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31 mai 2011

Le poète syrien Adonis demande la séparation de la religion et de l’Etat : "L´idéologie religieuse s’oppose à la démocratie"


Ci-dessous des extraits d´une interview du poète syrien Adonis, diffusée sur Al-Arabiya le 20 avril 2011.
 
Voir les extraits-vidéo sur MEMRI TV :
http://www.memritv.org/clip/en/2916.htm 

Interviewer : Pourquoi nous trouvons-nous, nous Arabes, toujours à l´écart des progrès historiques ? Notre seule action, si action il y a, consiste à donner naissance à des régimes totalitaires. Pourquoi sommes-nous absents de tout processus de civilisation, à l´exception de quelques individus – des penseurs et des scientifique s, des expatriés résidant à l´étranger ? Quelle est la raison de cet état de fait ?
“…nous, Arabes, n´avons pas réussi à établir un Etat au sens juridique... en 15 siècles”

Adonis : Je pense que personne ne contestera le fait que nous, Arabes, n´avons pas réussi à établir un Etat au sens juridique et humain communément admis – un Etat civil et une société civile –  ces 15 derniers siècles. Aucun scientifique ou politicien ne s’est jamais demandé pourquoi une nation comme la nation arabe, à l’origine d’une grande civilisation, n´a pas réussi à donner naissance à une société civile ou à un Etat civil. C´est une question...  

Interviewer :
Et quelle est la réponse ?

Adonis : Ma réponse personnelle ?

Interviewer : La religion ?

Adonis : Pas la religion en tant que telle. Je ne suis pas contre la religion, en tant que relation entre l’individu et le spirituel....

Interviewer : Vous voulez dire l´exploitation de la religion...

”…faire de la religion une idéologie, l´exploiter à des fins politiques, en faire un instrument de la lutte socio-politique… Je crois que là se trouve la raison [de notre échec]”

Adonis : La religion correspond à un besoin existentiel, qui est digne de respect. Toutefois, faire de la religion une idéologie, l´exploiter à des fins politiques, en faire un instrument de la lutte socio-politique… Je crois que là se trouve la raison [de l’incapacité à créer une société civile]. C’est pourquoi la religion, d’un point de vue idéologique et politique, doit être complètement dissociée de la société et de l´État. Le but de la religion doit être de gér er la relation entre l´individu et le spirituel, ou Dieu.

”…
toutes les idéologies s’opposent à la démocratie, et c’est encore plus vrai des idéologies religieuses”

La société, pour sa part, existe pour ses citoyens, et elle doit être régie par les lois. Une société est régie par des lois, non par l’inspiration divine. Si nous n´accomplissons pas cela [la séparation des pouvoirs], je ne pense pas que nous pourrons établir une démocratie. Nous parlons beaucoup de la démocratie, mais il nous est impossible [de l’instituer], car toutes les idéologies s’opposent à la démocratie, et c’est encore plus vrai des idéologies religieuses.
 
L’idéologie religieuse nie la démocratie à deux niveaux : sur le plan théorique et politique [d´une part], et sur le plan de la foi. Sur le plan de la foi, l´autre ne peut exister qu’en tant qu’infidèle. Tant que le point de vue religieux prévaudra dans la société, au niveau de ses institutions, de sa culture, du droit et de la législation, nous ne pourrons devenir un Etat démocratique, ni construire une société civile [...].

Depuis cinquante ans au moins, les Arabes appellent à la révolution, à la réforme, au progrès, à s’affranchir du colonialisme, et ainsi de suite, mais ces cinquante ans n’ont donné, comme nous le savons tous, que catastrophes et régression à tous les niveaux. Au nom de l’unité, nous avons été réduits en lambeaux ; au nom de la liberté, nos pays sont devenus des prisons ; au nom du socialisme et du panarabisme, nous sommes entrés dans la précarité et nous sommes retrouvés sans abris.

[...]

MEMRI, 
le 15 mai 2011 

29 mai 2011

Le Maroc, déstabilisation ou démocratisation ? Lhoussain Azergui sera mon invité le 5 juin

Manifestation devant le Parlement marocain à Rabat,
20 février 2011


Nous allons poursuivre dimanche prochain notre tour des révoltes dans le monde arabe en parlant du Maroc, qui semble vraiment à la croisée des chemins après ce qu'il a vécu ces dernières semaines. D'un côté il y a eu, dans le sillage des révolutions tunisienne et égyptienne, des grandes manifestations qui ont débuté le 20 février, donnant naissance au mouvement du même nom ; suite à cela on a eu l'impression que le pouvoir prenait peur, le Roi a prononcé un discours important le 9 mars, qui annonçait des réformes profondes ; et depuis, on a l'impression que ce mouvement s'essouffle. Mais il y a eu ensuite le terrible attentat de Marrakech le 28 avril qui a fait 17 morts dont 8 Français, et le spectre du terrorisme est revenu dans le pays, alors même qu'il n'y avait pas eu ce genre d'évènements depuis 2007. Alors, où va le Maroc ? Que va devenir ce grand pays, ami de la France et qui conserve par ailleurs une des dernières communautés juives au Sud de la Méditerranée ? Qu'est-ce qui va l'emporter, la déstabilisation par les Islamistes ou la démocratisation grâce à la société civile ? Pour en parler j'aurai le plaisir de recevoir un jeune journaliste marocain, Lhoussain Azergui. Lhoussain Azergui est un journaliste indépendant, chef du projet "Afrique du Nord, Proche Orient" à l'ESISC, centre européen de recherche en matière stratégique basé à Bruxelles. Il est né en 1975 à Tinejdad, dans le Sud Est marocain, et il est très attaché à son identité berbère puisque qu'il a publié un roman en langue amazighe, il écrit dans des sites berbères et il a été le lauréat du prix de la "Fondation Matoub Lounes" en juin 2008. Il s'intéresse beaucoup à cette menace islamiste, il vient de publier "le Maroc face à l'islamisme" (Editions Edilivre Aparis), un ouvrage que je n'ai pas encore lu ; mais je l'ai découvert, en fait, par l'interview qu'il a donnée au journal "Le Monde" au lendemain de l'attentat de Marrakech. Il avait dit dans ce journal : "pour les djihadistes salafistes, Marrakech est le symbole de la débauche. La littérature islamiste en parle comme de la nouvelle Sodome et Gomorrhe".

