in the Holy Land"

Blog en stock
http://franceisrael.blogspot.com/

Alain est un citoyen israélien d’origine française qui tient un "blog" dont le nom est tout un programme : "A Frenchie in the Holy Land". Pour vous donner une idée de son état d’esprit et de l’ouverture qui caractérise son blog, le mieux est de reproduire le premier "post" qui date de mai 2005 :

"Bon, disons que ce blog a pour but de refléter tant bien que mal les états d'âme et pérégrinations d'un français en Israël. Nouvel émigrant depuis 7 ans ; être humain (ou du moins y ressemblant) tiraillé entre les délices de sa culture française et les pulsions telluriques de son nouveau pays. Ce blog affichera également une nette volonté de rapporter à tous ceux qui s'y intéressent une véritable description du quotidien, ici, en terre sacrée... Servir de tremplin à tous ceux qui veulent s'exprimer sur les conflits entre les races, religions et peuples. Sans aucun "partisanisme", loin de tout nationalisme. Ni juif, ni arabe, ni de droite, ni de gauche, pas noir, pas jaune, humain tout simplement et surtout libre ... très libre"


Ouvert aux autres cultures, partisan de toutes les formes de dialogue tout en n’étant pas un pacifiste béat et masochiste, j’ai vite compris en "feuilletant" les pages de son blog qu’Alain me ressemblait et que son témoignage méritait d’être largement reconnu. Surtout en France, où on ne connaît d’Israël que des images de bus qui explosent et des interviews sournoises d’extrémistes des deux bords qui, tous réunis, ne représentent et heureusement, qu’une minorité de la société : que de reportages sur les habitants ultra-nationalistes des implantations, que de tribunes offertes aux renégats ayant quitté leur pays ! Le peuple israélien est un peuple comme un autre avec la pression en plus, et Alain apporte un témoignage de tout, du meilleur comme du pire. C’est aussi un peuple qui vit, malgré les menaces d’extermination, malgré la peur, et où souvent on rencontre un jouissance naïve de la vie que l’on a peine à imaginer ici : lisez ses mini-reportages sur la musique, le sport, la gastronomie ou le tourisme ; découvrez son article du 23 octobre 2005, intitulé "I have a dream" où il rêve de déguster un shawarma à Beyrouth, ... en 2009, si les frontières sont ouvertes et le Liban est débarrassé des ennemis de la Paix.

J’espère qu’Alain pourra apporter dans mon blog des témoignages originaux sur la coexistence entre communautés dans son Pays. Dans l’attente, j’ai plaisir à faire figurer son adresse dans les liens permanents.

J.C

19 janvier 2006

François Bayrou : petit déjeuner avec les amis du CRIF ; langue de bois laissée au vestiaire


François Bayrou
Source : weblog de Michel Moine, cliquer ici.


