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27 septembre 2011

Shana Tova 5772 !


Et voilà : déjà une autre année - du calendrier hébraïque - d'écoulée, et une nouvelle qui commence. L'occasion ici, comme je l'ai déjà fait sur nos ondes, de présenter tous mes vœux à ceux de ma communauté qui célèbreront cette fête : une année douce, comme le miel de cette illustration.

Selon la tradition, on souhaite "que nos vertus et nos mérites augmentent comme les fruits de la grenade" ... également représentée ici ! Je serais bien présomptueux en étant sûr qu'il en sera ainsi à mon modeste sujet : mérites, peut-être, tant il m'est difficile,tant que je suis encore salarié, de trouver du temps pour mes diverses activités bénévoles, radio, blog et autres ; vertus, c'est un bien grand mot ! Disons simplement que je m'attache à vous aider à réfléchir en ces temps bien tourmentés, en vous donnant à lire et à entendre des avis différents car - comme le dit le Talmud - "de la discussion jaillit la vérité".

Soyez donc tous, vous et vos proches, inscrits sur le "Livre de la vie". Que 5772 épargne à nos société les affres d'une profonde crise financière qui nous menace tous. Et surtout, surtout - en ces "jours redoutables" du mois de Tichri qui ont souvent été si durs dans l'Histoire d'Israël - que l'avenir proche épargne au Moyen-Orient les tourments d'un nouveau conflit !

Rendez-vous donc sur le blog dimanche prochain.

J.C

26 septembre 2011

Etre homosexuel dans le monde arabe

A l'ère où le printemps arabe touche les pays arabes dictatoriaux, il convient de s'attarder sur les plaies combien nombreuses qui ébrèchent le paysage de la sexualité dans cette partie du monde.
Dans bon nombre de pays arabes, l'homosexualité est un délit passible au moins d'emprisonnement, au plus de peine de mort. Pourtant, certains poètes du monde musulman ont pu toutefois célébrer l'homosexualité, comme, par exemple, le poète arabo-persan Aboû Nouwâs.

Cependant, la situation dans le monde arabe est très grave, l'homosexualité y est très mal acceptée, d'abord elle est interdite par la loi (dans la plupart des pays arabes) et elle est très mal vue par une société très conservatrice et traditionnelle, guidée la plupart du temps par des valeurs religieuses.
La communauté homosexuelle dans les pays du monde arabe est donc une des minorités les plus opprimées. Au Liban, pourtant pays reconnu tolérant dans certains aspects comme par exemple en matière de coexistence religieuse, l'homosexualité est aussi un tabou, rendant les personnes qui présentent ce genre d'identité sexuelle des personnes souffrantes de leur entourage, dépitées de leur existence. Le Code pénal libanais de 1943, modifié en 2003, stipule dans son article 534 : "Les relations sexuelles contre nature sont punies d'emprisonnement pour une durée entre un mois et un an, et d'une amende entre 200 000 et un million de livres libanaises". Le Liban possède donc un étroit avantage par rapport aux autres pays qui l'entourent où le châtiment réservé est beaucoup plus imposant !
Par ailleurs, on peut affirmer que peu de choses relient les deux grandes communautés qui constituent la trame sociale du Liban, chrétienne et musulmane, sur le statut sexuel, personnel et celui de la femme par exemple. Étrangement, sur l'homosexualité, on peut dire qu'elles se retrouvent avec la même hargne et le même emportement.
Ainsi, le parcours d'une personne homosexuelle au Liban demeure celui d'un combattant. Cela commence à l'école où elles sont stigmatisées souvent pour leur seule présupposée attitude, au travail, postes clés d'où elles sont souvent écartées, et même de leur propre famille qui les rejette une fois au courant de ce qu'elles sont. C'est une tragédie humaine ou tous les actes ont ceux d'une vraie pièce horrible de rejet, de violence et de cruauté. Un père d'un jeune homosexuel nous disait au cabinet lors d'un entretien qu'il souhaiterait que son fils soit porteur d'un cancer qui tue, d'une tumeur plutôt que de cette tare dont la famille ne se départira jamais !
Les exemples pullulent de personnes homosexuelles qui visitent psychiatres et psychologues pour changer d'identité, sommées par leur famille à intégrer le tout dominant cercle de l'hétérosexualité. Et quelle déception pour elles et pour leur parent quand on leur annonce qu'il n'y a pas à changer, que rien n'est pathologique et qu'en médecine, l'on ne change qu'une anomalie !

C'est dire la férocité de nos sociétés envers des personnes qui n'ont rien fait, rien demandé, juste qu'elles ont été choisies par dame nature pour être différentes dans leur sexualité de la masse qui les entoure. Certes, en Occident, l'homophobie persiste et peut même prendre du terrain dans certains pays, avec souvent un amalgame navrant comme par exemple il y a deux ans lors de la médiatisation des histoires de pédophilie dans l’Église, le mélange entre homosexualité (état nullement pas pathologique) et pédophilie, vraie paraphilie à traiter vigoureusement. C'est dire le chemin encore à parcourir, partout dans le monde. Mais dans nos contrées, il y a urgence, car il ya un réel rejet, presque une négation !

Sami Richa
chef de service de psychiatrie à l'hôtel-Dieu de France de Beyrouth
Le Monde, 13 septembre 2011

25 septembre 2011

Israël a réalisé depuis de nombreuses années des concessions pour la paix, par Abdallah al-Hadlaq


Introduction :
Un grand merci à mon ami Souhail Ftouh de Tunis, qui m'a signalé cet article publié dans la presse koweïtienne il y a quelques mois : hélas, son auteur subit depuis longtemps les pires pressions et menaces, en raison de son indépendance d'esprit ! En tout cas, un article à découvrir si vous ne l'avez pas encore lu, et qui fait chaud au cœur alors que l'écrasante majorité des grands médias français donnent tous les torts à Israël, pour le blocage actuel du processus de paix.
J.C

La partie palestinienne exhibe fièrement les résolutions 242, 338 et 1850 du Conseil de Sécurité de l’ONU et celles de la Feuille de Route. Ces résolutions ont pourtant toutes en commun d’appeler à trouver des solutions au conflit agrées par les deux parties au travers de pourparlers directs. Elles rejettent également les actes unilatéraux qui affaiblissent les paramètres internationalement acceptés dans le cadre de la recherche de la paix, et elles définissent les principes fondamentaux d’une voie bilatérale du processus de paix.

Les Palestiniens s’efforcent d’obtenir une reconnaissance prématurée d’un « Etat palestinien » en septembre prochain, ceci malgré le risque de faire dérailler les négociations de paix, un risque qui est implicite pour une telle déclaration unilatérale.

Les accords internationaux traitant de la paix au Proche-Orient doivent être respectés.