Parmi les questions que je poserai à Lhoussain Azergui :

- A propos de cet attentat : est-ce que des signes avant-coureurs avaient été relevés ces derniers mois ? On a beaucoup parlé de la filiale d'Al-Qaïda au Maghreb, l'AQMI, après des attentats en Mauritanie, des enlèvements de Français au Niger, mais le Maroc semblait à l'abri : la frontière saharienne est-elle déjà poreuse pour des infiltrations, ou alors, les terroristes se recrutent plutôt dans le pays même ? On a arrêté assez rapidement les auteurs de l'attentat du café Argana sur la place Jemaa el-Fna, en particulier celui qui a posé la bombe déclenchée à distance : on a l'impression d'une action isolée, qu'en pensez-vous ?
- Est-ce qu'on ne risque pas de faire une confusion entre des organisations clandestines effectivement dangereuses et qui ont été durement réprimées ces dernières années, et des organisations légales comme le grand parti PJD - parti pour la justice et le développement ? Le PJD participe aux élections, condamne le terrorisme, et pourtant vous dites dans une interview qu'il partage la même idéologie que les islamistes "illégaux"
- A l'origine de la première série de manifestations, on a eu comme en Tunisie et au Maroc des jeunes lançant des appels sur FaceBook. Nombre de partis politiques ou des ONG ont apporté leur soutien, sans vraiment canaliser le mouvement au début mais petit à petit on a l'impression que cela a changé. A votre avis, une récupération par les Islamistes ou l'extrême-gauche est-elle possible, et y a-t-il au Maroc une partie de la population prête à aller jusqu'au bout, c'est à dire jusqu'au renversement de la Monarchie ?
- Le Roi Mohamed VI a semblé très vite comprendre que le terrain politique devenait dangereux, puisqu'il a surpris son peuple en annonçant, dans un discours télévisé dès le 9 mars, une réforme profonde des institutions : le Premier Ministre issu des élections doit devenir le vrai chef de l'exécutif, la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice seront inscrites dans la constitution, la composante berbère amazigh du Maroc sera effectivement reconnue : pensez-vous que le pays se transformera rapidement en une vraie monarchie constitutionnelle, comme beaucoup de pays européens ?

Je sais que parmi mes auditeurs nombreux sont les amoureux de ce pays, si proche de la France : j'espère donc que vous serez nombreux au rendez-vous dimanche prochain !

J.C

27 mai 2011

Sidi Bou vu par Albert Marquet

Minaret à Sidi Bou Saïd (1923)
toile d'Albert Marquet
Une toile sur la Toile
- Mai 2011


Albert Marquet - lire ici sa biographie - a été qualifié de "post impressionniste", à la fois pour situer la période où se situe la majorité de ses œuvres, et pour souligner son indépendance par rapport aux différentes écoles : génie de la couleur, c'est d'abord un paysagiste hors pair, capable à la fois de peindre les brumes du Nord ou les lumières de la Méditerranée, une vue de Paris ou le port d'Alger.

Ayant fait de fréquents séjours en Algérie et en Tunisie, il en rapporta des tableaux de grande qualité, comme cette vue du Golfe de Tunis qui m'émeut bien naturellement : au fond, le Bou Kornin, sur le côté un minaret ... et c'est toute la nostalgie de Sidi Bou Saïd qui revient, loin, très loin des temps troublés que vit mon pays natal en ce moment !

J.C

24 mai 2011

La Franc-Maçonnerie arabe joue-t-elle un rôle dans les révolutions actuelles ?


Peu présente dans presque tout les pays arabes ou elle est interdite (sauf au Liban, Jordanie, Maroc), alors qu’elle était omniprésente avant les années 1950 et que ses membres sont derrière le Mouvement de la Nahda au début du 20ème siècle, elle a su comme tout ceux qui sont à l’origine des révolutions actuelles faire passer ses messages sur Internet et sur Facebook à travers le site du Grand Orient Arabe Œcuménique (1) consacré à « L’Orient Maçonnique » et qui est administré par son Grand Maître Mondial Jean-Marc Aractingi.
Cette Obédience a depuis longtemps alerté les régimes arabes que pour lutter contre l’instrumentalisation de l’Islam, les gouvernements musulmans devront séculariser le code de la famille, le statut personnel
(qui interdit à un non musulman d’épouser une musulmane), l’enseignement public  et une grande partie de la jurisprudence liée par la Constitution à la charia, lecture traditionaliste depuis le IXe siècle de l’application à une société qui n’existe plus de principes juridiques sacralisés et désuets. Aussi les régimes autoritaires de la plupart des États musulmans imposent à leurs citoyens la momification de la pensée, l’immobilisme des institutions, l’aliénation des droits de l’homme et de la femme, la répression des libertés religieuses (croire ou ne pas croire)  et individuelles (accès non censuré aux mass media internationaux et à l’Internet entre autres).

Alors que l’on souligne constamment le danger islamique qui menace l’Europe et le monde libre, pratiquement rien n’est dit des francs maçons, qui, malgré un danger permanent dans leur propre pays, essaient de lutter contre l’intégrisme exacerbé de certains de leurs compatriotes. Eux sont à même de démonter le mécanisme de ce faux retour aux sources, prétendant idéaliser le régime musulman des premiers temps de l’islam et le réintroduire dans nos sociétés modernes comme palliatif de tous les problèmes socio-économiques actuels

En fait, la séparation du politique et du religieux s’est effectuée dès les premiers temps de la propagation de l’islam. Ainsi les califes omeyyades déléguaient à des clercs spécialisés la gestion des affaires religieuses ; les califes abbassides s’en remirent à des sultans d’origine turque ayant pris la tête de mercenaires immigrés pour ce qui émanait du politique en se faisant reléguer dans le domaine religieux ; les sultans ottomans feront de même en créant un corps d’oulémas seuls compétents dans la jurisprudence, les affaires de statut personnel et bien sûr la gestion du religieux.

Cette manière de gouverner se rapproche d’une conception laïque à l’européenne .La laïcité n’est pas le monopole de la civilisation occidentalo-chrétienne car, dit Georges Corm, «  les principes essentiels de l’islam ont un contenu libérateur et constituent l’essence de la laïcité ; cette laïcité implique la notion de neutralisation de l’État dans les affaites religieuses mais non la marginalisation de la religion dans la vie sociale. C’est le principe de laïcité qui protège les minorités »( Le Proche-Orient Éclaté , Folio Gallimard 1999) .En Irak et en Syrie, le Parti Baath fondé vers 1930 par trois intellectuels syriens, un alaouite, un sunnite, un chrétien orthodoxe, proclamait : « La religion pour Dieu et la patrie pour tous »

Les contestataires actuels des régimes confessionnellement orientés au Moyen-Orient et au Maghreb sont des intellectuels arabes et francs-maçons; ils ont des projets de société portant sur l’émancipation féminine, la liberté religieuse et bien sûr sur la démocratie. Ils citent le publiciste égyptien des années 1920 Salama Moussa qui disait : «  Après avoir chassé les colonisateurs, soumis les exploiteurs, serons nous capables de vaincre le Moyen-âge dans notre vie ? » ; son disciple actuel Mahmoud Al Alem s’écrie à son tour : « Nous pensons toujours avec une terminologie archaïque qui correspond à la vie du désert. »

Mais les francs-maçons arabes ne peuvent s’exprimer dans leur pays ni les universitaires. Ainsi du Pr Nasser Abouzeyd, de l’Université du Caire qui publia  Critique du discours religieux dont le contenu était dispensé dans ses cours avec un très grand succès ; ses collègues jaloux le traduisirent en justice et sous le prétexte qu’il était devenu apostat ,obtinrent du tribunal qu’il soit obligé de divorcer de son épouse,  restée musulmane ;le Gouvernement égyptien  le recommanda aux structures universitaires étrangères pour qu’il enseigne en Espagne puis aux Pays-Bas avec son épouse hispanisante. Cette hypocrisie générale et le recul des autorités politiques devant les exigences des islamistes poussent les universitaires les plus compétents à l’exil. Le Pr Abouzeyd avait déclaré que la lecture actuelle du Coran est une lecture politique, donc instrumentalisée et viciée par les pouvoirs en place et qu’il était nécessaire d’introduire dans l’exégèse coranique une dimension historique, lexicale, épistémologique, comme cela s’est fait pour la Bible à la fin du XIXe siècle.

