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29 novembre 2011

Israël : un autre prix Nobel, par Lysiane Gagnon

L'éditorialiste canadienne Lysiane Gagnon
Introduction :
La spécificité de mon émission - et de ce blog associé - fait que je ne rebondis presque jamais sur  les attaques, idéologiques, médiatiques et ininterrompues que subit l'état d'Israël, sauf lorsqu'elles émanent directement du monde arabe ou musulman. Au delà des critiques ponctuelles contre telle ou telle décision de son gouvernement, que je ne confonds pas avec de l'antisionisme radical (comprendre : qui réclame ouvertement ou sournoisement la fin de l’État juif), je n'en suis cependant pas moins révolté que d'autres blogueurs juifs qui réagissent systématiquement à toutes les outrances ; et le fait de ne pas rebondir moi-aussi, ne signifie pas que je ne soutiens pas leurs propres réactions - sauf, mais est-il nécessaire de la préciser ici, lorsqu'elle servent aussi de défouloir à des propos haineux contre tous les Musulmans, de France ou d'ailleurs ! Ceci étant posé, vous ne serez pas étonné non plus que je préfère exprimer mon soutien au peuple d'Israël sur un mode positif, en vous signalant les sympathies qu'il conserve encore largement chez des non juifs ... peut-être pas dans notre pays, certes ; mais par exemple au Canada, d'où un ami qui y vit m'a envoyé ce bel article : bonne lecture !
J.C
Israël vient de remporter son quatrième prix Nobel en chimie, pour les travaux du professeur Daniel Shechtman sur les quasi-cristaux.
C'est dans la catégorie des sciences que le Nobel est un indicateur valable de l'activité intellectuelle d'un pays. Les prix Nobel de la paix sont pour la plupart des constructions politiques: Rabin et Arafat en ont partagé un et il n'y a toujours pas de paix au Proche-Orient. Barack Obama, l'avant-dernier lauréat, n'avait rien réalisé sauf de beaux discours.
Les prix Nobel de litérature ont souvent récompensé d'immenses talents (on pense au Turc Ohran Pamuk ou à l'Égyptien Naguib Mahfouz) mais ce prix ne révèle rien sur la société, l'écriture étant un acte individuel et solitaire qui peut se passer du soutien des structures politiques et se fait même souvent dans la contestation du pouvoir en place.
Dans les sciences, les maths ou même l'économie, au contraire, les critères de choix sont par définition plus objectifs, et la distinction se répercute sur l'ensemble de la société d'où viennent les chercheurs, parce que rien ne peut être fait dans ces domaines sans l'existence d'institutions de recherche de haut calibre.
En excluant les Nobel de la paix, Israël, avec quatre prix en chimie et deux en économie pour un minuscule pays de 7,7 millions d'habitants, remporte la palme de la productivité intellectuelle per capita.
Le bilan du monde arabo-musulman, par contre, est lamentable. La Turquie (75 millions d'habitants) n'affiche qu'un prix en littérature. L'Égypte (80 millions), deux prix (littérature et chimie). L'Arabie Saoudite, qui nage dans les pétro-dollars? Nil. Le Pakistan a un Nobel en physique, l'Algérie deux (physique et littérature), et voilà. Cela reflète les conclusions des rapports de l'ONU - rapports effectués par des chercheurs arabes - qui font état du sous-développement intellectuel du monde arabo-musulman, phénomène attribuable à la corruption politique et à l'oppression des femmes.
Les êtres humains naissent avec des potentiels comparables. Ce qui compte, c'est la culture. Or, la culture juive, dont Israël bénéficie, a ceci de particulier qu'elle est basée sur le culte du savoir et de l'éducation, des valeurs qui sont transmises de génération en génération, et qui expliquent le haut taux de scolarité des Juifs partout au monde. D'ailleurs, on n'a qu'à regarder les patronymes des lauréats du Nobel, en Allemagne, en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pour voir qu'ils incluent un nombre disproportionné de juifs.
Mais il va de soi que pour donner tous leurs fruits, la culture et le talent ont besoin d'un environnement démocratique - cela existe en Israël, mais malheureusement pas (pas encore?) dans les pays arabes.
Bien que vivant dans un environnement extraordinairement hostile, Israël compte, comme le rappelait notre collègue Philippe Mercure dans une série consacrée en octobre 2010 à ce miracle économique, le plus haut taux de brevets par habitant au monde, la plus grande concentration d'entreprises en démarrage, la plus grande proportion du produit intérieur brut investie en recherche et développement. Israël attire aussi plus de capital de risque par habitant que toutes les autres économies de la planète.
Avec la proportion la plus élevée au monde de scientifiques et de techniciens, comment s'étonner que tant d'innovations soient venues d'Israël? De la puce d'Intel au robot-pilule muni d'une caméra, Israël est devenu un pays-laboratoire.
Si les imbéciles qui s'obstinent à boycotter deux petits marchands qui vendent des chaussures « made in Israël » étaient logiques avec eux-mêmes, ils se débarrasseraient de leurs ordinateurs, de leurs cellulaires, de leurs boîtes vocales et de leurs clés USB, autant d'objets dont les composants ont été inventés par des ingénieurs israéliens. Et ils s'abstiendraient de bénéficier des thérapies et des techniques opératoires mises au point en Israël...
Lysiane Gagnon, 
Cyberpresse Canada, le 8 octobre 2011
Lysiane Gagnon est journaliste. Elle écrit pour les quotidiens La Presse et Globe and Mail. Son travail lui a valu, en 1975, le prix Olivar-Asselin, et à deux reprises le Prix de journalisme le plus prestigieux au Canada, le National Newspaper Award: en 1976 dans la catégorie des grands reportages et en 1982 dans la catégorie des chroniques. En 1984, elle remportait le prix des lecteurs du Salon du livre de Montréal pour Vivre avec les hommes; un nouveau partage (Éditions Québec-Amérique).

28 novembre 2011

Connaissez-vous ce charmant pays (suite) ?



La devinette du mois
- novembre 2011

Nouvelle devinette, dans la série inaugurée il y a quelques mois : il s'agit de deviner un pays musulman, d'après l'architecture, typique, de sa capitale ou d'une grande ville.

Celle-là est un peu plus difficile que la précédente ... une ville au bord de la mer à nouveau, un paysage désertique, quelques grands buildings à l'horizon ... vous avez deviné qu'il s'agit d'un Émirat du Golfe, mais je ne vous en dirai pas plus !
Comme d'habitude, mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr. Les centaines d'amis de mon réseau FaceBook pourront aussi répondre sur mon page, où je mettrai un lien. Le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.