Israël fait tout pour maintenir, à vrai dire, ces accords, en même temps que le principe des négociations directes en les tenant pour la seule façon de résoudre le conflit, alors que les Palestiniens ont depuis longtemps abandonné les pourparlers directs et agissent maintenant de façon unilatérale en essayant d’imposer à Israël un fait accompli en utilisant la pression internationale.

Les Palestiniens veulent réaliser leur rêve d’obtenir une légitimité internationale (qui devrait être basée sur une solution communément acceptée, condition absolument nécessaire pour la paix) à travers l’imposition à Israël par la force d’un diktat. Une déclaration unilatérale ne va pas mettre fin au conflit et va rendre les choses encore plus difficiles en intensifiant la dispute au lieu de la résoudre.

Les Palestiniens semblent avoir perdu tout intérêt dans les négociations ayant pour objectif d’atteindre un accord et veulent maintenant agir de manière uniquement unilatérale dans des actions qui ne feront rien pour le règlement des problèmes clé qui est actuellement dans une impasse. Ces problèmes peuvent seulement être abordés par le biais d’un dialogue direct entre les parties concernées. L’obstination continue des Palestiniens ne fait que compliquer le conflit.

Alors que les Palestiniens exercent unilatéralement une pression pour une reconnaissance prématurée de leur « État », ils ignorent du même coup le droit d’Israël à exister en paix en tant qu’État du peuple juif, reconnu dans ses frontières. La division qui caractérise les Palestiniens eux-mêmes, entre l’Autorité Palestinienne qui contrôle des parties seulement de la Cisjordanie et le mouvement terroriste du Hamas (loyal aux Perses d’Iran) qui tient la Bande de Gaza contredit les critères légaux de création d’un Etat en forme et caractère. Il faut ajouter à cela que l’Autorité Palestinienne n’a aucun contrôle sur la Bande de Gaza (qui, comme indiqué auparavant, est dominée par le Hamas), en dépit du récent accord de réconciliation entre les factions en conflit.

Une reconnaissance prématurée d’un Etat palestinien ne signifie rien d’autre que la reconnaissance d’une entité terroriste- puisque le Hamas exprime ouvertement son intention de détruire Israël et de le rayer de la carte. Le Hamas rejette les conditions de la communauté internationale pour sa propre reconnaissance, ce qui en ferait un acteur légal et accepté dans la région. Ces conditions sont : la reconnaissance du droit d’Israël à exister, l’acceptation des accords internationaux existants, et la cessation de la violence.

Nous ne devons pas oublier que la communauté internationale continue de définir le Hamas comme une organisation terroriste, d’ailleurs interdite en Europe et aux États-Unis. Comment une entité terroriste peut-elle devenir le modèle d’un État palestinien ?

Israël a réalisé depuis longtemps de nombreuses concessions pour la paix, prouvant ainsi son désir de mener à bien des négociations pacifiques. Israël a abandonné le Sinaï en échange d’un traité de paix avec l’Égypte et s’est retiré de Gaza et du sud-Liban. Et la réponse dont il a été gratifié dans les cas de Gaza et du sud-Liban a été une pluie de roquettes et des barrages d’artillerie. Les villes et villages israéliens dans le nord et le sud ont été depuis de nombreuses fois attaqués et de nombreux civils tués.

Ceci devrait nous faire réfléchir quant aux dangers auxquels le pays est confronté de la part des terroristes du Hezbollah et du Hamas, soulignant également le besoin d’une paix forgée par des solutions qui tiennent compte des besoins et des intérêts de toutes les parties au conflit.

Clairement, une reconnaissance prématurée d’un État palestinien irait à l’encontre du processus négocié et ébranlerait la noble idée d’un modus vivendi atteint à travers le dialogue.

Tous ceux qui appellent de leurs vœux une paix réelle dans la région doivent rejeter ces imprudentes actions palestiniennes qui bloquent le processus de négociations. Il faut obliger les Palestiniens à comprendre que le seul moyen d’atteindre un traité de paix permanent se fera au travers de pourparlers directs.

Abdallah al-Hadlaq
Al Watan (Koweït), 22 juin 2011

23 septembre 2011

Connaissez-vous ce charmant pays (suite) ?



La devinette du mois
- septembre 2011

Nouvelle devinette, dans la série inaugurée il y a maintenant quelques mois : il s'agit de deviner un pays musulman, d'après l'architecture, typique, de sa capitale ou d'une grande ville.

Celle-là n'est pas trop facile ... comme la précédente d'ailleurs ! Vous pourrez au moins localiser le pays, en réfléchissant au style architectural inspiré par l'ancienne métropole. Il y a aussi un petit détail qui vous donnera facilement la réponse mais chut ... je n'en dirai pas plus !

Comme d'habitude, mails bienvenus à l'adresse du blog : rencontre@noos.fr. Le résultat sera donné avec la prochaine devinette, le mois prochain.

Quand à la devinette précédente, il s'agissait ... de la Syrie, la photo ayant été prise au Damas, capitale certes bien agitée ces derniers mois comme j'y avais fait allusion.


J.C

22 septembre 2011

Quand le régime syrien tombera, par Hocham Dawod


La révolte syrienne a déjà plus de cent jours derrière elle, des centaines de morts, des milliers d'arrestations, des dizaines de milliers de réfugiés à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Pourtant, le régime a tout essayé pour venir à bout des protestations. Il a même tenté au début de suivre le modèle algérien par la recherche d'un équilibre entre promesses de réformes et coercition, mais la réaction démesurée des forces de sécurité contre les civils a poussé une bonne partie du pays dans les rangs des protestataires irréductibles. Le régime a renoué avec ses propres pratiques en vigueur depuis quarante ans.

A considérer cette situation, plusieurs scénarios se présentent. 
Dans une première hypothèse, qui est déjà dépassée, le régime syrien pensait parvenir à domestiquer et à terroriser les manifestants, à l'image de ce qui s'est passé en Iran après les élections de 2009. Le remède sécuritaire semble ne pas porter ses fruits, bien au contraire. 
Un deuxième scénario, qui a fait surface sans s'imposer, était que le président Bachar Al-Assad entreprenne des réformes touchant à la liberté de la presse, aux droits civils, à la pluralité politique, à l'organisation d'élections libres et la lutte contre la corruption.
 Un troisième scénario, dont on s'éloigne aussi, serait qu'une dissension s'opère au sein du régime, à l'instar de ce qui s'est passé en Egypte et en Tunisie lorsque l'armée a pris l'initiative d'isoler les éléments de la classe politique les plus corrompus.
 L'idéal selon de nombreuses chancelleries serait - quatrième scénario - qu'une partie de l'élite alaouite et sunnite parvienne à un accord écartant la famille Assad du pouvoir, qui conduirait à un partage un peu plus équitable entre les communautés. 
Le cinquième scénario qui est à l'oeuvre, et qui est aussi le plus périlleux, consiste en l'intensification du cycle protestation/répression conduisant à une polarisation de la société sur une base ethnique et confessionnelle ouvrant la porte à une guerre civile et à une chute du régime. Cette dernière éventualité ne constitue hélas pas une hypothèse d'école ni une nouveauté après les cas libanais et irakien.