Menant un combat similaire, le Pr Mohamed Chérif Ferjani (Université de Lyon II), dans son ouvrage Islamisme Laïcité et Droits de l’homme (L’Harmattan, 1992), réfute les conceptions d’un islam particulièrement antinomique avec la liberté, l’égalité et la laïcité et montre que les obstacles à l’adoption de ces principes dans les sociétés arabo-musulmanes sont de même nature que ceux qu’on rencontre dans d’autres aires culturelles.

Déjà, dans le domaine scolaire, certains États arabes essaient de réformer les manuels d’instruction religieuse qui sont en général très conventionnels et fermés au dialogue interreligieux ; ainsi le nouveau manuel tunisien de la classe  de première (l’enseignement religieux est une matière d’examen dans tous les baccalauréats des pays arabes) souligne la nécessité d’institutions étatiques laïques pour un bon fonctionnement de la société arabe .Ce manuel indique aussi que l’homme naît libre et que la liberté inclut la liberté politique, la liberté de pensée, voire même la liberté religieuse .

Au Liban, on a été plus loin encore ; des diplômés libanais de l’Université libre de Bruxelles, connue pour sa défense de la laïcité ont créé « l’Association pour un Liban laïque » et ouvert à Beyrouth une « Maison laïque ». Différentes rencontres y sont organisées, activités culturelles et conférences tendent vers un but : promouvoir un État laïque alors que 18 communautés confessionnelles sont reconnues et représentées au Parlement par des députés appartenant obligatoirement à l’une de ces communautés ; le premier résultat obtenu a été la suppression de la mention obligatoire de l’appartenance religieuse sur les registres d’état-civil et les cartes d’identité .Un colloque belgo-libanais s’est déroulé en août dernier sur les thèmes  l’Université libanaise entre pluralité et laïcité  ou  Le mouvement laïc au Liban  ; la presse s’en est fait l’écho . Il est vrai qu’au Liban des élèves de toutes confessions fréquentent les lycées de la Mission Laïque Française de Beyrouth, de Tripoli ou de Nabatiyeh (en milieu chiite d’expatriés en Afrique de l’Ouest).

Les femmes commencent également à se mobiliser avec beaucoup de courage ; ainsi une psychiatre syrienne vivant aux États-unis, Wafaa Sultan s’était  rendue célèbre dans une émission consacrée à la responsabilité de l’islam intégriste dans le choc des civilisations produite par la chaîne populaire du Qatar, Al Jezirah, le 21février 2006. Elle avait été confrontée à   un ouléma égyptien qu’elle ne ménagea pas du tout en ces termes : « le choc mondial n’est pas un choc de civilisations ou de religions, c’est un choc entre une mentalité qui appartient aux temps médiévaux et une autre qui appartient au 21e siècle ; c’est un choc entre la liberté et l’oppression, entre la démocratie et la dictature, entre ceux qui traitent les femmes comme des bêtes et ceux qui les traitent comme des êtres humains ». Et elle répliquait à son adversaire qui l’avait traitée d’ « hérétique » : «  Je ne suis pas une chrétienne, une musulmane ou une  juive. Je suis un être humain laïc, je ne suis pas tenue de croire au surnaturel, mais je respecte le droit des autres à y croire ». Ce débat télévisé suivi par plus de dix millions de téléspectateurs dans le monde entier et repassé en boucle valut  à Wafaa de recevoir des menaces de mort. Mais elle persista et elle a créé un mouvement d’opinion qui n’hésite plus à s’exprimer sur la place publique ; d’où la radicalisation d’émules d’Al Qaïda qui ne voient que dans le combat violent la possibilité de freiner l’évolution naturelle d’une société qui renouvelle ses valeurs et exige plus de libertés.
Le Grand Orient Arabe Œcuménique a su attirer vers lui ces intellectuels arabes et son site a vu son audience augmenter de façon significative depuis les révolutions arabes (180.000 visiteurs  en 2 ans d’existence et le nombre de tunisiens, égyptiens, syriens, émiratis.. ne cesse d’augmenter (de 300 à 400 visiteurs par jour).


·         Site officiel de l’Obédience  www.goao.org  qui travaille au Rite Œcuménique. Ce nouveau rite imaginé par son Grand Maître Mondial Jean-Marc Aractingi se structure sur l’héritage des pères fondateurs, le Rite écossais ancien et accepté de 1804, et s’inspire de l’ancienne maçonnerie musulmane opérative ainsi que des branches initiatiques de l’islam (Soufis, Druzes et Ismaéliens). Il tisse de ce fait un lien fort entre l’Orient et l’Occident et vise à « re-lier » les trois mondes abrahamiques (Judéo-Chrétien et Musulman)[]. Depuis sa création, en 2010, il serait déjà pratiqué par quelques loges en France, dont la loge « Khalil Gibran » à St Cloud, au Moyen-Orient, au Maghreb et en Afrique)[].

A lire de Jean-Marc Aractingi et G. Le Pape : Rituels et Catéchismes au Rite Œcuménique « Orient et Occident à la croisée des chemins maçonniques », Éditions l’Harmattan Paris, 2011

Source : Secrets initiatiques en Islam et rituels maçonniques, Jean-Marc Aractingi et Christian Lochon, Editions l’Harmattan Paris, 2008

23 mai 2011

L'héroïsme des Syriens appelle notre soutien


La Syrie n'en finit pas de compter ses morts et ses disparus. La répression implacable, effrayante, y compris à l'arme lourde, contre des manifestants pacifiques est insupportable. Des fosses communes auraient été découvertes et des réfugiés arrivent maintenant au Liban, fuyant le déchainement des violences du régime baasiste. La mollesse des réactions internationales face à ces événements est inacceptable.
La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le régime syrien a été bloquée par les gouvernements russe et chinois. Pourtant les meurtres, les enlèvements, les bombardements des civils, lorsqu'ils relèvent d'une politique concertée – et il n'y a pas le moindre doute là-dessus – peuvent constituer des crimes contre l'humanité. Il y a là matière pour que le Conseil de sécurité décide d'une saisine de la Cour pénale internationale.
Seul le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a protesté contre la répression organisée par le président syrien Bachar Al-Assad. Pour autant, contrairement à la Libye, la Syrie n'a pas été exclue de cette instance. Elle doit l'être sans tarder. Hillary Clinton qui avait salué, il y a peu de temps, en Bachar Al-Assad "un réformateur", le président Sarkozy qui l'avait invité le 14 juillet, doivent mettre cette question à l'ordre du jour, de toute urgence. Ils sont passibles d'un jugement sévère de l'opinion internationale et de l'histoire quant à leur complaisance avec le bourreau de son peuple.
Les Etats-Unis et la Communauté européenne ont décidé le gel des avoirs d'un certain nombre de dignitaires du régime syrien. Etonnamment, le président Al-Assad n'est pas concerné, pas plus que ceux qui mènent la répression, tels ses ministres de la défense et de l'intérieur. Pourquoi épargner les plus hauts responsables de la barbarie en Syrie ?