Quand à la devinette précédente, il s'agissait de la Tunisie, la photo ayant été prise à Sousse, grande ville côtière. Les connaisseurs auront reconnu sans doutes la grande Mosquée (le "Ribat"), proche de la mer. Et cette fois j'ai eu une bonne réponse !  



J.C

27 novembre 2011

Les Arméniens au Moyen-Orient : Alexis Govciyan et Jean-Pierre Allali seront mes invités le 4 décembre

L'église arménienne catholique Saint Elie à Beyrouth
 (cliquer sur l'image pour agrandir)


Nous allons laisser de côté dimanche prochain l'actualité brûlante, en parlant d'un peuple que je n'ai pas encore eu le plaisir d'évoquer à ce micro alors même que ma série existe, comme vous le savez, depuis de longues années. Ce peuple, c'est le peuple arménien, une des plus anciennes civilisations du monde dont les traits caractéristiques rappellent beaucoup ceux du peuple juif. Originaire du Moyen-Orient comme lui - mais plus précisément d'Asie centrale -, les Arméniens définissent eux-aussi leur identité par rapport à un pays d'origine redevenu indépendant récemment, comme Israël, puisque la petite république d'Arménie est redevenue libre depuis la fin de l'empire soviétique. Comme les Juifs, les Arméniens ont eu le triste privilège de connaitre un des grands génocides de l'Histoire. Comme pour les Juifs, du fait de ce Génocide mais aussi d'autres persécutions, il existe une Diaspora importante. Comme les Juifs, les Arméniens ont une langue et un alphabet originaux. Si le Judaïsme est en plus une des trois grandes religions monothéistes, l'identité arménienne, qui est chrétienne, se définit aussi par une église particulière. Enfin, comme les Juifs, ce peuple oriental a connu pendant des millénaires une coexistence plus ou moins heureuse avec les Musulmans et ce sera le thème de cette émission : comment, aussi bien la République d'Arménie que les Diasporas en terre d'islam, vivent-elles cette proximité dans le Moyen-Orient d'aujourd'hui ? Pour en parler, j'aurai le plaisir de recevoir deux personnalités particulièrement compétentes, tout d'abord Alexis Govciyan. C'est un français, d'origine arménienne, et le président du "Conseil de coordination des organisations arméniennes de France", qui est peu le pendant du CRIF pour les organisations arméniennes. Je recevrai également mon ami  Jean-Pierre Allali, que les auditeurs de la communauté connaissent bien, puisqu'il est journaliste, écrivain, et actif militant communautaire - il fait partie du Bureau Exécutif du CRIF ; il connait bien Alexis Govciyan car il assure les contacts judéo-arméniens dans notre communauté, et il a fait partie d'une délégation invitée en Arménie il y a quelques mois.

Parmi les questions que je poserai à mes invités :

- Est-ce que Juifs et Arméniens se connaissent suffisamment et quelles ont été les actions concrètes menées, en France en tout cas, pour rapprocher les deux communautés ?
- A propos de l'Arménie, il semble que ce pays ait conservé des liens très forts avec la Russie qui y a conservé une base militaire, le gouvernement arménien a d'ailleurs eu une prudente neutralité pendant la guerre de Géorgie il y a trois ans. Mais il y a aussi le conflit du Haut-Karabagh avec l'Azerbaïdjan ; or ce dernier pays est plutôt proche des Occidentaux et ami d'Israël, à qui il fournit du pétrole : or, si ajoute à cela, le fait que l'Arménie reçoit par contre son pétrole de l'Iran, où vivent un demi-million d'Arméniens, est-ce que la géopolitique place ce pays et l'état juif dans deux camps opposés ?
- A propos du Génocide arménien : on sait que tous les gouvernements turcs, qu'il soit laïcs comme ceux d'Atatürk et de ses successeurs, islamistes comme celui d'Erdogan aujourd'hui, refusent de reconnaitre cet évènement historique :  où en sommes-nous  ? On a l'impression que malgré les espoirs de normalisation, rien n'ait bougé, ni sur cette question ni sur d'autres sujets de contentieux ? On lit maintenant, depuis que les relations se sont vraiment détériorées entre Jérusalem et Ankara, que, en représailles, Israël devrait maintenant déclarer cette reconnaissance : mais n'est-ce pas un comportement totalement cynique ? 
- A propos des Arméniens du Liban : on comprend que, traumatisés par le génocide, ils soient restés neutres pendant la guerre civile bien que chrétiens ; mais ce qui choque, c'est de voir un parti libanais largement représenté dans la Diaspora, le Tashnag, soutenir un gouvernement pro-Hezbollah, donc hostile à toute paix dans la région : qu'en pensez-vous ?

Un sujet vraiment original, qui j'espère éveillera votre curiosité : soyez nombreux à l'écoute dimanche prochain !

J.C

   

25 novembre 2011

L’Egypte de tous les dangers, par André Nahum


Des manifestations imposantes se déroulent quotidiennement à la place Tahrir du Caire, avec leur lot de morts et de blessés, pour exiger de l'armée qu’elle transfère immédiatement le pouvoir aux civils et dénoncer un projet qui permettrait aux militaires de garder des privilèges et de réduire les prérogatives  du nouveau parlement.
 
En effet, dans la crainte d'un raz-de marée islamiste aux législatives, les autorités ont annoncé, début novembre, vouloir mettre en œuvre une série de 22 principes "supra constitutionnels" qui feraient du Conseil militaire le "protecteur de la légitimité constitutionnelle de la nation", rapporte la correspondante du Monde au Caire, citée par le bulletin du CRIF. L'armée aurait le pouvoir de s'opposer à des articles de la nouvelle constitution. Mieux, "80 des 100 membres du comité chargé de rédiger la nouvelle constitution seraient nommés par le Conseil militaire et 20 seulement par le Parlement", tandis que le budget de l'armée resterait secret. Comme si, dit le New York Times le conseil de l’armée  proposait  "la garantie des droits individuels et de ceux des minorités contre une mainmise permanente de l'armée sur le régime" .          