Le Proche-Orient est très secoué par la crise syrienne, à commencer par le Liban où un gouvernement soutenu par le Hezbollah a été imposé à la veille de la mise en cause par une enquête judiciaire internationale de plusieurs de ses dirigeants soupçonnés d'être impliqués dans l'assassinat de l'ex-premier ministre Rafic Hariri. Par ailleurs, les relations entre la Syrie et la Turquie se sont détériorées.

Après avoir employé la Syrie comme son principal portail vers le monde arabe, Ankara prend ses distances avec Damas, la sommant d'entreprendre des réformes, et non des moindres puisqu'elle demande la dissolution de certains appareils de sécurité, la libération des prisonniers politiques et la fin du régime de parti unique. Pour la Syrie, son grand voisin du Nord, qu'elle accuse de néo-ottomanisme et d'arrogance, tente de tisser un front régional des Frères musulmans allant de l'Egypte à la Syrie, en passant par le Hamas palestinien.

Quant aux pays du Golfe, qui se sont toujours méfiés de la Syrie et de son accointance avec l'Iran, ils considèrent que la Syrie constitue un rempart contre la propagation des révoltes arabes vers le Machrek. Le défi pour les pays du Golfe, et surtout pour l'Arabie saoudite, est le suivant : est-il possible que les révoltes arabes et leur portée politico-morale s'arrêtent aux portes du royaume des Saoud, là où des questions de citoyenneté, de libertés politiques et d'égalité entre les sexes et entre diverses communautés confessionnelles se posent avec acuité. Le conflit à Bahreïn, avec sa propre spécificité, fait partie de cette lame de fond qui secoue la région. La situation insurrectionnelle syrienne a aussi précipité la politique dans les territoires palestiniens au point que s'est créée une tentative de rapprochement entre le Hamas et le Fatah sans le consentement de Damas. Pis, le Hamas découvre dans l'Egypte post-Moubarak une amitié nouvelle.

Quant à la Jordanie, elle se trouve tiraillée entre sa traditionnelle hostilité au parti Baas et sa crainte d'une mainmise des Frères musulmans sur l'encombrant voisin syrien. Le roi Abdallah de Jordanie n'ignore pas que des continuités existent entre certaines populations du sud de la Syrie et celles du nord de son pays (à Deraa), sans oublier une affinité régionale entre les Frères musulmans. Il évoquait en 2003 la crainte d'une hypothèse de la formation d'un croissant chiite joignant l'Iran, l'Irak, la Syrie et le Liban. Mais ce pourrait être aussi l'avènement d'un autre croissant recueillant une bénédiction raisonnée de la Turquie, celui des sunnites militants, allant de l'Egypte jusqu'en Syrie, en passant par les territoires occupés. L'Orient arabo-musulman se fait et se défait dans l'imaginaire de certains politiques locaux en adoptant toujours la forme du croissant !

L'une des conséquences inattendues de la révolte syrienne en cours a été de pousser à leur paroxysme l'hésitation israélienne et la gêne américaine. Tel-Aviv sait bien que par-delà la phraséologie révolutionnaire baasiste tout était au plus calme sur son front nord-est syrien. Les révoltes arabes font aussi éclater au grand jour la contradiction d'Israël : il apparaît que la chute des régimes autoritaires arabes ne favorise pas la pérennité de sa suprématie dans la région.

Pour ce qui est de l'Irak, il peut paraître paradoxal que celui-ci puisse se sentir inquiet d'une chute éventuelle du régime syrien. Bagdad et Damas n'ont jamais été en bons termes depuis près d'une cinquantaine d'années, autant à l'époque des frères ennemis du Baas à la tête des deux pays qu'à l'arrivée au pouvoir à Bagdad de l'ancienne opposition irakienne, naguère exilée en masse en Syrie, Nouri Al-Maliki y compris.
D'où vient cette inquiétude ? Est-elle partagée par tous les Irakiens ? Depuis que l'Irak a connu une guerre civile entre 2006 et 2007, un exode massif a eu lieu vers les pays voisins, particulièrement la Syrie où l'on compte un peu plus d'un million de réfugiés irakiens de toutes confessions. Une détérioration de la situation, à la libyenne ou à la yéménite, en Syrie chasserait une grande partie de ces populations réfugiées vers leur pays d'origine au moment où ce dernier connaît une dégradation inquiétante de sa situation sécuritaire. Même si le régime syrien sous domination alaouite a soutenu et continue de soutenir les insurgés arabes sunnites et les anciens baasistes d'Irak, le gouvernement irakien actuel, à majorité chiite, prévoit que l'alternative au pouvoir à Damas ne pourrait qu'être pire : une sorte de radicalisme sunnite soutenu, selon Bagdad, par l'Arabie saoudite et les pays du Golfe contre les chiites de la région.
Ce faisant les chiites irakiens, malgré leurs différends avec Téhéran, ne souhaitent pas voir une mainmise sunnite sur la Syrie et le Liban. La chute des Alaouites à Damas signifierait entre autres pour Bagdad l'affaiblissement inévitable du Hezbollah libanais, et partant, le recul du chiisme dans la région. Rappelons que les chiites irakiens, dans leur diversité, entretiennent de bons rapports avec ce pays et beaucoup y investissent de manière officielle ou officieuse.
Le gouvernement de Nouri Al-Maliki essaie depuis 2009 de créer une relation apaisée qui soit avantageuse économiquement pour les deux Etats. Divers projets ont été envisagés, notamment dans les domaines pétrolier et gazier. Une chute brutale du régime de Bachar Al-Assad pourrait pousser la Syrie vers une guerre civile à l'irakienne où les Alaouites subiraient le sort des sunnites en Irak après 2003. Cela créerait un chaos propice aux groupes radicaux qui pourraient y trouver refuge et bâtir des passerelles salafistes qui iraient de Tripoli à Beyrouth, à la Syrie et jusqu'au triangle sunnite en Irak. Cet hypothétique scénario inquiète déjà les Américains, bien qu'ils n'aient aucune sympathie envers Bachar Al-Assad.

Qu'en est-il du facteur iranien ? Même si les chiites irakiens demeurent attachés à leur pays, cela n'empêche pas quelques-unes de ses fractions d'être réceptives au discours iranien mêlant anti-sunnisme, antinationalisme arabe, anti-monarchies du Golfe et anti-occidentalisme. Ainsi, pour des raisons propres à la sociologie politique irakienne, la majorité des forces du pays craint l'effondrement du régime syrien : les sunnites et les baasistes perdraient un allié pragmatique ; et les chiites, dans une Syrie intégrée à une alliance régionale sunnite, pourraient être confrontés à un régime qui leur serait hostile.