Un cauchemar
Comment continuer à entretenir des relations diplomatiques normales avec un régime qui martyrise sa population ? Les Etats démocratiques doivent, au moins, convoquer les ambassadeurs de Syrie pour exiger l'arrêt des violences, et mettre en œuvre des sanctions sérieuses. Les déclarations de l'ambassadeur de France en Syrie, en avril, reprenant la propagande du parti Baas, minimisant la répression et n'excluant pas "que des mains étrangères soient derrière les manifestations", sont inadmissibles. Elles vont encore plus loin que l'ex-ministre des affaires étrangères pendant le soulèvement tunisien.
Dans les villes assiégées ou investies par les tanks et les troupes, les populations civiles vivent un cauchemar : le gaz et l'électricité sont coupés, parfois l'eau aussi. Les vivres et les médicaments manquent. Les soldats et les miliciens frappent, tuent et terrorisent les populations. Fort justement, la Croix-Rouge internationale exige l'accès sans condition d'une aide humanitaire à Deraa. Les grandes organisations humanitaires doivent amplifier cette demande pour toutes les villes concernées par la répression : Homs, Banyas…
Outre les bombardements et les meurtres de manifestants, il y a de très nombreuses "disparitions" qui suscitent les plus vives inquiétudes. Des centaines de militants des droits de l'homme et d'hommes politiques ont été arrêtés. Les Etats démocratiques doivent soutenir fermement les avocats, les ONG de droits de l'homme qui réclament de rencontrer ces personnes afin de les sauver de la torture ou de la mort.
Il faut saluer le courage et l'héroïsme des manifestants qui exigent la liberté et la fin d'un demi-siècle de dictature des Assad sur le pays. Mais le courage et l'héroïsme ne suffisent pas face à la violence sauvage d'un régime féroce et sans scrupules. Des initiatives ont été prises par la société civile tel que l'appel des cinéastes syriens. Il est grand temps que leurs homologues du monde entier les soutiennent. Et pas seulement les cinéastes. Il y a urgence !

Fethi Benslama, professeur à l'université Paris-Diderot, 
et Jacky Mamou, ancien président de Médecins du monde
Le Monde 
19 mai 2011

22 mai 2011

Connaissez-vous ce charmant pays (suite) ?



La devinette du mois
- Mai 2011

Nouvelle devinette, dans la nouvelle série inaugurée le mois dernier : il s'agit de deviner un pays musulman, d'après l'architecture, typique, de sa capitale ou d'une grande ville.

Sur cette photo, vous remarquerez un grand immeuble avec un style vraiment particulier, "mixte" d'Art Déco et de pseudo oriental, à la mode au bon temps des colonies ...

Comme d'habitude, e-mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr. Le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.

Quand à la devinette précédente, il s'agissait ... du Yémen, un pays dont on parle beaucoup depuis le début de l'année avec la révolution en cours !


J.C

19 mai 2011

Annulation du pélerinage de la Ghriba

Synagogue de la Ghriba


En raison de craintes pour la sécurité des pèlerins, le pèlerinage de La Ghriba a été annulé par les autorités Tunisiennes.
Citant le danger de la proximité de la frontière libyenne, les autorités ont décidé l'annulation pure et simple du pèlerinage qui devait se tenir lors de Lag Ba'omer le 21 mai 2011.
Cette célébration fort populaire attire régulièrement des milliers de pèlerins venant de tous pays y compris Israël.
Roger Bismuth, President de la communauté Juive de Tunisie a déclaré que les autorités tunisiennes avaient déjà decidé, après consultations il y a quelques jours d'annuler l'évènement en raison de la précarité de la sécurité.

TUNIS - Les festivités du pèlerinage de la Ghriba, la plus ancienne synagogue d'Afrique à Djerba (sud), ont été annulées faute de visiteurs étrangers, a déclaré lundi le président de la communauté juive de Djerba, remarquant qu'il s'agissait d'une première depuis plus de 20 ans.
Nous avons maintenu le rituel auquel sacrifient les pèlerins consistant à allumer des bougies dans la synagogue, à formuler des voeux, à se faire bénir par les rabbins et qui aura lieu les vendredi et dimanche, a précisé Perez Trabelsi, joint au téléphone par l'AFP à Djerba depuis Tunis.
Toutefois, la kermesse et les ventes aux enchères au profit de la communauté juive et la procession dans les rues situées dans les alentours de la synagogue ont été annulées faute de visiteurs étrangers et en raison de la situation dans le pays, a ajouté M. Trabelsi.
C'est la première fois, a-t-il souligné, que cela arrive depuis que je suis à la tête du comité de la Ghriba depuis plus de vingt ans, a déclaré à l'AFP M. Trabelsi, qui a organisé ce pèlerinage devant se dérouler sur l'île touristique de Djerba du 17 au 22 mai.
Ce pèlerinage avait rassemblé des milliers de personnes en 2010.
Les gens ont peur vu la situation sécuritaire dans le pays (...) on ne cesse de parler des troubles sur les télévisions et cela est décourageant pour nos pèlerins, a-t-il expliqué.
Selon un autre responsable juif tunisien, René Trabelsi, la communauté juive tunisienne n'a pas vraiment le coeur actuellement à faire la fête alors que le peuple tunisien vit dans l'inquiétude et l'insécurité.
On ne garde que le côté religieux et spirituel du pèlerinage et la communauté juive tunisienne est avant tout tunisienne et nous sommes tous dans le même bateau, a-t-il ajouté.
Selon lui, l'attentat de Marrakech, la mort de Ben Laden, la situation à la frontière (avec la Libye) qui s'aggrave, et les dernières violences à Tunis avec la mise en place du couvre-feu ont découragé les pèlerins.
La communauté juive de Tunisie, près d'un millier actuellement contre cent mille en 1956, participe traditionnellement au pèlerinage organisé chaque année au 33e jour de la Pâque juive.
Une des légendes orales fait remonter l'origine de la Ghriba à la destruction à Jérusalem du temple de Salomon, lorsque, fuyant la Palestine, des juifs se réfugièrent à Djerba et établirent une synagogue en 586 avant JC.
La Ghriba avait été visée par un attentat au camion piégé revendiqué par Al-Qaïda, qui avait fait 21 morts en avril 2002.

