Les huit adolescents assassinés dans la Yeshiva Merkaz Harav
Jeudi 6 mars vers les 20h30, alors que les étudiants de la Yeshiva du Rav située dans le quartier de Kyriat Moshe étudiaient et célébraient le commencement du mois d'Adar, Ala Abou Dhaim, un résident de 25 ans de Jérusalem Est, a fait irruption dans le bâtiment sacré, massacrant avec une arme à feu des adolescents sans défense. Huit d'entre eux, âgés en moyenne de 16 ans, sont morts - parmi les victimes, un jeune français : Segev Peniel Avihail, 15 ans, de Neveh Daniel.
Cet acte n'est pas sans rappeler l'attentat-suicide de 2002 qui avait pris pour cible l'Université hébraïque de Jérusalem. Un autre jeune français, David Gritz, étudiant en philosophie, décrit par tous comme un jeune homme doux et tolérant, était mort. Le terroriste, en frappant l'Université, l'une des premières institutions créée par Israël, savait où il frappait : un lieu d'étude et de savoir, mais aussi un lieu de rencontres et d'échanges inter-culturels. Un lieu tourné activement vers la paix.
Cet acte n'est pas sans rappeler l'attentat-suicide de 2002 qui avait pris pour cible l'Université hébraïque de Jérusalem. Un autre jeune français, David Gritz, étudiant en philosophie, décrit par tous comme un jeune homme doux et tolérant, était mort. Le terroriste, en frappant l'Université, l'une des premières institutions créée par Israël, savait où il frappait : un lieu d'étude et de savoir, mais aussi un lieu de rencontres et d'échanges inter-culturels. Un lieu tourné activement vers la paix.
Le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter a réagi dès vendredi à l'attentat, alors qu'il revenait d'Efrat [implantation en Judée] où l'une des victimes a été enterrée : « Nous devons trouver un moyen légitime et légal pour jeter dehors les quelques Arabes palestiniens qui choisissent d'aider et de participer au terrorisme. Il faut les expulser à Ramallah ! ». Deux jours plus tard, le président du parti national religieux, le député Zébulon Orlev, a déclaré que la loi devait être changée pour permettre l'expulsion de la famille Dhaim vers Gaza.
Un groupe jusqu'alors inconnu - « les martyrs d'Imad Mougnieh », du nom du chef du Hezbollah éliminé à Damas il y a un mois - a d'abord revendiqué l'attentat sur les ondes d'Al Manar, la télévision du Hezbollah qui émet depuis le Liban. Les officiels du Hezbollah ont pourtant rejeté toute implication dans le massacre. De son côté, le Hamas qui avait initialement revendiqué l'attentat est revenu sur sa déclaration.
Tout se passe comme si le Hezbollah et le Hamas, d'habitude prompts à revendiquer des attaques de cette sorte, se sont ravisés. Est-ce un effet de l'élimination de Mougnieh ? De l'opération « Hiver chaud » de la semaine dernière ? Cette retenue, cet effacement inhabituels, sont en tous les cas à méditer.
Pour sa part, le journal de langue arabe Al-Hayat, publié à Londres, a rapporté samedi 8 mars que la Syrie était derrière l'attaque. Selon l'article, celle-ci chercherait à détourner l'attention des pays arabes du Liban, pour la tourner vers la bande de Gaza et la Cisjordanie. Il y a deux semaines, certains pays - dont l’Égypte et l'Arabie Saoudite - avaient en effet menacé de boycotter le sommet de la Ligue arabe qui se tiendra à Damas à la fin du mois si une solution n'était pas trouvée à la crise présidentielle libanaise. Un officiel égyptien a confié au journal financé par les Saoudiens que l'escalade sur le front palestinien servait les intérêts syriens.
Quoiqu'il en soit, l’Égypte est de nouveau dans l’œil du cyclone : deux mois après la destruction de la frontière de Rafiah - qui protège l’Égypte de la bande de Gaza - la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, en visite en Israël mardi dernier, a demandé à l’Égypte d'utiliser son influence pour calmer le Hamas. Lors des rencontres organisées au Caire entre les officiels égyptiens et les officiels du Hamas et du Djihad islamique, ceux-ci ont posé trois conditions à un arrêt de leurs activités : que la frontière de Rafiah soit de nouveau ouverte, que le Hamas en partage le contrôle, qu'Israël cesse ses actions militaires en Cisjordanie. En demandant cela, le Hamas a donné un coup non seulement à la souveraineté de l’Égypte, et à celle de l'Autorité palestinienne qui est l'interlocuteur naturel pour tout ce qui concerne la Cisjordanie, mais aussi à celle des États-Unis : l'administration Bush agit en effet pour que le contrôle de Rafiah soit partagé entre l’Égypte et l'Autorité palestinienne sous la supervision d'une présence européenne. La présence du Hamas est exclue.
