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31 août 2008

L’Europe, nouveau berceau de l’islam radical ? : un reportage de Malik Aït Aoudia pour la chaîne de télévision belge RTBF

Alors que vous avez pu entendre au début de l'année deux émissions importantes sur les Musulmans de France, avec comme invité un des meilleurs experts de la question, Bernard Godard (voir en libellé) ; et qu'il y a été aussi question, sans langue de bois ni dramatisation, des risques de dérive radicale d'une partie de la jeunesse des "quartiers sensibles" ... je vous invite à suivre un reportage bien dans le sujet !
 
Une demi-heure de vidéo passionnante, à visionner sur le blog car (à ma connaissance), aucune chaîne de télévision française n’a encore repris ce reportage saisissant de leur consœur belge RTBF : comme pour l’enquête de Mohamed Sifaoui, que j’avais mise en ligne ici (cliquer sur le lien), c’est à nouveau un journaliste d’origine maghrébine et parfaitement au courant de l’entrisme de cette idéologie totalitaire, qui a été aux bons endroits pour la débusquer. Grande réunion annuelle de l'UOIF au Bourget, où des dizaines de milliers de Musulmans vont découvrir les dernières modes vestimentaires intégristes ; centre islamique de Lille, où les « frères » et leurs amis commencent à endoctriner les enfants dans une école ; réception à Londres de Youssouf al-Qaradawi, le prédicateur vedette d’Al-Jazeera qui justifie sans complexes les attentats terroristes, y compris l’assassinat d’autre enfants, ceux-là juifs et « dommages collatéraux » ; discours ouvertement antisémite de Hani Ramadan à Bruxelles, et propos plus fielleux de son frère Tariq ; radio musulmane de la grande métropole du Nord de la France, où un animateur affiche ouvertement son adhésion à l’islam politique ; menaces, enfin, de faire payer aux partis démocratiques la loi sur le port des insignes religieux à l’école ... plus de 30 minutes à découvrir d’urgence ! 

J.C

29 août 2008

Numéro 100.000 !



Et voilà, ça y est ... Dorénavant le compteur "sitemeter" affiche un numéro à 6 chiffres, le cap des cent mille ayant été franchi le jeudi 28 août. Plus précisément à 15 heures 52, par un (ou une internaute) venu consulter le blog depuis Courbevoie. Et son hit correspondait à la recherche du nom "Benjamin Petrover" ... mon collègue journaliste de la radio "Judaïques FM", auquel j'avais consacré un article (voir en libellé) !

Pour être tout à fait complet, le nombre total de pages ouvertes le même jour à 23 heures s’élevait à 153.544 Et vous avez été 2.172 à venir consulter mon profil (le texte correspondant étant identique, d'ailleurs, à celui apparaissant en bandeau fixe, en haut à droite). Pour être précis, enfin, ce compteur avait été installé le 5 mai 2005. L’autre enregistreur automatique, qui donne moins d’informations sur les visites mais permet de les visualiser en direct (et de collectionner de jolis drapeaux !), est fourni par « Neocounter » : il donne un total un peu inférieur, car il a été installé le 6 mars 2006 ; et je reviendrai, un peu plus tard, sur quelques informations intéressantes que révèlent ces autres statistiques.

Nous pouvons donc, à nouveau et symboliquement, sabrer le champagne et porter un toast en l’honneur du blog, devenu réellement « durable » (mot à la mode) avec 832 articles publiés en trois ans et demi - et alors que la « blogosphère » est constellée de sites ayant disparu comme des étoiles filantes. Un champagne symboliquement partagé en se retournant avec un peu de nostalgie sur les articles publiés - il y a une éternité - pour le numéro 1000 en septembre 2005 et le numéro 10.000 en avril 2006 !

Merci aux dizaines de milliers de visiteurs occasionnels. Merci aux quelques centaines fidélisés au fil des années. Et merci par avance pour vos futurs visites, en espérant bien sûr qu’elles feront grimper l’audimat au-delà du « plafond » actuel de 100 à 120 « hits » quotidiens.