Introduction :"Les amis du CRIF" ont inauguré de façon très brillante ce matin une série de "petits-déjeuners-rencontres" avec les hommes politiques. Premier invité, François Bayrou, Président de l'UDF. Le débat était animé par Sylvain Attal, éditeur à Public Sénat. Et je ne regrette vraiment pas d'être venu, tellement il est rare d'entendre un présidentiable parler sans langue de bois ! Lucidité par rapport à la situation actuelle de notre pays ; vraie modestie vis à vis de nos partenaires européens ; amitié sincère pour le petit Israël, trop longtemps diabolisé ; voilà qui change des effets de manches, discours lyriques et autres formules creuses, balançant des néologismes ("abracadabrandesque", "déclinologues") à des médias complaisants, qui vont plus à la soupe qu'aux vraies nouvelles. Les institutions de notre société sont épuisées et il faut tout reconstruire. Voilà l'essentiel de ce que nous avons entendu, et qui ne risque pas de plaire sur les grandes chaînes de radios et télévisions, où le député du Béarn est rarement invité : ci-dessous la reconstitution (approximative, à partir de mes notes) de quelques propos mémorables !
- A propos de l'affaire d'Outreau :
"Ce n'est pas la responsabilité d'un homme, c'est celle de toute l'institution judiciaire (...) La leçon, c'est que les innocents se défendent très mal, et lorsque quelqu'un est montré du doigt par les médias, il fait figure de coupable tout de suite ; or les médias répondent toujours à l'attente du public".
- A propos de la cinquième république :
" C'est un système bizaroïde, où celui qui est élu ne gouverne pas, et celui qui gouverne n'est pas élu (...) L'Assemblée Nationale n'a aucune maîtrise de son ordre du jour, et elle n'est pas du tout représentative du fait du système électoral". François Bayrou évoqua ainsi le scandale du refus de tout débat sur l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne, et comment il s'était fait "jeter" pour avoir osé demander une consultation de l'Assemblée.
- A propos de la société française :
" La plupart des cadres étatiques sont à revoir (...). Nous sommes arrivés à l'épuisement d'un système, et le grand public n'a pas encore compris la situation".
- A propos de l'emploi :
" On multiplie les textes, et ils sont complètement illisibles. Aujourd'hui, il y a 243 contrats différents pour l'aide à l'emploi, la droite défait les dispositifs de la gauche et réciproquement, mais en fait on fait la même chose (...). Or le monde de l'économie a besoin de stabilité (...). On assiste à une course non maîtrisée dont la seule substance est de parler au journal télévisé et de gagner des points dans les sondages".
- A propos des médias français et d'Ariel Sharon :
" Je n'ai jamais participé à la "chasse à Sharon", même si j'ai été souvent en désaccord avec sa politique dans le passé (...). Je l'ai souvent rencontré, et j'avais pressenti qu'il serait capable de prendre des grandes décisions (...). Ceux qui disent que ce sera le chaos sans lui n'ont pas compris qu'Israël est une vraie démocratie, la seule du Proche Orient, et que seules les vraies démocraties sont des régimes durables. Et ils ne le comprennent pas parce que ici, nous n'avons pas de vraie démocratie".
- A propos de la nécessité d'un vrai parti centriste :
" Oui, l'expérience de "Kadima" peut s'incarner en France aussi. Si on a une bipolarisation, alors chaque camp est gouverné par ses noyaux durs". Et François Bayrou a évoqué le cas de la gauche française, avec les derniers propos étonnants de DSK "dont il se sent proche" proposant une alliance avec la LCR ; où des États-Unis, où les fondamentalistes religieux ont une influence disproportionnée chez les Républicains.
- A propos de la menace iranienne :
" Le recours au Conseil de Sécurité de l'ONU est inévitable, car ce régime ne fera pas marche arrière ; on devra envisager des sanctions ; mais l'aventure irakienne a rendu les Nations Unies plus fragiles devant de telles menaces".
Sur ces différents sujets, lire aussi sur le blog :

18 janvier 2006

Tzipi Livni, nouveau Ministre des Affaires Etrangères d'Israël



La ministre Tzipi Livni
Source : site du Keren Hayessod

Cette jolie jeune femme, née en Israël en 1958, était ministre de la justice. Indépendamment de l'état de santé du Premier Ministre Ariel Sharon (dont elle était très proche), le gouvernement actuel se trouvait en état d'implosion, avec le départ des travaillistes sur décision d'Amir Peretz, puis celui du Likoud sur décision de Benyamin Netanyahou. Elle devient ministre des affaires étrangères, et elle conservera sans doutes ce poste en cas de victoire du parti Kadima mené par le Premier Ministre par intérim Ehud Olmert.

A noter son interview sur le conflit israélo-palestinien dans l'édition datée du 15 janvier du journal "Le Monde", où elle donne des réponses empreintes de réalisme. En particulier, l'extrait suivant où elle met en avant une angoisse existentielle pour son pays, régulièrement oubliée par les grands médias nationaux qui posent uniquement le conflit en termes de "territoires occupés" :
"Beaucoup de facteurs influent sur ce processus. Par exemple, la mondialisation. Elle pose le problème de l'équilibre entre les valeurs qu'elle génère et les valeurs nationales. Là, nous avons un problème face à la communauté internationale. On assiste à un phénomène de délégitimation croissante d'Israël. A quoi est-il dû ? L'Europe, par exemple, essaie depuis cinquante ans de construire quelque chose au-dessus de l’État-nation. Nous, au contraire, voulons assurer la spécificité juive de notre État. Or, désormais, on entend des gens dire : "Finalement, pourquoi n'y aurait-il pas qu'un seul État ici ? Au fond, le judaïsme n'est qu'une religion..." La mondialisation génère de fortes pressions contraires aux États-nations et des mouvements d'auto-préservation nationale. De ce point de vue, je suis parvenue à la conclusion que, sur le plan international, plus le conflit israélo-palestinien se prolonge, moins le temps joue en notre faveur. D'un côté, il faudrait attendre que les Palestiniens nous reconnaissent vraiment comme État juif, de l'autre, le temps est contre nous."