Seuls peut-être les Kurdes d'Irak et plus encore le parti de Massoud Barzani pourraient se sentir soulagés par le départ du régime de Damas. Rappelons qu'environ 1,5 à 2 millions de Kurdes vivent en Syrie dans une situation politique et administrative précaire. Récemment, l'Etat syrien, sous la pression de la rue, a accordé la nationalité à 300 000 Kurdes qui n'avaient aucun document d'identité.

En résumé, ce n'est pas la première fois dans l'histoire de la région qu'un peuple presse son gouvernement vers plus d'ouverture. La possibilité existait pour le pouvoir syrien, comme pour d'autres dans le monde arabe, d'opter pour un assouplissement, et une transition graduelle. Il y a quelques mois encore le pouvoir syrien prétendait être le coeur de la nation arabe. Aujourd'hui, la rue rappelle à son tour que la Syrie est au centre du monde arabe, mais pour réclamer plus de démocratie, de liberté et de dignité humaine.

Hosham Dawod
anthropologue au CNRS
Le Monde, 11 juillet 2011 

Nota de Jean Corcos
Il m'a paru intéressant de publier cet article, bien que l'Histoire se soit accéléré depuis avec la pression occidentale devenue beaucoup plus forte, d'une part, et la prise de distance du reste du monde arabe, d'autre part. Bien que chacun redoute les risques d'une déstabilisation, il semble acquis maintenant que la chute de la "maison Assad" soit maintenant bien intégrée. Quand à Israël, je regrette de voir ce politologue de qualité faire preuve de superficialité : oui, il y a une école, plutôt de droite, qui redoute la chute de régimes ennemis mais bien connus ; mais pour les tenants de l'autre école, la destruction de l'axe Damas - Téhéran serait un succès stratégique important ! 

19 septembre 2011

Salim Halali, de la réalité à la fiction


Couverture d'un disque de Salim Halali

N'étant pas un amateur forcené de musique arabo-andalouse, je dois avouer mes lacunes sur le sujet : je ne connaissais pas Salim Halali (1920-2005), grande figure de ce genre musical, célèbre bien sûr pour les amateurs ... Or c'est un des héros du film émouvant "Les hommes libres" du metteur en scène marocain Ismaël Ferroukhi, que j'ai eu le plaisir de découvrir en avant-première mardi 13 septembre, lors d'une belle soirée organisée par le "Projet Aladin".
 Synopsis du film :
"1942, Paris est occupée par les Allemands. Younes, un jeune émigré algérien, vit du marché noir. Arrêté par la police française, Younes accepte d’espionner pour leur compte à la Mosquée de Paris. La police soupçonne en effet les responsables de la Mosquée, dont le Recteur, Si Kaddour Ben Ghabrit, de délivrer de faux-papiers à des Juifs et à des résistants. A la mosquée, Younes rencontre le chanteur d’origine algérienne Salim Halali. Touché par sa voix et sa personnalité, Younes se lie d’amitié avec lui. Il découvre rapidement que Salim est juif. Malgré les risques encourus, Younes met alors un terme à sa collaboration avec la police. Face à la barbarie qui l’entoure, Younes, l’ouvrier immigré et sans éducation politique, se métamorphose progressivement en militant de la liberté."

Pour en savoir plus, je vous invite à visiter cette page sur le site du "Projet Aladin", et surtout à lire le compte-rendu de la soirée  publié sur le site du CRIF : accompagné par des membres de sa "Commission pour les Relations avec les Musulmans" que j'ai l'honneur de présider, j'ai eu le bonheur de retrouver dans la salle de nombreuses personnalités anciens invités de l'émission et qui, comme les réalisateurs du film et les organisateurs de la soirée, partagent tous mon souci de rapprochement judéo-musulman - malgré un contexte bien défavorable, hélas : Ghaleb Bencheikh, Kamal Hachkar, Fatiha Benatsou, Djelloul Seddiki, Hassen Chalghoumi, Benjamin Stora (qui a été le conseiller historique du film), Serge Klarsfeld et Ivan Levaï - remarquable animateur des débats, dont le mélange inimitable de gentillesse et de lucidité reste toujours pour moi un modèle de vrai journalisme !

A propos du film, quelques commentaires rapides :

- on pourra bien sûr reprocher au film d'avoir mis le "zoom" sur les Musulmans qui aidèrent les Juifs ou participèrent à la Résistance : il y en a vraiment eu, comme il y en a eu qui jouèrent la carte de la collaboration - Benjamin Stora a d'ailleurs eu l'honnêteté historique de le rappeler ; il n'empêche que le discours assimilant l'islam au nazisme - et qui a tant de succès dans la blogosphère juive francophone - est insupportable : on attend la réaction de certains sites et blogs, leur silence sur ce film  pouvant d'ailleurs être lourd de sens ;

- le personnage central de Si Kaddour Ben Ghabrit, Recteur de la Grande Mosquée à l'époque, est joué de manière impressionnante par Michaël Lonsdale, également présent lors de la soirée : après avoir interprété un des Moines de Thibérine assassinés en Algérie dans les années 1990 (présentation du film "Des hommes et des dieux" ici), et  comme le releva avec humour Ivan Levaï, il ne manque plus à ce Catholique pratiquant et engagé ayant passé son enfance au Maroc, qu'à jouer un rôle de Rabbin pour symboliser le rapprochement entre les religions  ...

- enfin, et pour en revenir au chanteur Salim Halali dont un épisode de la vie est évoqué dans ce film, je vous invite à lire sa biographie sur ce lien : né en Algérie dans une famille originaire de Tunisie, ayant débuté sa carrière en France avant de la poursuivre au Maroc, puis de quitter le Maghreb pour finir ses jours sur la Côte d'Azur, ce Juif fut une chanteur de musique arabe connu et admiré de son vivant. L'épisode relaté dans le film est tout à fait exact, ci-après l'extrait de Wikipedia sur le sujet : "Pendant l'occupation allemande, le fondateur et premier Recteur de la Grande Mosquée de Paris Si Kaddour ben Ghabrit parvint à dissimuler ses origines juives en lui fournissant une fausse attestation de musulman et en gravant le nom de son défunt père sur une tombe anonyme du cimetière musulman à Bobigny" !