Pourquoi cette agitation, au reste durement réprimée par le pouvoir en place, peu de jours avant les élections législatives qui doivent de dérouler le 28 novembre alors que l'armée, qui tient les rênes du pays depuis la démission de Moubarak, a promis de céder le pouvoir aux civils une fois un nouveau président élu ? A première vue ces manifestations suscitent la sympathie et un préjugé favorable des démocrates que nous sommes. Les Égyptiens ont renversé un dictateur, ils exigent maintenant que les militaires qui dirigent le pays rentrent le plus vite possible dans leurs casernes et cèdent la place à des représentants élus de la nation.                    
Rien de plus légitime et nous devrions nous en réjouir.
Mais... Il y a un “Mais”...
 Si les partis politiques qui s’affronteront au cours des prochaines élections, notamment les “Frères Musulmans” s’engagent formellement et d’un façon crédible à maintenir les acquis du peuple et notamment les droits des femmes, à ne pas remettre en question  les traités internationaux signés par les pouvoirs précédents, si l’on est assuré qu’ils acceptent sincèrement le principe de l’alternance, pourquoi pas ?
Mais la situation n’est pas aussi simple, les manifestants d’aujourd’hui ne sont pas tout à fait ceux d’hier.  Les islamistes et les salafistes, redoutant sans doute de voir se dérober un succès annoncé, ont dans un premier temps appelé leurs partisans à descendre dans la rue pour montrer une fois de plus, l'importance de leur capacité de mobilisation.

Hier, par contre, les “Frères Musulmans” ont annoncé officiellement qu’ils ne participeraient pas à la manifestation projetée, mais ce n’est probablement  que tactique et pour arriver au pouvoir, ils promettent tout ce qu’on veut et encore plus. Dans cette situation pour le moins confuse, on peut comprendre que l’armée et son chef, le maréchal Tantaoui, veuillent constituer une sorte de rempart contre une éventuelle tentation  du mouvement islamiste d’exercer un pouvoir sans partage et d’installer une république islamiste...et ce, au nom de la démocratie...   

 
André Nahum
Judaïques FM, le 23 novembre 2011

23 novembre 2011

David Messas (z"l), in memoriam

David Messas décoré par le Roi du Maroc
(photo tirée du site judéo-marocain www.darnna.com)


Trois jours après la disparition du Grand Rabbin de Paris, David Messas, nous réalisons de plus en plus le vide qu'il aura laissé ...

Le Consistoire israélite de Paris, dont il était le Guide spirituel depuis 16 ans, lui a rendu hommage dans sa newsletter, et je vous invite bien sûr à lire sur ce lien les paroles très émouvantes de son président, Joël Mergui, le récit de son inhumation à Jérusalem qui a réuni des centaines de personnes, sa biographie ainsi que les messages reçus des personnalités les plus diverses.

Fidèle à la vocation de dialogue, à la fois de mon émission et de ce blog, je reproduis ci-dessous les hommages musulmans à cet homme de dialogue qui vient de nous quitter.

Docteur Dalil Boubakeur, Recteur de l’Institut Musulman de la Grande Mosquée de Paris
[…]« Cet homme de bien fut un sage dans sa foi et sa relation avec les autres spiritualités de France. »[…]« La Grande Mosquée de Paris veut apporter son témoignage de grande estime, de profonde amitié ainsi que son profond regret pour la perte de cet homme de culte et de foi dont nous ressentirons longtemps la disparition. »

Anouar Kbibech, Président du Rassemblement des Musulmans de France
a salué la mémoire du Grand Rabbin qui «a œuvré sans relâche pour le rapprochement entre juifs et musulmans en France».

«Son action et son rayonnement, qui ont largement dépassé les frontières de la France, ont été récompensés par de nombreuses décorations, et notamment par l'une des plus hautes distinctions du Royaume du Maroc»(Grand Officier du Ouissam Alaouite, décerné par le roi du Maroc)

Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)
Le CFCM a fait part de son «immense tristesse et une grande émotion» après le décès de ce «grand ami des musulmans de France». Le CFCM a aussi tenu à «exprimer sa compassion et sa solidarité avec l'ensemble de la communauté juive de France».

Vous comprendrez ainsi pourquoi j'ai choisi une photo bien originale pour illustrer ce petit article : celui de sa remise de décoration de l'ordre du Ouissam Alaouite par le Roi Mohamed VI, décoration remise à un natif de Meknès dont le Maroc était très fier ...

Mais j'y ajouterai un petit témoignage personnel : n'évoluant pas dans les milieux religieux, je n'ai pu apprécier pleinement l'érudition et le rayonnement spirituel du Grand Rabbin disparu, que beaucoup pleurent aujourd'hui. Mais je l'avais vu et entendu à plusieurs reprises s'exprimer lors de manifestations de l'Amitié Judéo Musulmane de France, association dont l'ACIP était l'un des parrains. Je me souviens de ses paroles chaleureuses évoquant son père, ancien Grand Rabbin du Maroc qui fut un jour nommé au poste prestigieux de Grand Rabbin séfarade de Jérusalem. Apprenant son départ, le Roi Hassan II le fit venir au Palais, et lui demanda de bénir sa famille ... un geste touchant, presque surréaliste quand on pense aux torrents de haine qui sont venus envahir, hélas, les relations entre Juifs et Musulmans. Mais aussi un souvenir exemplaire, que je suis heureux de rappeler sur ce blog.

J.C

22 novembre 2011

Après les élections tunisiennes : commentaires désabusés d'un candidat malheureux

Introduction :
L'actualité tunisienne, c'est malheureusement le triomphe d'Ennahda, prenant en main la destinée du pays après son net succès électoral : le Premier Ministre sera donc le bras droit de Rached Ghannouchi, Hamadi Jebali ; et les fonctions - plutôt symboliques dans la Tunisie post-Ben Ali - de Président de l'Assemblée Constituante et de Président de la République reviennent à ses alliés  laïcs, le rassemblement Ettakatol et le Congrès Pour la République ; des laïcs semble-t-il peu effarouchés par les derniers propos du même Jebali, disant à Sousse le 13 novembre : "Nous nous trouvons dans le sixième califat, si Dieu le veut !".
Mais tous les politiques tunisiens ne partagent pas cet enthousiasme ... Chaimae Bouazzaoui, jeune marocaine étudiante en journalisme, a eu la chance de vivre la révolution dans le pays, où elle est en stage. Dans l'interview qu'elle m'a communiquée, elle donne la parole à un candidat malheureux aux élections ... et ce qu'il dit est intéressant !
J.C

« Ces charlatans peuvent tout dire »

La tête de liste de Doustourouna-Kairouan, M. Messaoud Ben Romdhane, décrypte les risques qu'encourt la nouvelle Tunisie à l'occasion de l'élection de l'Assemblée constituante et donne son avis sur l’avalanche des promesses donnée par certains partis politiques et indépendants.

Quelle est votre réaction après la victoire d’Ennahda ?