Pour ceux qui voudront tout savoir sur la nouvelle Ministre des Affaires Étrangères, voir la très complète présentation de Marc Tobiass sur le journal en ligne "proche-orient.info". Et j'en profite pour saluer le retour depuis dix jours de ce site de référence, en lien permanent sur le blog !

J.C

15 janvier 2006

"Colonisation : la norme et l’ignorance". Un article percutant de Pierre Vermeren.

Introduction :
Pierre Vermeren est un professeur agrégé d’histoire TZR à Bordeaux. Historien spécialiste du Maghreb, il a publié plusieurs ouvrages, dont le dernier paru est "Maghreb, la démocratie impossible ? ", Fayard. J'ai eu le grand plaisir de réaliser avec lui deux interviews à propos de son livre en octobre 2004, année de sa parution. J'avais découvert une telle densité d'informations et une telle originalité dans l'approche, qu'il m'avait semblé nécessaire d'y apporter le maximum d'échos, par deux émissions et après lui avoir consacré un compte-rendu sur le journal en ligne "proche-orient.info" (voir article sur le blog). Pierre Vermeren a bien voulu accepter de rejoindre la petite équipe de talents dont vous retrouverez régulièrement des publications sur "rencontrejudaiquesfm". C'est avec plaisir que je publie aujourd'hui son premier article, consacré à un sujet dont on a beaucoup parlé en France dernièrement, celui de l'enseignement de la colonisation (voir aussi sur le blog article du 3 décembre).
J.C