Source : sites tunisiens ; site Harissa.com

18 mai 2011

« Ah ! les cons » (sur un Munich palestinien), par Bernard Henri Lévy



Mais comment peut-on être aussi « con » ?

Et comment tant de commentateurs, comment telle éminence de telle commission parlementaire, tels ministres ou anciens ministres, comment le Parti socialiste, bref, comment tant d’esprits raisonnables peuvent-ils accueillir comme une bonne nouvelle, un bon signe, comme la réunion trop longtemps différée d’un peuple trop longtemps divisé, cette réconciliation Fatah/Hamas qui est, en réalité, une catastrophe ?

C’est une catastrophe pour Israël qui voit remise en selle une organisation dont le mode d’expression diplomatique privilégié consiste, depuis son putsch de 2007, à tirer des missiles sur les civils de Sderot et qui, il y a tout juste un mois, faisait tirer sur un bus scolaire à l’arme antichar Kornet.

C’est une catastrophe pour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui vient de ruiner en quelques instants, le temps d’un paraphe au bas d’un accord auquel lui-même ne croit peut-être pas, tout le crédit politique et moral qu’il avait pu accumuler en tenant bon, depuis des années, face à un Hamas classé « organisation terroriste » par tout ce que le monde compte, Union européenne et États-Unis en tête, de voix autorisées ; le voilà revenu, Mahmoud Abbas, au pire temps des pires doubles langages, quand Yasser Arafat, d’une main, déclarait « caduque » la charte de l’OLP et, de l’autre, en sous-main, encourageait les attaques terroristes diverses et variées.
C’est une catastrophe pour le peuple palestinien lui-même – mais peut-être nos grands réconciliateurs, ces amis du peuple palestinien qui savent mieux que les Palestiniens eux-mêmes ce qui est bon pour eux, n’en ont-ils cure ? –, c’est une catastrophe, oui, pour ce million et demi de Gazaouis qui vivent sous la loi d’un parti, non seulement terroriste, mais totalitaire, ennemi des femmes palestiniennes (ces « usines à hommes », selon l’article 17 d’une charte qu’il faudrait tout de même que l’on se décide enfin à lire…), tueur des libertés et des droits palestiniens (articles 24 et 27, entre autres) et qui a fait le choix de se battre jusqu’à la dernière goutte de sang du dernier Palestinien vivant plutôt que de se joindre à des « conférences internationales » qui ne sont que « perte de temps » et « activités futiles » (article 13 de la même charte).

C’est une catastrophe pour une paix dont il est faux de dire qu’elle était au point mort : une majorité d’Israéliens, tous les sondages l’attestent, y étaient et y sont prêts ; un nombre grandissant de Palestiniens n’en pouvait, et n’en peut, plus de servir de carburant à une très ancienne machine à haine et sont disposés à contrer, en échange d’un État viable, le jusqu’au-boutisme de leurs chefs ; et voici que tout cela tombe à l’eau avec la réhabilitation du seul parti qui, dans l’affaire, proclame (article 7, toujours, de sa charte) que « l’accomplissement de la promesse » ne viendra pas avant que « les musulmans » aient, non seulement « combattu », mais « tué » tous « les juifs ».

Et puis c’est une catastrophe, enfin, pour un printemps arabe dont il n’échappe à personne qu’il est, aussi, un champ de bataille idéologique où s’affrontent deux types de forces : d’un côté, le courant démocratique et libéral, adepte des droits de l’homme, tenant d’un islam modéré ; de l’autre, les vieux crabes de l’islamisme radical, les tyrannies d’hier et avant-hier – l’increvable mouvement des Frères musulmans créé en 1928, en Égypte, dans la foulée de l’hitlérisme naissant et dont le Hamas est, aujourd’hui, la branche palestinienne. Comment ne voit-on pas que, dans ces conditions, cet accord « historique » est une régression préhistorique ? Comment ne comprend-on pas que cette fraternisation à grand spectacle est une insulte à tout ce que les insurrections récentes ont pu apporter de neuf à un monde arabe tenu sous le joug – une insulte aux jeunes de la place Tahrir du Caire qui manifestèrent, pendant des semaines, sans qu’apparaisse l’ombre d’un slogan antioccidental, antiaméricain, anti-israélien ? une insulte aux insurgés de Benghazi qui se battent pour une Libye qui cessera d’être la deuxième patrie, qu’elle fut sous Kadhafi, pour tout ce que le monde compte de négationnistes, de tueurs de juifs, de terroristes ; un crachat à la face des centaines de Syriens massacrés, depuis mars, par le meilleur ami du Hamas ? une offense à Mohamed Bouazizi, le jeune Tunisien par qui tout a commencé et dont je ne sache pas qu’il se soit immolé « en solidarité avec les djihadistes de 1936 » (tiens, tiens, 1936… la même charte du Hamas, article 7 – suivez mon regard…).

Alors je sais bien que l’on nous dit : « attendez, vous verrez, laissez du temps au temps, c’est en remettant les fascistes dans le jeu, c’est en les considérant, en les flattant, qu’on parvient à les modérer et, à terme, à les bonifier ».

Oui. On verra bien. Sauf que la seule chose que l’on ait vue pour le moment, le premier geste fort qu’aient fait, au lendemain de cet accord honteux, les aspirants à la bonification, a été de condamner l’élimination de Ben Laden – ce « crime » (c’est le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, qui parle) dans le droit-fil d’une « politique d’oppression » fondée sur « l’effusion de sang » des anciens peuples colonisés. Tout est dit. Et il y a, non seulement dans ce dire, mais dans l’assourdissant silence qui, ici, lui fait écho, quelque chose d’affligeant.

Bernard-Henri Lévy
La Règle du Jeu, 9 mai 2011

16 mai 2011

Où en est le jasmin ? par André Nahum


Le “printemps arabe”  va-il permettre l’installation de régimes démocratiques ou va-il  se traduire par la victoire  de l’obscurantisme, du fanatisme et de l’intolérance ? Grave question  que tout le monde se pose.
                