J.C 

Nota ajouté suite à cet article :
Merci de se rapporter à l'article rédigé en juin 2013 sur ce même sujet, et qui le complète ou corrige après une étude approfondie des sources historiques disponibles

 

18 septembre 2011

L'économie d'Israël et le Moyen-Orient : Richard Sitbon sera mon invité le 25 septembre

Conteneurs dans le port de Haïfa


Nous serons dimanche prochain à quelques jours de Roch Hachana et du début des fêtes de Tichri, ces "jours redoutables" du calendrier juif : l'occasion donc de présenter mes vœux aux auditeurs de la Communauté, en espérant qu'ils seront inscrits eux et ceux qui leur sont chers dans le "Livre de la vie" !  Comment oublier Israël en ces circonstances, alors que l'actualité risque d'être particulièrement agitée et troublée dans la région, avec la demande d'adhésion à l'ONU d'un état palestinien et alors que rien, malheureusement rien n'a pu être négocié et signé entre les deux peuples ? Alors troisième Intifada ? Risque de conflit généralisé provoqué par la Syrie dont le régime est au bord du gouffre ? Isolement dramatique de l'état juif, qui se sent acculé par le revirement de la Turquie et l'instabilité en Égypte ? L'avenir proche nous le dira, mais ma série radiophonique a pour ambition de faire réfléchir en prenant du recul, et en ne réagissant pas "à chaud" comme sur les forums des auditeurs de la fréquence juive où les passions se déchainent. Or s'il y a un sujet concernant directement l'avenir d'Israël mais s'articulant sur le long terme, c'est bien sa puissance économique, ses échanges commerciaux et surtout, ceux qu'il a su tisser avec des pays voisins. J'ai donc choisi comme thème de ma prochaine émission "L'économie d'Israël au Moyen-Orient", et pour en parler j'aurai le plaisir d'avoir notre invité Richard Sitbon au bout du fil, en Israël. Richard Sitbon est économiste, directeur au Ministère israélien du Trésor chargé de la lutte contre le blanchiment d'argent. Il a fait ses études en France, et après avoir été Doctorant en Économie de l'Université de Paris Ouest, il prépare une nouvelle thèse. Il a déjà publié déjà deux livres, un essai intitulé "Une réponse juive à l'anarcho-capitalisme" publié aux Éditions l'Harmattan, et puis un roman, "Un mur de certitude", qui évoquait l'évacuation forcée des habitants des implantations juives de la bande de Gaza en 2005 ; ce roman a été classé cinquième au Salon du livre de Paris en 2008 : c'est dire s'il est un esprit à la fois curieux, éclectique et enthousiaste, et je suis sûr que nos auditeurs l'apprécieront !

Parmi les questions que je poserai à Richard Sitbon :
- Sur l'actualité brûlante à propos des Palestiniens : quels sont exactement les risques, d'un point de vue économique, pour Israël mais aussi surtout pour eux d'une nouvelle Intifada ? On se souvient qu'au moment de l'éclatement de la deuxième Intifada en octobre 2000, les deux économies étaient étroitement imbriquées : aujourd'hui il y a la barrière de sécurité avec la Judée-Samarie, et la bande de Gaza est complètement isolée. Où en sont les échanges ? Les Territoires relevant de l'Autorité Palestinienne ont connu une croissance extraordinaire grâce à l'aide internationale, sont-ils prêts à votre avis à tout perdre pour des raisons politiques ?
- On a beaucoup parlé des fabuleuses découvertes de gaz naturel au large des côtes israéliennes : elles ne sont pas encore exploitées, mais déjà on parle d'une nouvelle cause de conflit possible avec le Liban, Liban qui est actuellement dirigé par une coalition alliée de l'Iran et de la Syrie :  ces champs off-shores sont-ils tous dans une zone frontalière avec Chypre et les Libanais, ou bien y en-a-t-il qu'Israël peut exploiter sans aucune contestation possible ? On donne des chiffres en milliards de mètres cubes, cela parle peu aux auditeurs : ces réserves représentent combien d'années d'autonomie en matière d'énergie ? Et quelles économies pour le budget de l'état ?
- A propos des relations avec la Turquie : on sait qu'elles passent par une phase critique depuis qu'Erdogan a décidé d'expulser l'ambassadeur d'Israël. Mais où en sont les relations commerciales ? Ont-elles subi une chute depuis l'affaire de la flottille il y a plus d'un an ? 
- Quid aussi des relations avec les Émirats du Golfe ? Avec le Maroc ? ...

Une émission dont la thématique sera bien originale, et que j'espère vous serez nombreux à suivre dimanche prochain !

J.C

16 septembre 2011

J-5 pour un état de Palestine ? par Gérard Akoun


Dans moins d’une semaine maintenant, l’Autorité Palestinienne va demander à l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies d’accueillir en son sein un nouvel Etat, l’Etat de Palestine. Pour que cet État puisse accéder au statut d’État membre il lui faut, au préalable, l’aval du Conseil de Sécurité dans lequel siègent, entre autres, les États-Unis. Ceux-ci  ont d’ores et déjà annoncé qu’ils opposeraient leur véto à cette reconnaissance. La Palestine  ne pourrait donc devenir membre à part   entière de l’ONU,  mais pourrait bénéficier du statut de «  non membre observateur » à la suite d’un vote à la majorité simple de l’Assemblée Générale, dans laquelle le droit de véto ne peut s’exercer. Le décompte des votes est favorable à l’Autorité Palestinienne, et, cela ne fait aucun doute, au mois d’Octobre la Palestine se verra accorder un statut identique à celui dont seul disposait, jusqu’à présent, l’État du Vatican. Il ne faut pas s’y tromper, les Palestiniens ne vont pas se voir concéder un hochet à l’ONU, ils vont pouvoir faire partie, de plein droit, des nombreuses institutions spécialisées qui lui sont rattachées comme, par exemple l’AEIA, l’agence internationale de l’énergie atomique. Mais toute médaille a son revers, les Palestiniens obtiendront, certes, des droits mais qui dit droits dit aussi devoirs. Que peuvent-ils faire de cette reconnaissance territoriale, les frontières de  1967, puisqu’elle restera limitée à la Cisjordanie, le Hamas et le Djihad islamique s’opposant à cette démarche et contrôlant toujours Gaza ? Des roquettes continueront à tomber sur le sud d’Israël, l’armée israélienne exercera des représailles, les Palestiniens frustrés de ne pas constater de changements notables dans leur vie risquent d’être entrainés, par les plus extrémistes,  dans des actions violentes dommageables et pour eux et pour les Israéliens.