Ma réaction c’est que je suis un peu déçu des résultats non pas parce que je n’accepte pas d’avoir échoué, mais parce que beaucoup d'ambiguïtés ont été notés lors des élections de l’Assemblée Constituante.
La Constituante doit normalement être une assemblée représentative : élue dans des circonstances ne laissant aucune place à la contestation de la crédibilité du scrutin, gage de toute légitimité.

Avez-vous des preuves ?

Oui, certainement. On a déposé, suite au fait, une plainte contre certains partis. Mais en revoyant le code électoral, il m’est apparu si difficile d’avoir l’écho souhaité, car, par exemple, l’argent dilapidé n’a pas été taxé. Cela ne m’empêche pas toutefois de résoudre le problème avec les avocats.

Quel poids politique au sein de la Constituante ?

Malheureusement, on n’a eu aucun siège dans l’A.C. Donc : aucun poids.

Votre échec est du au financement ou à la structuration ?

En effet, durant la campagne électorale, les partis politiques ont eu beaucoup plus de poids que les indépendants. Ceci dit, financement par excellence qui influence inéluctablement le structurel. Les médias, aussi, ont joué un  rôle très important, et ce, depuis le Ramadan.

Quelle est votre attitude vis-à-vis d’Ennahda ?

A l’instar des autres partis politiques, ce parti ne semble offrir que des chartes d’intentions. Le gouvernement que la constituante formera ne sera que provisoire. De facto, il n’aura pas le droit de prendre des décisions qui engagent le pays à long terme.
Je suis plutôt démocrate, laïc qui refuse toute ingérence de la religion dans la politique. Mais je ne refuse pas l'islam tel qu'il est pratiqué par les musulmans. D'ailleurs ma femme est pratiquante et on vit ensemble très bien. 

Les promesses de ces partis politiques : utopie ou réalité ?

Je n’arrive pas à concevoir pourquoi dans une A.C qui ne demeurera pas longtemps, les partis font une panoplie de promesses irréalisables dans le logiquement possible. Je pense qu’il est plus rationnel de proposer un projet de constitution et non pas un programme. L’enjeu primordial demeure la constitution.
A mon avis, ces promesses ne sont qu’une illusion. Promettre aux gens de créer des milliers de postes d’emploi dans une courte durée, par exemple, est logiquement ingérable.
Dans tous les cas, nous verrons dans l’avenir leur évolution.

Que pensez vous des indépendants ?

A vrai dire, les listes indépendantes ne sont pas toutes innocentes. Il y a des listes indépendantes qui se cachent derrière le fameux RCD.

Que pensez vous de l’exemple Al Arida ?

Arida est un phénomène plus qu’un exemple. Elle détient une partie, bien qu’elle ne soit pas très importante, du quatrième pouvoir à travers laquelle elle a fait une grande propagande. Ce n’est enfin de compte que des promesses mensongères qu’elle a pu rendre crédibles car promettre ne tue pas. Ces « charlatans » peuvent tout dire.

Étant donné que Doustourouna n’a pas pu « arracher » aucun siège, quelle solution ?

Même si nous n’avons pas réussi à être élus, nous continuerons à militer pour une société démocratique, ouverte et moderne.
Nous continuons à militer jusqu’au bout et c’est notre droit, comme c’est le droit de toute la société civile qui brisera le silence au moment approprié.

Chaimae BOUAZZAOUI

21 novembre 2011

BRICS, ONU et droits de l'homme, par Alain Frachon


L'ONU est un lieu où souffle l'esprit du temps. Parfois. Le théâtre qui s'y joue passe pour être formel : rôles distribués à l'avance, dernier acte sans surprise. Une comédie politico-diplomatique de pure façade ? Il faut regarder de plus près.

La pièce qui s'est donnée le 5 octobre à New York, au Conseil de sécurité des Nations unies, est importante. Elle va bien au-delà de son objet immédiat, la Syrie, elle annonce le monde de demain. Elle dessine les contours d'une scène internationale dominée par les nouveaux puissants : les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) et quelques autres, membres du même club (Indonésie, Afrique du Sud, notamment).
Elle signe le recul de l'Ouest - des Etats-Unis et de l'Europe. C'est une date qui comptera. Elle porte un coup de plus à l'idée d'"ingérence" humanitaire. Elle marque le retour à un ordre international fondé sur la souveraineté absolue des Etats. Plus que jamais, charbonnier est maître tout puissant à l'intérieur de ses frontières. On peut le regretter, il faut le savoir : le XXIe siècle s'annonce très peu "droits de l'hommiste".

Ce jour-là, autour de la table ronde du Conseil, on discute d'un projet de résolution bien timide sur la Syrie. Au septième mois d'une révolte populaire contre le régime de Damas, réprimée par le meurtre, la torture, les emprisonnements de masse, les Européens suggèrent le minimum : une condamnation de la répression, assortie d'éventuelles sanctions. Ils se heurtent à un double veto, celui de la Chine et de la Russie qui reçoivent l'appui de beaucoup d'autres pays du "Sud" - l'Inde, l'Afrique du Sud, le Brésil.

Les puissances émergentes, celles qui vont façonner l'époque, sont unanimes. Pas question d'une intrusion dans les affaires de la Syrie. Le principe du respect de la souveraineté nationale est érigé en mur d'enceinte aux frontières syriennes.
Tant pis pour les 2 900 manifestants tombés sous les balles des troupes de Bachar Al-Assad ; tant pis pour les corps démembrés, brûlés, marqués à vie de ceux qu'on torture dans les geôles du pays ; tant pis pour les dizaines de milliers d'emprisonnés dans les stades, les casernes et autres lieux de détention de masse.

L'ONU, seule organisation dépositaire de la légitimité internationale, non seulement n'agira pas, mais elle n'a rien à dire sur le sujet, rien à consigner au titre de la seule réprobation morale. Silence. L'ONU reflète l'air du temps.