Même en Tunisie , pays  le mieux placé pour accéder à la démocratie, la situation est  incertaine . Les mouvements de rues , les violences exercées  sur des personnes et des biens, les pillages, ont  amené le gouvernement provisoire à décréter un couvre feu dans le grand Tunis et il est possible que les élections pour une Assemblée constituante prévues pour juillet soient retardées. La saison touristique  semble  de ce fait  bien compromise, ce qui n’arrange certainement pas l’économie d’un  pays dont le tourisme  est l’une des ressources principale. L’agitation, l’insécurité, l’impossibilité de satisfaire immédiatement  les  justes revendications  d’une jeunesse pressée d’échapper au chômage, risquent de faire  le lit du mouvement intégriste Ennahda.   
Les démocrates tunisiens, et ils sont nombreux,  se laisseront-ils  envahir, baisseront-ils le pavillon, se  résigneront-ils à laisser cette formation envahir l’espace politique ?  Suivront-ils l’exemple de l’OLP  qui  vient de signer  avec le Hamas un traité qui ne peut mener qu’à son affaiblissement et  sa disparition à court terme  au profit des terroristes de Gaza ? 
On peut espérer  qu’une majorité d’entre eux  ne se laissera pas faire, et que les femmes, libérées depuis Bourguiba se battront  certainement pour conserver un statut sans équivalent dans tout le monde arabe. 
En attendant, des milliers de jeunes, apparemment peu convaincus que la révolution du jasmin leur amènera la prospérité à laquelle ils aspirent , s’entassent  dans des embarcations de fortune pour atteindre au péril de leur vie l’Europe via l’ile italienne de Lampedusa.
En Égypte, l’armée qui dirige le pays depuis l’éviction de Moubarak,  a  de la peine à contenir les Frères Musulmans qui occupent de plus en plus le terrain.. Leur haine  envers leurs compatriotes chrétiens  ne connait pas de limites et tout se passe comme s’ils voulaient pousser par la terreur  les huit millions de Coptes au départ. 
Que les démocrates tunisiens,  égyptiens ou palestiniens  ne s’imaginent  pas qu’en faisant confiance à Ennahda, aux Frères Musulmans ou au Hamas, ils vont  domestiquer ces organisations et les tenir en laisse.
Illusions, pures illusions ! Une telle alliance  avec les éléments les plus rétrogrades de leurs populations est une véritable capitulation. Les fondamentalistes utiliseront tous les moyens, toutes les ruses pour monopoliser le pouvoir. Reste à savoir si l’armée tunisienne  ou  l’armée égyptienne sauraient  éventuellement  leur opposer un barrage efficace  ou si elles se laisseraient dépasser. 
       
En Syrie, Bachar Al Assad réprime à coup de bombes  les manifestations qui se produisent presque quotidiennement  pour demander son départ . Il dispose du soutien sans limites de l’Iran et du Hezbollah libanais pour tuer et embastiller à tour de bras, et  profite  de la passivité d’un Occident, qui redoute probablement  de voir le pays sombrer dans l’anarchie en cas de vacance du pouvoir.   

Dans un tel contexte, Israël a toutes les raisons  d’être inquiet. Les négociations de paix ont-elles encore un sens  quand  on sait que le futur gouvernement palestinien  qui se constituera dans quelques jours fera une place importante  au Hamas,  dont l’objectif avoué est la destruction d’Israël ? Il est vrai que cette organisation terroriste est devenue l’enfant chéri de  de tous les gauchistes et tous les bien-pensants de la terre. C'est à qui, notamment en Europe et même en France, lui  manifestera le plus de compassion et d’amitié, c’est à qui  lui enverra le plus de bateaux et le plus de militants  pour défier l’État juif .On lui pardonne tout, même lorsqu’elle envoie un missile antichar sur un bus d’écoliers israéliens, même lorsqu’elle cloitre  depuis 5 ans,dans un cul de basse-fosse  le malheureux Guilad Shalit au mépris de toutes les règles de la guerre et de l’humanité.
       
Décidément, dans nos pays, on a  très vite oublié les leçons de l’Histoire .
              
André Nahum
Radio Judaiques FM


 Nota de Jean Corcos :

Cet éditorial de mon ami André Nahum a été lu avant le "jour de la Naqba", correspondant à l'anniversaire de l'indépendance d'Israël - en calendrier grégorien le 15 mai. Hier donc, ce furent des violences à l'intérieur des territoires palestiniens, mais aussi en plein cœur de Tel Aviv avec l'attentat qui a fait un tué, mais surtout peut-être - car c'était inédit  - aux frontières libanaise et syrienne, avec l'infiltration de dizaines de "réfugiés" (en fait petits-enfants de ... mais cette qualité est héréditaire pour les Palestiniens, et hélas aussi pour la communauté internationale). Il semble, à l'heure où je tape ces lignes, que cette étincelle n'a pas encore relancé une nouvelle Intifada. Mais hélas - et bien que souvent je ne partage pas le pessimisme de mon ami - ces évènements confirment bien la gravité de la situation pour Israël, au moins pour le court terme ...

15 mai 2011

l'Egypte, la révolution et les Frères Musulmans : Chérif Amir sera mon invité le 22 mai

Mohamed Badie, guide suprême des Frères Musulmans


Nous allons reprendre dimanche prochain notre tour du monde arabe, entamé depuis le début de la grande vague de révolutions qui a secoué et qui continue de secouer la plupart de ces pays. Nous allons évoquer l’Égypte, le plus grand état arabe, voisin direct d'Israël, en paix avec lui depuis plus de 30 ans et dont l'avenir inquiète de plus en plus à Jérusalem. Et pour en parler, j'aurai le plaisir de recevoir un jeune Égyptien copte, docteur en géopolitique du Moyen-Orient et spécialiste du monde arabe, Chérif Amir. Chérif Amir a accompli des études de droit, puis il a décidé de s'attaquer à l'étude des mouvements islamistes, et cela s'est matérialisé par une thèse de doctorat qui a duré 6 ans : sa thèse a été soutenue en décembre 2009 à l'Université de Paris 8, et son titre était : "L'impact des convictions religieuses sur les conflits du Moyen-Orient", un travail impressionnant puisque son mémoire a plus de 500 pages, et qu'il a eu la mention très honorable avec félicitations du jury à l'unanimité. Préalablement à cette thèse, il a fait un master sur l'histoire des Frères musulmans, et avec la thèse il a réalisé  une des études les plus complètes à ce jour sur ce mouvement des "Frères" , "Al ikhwan al moslemine". Depuis la soutenance de sa thèse l'Histoire s'est accélérée, il y a eu la révolution égyptienne, et même si - et tous les témoignages l'attestent - les jeunes meneurs de la révolution ne se réclamaient pas de slogans religieux ou anti occidentaux, aujourd'hui on redoute vraiment la prise de pouvoir par les "Frères Musulmans", à qui les sondages donnent entre 40 et 50 % des voix.

Parmi les questions que je poserai à Chérif Amir :