Les Israéliens avaient évacué Gaza sans concertation préalable avec l’Autorité palestinienne, on sait ce qu’il en est advenu, le Hamas y a pris le pouvoir. Mahmoud Abbas obtiendra un nouveau statut pour la Palestine, mais dans la mesure où il n’y aura pas eu de négociations au préalable avec les Israéliens, il risque  de livrer la Cisjordanie aux extrémistes. Les américains et l’Union Européenne usent de toute leur influence sur les Palestiniens pour qu’ils  ne demandent pas la reconnaissance de leur État lors de prochaine session de l’ONU. Ils font pression  sur les Israéliens pour que s’ouvrent, sans plus tarder des négociations directes. Barak Obama ne voudrait pas être obligé d’utiliser son droit de véto, ce  qui porterait un coup fatal au  rapprochement de l’Amérique avec le monde arabo musulman, et l’Union Européenne voudrait parler d’une seule voix et ne pas avoir à afficher ses divisions. Mais au-delà de leurs intérêts individuels, ils éprouvent une réelle inquiétude sur l’évolution de la situation dans une région devenue avec le « Printemps arabe » encore plus instable.
Le problème palestinien a été et reste un abcès de fixation utilisé tour à tour par des gouvernants,  soit pour détourner l’attention  des populations de leurs propres problèmes, soit  pour essayer, en apparaissant comme son champion, de prendre  la tête du monde arabe. Pour autant, cela n’a jamais bénéficié au peuple palestinien. C’est ce que fait à son tour, le Premier ministre turc, M. Erdogan, en se présentant  comme l’adversaire résolu des Israéliens, celui qui saura les remettre à leur place, politiquement  mais aussi militairement si cela s’avérait nécessaire. Ses  déclarations belliqueuses ne devraient laisser aucun doute à ses auditeurs, qui l’applaudissent à tout rompre, comme il se doit. N’a t-il pas déclaré, je cite, « Israël est un enfant gâté et si les puissances internationales continuent de  fermer les yeux sur les actions de Israéliens, il faudra prendre les mesures nécessaires pour qu’ils répondent des crimes qu’ils ont commis » : il faisait sans doute allusion à l’attaque du Mavi Marmara, mais il y a loin des paroles aux actes. N’est pas Saladin qui veut.
Il n’empêche que les Israéliens se trouvent dans une situation difficile, ils perdent, il faut l’espérer momentanément, des alliés avec la Turquie et l’Égypte, et ce ne sont pas les murs ou les clôtures qui constituent les meilleures frontières. La demande des Palestiniens sera agréée à  l’ONU et quoiqu’en disent, en Israël, le gouvernement et l’armée, elle ne sera pas sans  conséquences, dans les rapports avec les Palestiniens même si ces derniers s’abstiennent d’actions violentes. Il serait souhaitable - on dit qu’il y a des discussions secrètes  entre Israéliens et Palestiniens sous l’égide des Américains -, que de part et d’autre on  décide d’un retour à des négociations directes avec la volonté d’aboutir à la création d’un État palestinien en paix aux côtés d’Israël.

Henry Kissinger affirmait, fort de son expérience, que c’était à chaud, que les négociations pouvaient avoir le plus de chances d’aboutir ; alors, peut être verrons nous Benyamin Netanyahou ou Shimon Peres prendre la parole à la tribune des Nations Unies pour annoncer que, quinze ans après la signature des accords d’Oslo, un accord définitif était possible. 

Gérard Akoun   
Judaïques FM 94.8, le 15 septembre 2011 

14 septembre 2011

Fabbio Fabbi (1861-1946), orientaliste à découvrir

Danse au harem, toile de Fabbio Fabbi

Une toile sur la toile
- septembre 2011

Ce peintre peu connu est représentatif de l'école orientaliste italienne, plutôt mal connue dans notre pays ... Né à Bologne en 1861, il illustre bien cette époque où l'Europe se croyait le centre du Monde, et avait une vision à la fois naïve et heureuse de la vie en terre d'Islam : étrange fantasme, en vérité, que ce harem où des jeunes et jolies captives souriantes dansent sous le regard atone de leurs gardiens !

Fabbio Fabbi n'a pas (encore ?) les honneurs d'une petite biographie sur Wikipedia : par contre, vous pourrez découvrir d'autre œuvres de cet artiste dans le petit blog en lien.

J.C

13 septembre 2011

Et si la révolution égyptienne avait en fait bénéficié aux fondamentalistes religieux les plus radicaux ?


MANSOURA, Égypte

- À Mansoura, grande ville du fertile delta du Nil qui s’étend à 145 km au nord du Caire, dans le quartier général flambant neuf du parti Al-Nour, dont le bail a été signé la semaine dernière, les chaises encore emballées dans leurs housses de plastique sont empilées contre les murs vert-jaune.
Assis dans la salle de conférences, Sherif Taha Hassan, porte-parole de la branche locale de ce parti islamiste ultraconservateur, rayonne tandis que nous discutons des chances de succès d’Al-Nour lors des premières élections législatives égyptiennes post-révolution, provisoirement prévues à l’automne 2011.
«La société égyptienne compte une très vaste base salafiste. Quand les gens auront découvert les objectifs du parti et sa référence [islamique], il viendront grossir ses rangs», affirme Hassan avec un large sourire.

Les salafistes veulent leur part du gâteau politique

Avant la révolution égyptienne du printemps dernier, les salafistes, adeptes d’une approche fondamentaliste de l’islam influencée par l’Arabie saoudite, évitaient la politique. Ils affirmaient que la démocratie était contraire à l’islam et que les musulmans avaient le devoir de suivre les dirigeants de leur pays, quand bien même ils seraient dictatoriaux. En échange de leur position apolitique, leurs cheikhs (les chefs religieux) jouissaient d’une grande influence dans le discours religieux égyptien.
Aujourd’hui, les ultraconservateurs figurent parmi les nombreux groupes disparates qui se démènent pour obtenir leur part du gâteau politique. La poignée de partis religieux comme Al-Nour ne se contentent pas de s’appuyer sur leur popularité dans les mosquées et à la télé, ils ont aussi entamé de vigoureuses campagnes dans les villes comme dans le monde rural.
Aujourd’hui, Al-Nour imprime des prospectus bleus et brillants, produit des affiches peintes à la main, organise des meetings dans les communautés pour informer les gens de leurs droits et met au point des équipes médicales de volontaires, qui vont dans les villages soigner les pauvres  Le parti subventionne des pharmacies qui proposent des médicaments sur ordonnance à prix réduits arborant le logo d’Al-Nour.
Premiers salafistes d’Égypte à s’inscrire officiellement en tant que parti politique, Al-Nour a déjà ouvert des bureaux dans 15 des 27 gouvernorats du pays, ce qui est loin d’être le cas pour la plupart des partis libéraux débutants, encore inquiets à l’idée d’organiser des campagnes efficaces à l’échelle nationale avant les élections.
Hassan, d’un autre côté, ne semble pas douter de sa capacité à attirer des électeurs dans un temps limité. Cet homme replet et barbu, vêtu d’un costume gris luisant, travaille 24 heures sur 24 depuis le mois de juin, quand Al-Nour a commencé à récolter les 5.000 signatures nécessaires pour former un parti.
«En venant signer, des gens donnaient même de l’argent», se félicite-t-il.