Les uns et les autres ont leurs raisons. Celles de la Russie sont connues. Sentimentales ou nostalgiques : le régime de Damas est l'archétype de ces alliés que l'URSS entretenait dans sa zone d'influence - Etat fort, hauts cadres militaires formés à Moscou, économie centralisée. Il est aussi le dernier, l'ultime bastion d'une présence russe aujourd'hui sur le recul au Proche-Orient.
Moscou entretient un commerce extérieur important avec la Syrie, marché de plusieurs milliards de dollars pour les vendeurs d'armes russes, notamment. A Tartous l'élégante, port en eau profonde, la marine militaire russe dispose de son unique base en Méditerranée. Directeur de l'Institut d'analyses politiques et militaires à Moscou, Alexandre Sharavin confie à l'agence russe Tass : "Le départ d'Assad nous poserait de sérieux problèmes" (cité par l'International Herald Tribune).
Traditionnellement, la Chine suit la position de la Russie au Conseil de sécurité. Elle aurait pu s'abstenir, le "niet" russe suffisait à tuer le texte européen. Elle a mis son veto. Sa motivation est politique. Depuis le début du "printemps arabe", Pékin est sur ses gardes.
Le Parti communiste chinois a peur de la contagion. Il a réagi - irrationnellement, disent certains - aux événements de Tunisie et d'Egypte en lançant une vaste campagne de répression préventive dans les milieux intellectuels et potentiellement dissidents : arrestations d'avocats, de défenseurs des droits de l'homme, d'artistes.
Moscou et Pékin peuvent aussi penser que Bachar Al-Assad va "tenir". L'armée syrienne semble lui rester fidèle, majoritairement ; l'Iran lui dispense son appui financier ; la chute du clan au pouvoir à Damas inquiète nombre de voisins, à commencer par Israël, qui redoutent un effet de déstabilisation régionale.

Mais il y a plus. L'unanimité des puissances émergentes à protéger la Syrie relève d'un profond réflexe de défiance à l'égard du monde occidental et de ce qu'il représente. Le précédent libyen a compté. Chinois, Russes et autres ont le sentiment d'avoir été trompés.
A la mi-mars, Américains et Européens ont mis en avant la doctrine onusienne dite de la "responsabilité de protéger" les populations civiles : si ce devoir-là n'est pas rempli par un gouvernement à l'égard de ses ressortissants, alors la communauté internationale - l'ONU - a le droit de s'en mêler.
Sur cette base, Moscou et Pékin ne se sont pas opposés au vote d'une résolution autorisant l'emploi de la force pour établir une zone d'exclusion aérienne dans le ciel libyen. Il s'agissait d'empêcher le régime de Tripoli de tirer à l'arme lourde sur les manifestants du "printemps libyen". Les BRICS imaginaient une intervention limitée, pas cette campagne militaire américano-européenne menée de concert avec l'opposition libyenne pour obtenir un "changement de régime" à Tripoli.

"Changement de régime" : dans l'univers politique des BRIC, l'expression est honnie, elle désigne le diable. Elle renvoie au désastre américain en Irak. Elle est synonyme d'une volonté occidentale de rétablir par la force un ordre postcolonial. Elle convoque des images d'expéditions impérialistes à des fins pétrolières. Elle appartient au monde d'hier, celui que dominaient les Etats-Unis et l'Europe, pas à celui de demain, que les BRICS entendent bien marquer de leur empreinte.
Sans doute y a-t-il une part d'hypocrisie dans ce discours. Mais on se tromperait en n'y voyant que cela.



Alain Frachon (Chronique "International") 
Le Monde, le 20 octobre 2011 

Nota de Jean Corcos :
Je tenais à vous faire partager cet excellent article d'Alain Frachon, directeur éditorial au journal "Le Monde" et référent pour la politique internationale. Plus je lis ses écrits et plus je l'entends, parfois, sur des plateaux de télévision ou de radios, plus je me dis que ses analyses tranchent avec la ligne éditoriale du journal ... Celle-ci - forçons un peu le trait - m'a toujours semblé se  réjouir du recul de l'Occident, critiquer ses leaders quand ils montraient les dents, hier face à l'URSS et aujourd'hui face à l'islam radical. En gros, le "monde nouveau" qui s'installe sous nos yeux, avec la montée en puissance des "émergents" dont les plus grandes puissances constituent les "BRICS", est généralement présenté dans les colonnes du journal comme un évènement qu'il n'y a pas lieu de déplorer. Or voici qu'Alain Frachon, à propos de l'impunité syrienne à l'ONU, vient dénoncer ces nouveaux maitres du jeu qui, clairement, s'assoient sur les droits de l'Homme. Les choses n'étant jamais simples, les "BRICS" regroupent une puissance totalitaire - la Chine -, une puissance quasi-maffieuse - la Russie -, une démocratie, l'Inde - qui n'est pas définitivement acquise au camp occidental, comme on le voit. Mais aussi le Brésil, couvert de louanges par nos grands médias et dont il faut dire que la diplomatie, chaleureuse envers des pays comme l'Iran ou comme la Syrie, inspire un véritable dégoût.

20 novembre 2011

Iran et nucléaire, retour sur un article


Vendredi dernier, je publiais un article de deux éditorialistes réputés de la presse israélienne, Avi Issacharoff et Amos Harel ; un article sur le sujet brûlant qui inquiète tous les amis d'Israël, juifs ou non : peut-on détourner l'Iran de sa course à l'arme atomique ? L'originalité de cette publication était qu'elle retraçait une interview, peu banale dans le "Haaretz" puisque étant celle d'un universitaire iranien - certes vivant en exil aux USA.

Avant de revenir sur le fond cet article, quelques réflexions : en vous offrant une traduction en français, je pense avoir fait à nouveau un petit travail utile, mon lectorat - j'oserais écrire à nouveau "juif ou non" - devant en majorité être parfaitement français, c'est à dire monolingue. Pour les Juifs naturellement inquiets du sort d'Israël et se fiant à ce que l'on dit majorité dans leur blogosphère, la cause est entendue : sous prétexte qu'il se situe dans l'opposition au gouvernement actuel de Jérusalem, le "Haaretz" est un journal gauchiste, défaitiste et post-sioniste ; et ils en sont d'autant plus convaincus qu'ils n'arriveront même pas à lire et comprendre le site du journal en langue anglaise !
A titre personnel, je n'apprécie pas certains éditorialistes du quotidien israélien, beaucoup plus d'autres, en tout cas j'aime lire des analyses qui sortent des sentiers battus et qui forcent à réfléchir : or c'est tout à fait le cas de celui que je viens de vous proposer, car il ne peut satisfaire les tenants d'un discours militant ...

En gros (et c'est une bonne claque à la figure à la fois des propagandistes du régime dans nos contrées, et du "politiquement correct" dominant dans nos médias), cet expert iranien nous aura dit :
- que la République Islamique ne renoncera jamais à l'arme nucléaire ;
- que c'est un instrument de survie pour un régime devenu une "dictature ordinaire" ;
- que le même régime tient à une situation de "ni paix ni guerre" qui lui permet de perdurer ;
- que l'arme atomique devrait lui permettre d'obtenir une "suprématie régionale".
Tous ces éléments justifient déjà pleinement les craintes israéliennes, car un Moyen-Orient dominé par une puissance ayant fixé la disparition de l’État juif comme objectif officiel serait, bien sûr, invivable.