- Le Monde avait été ému par l'attentat, le jour de l'an, contre une église à Alexandrie qui avait fait une vingtaine de tués. On avait dit que la police égyptienne n'avait pas eu une attitude très claire, pour la première fois on avait vu des Coptes manifester en masse, et ils ont été nombreux, quelques semaines plus tard, à réclamer le renversement de Hosni Moubarak lors des manifestations géantes place Tahrir, au Caire. Or on vient de vivre, le 7 mai dernier, des affrontements violent entre Chrétiens et Musulmans, il y a eu à nouveau des tués et une église a été incendiée : que ressent le peuple copte dans l’Égypte d'après la révolution ?
- Vous écrivez dans un article publié en mars dernier dans la revue "Controverses" que les Frères Musulmans ont cherché à mobiliser le fidèles autour du rêve "d'Al Sahwa" (le réveil de la communauté des croyants, l'Oumma), et de la renaissance du "Al Khilafa Al Islamiyyah" (le Califat islamique) : en quoi la renaissance d'Israël en 1948 a-t-elle été ressentie comme un désastre ? Et sa destruction est-elle vraiment, et toujours, l'objectif stratégique du mouvement ?
- Vous dites que c'est sous le Président Sadate que les Frères Musulmans ont connu un véritable âge d'or, après avoir été persécuté sous Nasser. Plusieurs choses étonnantes, quand même : lorsqu'il fit son voyage historique à Jérusalem, il a été accompagné par un dignitaire religieux, qui a lu avec lui le Coran dans la Mosquée Al-Aqsa ; pendant des années, la prestigieuse Université Islamique du Caire, Al Ahzar, a été dirigée par une personnalité modérée, le Cheikh Sayed Tantawi , qui avait même rencontré des dirigeants israéliens. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Les "Ikhwan" ont-ils pris un ascendant sur toute la société ? Et comment expliquer l'attitude de Moubarak, qui tout en maintenant la paix avec Israël n'a jamais eu le courage de les affronter frontalement, et a toléré la banalisation de l'antisémitisme ?
- On a une série de signes inquiétants en Égypte, un rapprochement avec l'Iran - on parle de la reprise des relations diplomatiques -, l'ouverture de la frontière avec Gaza, et surtout ce sondage de l'institut PEW Center, qui révélait que les deux tiers des Égyptiens souhaitaient la rupture des relations avec Israël. Confirmez-vous cette tendance dans votre pays ? Cela peut-il aller jusqu'à une vraie guerre ? Ou alors, l'Armée et les élites dirigeantes refuseront-elles ce genre d'aventure ?
- Si on considère les deux états islamiques déjà existants - l'Arabie et l'Iran - et les Frères Musulmans, on peut penser que ces pays, ces mouvances, sont quand même concurrents dans la région : qu'est-ce qui va l'emporter ? Est-ce que c'est un fond idéologique commun ou est-ce que les clivages, en particulier entre Chiites et Sunnites empêcheront tout rapprochement ?

Rarement une de mes émissions aura concerné une actualité aussi angoissante : j'espère que vous serez donc très nombreux à l'écoute !

J.C

13 mai 2011

Temps troublés en Tunisie, 4 : Nadia El Fani, cinéaste menacée de mort parce qu'athée

Une interview tronquée de l'auteur de « Ni Allah, ni maître » suscite la haine des islamistes, qui multiplient les attaques.

A chaque fois qu'elle tape son nom sur Facebook, elle découvre une nouvelle page d'appel à la haine contre elle. Le compte « Pour qu'il y ait dix millions de crachats sur la tête de cette truie chauve » a totalisé près de 35 000 « j'aime ».
Nadia El Fani, 51 ans, est réalisatrice de films. Fille d'un des ex-dirigeants du Parti communiste tunisien (à qui elle a consacré un film [1]) elle s'est installée en France il y a dix ans parce qu'elle étouffait sous le régime de Ben Ali.
En 2003, dans « Bedwin Hacker » [2], elle avait raconté que la contestation viendrait d'Internet. Puis elle a eu envie de faire un film sur l'athéisme en terre d'islam.
C'était avant la révolution. Nadia El Fani a filmé les « résistants au ramadan » [3], ceux qui mangent pendant la journée ou boivent de l'alcool en cachette. Elle avait été autorisée à tourner en Tunisie parce qu'officiellement il s'agissait d'un film sur les fêtes du ramadan.

 

« Ni Allah ni maître » ou la laïcité en pays musulman

Pour le documentaire « Ni Allah, ni maître », Nadia El Fani se met en scène en train de discuter avec des Tunisiens de la rue sur la place de la religion dans la société.
Elle dénonce « l'hypocrisie sociale » qui règne en Tunisie, où « une majorité des gens ne font pas ramadan mais se cachent ». Elle voudrait que la religion soit une affaire privée, et déplore que l'article 1 de la constitution de son pays dise « la religion est l'islam. » (Voir la vidéo)

Lorsque la révolution de jasmin pointe son nez, Nadia El Fani est en plein montage de son film. Elle file à Tunis sentir le vent dans la liberté, et complète son film en y intégrant les débats sur la laïcité qui agitent les milieux progressistes. « C'était un des premiers sujets débattus après la chute de Ben Ali », assure-t-elle.
Au final, « Ni Allah ni maître » raconte que « les islamistes montrent les dents, mais que la laïcité s'impose. Ce qui est nouveau, c'est qu'on puisse débattre de tout ça ».

 

Nadia El Fani : « Mon film n'est pas anti-religieux »

Justement, fin avril, elle est invitée pour la projection de son film en clôture du festival Doc à Tunis [4]. Elle est alors sans cheveux à cause d'une chimiothérapie. Interrogée par une journaliste de la chaîne Hannibal TV, Nadia El Fani réaffirme son athéisme militant. L'ambiance est alors bonne :
« La salle de 500 places était pleine, les gens ont très bien compris mon film et il n'y a pas eu d'agressivité. Contrairement à ce qui a été dit après, mon film n'est pas anti-religieux. »
C'est la diffusion d'une version remontée de cette interview qui déclenche la haine contre elle. Des islamistes sans doute peu nombreux, mais très actifs. (Voir la vidéo)

Des pages Facebook se montent les unes après les autres. Celle, en arabe, intitulée « Pour qu'il y ait dix millions de crachat… » propose une propagande complète, notamment à coups de photos (Nadia El Fani est montée en diable, en singe, la cervelle éclatée, dans le feu…).
D'autres pages disent « Dégaaage », « Je suis athée et Nadia El Fani ne me représente pas », « Pas de soutien à Nadia El Fani, Ni Allah, ni maître, ni censure », « Pour que Nadia El Fani devienne musulmane »… Elle a aussi reçu des coups de fils menaçant, chez elle à Paris.

 

Elle a déposé deux plaintes pour menaces de mort

Nadia El Fani a déposé deux plaintes, en France et en Tunisie pour « menaces de mort », afin de faire cesser ces attaques. Elle aimerait aussi qu'un front culturel se crée pour défendre la liberté d'expression. Notamment au festival de Cannes, où le film sera projeté (hors compétition) le 18 mai.
Elle a peur que les artistes soient en danger en Tunisie et rappelle que le réalisateur Nouri Bouzid [5] a été agressé [6] physiquement par un « barbu ». (Voir la vidéo)

A l'heure où la peur d'une victoire du parti islamiste Ennahda fait peser des menaces [7] de coup d'Etat, son avocate en appelle au ministre de la Culture. Depuis Tunis, Nadia Bochra Bel Hadj Hamida explique à Rue89 :
« On manque d'un courant fort pour défendre la liberté des artistes. Vu ce qui s'est passé pour Nadia, et l'absence de réaction des intellectuels je me demande si la liberté d'expression et la liberté de croyance ne sont pas menacées, alors qu'on vient de gagner les libertés publiques. »
Ni putes ni soumises [8] demande « qu'aucune complaisance ne soit admise avec les islamistes ». Et Nadia El Fani espère, que Facebook réagira rapidement aux demandes de la police judiciaire et veut croire que « la Tunisie, qui a toujours été en avance sur les pays arabes, montrera l'exemple d'une vraie démocratie laïque ».