" La loi du 23 février 2005 évoque le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ». Cette assertion a déclenché une querelle intellectuelle et politique qui ne cesse de rebondir. La commémoration des émeutes du Constantinois et de leur répression en mai 1945, a suscité une controverse sur les silences de l’école sur les brutalités coloniales. La sèche réaction du FLN, le 7 juin 2005, contre cette « vision rétrograde de l’histoire » en est une bonne illustration.
Après que la France a légalement reconnu en 2000 « la guerre d’Algérie », et que les deux pays se préparent à signer un accord de réconciliation et d’amitié, ce désordre surprend. On évoque la « norme » juridique, on la dénonce ou on l’approuve. Certes, mais qu’en est-il sur le terrain scolaire ?
Le fait colonial est aujourd’hui incorporé aux programmes d’histoire du Lycée. Le tiers des jeunes Français qui prépare un bac général est concerné au premier chef : 8 heures théoriques sur la colonisation/décolonisation en filière S (en Terminale), une douzaine d’heures pour les filières ES et L (Première et Terminale). Si l’on évacue les appels, les retards, les compressions, les devoirs, les bacs blancs ... sans parler des grèves, le phénomène colonial mondial, des XIXe et XXe siècles, occupe de 4 à 10 heures de la vie d’un lycéen.
Sur le papier, la chose est suffisante pour évoquer un phénomène complexe, même s’il convient de l’historiciser, en le replaçant dans le contexte de l’impérialisme européen au XIXe siècle, puis du réveil du Tiers-Monde au XXe siècle. Si l’Algérie est évoquée une heure, c’est bien ... Mais la guerre d’Algérie sera-t-elle évoquée en sus, ou pendant cette heure ? La complexité de l’histoire franco-algérienne est donc brossée à grands traits, voire caricaturée, quand il faudrait une bonne heure pour expliquer à des élèves ébahis la notion « d’Algérie française », ses « citoyens », ses « indigènes » et ses « sujets français »... L’idée des départements algériens, de leurs curés, de leurs gendarmes et de leurs kiosques à musique est totalement étrangère aux jeunes Français d’aujourd’hui. On est dans l’impensable.
À l’exclusion des enfants de l’immigration algérienne, l’Algérie est considérée par le plus grand nombre comme une terre arabe, en proie à la violence et à la pauvreté. En dehors de toute vision cinématographie et de toute connaissance empirique, l’Algérie (comme ses voisins) est vue comme un territoire étranger, globalement hostile, dont l’image est fabriquée par la litanie de l’information du « journal de 20 heures », ces multiples violences en provenance de la région dite « arabo-musulmane ». Dès lors, évoquer la Kabylie, le Nord-Constantinois, le décret Crémieux, Sétif et Guelma ou les enfumades de Bugeaux relève d’une complète et inutile utopie (1).
La colonisation est incomprise dans ses motivations comme dans sa réalité. Elle apparaît absurde. Même les petits-enfants des pieds-noirs rentrés en 1962, et ceux des anciens combattants d’Algérie (la « troisième génération » là aussi) sont dans une presque totale ignorance (2). Or le peu qu’ils savent, ils le taisent et le cachent, car ils ont intégré qu’il ne faut rien dire, ni ne rien évoquer, de ce passé obscur. Si bien qu’à l’ignorance du grand nombre s’ajoute le silence de ceux qui pourraient savoir. Le résultat est sans appel.
Récemment, j’ai effectué à Chartres une courte présentation du Maghreb en 3 heures à une classe de BTS d’action sociale, qui partait en stage au Maroc. À ces 25 jeunes femmes de bonne volonté de 20 à 30 ans, bachelières, et bientôt fonctionnaires, j’ai demandé l’image qu’elles se faisaient de l’Afrique du Nord. Les réponses n’ont pas déçu, qui peuvent tenir en quelques mots : « désert, sable, chameau, palmier, oasis ... , mais aussi soumission des femmes et misère ! » Pour l’historien, cette permanence des représentations est fabuleuse.
Elle signifie trois choses. Un, que les clichés exotiques, fabriqués et divulgués par le Parti colonial au début du XXe siècle pour intéresser les Français à leur Empire, ont traversé les époques d’une manière ahurissante. Combien de Français savent que l’Afrique du Nord est une vaste campagne méditerranéenne ? Deux, qu’en dépit du remarquable travail des historiens, et de l’écriture désormais commune de l’histoire franco-algérienne (cf. l’ouvrage co-dirigé par B. Stora et M. Harbi en 2004), l’histoire coloniale, ses motivations, ses réalisations et ses exactions, restent inconnues de la grande majorité des Français en 2005. Trois, que la querelle normative en cours entre intellectuels et politiciens français et algériens, pour essentielle qu’elle soit, est en réalité sans substance.
Il reste à se demander si cette ignorance de masse résulte d’un désir profond du corps social pour fuir toute réflexion sur un sujet irritant ? Si elle a été organisée par les élites sociales et politiques dans un dessein analogue, ou pour tourner cette page de manière définitive ? Ou bien si elle est le fruit d’une carence médiatique et institutionnelle, procédant du hasard plus que de la nécessité ? Quel est à ce jour le pourcentage d’étudiants en histoire-géographie (les futurs professeurs de lycées) qui suivent un cours d’histoire coloniale, quand cette spécialité universitaire est en voie de disparition (3) ?
La reconnaissance par le Président Chirac des crimes « de la France » sous le Régime de Vichy fut réalisée par un homme de l’après-guerre. Comment, aujourd’hui, regarder en face la « guerre d’Algérie » quand la France et l’Algérie sont encore dirigées par deux protagonistes de cette tragédie ? Certes, le précédent de De Gaulle et d’Adenauer, signant la réconciliation franco-allemande au Traité de l’Élysée (1963), montre que la réconciliation franco-algérienne est aujourd’hui à portée de main. Mais dans la profondeur des institutions et des peuples, il faudra beaucoup plus que quelques « normes juridiques » et « programmes d’histoire » pour sceller les bases d’une histoire commune, sereine et partagée ... "

Pierre Vermeren

(1) Ainsi que le réclament en juin 2004 certaines personnalités éloignées des Lycées, dans une tribune de Libération.
(2) Ce que j’ai personnellement expérimenté dans plusieurs classes du Lycée Montaigne de Bordeaux, parmi tant d’autres.
(3) Sujet à part entière méritant un autre débat.

14 janvier 2006

Alexandre Adler sur Judaiques FM, il y a cinq ans déjà : « La France est particulièrement délirante dans son analyse du Monde arabe »