Mais là où Mehdi Khaladji nous dit quelque chose d'original - et avons le - de difficile à admettre à nos oreilles, c'est quand il juge que la République Islamique n'a pas l'intention d'utiliser, en premier, l'arme atomique, sachant parfaitement que ce serait suicidaire : or c'est justement ce que disent et répètent ceux qui dissuadent Israël de faire des frappes préventives sur les installations nucléaires de la République Islamique - frappes qui seraient extrêmement risquées nous dit cet expert, rejoignant en cela l'analyse de la majorité des responsables sécuritaires israéliens ...

Tout ceci étant posé, reste aussi une dernière hypothèse que je soumets à votre réflexion : et si cet expert iranien, exilé aux USA mais ayant encore de la famille dans son pays natal - y compris son père, Ayatollah réputé - était en fait un "poisson pilote" du régime, utilisé pour faire passer un certain nombre de messages à Israël ?

La question mérite au moins d'être posée : mais on aurait, dans tous les cas, vraiment tort de mépriser cet ennemi, à la fois retors, décidé et malin !

18 novembre 2011

L'Iran voit son programme nucléaire comme dernière ligne de défense contre l'Occident, selon un expert iranien

Ali Khameneï, guide suprême de la révolution iranienne


La traduction originale

- novembre 2011
 
Il n'y a aucune chance réelle de contrecarrer le programme nucléaire iranien par des sanctions ou par un compromis négocié, a déclaré un expert iranien au "Haaretz", quelques jours après que l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique ait publié un rapport indiquant que Téhéran cherchait à développer des armes nucléaires.

Mehdi Khalaji, Senior Fellow à l'Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient, a déclaré que le régime iranien a considéré son programme nucléaire comme l'outil mis en œuvre pour préserver sa survie ; ceci implique que la pression de l'Occident ne peut pas éloigner Téhéran de nouvelles avancées sur son projet.

Khalaji est respecté comme l'un des universitaires de premier rang de l'Iran, également en raison de son expérience personnelle. Il est né et a grandi dans la ville de Qom, le plus grand centre de l'Iran pour l'enseignement religieux chiite. Il étudia la théologie chiite et sa législation pendant 14 ans dans l'un des plus grands séminaires religieux de Qom, où vit encore son père, un Ayatollah, haut membre du clergé.

En 2000, Khalaji a quitté l'Iran pour la France, avant plus tard de déménager pour les États-Unis.

Parlant au "Haaretz", ce chercheur de haut niveau a déclaré que le dirigeant suprême iranien Ali Khamenei estime que l'Occident tente de destituer le régime islamique de Téhéran, allant jusqu'à considérer l'offre américaine de compromis du président Barack Obama comme une escroquerie. Toutefois, a-t-il ajouté, le leadership de l'Iran  est aussi méfiant envers les autres nations, suspectées de travailler à saper leur régime, y compris l'Arabie saoudite, la Turquie, le Pakistan, et même la Chine et la Russie.

Il dit que l'Iran est très isolé, ce qui conduit ses dirigeants à croire qu'un programme nucléaire militaire était le seul moyen de prévenir une future attaque. Cette méfiance, dit Khalaji, ne va pas disparaitre de si tôt, ce qui s'opposera à toute tentative de compromis.

Lorsqu'on lui a demandé si l'Iran allait utiliser une arme nucléaire contre Israël une fois qu'elle la posséderait, Khalaji a dit que personne en Iran n'y penserait, mais que le seul but du régime était de parvenir à la suprématie régionale. Par ailleurs, le chercheur iranien a déclaré que l'utilisation d'armes nucléaires serait un geste suicidaire de la République Islamique.

Se référant à une éventuelle frappe israélienne, Khalaji a déclaré que le régime iranien ne considère pas que ce serait une option viable, ajoutant que Téhéran sait que le prix potentiel d'une telle mesure dissuade quiconque souhaiterait l'entreprendre. Il a ajouté que le fait que le sujet soit si largement débattu dans les médias, indiquait que, ni Israël ni l'un de ses partenaires potentiels ne pouvaient réellement envisager une telle mesure.

Lorsqu'on lui a demandé de parler de la réaction de l'Iran à une frappe possible, Khalaji a estimé qu'une telle frappe aurait pour effet  d'unir les citoyens de l'Iran autour du régime, tout en ajoutant que les conséquences directes d'une frappe militaire étaient difficiles à prévoir.

Le chercheur iranien a également écarté la notion selon laquelle l'Iran lancerait une attaque préventive, en disant que la doctrine militaire du pays stipule que Téhéran tenterait d'éviter un conflit armé sur le sol iranien, en choisissant de mener ses guerres contre l'Occident ailleurs, comme en Afghanistan, Irak, Liban, et dans les territoires palestiniens. Le régime iranien est menacé par la guerre et par la paix, dit Khalaji, soulignant que c'était la raison pour laquelle Khameneï a cherché à préserver une tension, qui n'était ni une vraie paix ni une vraie guerre.

Khalaji a également déclaré qu'il pensait que les récentes tensions entre Khameneï et le président iranien Mahmoud Ahmadinejad n'auraient aucun effet sur le projet nucléaire de l'Iran, puisque Khameneï a un contrôle complet sur le programme nucléaire du pays. Toutefois, a-t-il ajouté, il y a des personnes dans l'élite politique de l'Iran qui jugent que le pays n'avait pas besoin de développer des armes nucléaires.

Quand on lui demande à qui il pensait pour succéder à  Khameneï comme chef suprême, Khalaji a déclaré que si Khameneï avait régné en l'Iran en utilisant la Garde révolutionnaire du pays, il pensait que la situation serait inverse après son règne ; les responsables de la Garde révolutionnaire iront plutôt choisir un leader spirituel faible, de manière à gérer eux-mêmes effectivement le pays. Khalaji a également évoqué la disparition de l'opposition politique en Iran, depuis les grandes manifestations de 2009, disant que l'opposition au gouvernement était en hausse. Toutefois, a-t-il ajouté, les dissidents sont sans véritable structure ou réseau, et il faudra un certain temps avant qu'une véritable opposition se mette en place. L'universitaire iranien a déclaré, cependant, que Khameneï avait transformé l'Iran en une «dictature classique", un régime que le peuple iranien a déjà montré être en mesure de déposer.