J.C

28 août 2008

Rabbi Yaacov Slama : une journée remplie d'émotions à Nabeul, par Souhail Ftouh

Pélerinage sur la tombe de Rabbi Yaacov Slama,
photo prise en 2007.
(photo tirée du site http://www.nabeul.net/)

Comme chaque année à Nabeul (au Nord Est de la Tunisie) ils sont venus de tous les coins du monde pour marquer « La Hiloula » en l'honneur du Rabbi Yaacov Slama (1).
Le Jeudi 14 Août, de joyeux chants religieux étaient entonnés par des pèlerins Juifs d’origine tunisienne venus de France, du Canada, des États-Unis et de diverses villes d'Israël. Dès dix-neuf heures, plusieurs autocars ont envahi le parking de la Mausolée de Rabbi Yaacov Slama, déposant leur flot de pèlerins venus exprimer leur fidélité pour ce saint vénéré du judaïsme à Nabeul, qui est considéré parmi les grands "tsadikims" du pays.
L'événement était organisé par l’association NEAPOLIS dirigée par une femme altruiste, de caractère, passionnée par tout ce qui touche les échanges culturels. La joie était de la partie grâce à l'animation qui était organisée par l’association qui s'est occupée de toute la logistique de l'événement (2). J’ai eu d’ailleurs l’honneur d’être invité, par la dite association, pour assister à ce pèlerinage annuel, en signe d’amitié et de reconnaissance à cette communauté millénaire. C'était une occasion de plus, pour nous, de faire connaître notre fidélité à la communauté juive de Nabeul (3).
Ému par cet événement, qui a vivement impressionné les membres de la communauté, nous avons transmis un message d’amitié et d'unité à cette communauté vivante et active qui est venue pour se recueillir sur la tombe de Rabbi Yaacov Slama. Après la prière, le groupe a rejoint joyeusement le lieu de la réception pour un repas de fête qui a été servi dans une ambiance chaleureuse.
Aujourd'hui notre émotion est multipliée par dix. Ce qui nous paraît important c'est que malgré l’absence de relations diplomatique entre la Tunisie et Israël, les liens de nos frères juifs tunisiens, résidents en Israël , n’ont jamais faibli avec leur pays d’origine ; la preuve est la présence massive de nombreux pèlerins , notamment des jeunes, qui n’ont jamais connus la Tunisie mais qui sont venus de toutes les grandes villes d’Israël pour visiter leur pays natal et se recueillir sur la tombe d’une grande figure du judaïsme tunisien.
A 20 heures les autocars ont rejoint les divers hôtels, emportant des souvenirs qui marqueront ces vacances d'août d'une spiritualité renouvelée.

Souhail Ftouh ,
Tunis


(1) Rabbi Yaacov Slama est un Grand rabbin qui a fréquenté les écoles talmudiques de Tunis avant de mourir, à Nabeul, en 1774. Une Mausolée à sa mémoire était édifié en 1934.
(2) Créée le 2 Mars 1994, NEAPOLIS est une association d’Amitié, d’échanges culturels et de solidarité entre les humains pour une meilleure connaissance et le rapprochement de diverses personnes natives, originaires ou proches de la Tunisie
(3) À la veille de l'indépendance tunisienne on recensait en 1956 à Nabeul 1161 Israélites, en 2008 il n'y en avait plus que 25. Parmi les célèbres familles de Nabeul nous pouvons citer les Mamou, Haddad, Uzan, Karila et Cohen.

27 août 2008

Georgie, 2 : quand ceux qui vomissent Israël font les yeux doux à Poutine

Chars russes entrant en Georgie
(photo Reuters)