Introduction :
Ce fut un grand moment de « Rencontre » il y a cinq ans, lors de notre émission du 14 janvier 2001. « L’Intifada des Mosquées » venait de commencer après le rejet des propositions de Paix de Camp David par Arafat, et une première vague d’incidents antisémites avait marqué le mois d’octobre.
Alexandre Adler n’était pas encore catalogué « nouveau réac » par le « Nouvel Obs » et autres institutions décernant des brevets de moralité. Éditorialiste à « Courrier International » et membre du conseil de rédaction du journal « Le Monde », il ne l'avait pas encore quitté pour rejoindre « Le Figaro ». Georges Bush venait d’être élu, c'était quelques mois avant le 11 septembre, la guerre d’Irak n’allait être lancée que deux après, et on n’en avait pas encore fait le « grand méchant loup » de l’imaginaire français ... Cependant, prophétiquement, Adler avait donné à nos auditeurs la clé de lecture de ceux qui font l’opinion en France : un anti-américanisme viscéral, doublé d’un incompréhension complète du monde arabe. Pour être à la fois honnête et complet, de l'eau a aussi coulé depuis 2001 sous les ponts de la Seine, en face du Quai d'Orsay. Après le sommet de la crise en 2003 au moment de l'affrontement avec les États-Unis à l'ONU, une inflexion lente de la politique étrangère a pu être notée, à propos du Liban, de la Syrie ou d'Israël. Le contexte européen et national explique aussi "une diplomatie sur la défensive" comme l'a très bien analysé Nathalie Nougareyde dans un article publié dans ... le journal "Le Monde" !
Retour sur enregistrement, à partir d’une question de mon ami Serge Zerah, qui à l’époque présentait l’émission avec moi.
J.C

Serge Zerah :
Toujours à propos de la démocratie et du conflit israélo palestinien, le fait que s’affrontent deux types de régime n’est pratiquement jamais mis en relief par les médias français. Lorsque cela est évoqué, deux types de théories s’affrontent. D’un côté, il y a ceux qui disent que c’est la faute du pourrissement de ce conflit et que lorsque cela sera terminé, les Arabes établiront des régimes de liberté chez eux. C’est la thèse du dernier livre d’Alain Gresh et de Tariq Ramadan, « l’Islam et l’Europe » aux éditions Actes Sud. D’un autre côté, il y a une école de pensée en Israël située paradoxalement à droite qui dit qu’aucun accord de Paix solide ne peut être sûr s’il est signé avec un régime dictatorial qui n’a pas d’assise populaire. Qu’en pensez-vous ?
Alexandre Adler : 

Je pense d’abord que la théorie française selon laquelle l’absence de démocratie serait due à la durée et à l’ampleur du conflit avec Israël ne tient évidemment pas. D’abord parce que, dans ces conditions, on devrait trouver au moins au Maghreb et en Irak, qui est un peu périphérique par rapport à ce conflit, des potentialités démocratiques, or on sait ce qui l’en est. Quand on voit que les régimes arabes sont des régimes belliqueux, beaucoup plus belliqueux que la moyenne, là encore, des États de la Terre, on constate très vite que l’existence même de ce conflit dit fondamental n’a pas empêché l’Irak de mener « une guerre de 14 » contre l’Iran et d’être une des dictatures les plus sombres de la Terre, n’a pas empêché le Maroc et l’Algérie de s’affronter pour quelques arpents de sable au Sahara pendant près de vingt ans, n’a pas empêché un djihad esclavagiste mené par un régime qui se croit arabe au Soudan contre sa propre population. Bref, la potentialité guerrière de la tradition musulmane la plus pure du Djihad que l’on ne retrouve ni en Iran, ni en Turquie, est là pour nous montrer qu’il y a un problème politique arabe qu’Israël ne suffit pas à exprimer.
La deuxième réponse qu’il faut faire c’est qu’en effet la France est particulièrement délirante dans son analyse du monde arabe. La question de ce délire qui est présent à de nombreuses reprises et qui s’exacerbe évidemment au moment du conflit israélo-palestinien, mais qui est potentiellement présent depuis un certain temps, devrait nous intéresser. Pourquoi la France fait-elle une si mauvaise analyse du monde arabe ? Une analyse qui a par exemple conduit la plupart des intellectuels non juifs de ce pays a favoriser d’une manière indirecte la prise du pouvoir par le FIS à Alger. On entendait dire que les islamistes sont inévitablement amenés à prendre le pouvoir en Algérie (...). Ce sont ces mêmes intellectuels qui n’ont eu aucune sympathie pour Anouar el Sadate en Égypte. Ils ont souhaité la défaite des Chrétiens au Liban. Bref, ils ont toujours eu une mauvaise grille de lecture. Alors pourquoi ? Je crains malheureusement qu’il existe en France - le phénomène José Bové nous le montre, c’est finalement un type qui dans d’autres circonstances aurait attaqué des magasins juifs, on attaque MacDonald mais c’est la même chose -, il y a en France un violent rejet de la mondialisation, qui est d’ailleurs particulièrement masochiste puisque la France est plutôt bénéficiaire de cette mondialisation.
Ce violent rejet de la mondialisation qui ne va pas jusqu’au bout s’exprime par un antiaméricanisme souvent apoplectique et dont, bien sûr à terme, les Juifs seront les boucs émissaires car les Juifs ont partie liée à l’américanisation de la société telle qu’on la voit, à la mondialisation, à la modernisation tout simplement et ils sont, sous leur forme moyen-orientale de l’État d’Israël, les grands alliés des États-Unis (...). Et à l’intérieur de ce Monde dans lequel nous sommes, ce ne sont pas les Chinois, ce ne sont pas les Japonais, ce sont de moins en moins les Latino américains qui expriment cet antiaméricanisme radical : ce sont les Arabes qui, un peu pour les mêmes raisons, ont une espèce de nostalgie romanesque et romantique d’un monde autoritaire. Et l’arabophilie française, dont l’aberration s’est particulièrement exprimée à l’occasion de l’Intifada des mosquées, a part liée à ce romantisme politique antidémocratique qui traverse les élites françaises (...)