Avi Issacharoff et Amos Harel,
Haaretz, 11 novembre 2011

Traduction Jean Corcos

16 novembre 2011

Halal : un marché lucratif peu encadré


La rediffusion dimanche 31 juillet sur Canal + d’une enquête sur l’explosion du marché du halal et ses dérives a provoqué l’indignation dans la communauté musulmane. Huit élus municipaux d’origine musulmane réclament une enquête parlementaire.

Que représente le marché du halal ?

Le marché du halal a représenté 5,5 milliards d’euros en 2010 [1]. La forte accélération de la croissance de ce marché amorcée en 2009 continue. Le nombre d’acheteurs se stabilise mais ils consomment des produits plus diversifiés, comme des saucisses de poulet ou encore du foie gras halal. La sociologue Florence Bergeaud-Blackler, chercheure associée à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (Iremam) à l’Université de Provence, explique notamment ce récent intérêt par un très fort attachement à la consommation halal chez les 18-25 ans, pour qui « l’alimentation est une pratique religieuse relativement aisée, qui constitue un signe extérieur d’islamité très valorisé dans la communauté ».
Le dynamique marché du halal n’a pas tardé à attirer la grande distribution qui s’est lancée depuis une dizaine d’années. Ainsi, en 2010, les grandes et moyennes surfaces ont réalisé 130,1 millions d'euros de chiffre d’affaires sur ces produits, soit 0,2 % du marché alimentaire, selon le cabinet Nielsen. Les commerces de quartier et les supérettes spécialisées continuent toutefois de concentrer l’essentiel des recettes.

Pourquoi les organismes certificateurs sont-ils mis en cause ?

Les méthodes des organismes certificateurs sont au cœur d’une polémique. En janvier 2011, l’affaire des saucisses Herta certifiées halal mais dans lesquelles furent retrouvées des traces de porc avait gravement mis en cause le sérieux des acteurs du marché.
Parmi la cinquantaine d’organismes certificateurs qui existent, les plus importants sont les partenaires des Mosquées de Paris, d’Evry et de Lyon. Leur rôle : certifier les produits halal après contrôle du respect du rituel musulman. Mais d’après le reportage de Canal + [2] Halal, les dessous du business , certains de ces organismes n’ont pas de contrôleur et n’assurent aucune vérification avant d’accorder l’étiquette halal. Mis en cause dans l’enquête de Canal +, l’organisme partenaire de la Mosquée de Paris, la Société française de contrôle de viande halal ( SFCVH), refuse de répondre sur ce point.
D’après Fourat Alani, journaliste, co-réalisateur de l’enquête, la présence de contrôleurs de l’abattoir entraînerait une augmentation de 20 % des prix des produits à la production. C’est pourquoi certaines entreprises optent pour des organismes certificateurs « plus souples » qui leur coûtent moins cher.
« Tout le monde peut devenir organisme certificateur halal. Il n’y a aucune loi qui encadre l’utilisation du mot », explique Fourat Alani.  « Dans certains cas c’est envoi d’estampille contre envoi de chèque, et ça ne va pas plus loin. C’est l’impunité totale », tempête l’animateur du blog Al-Kanz, Fateh Kimouche, interrogé par La Croix .
La majorité des organismes refusent de communiquer les montants des contrats qui s’établissent entre les entreprises et les organismes certificateurs. Seule l’organisme certificateur partenaire de la Grande mosquée de Lyon a indiqué avoir empoché un million d’euros provenant de la délivrance de son certificat à diverses entreprises.

Comment pourrait-on réglementer le halal ?

Pour Fourat Alani, la réglementation du marché passerait par la définition d’une « norme halal unique ». Le Conseil français du culte musulman a déjà établi une charte ( lire des extraits) proposant une définition commune du halal, mais elle n’a pas encore été adoptée par tous.
Pour Florence Bergeaud-Blackler, il faut organiser une traçabilité du produit halal depuis la ferme jusqu’à la table. « Ce qui ne simplifie pas les choses, c’est qu’il n’y a pas de consensus sur une définition agroalimentaire du halal », décrypte-elle.
Lundi 1er août, huit élus municipaux d’origine musulmane ont demandé la mise en place une commission d’enquête parlementaire « pour faire toute la lumière sur le marché du halal dont certaines pratiques commerciales peuvent s’apparenter à de l’escroquerie publique, faute d’une législation claire et précise ».

Noémie Buffault
La Croix, 3 août 2011

[1] source : cabinet Solis spécialisé dans le marketing et les sondages ethniques
[2] L’intégralité du reportage de Canal + est disponible ici.

15 novembre 2011

Pas d'émission le 20 novembre

"Rencontre", c'est vous le savez un dimanche matin sur deux ... plus précisément, les dimanche des semaines paires.

Votre prochain numéro devait donc tomber le 20 novembre : mais ce jour là, l'ensemble des radios du 94.8 FM seront mobilisées pour "l'Appel National pour la Tsedaka 2011"... programmes bouleversés, donc, et émission annulée !

Rendez-vous le dimanche 4 décembre. 

J.C 

14 novembre 2011

"Le chasseur du Shabbat" : le film antisémite qui fait fureur en Iran

L'affiche du film antisémite
"Le chasseur du Shabbat"


L’antisémitisme a été et il restera l’arme du choix des tyrans, des dictateurs et des gouvernants d’états totalitaires. Un film antisémite, "le chasseur du Shabbat", fait actuellement fureur en Iran.
Le film montre un grand-père, à l'apparence des Juifs ultra-orthodoxes qui apprend à son petit-fils comment tuer des Palestiniens, le tout sur un fond musical particulier, celui de l'hymne israélien Hatikvah. Le film, mis en scène par  Parviz Sheikhtadi, est présenté ces jours-ci dans plusieurs cinémas et universités en Iran, et il soulève un grand intérêt dans la presse conservatrice. L'agence de presse Paras l'a défini comme "l'une des œuvres stratégiques du cinéma iranien" qui révèle la profondeur de la réflexion et des objectifs de l'école sioniste et anti-humanitaire".

Selon un compte-rendu complet du centre d'information pour l'intelligence et le terrorisme, le film, dont le scénario se déroule en Israël, traite d'une jeune homme qui s'appelle Benjamin et qui subit des abus mentaux et un lavage de cerveau par son grand-père qui sert de "rabbin sioniste", dans le but de le transformer en assassin sans pitié et assoiffé de sang, qui sera prêt à verser le sang de palestiniens et d'innocents afin de réaliser les buts du sionisme. Le rabbin sioniste, dont le caractère est interprété par l'acteur Ali Nassirian, est représenté comme un sadique, un tricheur et un raciste religieux qui parvient à transformer le jeune homme en un robot assoiffé de sang au service du sionisme. Le film, qui a principalement été tourné à Londres, présente les rabbins sionistes comme ceux qui se sont emparés des institutions de l’État d'Israël et comme des corrompus financièrement et moralement parlant.