Mais l'attentat contre la Yeshiva a provoqué un autre débat dans la société israélienne : celui qui porte sur le deuil de la famille et sur la manière dont celle-ci doit être traitée. Débat moral, mais aussi religieux si l'on veut bien admettre que les lois du deuil sont un sujet religieux et non pas seulement sécuritaire ou politique, qui engage l'idée que nous nous faisons du Judaïsme. Et des normes éthiques qui doivent être celles de la première démocratie juive. Car Israël n'est pas comme les nations : Israël a été élu pour être la lumière des nations.
Le président du Likoud Benyamin Netanyahou a déclaré sur les ondes de Kol Israël dimanche 9 mars que la « tente de deuil » dressée par la famille du terroriste - suivant la loi islamique - devait être détruite. Il s'est réclamé de l'exemple des Jordaniens qui ont interdit à la famille du terroriste résidant près d'Amman de faire un deuil public.
Une source du ministère de l'Intérieur du royaume Hachémite a expliqué que l'interdiction du deuil public avait été décrétée pour des raisons de sécurité. Il a indiqué que la Jordanie ne permettrait à aucun groupe ou aucun individu de porter atteinte à sa sécurité nationale en organisant des événements qui soutiennent publiquement la violence contre des civils. Ces deuils publics sont en effet utilisés par les islamistes pour organiser des rassemblements qui célèbrent le « martyre », la « guerre sainte » contre «l'ennemi sioniste » mais aussi contre les pouvoirs et les institutions arabes modérés. La Jordanie est l'un des seuls pays arabes à avoir condamné l'attaque terroriste contre la yeshiva.
De son côté, un officiel du ministère de la Sécurité intérieure a déclaré qu'il fallait laisser la famille du terroriste célébrer le deuil tant qu'elle n'enfreignait pas les lois d'Israël. «La famille a le droit de faire son deuil public comme la famille de Baruch Goldstein. Je ne me souviens pas que quiconque a demandé à la famille de Goldstein d'interrompre son deuil après que celui-ci a tué des Arabes. C'est le même acte. Ils ont le droit de monter une tente de deuil : ce n'est pas illégal ». En 1994, Baruch Goldstein, habitant de Kyriat Arba, avait pénétré dans une mosquée proche de la Tombe des Patriarches à Hébron en pleine prière musulmane. Armé d'une mitraillette et revêtu de l'uniforme de Tsahal, il avait tiré sur les 500 fidèles désarmés en prière, tuant 29 personnes. Son acte était un geste de protestation contre la gauche et les accords d'Oslo, qui serait bientôt relayé par le meurtre de Rabin. L'assassin de Rabin, actuellement en prison, bénéficie du soutien des partis religieux sionistes qui réclament régulièrement sa libération.
Dimanche 9 mars, alors qu'elle se rendait à la yeshiva pour témoigner de sa solidarité, la ministre travailliste de l'Education Youli Tamir a été accueillie aux cris de : « Assassin ! Assassin ! ». Tandis qu'elle cherchait à retourner dans son véhicule pour se protéger, les étudiants s'en sont pris à elle physiquement ainsi qu'à ses gardes du corps. Malgré la bousculade, personne n'a été blessé.
Le grand rabbin de la yeshiva, le Rav Shapira, a organisé une conférence de presse dans la bibliothèque où le carnage s'est déroulé. Le Rav Mordechaï Eliyahou, ancien grand rabbin d'Israël et figure centrale du sionisme religieux, honore la Yeshiva de sa présence pour soutenir les étudiants. La direction rabbinique de la yeshiva a fait parvenir un message au bureau du Premier ministre lui indiquant qu'il n'était pas le bienvenu car sa politique était contraire à la Torah. Le Rav Shapira et le Rav Eliyahou avaient appelé les soldats à désobéir aux ordres lors du désengagement de Gaza. Benyamin Netanyahou avait démissionné du gouvernement, nommant à la direction de son cabinet le président de Yesha, l'organisation qui regroupe tous les habitants des implantations de Judée-Samarie. Ils avaient vivement critiqué le Premier ministre d'alors, Ariel Sharon, l'accusant de trahir la Torah et le Judaïsme. C'est pourquoi, quand celui-ci avait été victime de son attaque cérébrale - et quand son fils, la semaine dernière, a été jeté en prison - certains y ont vu une « punition de Dieu ». Le Rav Lior, figure populaire de Yesha, a soutenu l'idée de punition collective contre les Arabes. Le Shas s'est opposé à cette vision jeudi dernier quand le fils du Rav Ovadia Yossef, présidant un conseil de rabbins orthodoxes, a déclaré qu'avant de bombarder un lieu, Tsahal devait faire une annonce qui permette aux habitants innocents de l'évacuer.