«L’authenticité islamique» 

Le salafisme n’est pas une idéologie homogène menée par un leader unique; c’est un vaste mouvement conservateur qui inclut certaines visions des plus extrémistes. Les salafistes aspirent à imiter les compagnons du VIIe siècle du prophète Mahomet, les salaf.
En Égypte, la plupart des écoles de pensée salafistes sont influentes dans certaines zones géographiques particulières —Al-Nour à Alexandrie, Al-Fadila (Vertu) au Caire, par exemple— et la possibilité d’alliances entre différents cheikhs de tout le pays, apportant des supporters à leurs campagnes mutuelles, pourrait bien aider tous les salafistes le jour du scrutin.
La plupart des salafistes tentant de former des partis politiques sont pour l’instant restés neutres sur les sujets controversés, mais certains cheikhs salafistes ont fait des déclarations sans ambages aux médias égyptiens, critiquant l’éventualité de l’élection d’un président chrétien et le droit des femmes à accéder à des postes de pouvoir.
Dans le sud de l’Égypte, la nomination d’un gouverneur chrétien à Qena a déclenché plusieurs jours de violentes manifestations qui ont bloqué des lignes ferroviaires et terrorisé la minorité chrétienne locale. De nombreux chrétiens ont été blessés, un homme a eu l’oreille coupée dans une tentative d’imposer un «châtiment islamique» —faisant ainsi la preuve que certaines sectes salafistes peuvent devenir des forces dangereuses avec lesquelles il va falloir compter.
Quel que soit leur nombre, la présence de partis fondamentalistes décidés à se faire entendre dans le prochain Parlement, qui aura pour tâche de sélectionner les 100 membres du conseil qui devront écrire la nouvelle Constitution égyptienne, pourrait bien affecter les débats sur les politiques d’un pays déjà conservateur:
«Les salafistes pourraient pousser le débat parlementaire un peu plus vers la droite en se réclamant de "l’authenticité islamique", en prétendant qu’ils représentent la voix véritable de l’islam, craint Shadi Hamid, directeur de recherches au Brookings Doha Center. 
Une fois que la discussion tourne à la religion et aux textes [religieux], les salafistes sont en très bonne position pour remporter la main. C’est ça le danger —même si les salafistes ne représentent pas beaucoup d’Égyptiens, leur capacité à cadrer les contours du débat leur donne une influence disproportionnée.»
Et c’est tout particulièrement vrai dans le domaine des droits des femmes et des lois sur la vente et la consommation d’alcool. «Les gens vont avoir peur d’être taxés de mauvais musulmans.»
Dans sa clinique de rhumatologie de la ville côtière d’Alexandrie, le coordinateur pédagogique du parti Al-Nour, Yousry Hammad, tente d’expliquer la différence entre l’adhésion du groupe aux interprétations fondamentalistes des textes religieux et les politiques qu’il mettrait en place.
Si Hammad correspond tout à fait au stéréotype d’un ultraconservateur, avec sa longue barbe et ses manières solennelles, il a amené avec lui Tarek Shaalan, membre imberbe du parti qui parle anglais, pour notre entretien. Qui devient très rapidement une danse imprécise où les deux hommes se démènent pour appliquer à la politique des affaires quotidiennes ce qui était autrefois un discours uniquement destiné aux affaires religieuses.
Les deux hommes insistent sur le fait que si Al-Nour accède au pouvoir, nul ne sera légalement contraint d’obéir à son interprétation des lois religieuses, mais que le parti introduira en Égypte l’interprétation correcte de l’islam —ce qui, selon eux, a été ignoré par des décennies de dictateurs laïques. Ils affirment par exemple que personne ne sera forcé à porter le niqab ni même le voile, mais qu’à la place, ils se contenteront de promouvoir «le costume traditionnel égyptien».
À ce moment-là, Shaalan intervient pour m’éclairer sur un point de l’histoire de son pays:
«Saviez-vous qu’avant 1919, toutes les femmes en Égypte étaient voilées? Les chrétiennes, les juives et les musulmanes?»
Le voile, m’explique Shaalan, œuvre en réalité pour les droits de la femme, car ainsi les belles femmes sont mieux traitées. En revêtant le hijab et des vêtements larges, une femme garde sa beauté pour son mari et envoie un message de respect d’elle-même:
«Sa tenue n’a pas besoin d’être suggestive ni —pardon d’utiliser ce mot— sexy, pour que les gens la respectent ou la traitent d’une façon particulière», explique Shaalan, à la fois à moi et à la jeune interprète égyptienne non voilée avec qui je travaille.
«Pensez-vous que la même règle s’applique aux hommes?», lui demandé-je.
Shaalan bégaie:
«On ne traite pas les hommes différemment vous savez. Elle ne va pas traiter les hommes de manière différente parce qu’un homme est très beau, mais pour les hommes, ça arrive», tente-t-il avant de glousser nerveusement.
Nous nous tortillons tous, gênés, tandis que les deux hommes essaient de faire coller des principes religieux à la réalité de la vie quotidienne.
Hammad, Shaalan et moi passons au sujet du droit islamique. À terme, concède Hammad, le parti Al-Nour tentera d’appliquer la totalité de son interprétation fondamentaliste de l’islam, y compris des châtiments archaïques comme la lapidation des adultères et l’amputation des mains des voleurs.
«Mais cela se fera graduellement. Si je deviens le président de l’Égypte, je ne vais pas venir vous couper la main du jour au lendemain», me confie Hammad.
D’abord, le parti Al-Nour envisage de régler les problèmes de disparité économique du pays, de réduire les facteurs derrière les crimes en question, et puis ensuite, alors oui, il passera aux châtiments.
Et même si les réponses des membres du parti peuvent paraître tirées par les cheveux, la majorité des Égyptiens semble y adhérer. La plupart des femmes du pays sont déjà voilées. Selon un sondage d’avril 2011 du Pew Research Center, 62% des Égyptiens pensent que «la loi devrait suivre strictement les enseignements du Coran». C’est un parfait résumé du programme d’Al-Nour. Reste à voir si les Égyptiens qui approuvent une stricte religiosité de principe vont élire un parti dont le principal thème de campagne implique de transformer ces attitudes en loi.

Sur les traces des Frères musulmans?