La diffusion commerciale du film a également soulevé  la critique d’un représentant de la communauté juive dans le parlement iranien quand Siamech More-Tzedek, a critiqué les producteurs du films en prétendant qu'ils ne faisaient pas la différence ente le sionisme et le judaïsme. Le metteur en scène, Parviz Sheikhtadi , a, lui, rejeté les critiques et a dit que le film servait justement les intérêts des juifs, car il présente l'homme de religion sioniste comme faussant le judaïsme en faveur des intérêts du "régime sioniste"... Afin de défendre le film, le metteur en scène a raconté que celui-ci avait été précédé d'une enquête approfondie et sérieuse, qui a duré 12 ans et qui a compris  le recueil de renseignements au sujet du sionisme, la lecture de sources de la Halakha juive, des discussions avec des "experts" et un séjour de plusieurs mois à Londres.  

Le cinéma dans la République Islamique d’Iran focalise son énergie sur la haine du sionisme et de l’américanisme, restant fasciné par la lutte palestinienne, souvent paravent du pire intégrisme islamiste. 

Ftouh Souhail
Tunis, le 8 novembre 2011

13 novembre 2011

Elections tunisiennes : conclusions provisoires



Il faut savoir refermer un dossier, même s'il est aussi passionnant que celui-là ... les premières élections vraiment libres dans un pays arabe, et qui font de la Tunisie - l'expression revient en boucle dans les éditoriaux - un "laboratoire" pour les pays ayant connu le fameux "Printemps" !

Les analyses que je vous ai présentées ici, optimistes ou pessimistes, écrites par des Tunisiens ou des non Tunisiens, vous ont éclairé comme j'essaie de le faire à la radio, en vous faisant entendre des avis différents ... ah, comme elle parait loin l'époque où des professeurs de français m'apprenaient l'art de la dissertation : "thèse, anti thèse, synthèse" : loin, pas seulement hélas parce que plusieurs décennies ont passé, mais parce que ce n'est plus dans l'air du temps. Je m'en rends compte en lisant les "fils de discussion" que je suscite sur ma page FaceBook à propos de l'actualité : Juifs, Musulmans, de droite ou de gauche, la plupart donnent plutôt dans le dialogue de sourds, restant figés sur le "logiciel" qui leur donne une explication pour tous les évènements de la planète !

Mais commençons donc, justement, par FaceBook : j'ai le bonheur de connaitre et de correspondre avec plusieurs Tunisiens et Tunisiennes, cela me permet donc d'avoir le "pouls", comme on dit, plus facilement que la plupart de mes homologues de la blogosphère juive. Et ainsi, cela  m'a permis de tirer une première conclusion : tous les électeurs et sympathisants d'Ennahda ne sont pas "formatés" par l'idéologie des Frères Musulmans, au contraire certains protestent de leur amitié pour les Juifs, et même de leur souhait de coexistence entre Israël et le monde arabe. Étonnant, non ? Un ami tunisien me signalait, même, que Hamadi Jebali, pressenti pour être le futur Premier Ministre, a loué à la télévision la ... démocratie israélienne !

Dans la même idée -  "rien n'est simple dans l'Orient compliqué" - on se tromperait lourdement en espérant de l'opposition "laïque" une audace vis à vis des relations avec Israël : l'idéologie du "Congrès Pour la République" de Moncef Marzouki - dont on a pu lire qu'il était "Youssefiste", du nom de l'ancien opposant nassérien à Bourguiba - est plutôt radicale sur le conflit palestinien ; même hostilité de la part du PDP de Nejib Chebbi ; ou du "pôle Démocratique Moderniste", qui n'hésite pas à défendre dans ses valeurs : «  la lutte contre les mouvements racistes et sionistes » (sic).

Mais une fois rappelé que les choses sont compliquées, il faut quand même garder quelques repères à l'esprit : par ce vote massif en faveur d'Ennahda, le peuple tunisien vient d'exprimer son ancrage profond dans une identité arabo-islamique que l'on croyait moins prégnante que l'autre personnalité du pays, laïque et "métissée", une identité voulue successivement par Bourguiba et Ben Ali. Certes, le parti islamiste se réclame de l'AKP, un modèle donc à la fois attaché à la démocratie et au libéralisme économique. Mais ne rêvons pas non plus : pour ce qui concerne Israël, justement,l'AKP n'est vraiment pas un exemple sympathique à suivre ; le premier geste du nouveau pouvoir a été de fermer le bureau de contact "officieux" de l'état hébreu à Tunis ; le leader du parti, Rached Ghannouchi, a immédiatement dédié sa victoire à la cause palestinienne, en espérant bientôt l'éradication de l'état juif, qualifié de "vermine qui sera bientôt détruite" ... et ce n'est pas ce que disait Jebali dans les colonnes du journal "Le Monde", comme vous avez pu le lire ici ; mais ce n'est pas la première fois, non plus, que des dirigeants disent des choses différentes en arabe et en français ! Et à ce sujet, la diatribe de Ghannouchi contre la langue française, accusée de "polluer l'arabe", ne rend pas non plus sympathique le personnage.

Reste aussi que pour l'électeur tunisien de base - et Ennahda, avec un vote surtout urbain et péri urbain en est vraiment représentatif - d'autres facteurs que le conflit israélo-palestinien ont été bien sûr décisifs : le facteur "moral" a joué, pour un parti qui n'avait jamais été associé aux affaires ; "la base" a manifesté ainsi son hostilité "aux élites", associées à la corruption et à la trop grande proximité vis à vis de la France ; en somme un "islam populaire", pas révolutionnaire comme le modèle iranien, mais marqué par un mélange de nationalisme et de communautarisme !

Revenons, pour finir, à ce que m'écrivait un ami tunisien, et qui me semble à la fois réaliste et très sage : "le problème n'est pas les dirigeants dont la plupart sont hautement diplômés et qui sont rentrés d'exil d'Angleterre, de France et de Suède (remarque, les dirigeants quand ils fuient la dictature ne se réfugient ni en Arabie Saoudite ni au Soudan encore moins au Pakistan ou en Afghanistan...) ; le hic c'est la base fanatisée de ce mouvement, d'où le double discours des chefs de Ennahda, qui dans un souci de rassurer leur base défendent des thèses islamistes d'un côté, et d'un autre prononcent un discours tout a fait opposé à ces thèses, mais sur les plateaux de télévision !"

Jean Corcos