Sophie Verney-Caillat


Links:
[1] http://www.facebook.com/group.php?gid=125934705646
[2] http://www.youtube.com/watch?v=FfnEYnbuMKE
[3] http://www.rue89.com/2010/08/30/au-senegal-les-fraudeurs-du-ramadan-font-semblant-164302
[4] http://www.jetsetmagazine.net/culture/revue,presse/doc-a-tunis-journee-de-cloture.21.10646.html
[5] http://en.wikipedia.org/wiki/Nouri_Bouzid
[6] http://www.tuniscope.com/index.php/article/7279/culture/theatre-cine/bouzid-224818
[7] http://info.france2.fr/revolutions-arabes/possible-report-des-elections-68677843.html
[8] http://www.npns.fr/
[9] http://www.rue89.com/2011/05/07/a-tunis-on-revit-en-attendant-que-tout-rentre-dans-lordre-202607
[10] http://www.rue89.com/confidentiels/2009/06/21/iran-emprisonnee-pour-avoir-brise-les-tabous-sur-la-sexualite
[11] http://www.rue89.com/2011/04/27/aux-origines-de-la-revolution-tunisienne-lheritage-de-bourguiba-200973
[12] http://www.rue89.com/tag/tunisie
[13] http://www.npns.fr/fr/posts/actus/1304697265-nadia-el-fani-ai-je-le-droit-d-etre-athee
[14] http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/les-revolutions-arabes/20110508.OBS2625/tribune-laicite-in-chah-allah.html

Une autre "Une" de collection ...

Encore une "Une" remarquable de "Libération", qui a réalisé plusieurs numéros spéciaux remarquables sur les révolutions arabes ... un numéro qui mérite d'être conservé dans une collection ! Celui-ci date du mercredi 27 avril : et on n'était pas encore au bilan actuel de victimes, qui approche du millier de morts, après des semaines de manifestations !

J.C

12 mai 2011

Les réseaux sociaux peuvent promouvoir la démocratie. Ils peuvent aussi renforcer les ennemis de la liberté, par Niall Ferguson


Il est une vérité universellement reconnue que les technologies de l'information - et en particulier les réseaux sociaux reposant sur l'Internet - sont en passe de modifier l'équilibre mondial des forces. La "Génération Facebook" s'est déjà vue créditée du renversement du dictateur égyptien Hosni Moubarak. Pour un moment, Wael Ghonim, jeune cadre de Google, fut l'enfant chéri de la place Tahrir.
Ce n'est, toutefois, qu'une des faces de la médaille. Les militants pro-démocratie ne sont pas les seuls à savoir exploiter la puissance des réseaux en ligne. Les ennemis de la liberté font de même.

Posons-nous la question : comment la foule meurtrière de Mazar-e Sharif a-t-elle appris la destruction par le feu d'un exemplaire du Coran en Floride ? Inutile de chercher bien loin : via l'Internet et le téléphone mobile. Depuis 2001, l'accès au réseau de téléphonie mobile en Afghanistan est passé de zéro à trente pour cent.
Il faut également savoir qu'avant que Facebook ne désactive une page du nom de "Troisième Intifada Palestinienne" - qui proclamait que "le jour du Jugement Dernier ne viendra qu'une fois que les Musulmans auront tué tous les Juifs" - celle-ci avait déjà décroché 350.000 "J'aime".

Un méli-mélo de civilisations

Cela semble paradoxal. Dans la version décrite par Samuel Huntington du monde post-guerre froide, il allait se produire un affrontement entre une civilisation islamique bloquée au Moyen-Âge et une civilisation occidentale figurant, concrètement, la modernité. Au final, on se retrouve avec un méli-mélo de civilisations dans lequel les courants les plus anti-modernité de l'Islam se propagent au moyen de la technologie la plus cool que l'occident puisse offrir.
En voici un bon exemple. Selon le site web Jihadica, il existe aujourd'hui un kit de fichiers spécial concocté par le "Détachement mobile" du "Forum al-Ansar al-Moudjahidine" à destination des téléphones portables. L'utilisateur a la possibilité de télécharger des logiciels de cryptage, des images et des vidéos au format 3 gigapixels, comprenant des titres tels que : "Un martyr fait l'éloge d'un autre martyr", signé du groupe Harakat al-Shabab al-Moudjahidine basé en Somalie. L'utilisateur peut aussi y trouver le magazine électronique al-Sumud ("Résistance"), publié par la branche afghane des Taliban, ainsi que des documents édifiants - disponibles aux formats MS Word et Adobe - du genre de : "Comment se préparer à la vie d'après". Des apps qui tuent, s'il en est.
Puis, il y a Inspire, le magazine en ligne publié par Al Qaïda pour la Péninsule Arabique et destiné aux aspirants djihadistes en occident. En plus d'instructions sur la fabrication de bombes, on y trouve des listes d'individus-cibles contre lesquels une fatwa a été décrétée.
Qu'on ne prétende pas que ces messages ne trouvent pas d'oreilles prêtes à les écouter. En mai 2010, Roshonara Choudhry poignardait le parlementaire britannique Stephen Timms après avoir visionné 100 heures de sermons extrémistes du religieux américano-yéménite Anouar al-Awlaki. Où avait-elle trouvé ces sermons ? Sur YouTube, bien sûr. Parmi les autres disciples d'Al-Awlaki, on trouve le tireur de Ford Hood Nidal Malik Hasan, l'auteur de l'attentat de Noël Umar Farouk Abdulmutallab, et le poseur de bombes de Times Square Faisal Shahzad.

Des fatwas sur Facebook

En bref, Wael Ghonim, le militant pro-démocratie de Google apparaît comme une figure moins significative que Fouad X, le responsable informatique du Hezbollah au Liban, quand il raconte à Joshua Ramo (au début de son excellent ouvrage The Age of the Unthinkable) que "nos boîtes mail sont inondées de CV adressés par des geeks islamistes désireux de 'servir une cause sacrée'".
Jusqu'ici, tout va mal. Et voici le véritable problème. Nombre de ces geeks islamistes (parmi lesquels Al-Awlaki) voient dans ce soi-disant printemps arabe une opportunité en or. Dans son numéro du 29 mars, Inspire déclare : "Les révolutions qui ébranlent le trône des dictateurs sont bonnes pour les musulmans, bonnes pour les moudjahidines, et mauvaises pour les impérialistes de l'ouest et leurs séides dans le monde musulman".
Pour l'occident, il aurait été facile de sortir vainqueur du choc des civilisations si celui-ci n'avait fait qu'opposer les idées et institutions du XXIe siècle contre celles du VIIe. Pas de chance. Dans ce nouveau brassage de civilisations, nos ennemis les plus dangereux sont les islamistes qui savent comment poster des fatwas sur Facebook, envoyer le Coran par courrier électronique et tweeter les appels au djihad.       

Niall Ferguson
Newsweek, le 10/04/2011
Traduit de l'anglais par David Korn sur le site Nouvleobs.com