13 janvier 2006

Merci, Jacques !

Jacques Guenoun

Jacques Guenoun a réalisé un travail considérable pour la pérennité de mon travail, et je tenais absolument à le remercier sur le blog : grâce à lui, la majorité des enregistrements de l'émission ont été réenregistrés au format mp3, ce qui garantit une excellente conservation dans le temps, facilite la reproduction de copies ... et fournit une base pour d'éventuelles diffusions sur la Toile !

Quelques mots d'explication, d'abord pour les lecteurs et/ou auditeurs : chaque numéro de "Rencontre" demande un grand travail de préparation et j'ai bien sûr envie qu'il en reste quelque chose ; surtout, les propos des invités méritent la plupart du temps d'être conservés, et avec le temps ils peuvent s'avérer prémonitoires par rapport à l'actualité. J'ai donc entrepris depuis la naissance de l'émission un archivage sonore, réalisé sur K7 audio : une collection presque complète, avec bien sûr l'inévitable petit pourcentage de "loupés". Un tel archivage n'est pas sans inconvénients : problèmes de place pour les conserver ; longueur de confection des copies, pour qui me les demandent ; conservation dans le temps - or "Rencontre" devrait fêter ses 9 ans en 2006 ! Le format mp3, obtenu grâce à un logiciel (mais aussi avec un travail sur le son qui demande des talents de spécialiste) apporte de la souplesse pour l'exploitation, et surtout ouvre des perspectives pour le blog : en effet, ceux qui sont des "surfeurs" passionnés ont du remarquer que ces derniers mois, le multimédia a envahi les sites, d'abord "pro" (journaux, chaînes de radios ou télévisions) puis maintenant les "blogs" les plus élaborés : moyennant certaines procédures que j'espère parvenir à maîtriser, il sera possible de diffuser sur ce blog des émissions passées !

Jacques a accepté de faire ce travail bien ingrat. La collection quasi-complète de "Rencontre" a donc été retranscrite sur CD jusqu'au numéro 100, ce qui correspond à la période allant de mai 1997 à mars 2002. 25 reprises d'enregistrements ont été réalisés pour la période la plus récente (jusqu'à fin 2005). En parallèle, il a effectué plusieurs retranscriptions écrites d'interviews passées - ce qui est une tâche encore plus longue et difficile ! Vous avez déjà pu lire ainsi, grâce à lui, des extraits d'émissions sur le blog. S'il a fait un tel travail, c'est qu'il en avait le talent, car il associe à la fois la technicité d'un ingénieur du son et la culture qui lui permet une écoute attentive. Passionné par le domaine spirituel, les religions, les civilisations et leur "frottement" qui n'est pas toujours négatif, il a fait tout cela avec l'enthousiasme d'un jeune étudiant ; et je dois dire que son admiration par rapport à mon propre travail m'a sincèrement touché, et souvent encouragé à persévérer - même pendant les moments de "spleen" !

Hélas pour cette entreprise, mais j'espère heureusement pour son propre avenir proche, Jacques Guenoun a décidé d'aller vivre au moins six mois à Jérusalem où il apprendra l'hébreu dans la cité trois fois sainte ... Nous conserverons le contact, et je pense publier sur le blog les témoignages intéressants qu'il m'enverra de là bas (photographies, reportages). Je suis sûr, enfin, que nous nous retrouverons plus tard pour finaliser les compilations entreprises ... sous forme d'un livre ou d'autre chose !

Bonne chance en Israël Jacques, et merci !


J.C