L'attentat va accentuer la pression sur le Shas, sur tous les éléments modérés de la société israélienne, mais aussi sur tous les Arabes israéliens déjà sensiblement déconnectés du reste d'Israël. Si le Hezbollah et le Hamas n'ont pas revendiqué l'attentat, il correspond parfaitement à leur projet.
Dans l'après-midi de dimanche, des militants du parti national religieux ont manifesté devant la maison de la famille Dhaim tandis que les hommes du Shin Bet (services de sécurité intérieurs) lui remettaient une convocation. La famille a déclaré avoir reçu des menaces de mort.
Isabelle-Yaël Rose,
Un groupe jusqu'alors inconnu - « les martyrs d'Imad Mougnieh », du nom du chef du Hezbollah éliminé à Damas il y a un mois - a d'abord revendiqué l'attentat sur les ondes d'Al Manar, la télévision du Hezbollah qui émet depuis le Liban. Les officiels du Hezbollah ont pourtant rejeté toute implication dans le massacre. De son côté, le Hamas qui avait initialement revendiqué l'attentat est revenu sur sa déclaration.
Tout se passe comme si le Hezbollah et le Hamas, d'habitude prompts à revendiquer des attaques de cette sorte, se sont ravisés. Est-ce un effet de l'élimination de Mougnieh ? De l'opération « Hiver chaud » de la semaine dernière ? Cette retenue, cet effacement inhabituels, sont en tous les cas à méditer.
Pour sa part, le journal de langue arabe Al-Hayat, publié à Londres, a rapporté samedi 8 mars que la Syrie était derrière l'attaque. Selon l'article, celle-ci chercherait à détourner l'attention des pays arabes du Liban, pour la tourner vers la bande de Gaza et la Cisjordanie. Il y a deux semaines, certains pays - dont l’Égypte et l'Arabie Saoudite - avaient en effet menacé de boycotter le sommet de la Ligue arabe qui se tiendra à Damas à la fin du mois si une solution n'était pas trouvée à la crise présidentielle libanaise. Un officiel égyptien a confié au journal financé par les Saoudiens que l'escalade sur le front palestinien servait les intérêts syriens.
Quoiqu'il en soit, l’Égypte est de nouveau dans l’œil du cyclone : deux mois après la destruction de la frontière de Rafiah - qui protège l’Égypte de la bande de Gaza - la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, en visite en Israël mardi dernier, a demandé à l’Égypte d'utiliser son influence pour calmer le Hamas. Lors des rencontres organisées au Caire entre les officiels égyptiens et les officiels du Hamas et du Djihad islamique, ceux-ci ont posé trois conditions à un arrêt de leurs activités : que la frontière de Rafiah soit de nouveau ouverte, que le Hamas en partage le contrôle, qu'Israël cesse ses actions militaires en Cisjordanie. En demandant cela, le Hamas a donné un coup non seulement à la souveraineté de l’Égypte, et à celle de l'Autorité palestinienne qui est l'interlocuteur naturel pour tout ce qui concerne la Cisjordanie, mais aussi à celle des États-Unis : l'administration Bush agit en effet pour que le contrôle de Rafiah soit partagé entre l’Égypte et l'Autorité palestinienne sous la supervision d'une présence européenne. La présence du Hamas est exclue.
Mais l'attentat contre la Yeshiva a provoqué un autre débat dans la société israélienne : celui qui porte sur le deuil de la famille et sur la manière dont celle-ci doit être traitée. Débat moral, mais aussi religieux si l'on veut bien admettre que les lois du deuil sont un sujet religieux et non pas seulement sécuritaire ou politique, qui engage l'idée que nous nous faisons du Judaïsme. Et des normes éthiques qui doivent être celles de la première démocratie juive. Car Israël n'est pas comme les nations : Israël a été élu pour être la lumière des nations.
Le président du Likoud Benyamin Netanyahou a déclaré sur les ondes de Kol Israël dimanche 9 mars que la « tente de deuil » dressée par la famille du terroriste - suivant la loi islamique - devait être détruite. Il s'est réclamé de l'exemple des Jordaniens qui ont interdit à la famille du terroriste résidant près d'Amman de faire un deuil public.