Avant que les Égyptiens ne descendent dans la rue renverser l’ancien président Hosni Moubarak, la seule possibilité de mettre un bulletin religieux dans l’urne consistait à voter pour les Frères musulmans, qui se présentaient sous une étiquette indépendante lors des élections législatives égyptiennes.
Malgré les tentatives du régime de restreindre leur participation à la vie politique en interdisant les partis religieux, c’était le mouvement islamiste le mieux organisé du pays. Aujourd’hui, les Frères musulmans se sont déplacés vers le centre et montrent des signes de dissensions: certains membres font sécession et fondent leurs propres partis politiques. L’émergence de partis salafistes a brisé le monopole des Frères musulmans sur le vote religieux et créé une ouverture pour des visions plus fondamentalistes.
Si se lancer en politique peut tempérer les tendances extrémistes, il est aussi possible que cela pousse les salafistes à exprimer des visions encore plus radicales.
«Plus vous avez de partis islamistes et plus ils sont en compétition; ils vont donc vouloir manœuvrer et surenchérir pour savoir lequel est le plus islamiste. C’est ce qui se passe dans ce type de situations», analyse Hamid, du centre de recherches de Brookings.
Les salafistes pourraient bien marcher sur les traces des Frères musulmans, qui ont modifié leurs principes religieux autrefois très stricts pour s’adapter à la complexité de la vie quotidienne et proposer des campagnes concrètes comme des projets économiques et agricoles, plutôt que de s’appuyer sur des principes religieux.
En attendant, il semble qu’un soulèvement populaire déclenché en grande partie par de jeunes activistes libéraux et experts de Facebook ait fait naître de nouvelles opportunités pour les ultraconservateurs d’Égypte.

Sarah A. Topol
Traduit par Bérengère Viennot
SlateAfrique.com, 19 juillet 2011

Nota de Jean Corcos :
Cet article date d'environ deux mois ... mais hélas, il prend une sinistre résonance,  quelques jours après l'attaque hyper-violente de l'ambassade d'Israël au Caire.

11 septembre 2011

Un 11 septembre, il y a dix ans

Sur la terrasse du World Trade Center, été 1998

Je regarde toujours avec un drôle de sentiment cette photo. Banal souvenir de vacances où je prends la pose sur la terrasse d’une des « Twins Towers », rien ne la prédisposait à prendre une valeur à la fois historique et sentimentale. Plus jamais je ne remonterai là bas, pas plus que les millions de touristes qui, comme moi, ont du s’y faire photographier pendant les 28 ans d’existence de ces symboles new-yorkais. Plus jamais on ne pourra avoir cette vision, unique, du centre de Manhattan avec (reconnaissable par sa flèche en arrière plan), l’Empire States Building redevenu le plus haut gratte-ciel de la ville après la destruction de ses orgueilleuses cadettes.

Cette photo a donc été prise à l’été 1998, il y a 13 ans, au siècle dernier dirons-nous - vraiment au siècle dernier, car le notre, le 21ème a commencé réellement lors du méga attentat du 11 septembre 2001. Avez-vous remarqué que les siècles commencent vraiment quand commencent (ou finissent) des guerres ? Le 19ème débuta en 1815 avec Waterloo. Le 20ème avec la grande guerre de 1914. La destruction apocalyptique du World Trade Center a annoncé la vraie guerre qui ensanglante partout la planète, celle qui oppose l’islam politique et les sociétés démocratiques : une guerre sournoise, souvent terroriste et urbaine (attentats de Madrid, Londres, Casablanca, Bali, Bombay ...) ; un affrontement par endroits à coups de missiles (la dernière guerre du Liban entre Israël et le Hezbollah) ; un conflit ayant des allures de guérillas (Afghanistan) ou de guerre civile (Irak) ; et se transformant peut-être demain en un choc entre armées aux développements incalculables (possible attaque de l’Iran par les Etats-Unis).

Soyons lucides. Les Français, dans leur majorité, n’ont pas réalisé l'impact international de cet évènement, et ils n'ont pas su (ou pas voulu) le comprendre.
Je me souviens, cinq ans après, comment les trois attaques terroristes (la destruction des tours jumelles, puis l'appareil écrasé sur le Pentagone à Washington) ont été vécues par mes collègues de bureau, et combien - tout de suite - j’ai senti chez une majorité d’entre eux une absence totale de compréhension rationnelle de ce qui s’était passé, bien qu’il s’agisse comme moi d’ingénieurs. Beaucoup redoutaient un krach boursier ou (déjà !) la pénurie pétrolière - mais il s'agit de peurs paniques compréhensibles, par rapport à ce que j'ai entendu par ailleurs ... Ayant appris qu’un certain Ben Laden avait conçu l’attentat, l’un m'avait déclaré : « Ou c’est un fou, ou alors vraiment il avait vraiment des raisons de se venger » (CQFD : tuer 3000 personnes en ayant espéré en massacrer dix fois plus, ce serait du domaine du règlement de compte). Une collègue, très sûre d’elle, m’assurait : « Une fois une tel coup réussi, il ne va plus recommencer » (les centaines d’infirmes à vie des attentats qui ont suivi apprécieraient) ; et de vanter (sans l’approuver) le côté génialement médiatique de la chute des « Twin ». Un autre collègue devait dire : « Face à des fanatiques qui n’ont pas peur des attentats suicides, on n’a aucun moyen de résister » (bravo pour la lucidité ... les USA se sont-ils effondrés ? Al-Qaïda a-t-il pris le pouvoir dans le monde musulman ?). On entendait (avant de la voir théoriser dans plusieurs médias), la théorie de la « juste colère des opprimés » qui se serait exprimée à New York et Washington. J’ai réagi de façon très violente quelques mois plus tard en entendant un autre collègue dire « qu’on en avait marre des Américains qui nous font ch... pour deux tours ». Si par accident, il tombait un jour en surfant sur ce blog, qu’il consulte donc le site mémorial de CNN, où sont immortalisés les visages des victimes du plus grand attentat de l’Histoire ; et qu'il imagine de braves Français à la place des New-Yorkais.

Faut-il aussi rappeler que ces perles ont été proférées AVANT l’intervention américaine en Irak ? Même si Georges W. Bush ne suscitait pas alors le même rejet qu'aujourd'hui, ce que j’ai retenu de ces réactions a tout de suite été parfaitement clair : la population française, dans ses profondeurs, n’a pas manifesté à ce moment là de sympathie spontanée pour les Etats-Unis. Pas plus d’ailleurs, quatre ans plus tard, que je n’ai entendu de solidarité pour les Britanniques après les attentats de Londres. Lire sur le blog l'article titré "le dégoût", en date du 7 juillet 2005. Cela pour des tas de raisons qu'il m'est impossible d'exposer dans cet article peut-être déjà trop long ... mais c'est ainsi.

Le 12 septembre 2001 au matin, je fixais avec de l’adhésif sur la cloison de mon bureau une petite bannière étoilée, avec la légende « God bless America ». Elle y est toujours.

 J.C

Nota de Jean Corcos :
J'ai repris en ce jour anniversaire le texte publié le 11 septembre 2006, soit cinq ans jours pour jours après le méga-attentat : il n'y avait quasiment (hormis des correctifs de détail obligatoires) pas un mot à en ajouter ou en retrancher, car il s'agissait de souvenirs. Pas un mot  à retrancher aussi, hélas, si j'avais mis par écrit d'autres échanges passés entre collègues, cette fois concernant Israël : j'évite en règle générale de parler de ces sujets, tant les préjugés inculqués par les médias et le "politiquement correct" empêchent de vrais dialogues !