Une source du ministère de l'Intérieur du royaume Hachémite a expliqué que l'interdiction du deuil public avait été décrétée pour des raisons de sécurité. Il a indiqué que la Jordanie ne permettrait à aucun groupe ou aucun individu de porter atteinte à sa sécurité nationale en organisant des événements qui soutiennent publiquement la violence contre des civils. Ces deuils publics sont en effet utilisés par les islamistes pour organiser des rassemblements qui célèbrent le « martyre », la « guerre sainte » contre «l'ennemi sioniste » mais aussi contre les pouvoirs et les institutions arabes modérés. La Jordanie est l'un des seuls pays arabes à avoir condamné l'attaque terroriste contre la yeshiva.
De son côté, un officiel du ministère de la Sécurité intérieure a déclaré qu'il fallait laisser la famille du terroriste célébrer le deuil tant qu'elle n'enfreignait pas les lois d'Israël. «La famille a le droit de faire son deuil public comme la famille de Baruch Goldstein. Je ne me souviens pas que quiconque a demandé à la famille de Goldstein d'interrompre son deuil après que celui-ci a tué des Arabes. C'est le même acte. Ils ont le droit de monter une tente de deuil : ce n'est pas illégal ». En 1994, Baruch Goldstein, habitant de Kyriat Arba, avait pénétré dans une mosquée proche de la Tombe des Patriarches à Hébron en pleine prière musulmane. Armé d'une mitraillette et revêtu de l'uniforme de Tsahal, il avait tiré sur les 500 fidèles désarmés en prière, tuant 29 personnes. Son acte était un geste de protestation contre la gauche et les accords d'Oslo, qui serait bientôt relayé par le meurtre de Rabin. L'assassin de Rabin, actuellement en prison, bénéficie du soutien des partis religieux sionistes qui réclament régulièrement sa libération.
Dimanche 9 mars, alors qu'elle se rendait à la yeshiva pour témoigner de sa solidarité, la ministre travailliste de l'Education Youli Tamir a été accueillie aux cris de : « Assassin ! Assassin ! ». Tandis qu'elle cherchait à retourner dans son véhicule pour se protéger, les étudiants s'en sont pris à elle physiquement ainsi qu'à ses gardes du corps. Malgré la bousculade, personne n'a été blessé.
Le grand rabbin de la yeshiva, le Rav Shapira, a organisé une conférence de presse dans la bibliothèque où le carnage s'est déroulé. Le Rav Mordechaï Eliyahou, ancien grand rabbin d'Israël et figure centrale du sionisme religieux, honore la Yeshiva de sa présence pour soutenir les étudiants. La direction rabbinique de la yeshiva a fait parvenir un message au bureau du Premier ministre lui indiquant qu'il n'était pas le bienvenu car sa politique était contraire à la Torah. Le Rav Shapira et le Rav Eliyahou avaient appelé les soldats à désobéir aux ordres lors du désengagement de Gaza. Benyamin Netanyahou avait démissionné du gouvernement, nommant à la direction de son cabinet le président de Yesha, l'organisation qui regroupe tous les habitants des implantations de Judée-Samarie. Ils avaient vivement critiqué le Premier ministre d'alors, Ariel Sharon, l'accusant de trahir la Torah et le Judaïsme. C'est pourquoi, quand celui-ci avait été victime de son attaque cérébrale - et quand son fils, la semaine dernière, a été jeté en prison - certains y ont vu une « punition de Dieu ». Le Rav Lior, figure populaire de Yesha, a soutenu l'idée de punition collective contre les Arabes. Le Shas s'est opposé à cette vision jeudi dernier quand le fils du Rav Ovadia Yossef, présidant un conseil de rabbins orthodoxes, a déclaré qu'avant de bombarder un lieu, Tsahal devait faire une annonce qui permette aux habitants innocents de l'évacuer.
L'attentat va accentuer la pression sur le Shas, sur tous les éléments modérés de la société israélienne, mais aussi sur tous les Arabes israéliens déjà sensiblement déconnectés du reste d'Israël. Si le Hezbollah et le Hamas n'ont pas revendiqué l'attentat, il correspond parfaitement à leur projet.
Dans l'après-midi de dimanche, des militants du parti national religieux ont manifesté devant la maison de la famille Dhaim tandis que les hommes du Shin Bet (services de sécurité intérieurs) lui remettaient une convocation. La famille a déclaré avoir reçu des menaces de mort.
Isabelle-Yaël Rose,
Jérusalem, le 10 mars 2008