Une fois "planté le décor" géopolitique de cette guerre éclair dans le Caucase, et après vous avoir invité à éviter les approches simplistes, je n’en suis que plus à l’aise pour dénoncer maintenant la mauvaise foi criarde d’un certain nombre de commentateurs, lus ou entendus au cours des dernières semaines. Non pas que l’on puisse leur reprocher, a priori, de tenter d’avoir une approche objective sur ce conflit ; ou de pointer du doigt le fait, rigoureusement exact, que le président géorgien Mikhaël Saakachvili ait été bien imprudent en ouvrant le premier les hostilités : mais ce qui est remarquable, c’est que les mêmes n’ont jamais utilisé une telle grille de lecture pour des conflits dans lesquels Israël était engagé - les arguments servis pour défendre Poutine (et son clone Medvedev) ayant alors été superbement ignorés ! Les citations relevées ci-dessous ont été enregistrées avant le tout dernier et grave développement de la soi-disant reconnaissance des républiques dissidentes de Georgie - étape cosmétique avant leur rattachement à la Fédération de Russie : mais parions que les mêmes commentateurs continueront, par haine rabique des États-Unis, à défendre Moscou sans états d'âme.

Ci-dessous, donc, un petit florilège de cette mauvaise foi hexagonale.


1. Joseph Macé Scaron dénonçant la "religion de la victime" : dans "Marianne" de la semaine du 16 au 24 août, cet éditorialiste écrit : "à l’aune de la victimisation, les Georgiens ont produit plus de décibels que les Ossètes et les Ossètes que les moines tibétains. L’économie médiatique aidant, les micros et les caméras se tournent vers les formes de désespoir les plus expressionnistes." Bien vu ! Mais que n’a-t-on lu, dans le même hebdomadaire, le même genre de commentaires à propos des Palestiniens, champions toute catégorie en matière de manipulation des médias ? Leurs quelques 6000 tués en environ 8 ans ont occupé la première place de toute la presse mondiale, occultant par exemple les 200.000 victimes du Darfour. Sans parler, bien sûr, du millier de civils tués et des milliers d’estropiés en Israël, victime du Djihad terroriste ... et qui n’ont guère suscité de sympathie dans "Marianne".

2. Jack Dion dénonçant le "Sergent major" (que c’est drôle !) dans le même numéro de "Marianne" : précisons que ce jeu de mot visait François Sergent, éditorialiste de "Libération" à qui il était reproché "le manichéisme le plus obtus" contre la Russie, et donc en faveur des Américains - les vrais responsable du "désordre mondial" comme cet hebdomadaire n’en finit pas d’en convaincre les Français ... Et il écrit : "Il y a les méchants (les Russes) et les bons (les Georgiens). Quand les premiers bombardent, c’est un crime contre l’humanité. Quand les seconds le font, c’est un acte de bienfaisance." Parfait, mais que n’a-t-on lu ce genre de propos au moment, par exemple, des bombardements du Hamas depuis Gaza, ou de ceux du Hezbollah à l’été 2006 ? Jack Dion doit être par ailleurs un peu gêné aux entournures pour dénoncer des islamo-fascistes, car il attribue doctement des guillemets au mot "démocraties" à propos des États-Unis et de leurs alliés, mais il délivre - en creux - un brevet de démocratie à Poutine, en écrivant que "la Russie d’aujourd’hui n’est pas vraiment la copie conforme de l’Union soviétique" !

3. Renaud Girard parlant du "retour de flamme du Kosovo" : dans une tribune du journal "Le Figaro" du mardi 12 août, le grand reporter revient sur le précédent des Balkans, et sur l’erreur occidentale dont j’avais déjà parlé : "Habilement, les Russes utilisent aujourd’hui la même rhétorique que celle utilisée par les Occidentaux en 1999, parlant d’une minorité ossète victime de "génocide" et "d’épuration ethnique." Rien à redire sur ce point là, car j’ai la même appréciation. Sauf que ... le même Renaud Girard n’a pas un mot pour dénoncer "la réaction démesurée" de Moscou devant l’attaque surprise de la Georgie sur son territoire (théoriquement souverain) d’Ossétie du Sud. Il écrit : "le président géorgien a commis une très grave erreur d’appréciation. Il a sous-estimé la détermination de Moscou et surestimé le soutien que les États-Unis seraient prêts à lui apporter." On a envie de se pincer et de dire ... je rêve ! Car le même Renaud Girard s’était fendu de plusieurs articles et même d’un bouquin pour dénoncer les "actes de guerre disproportionnés" et la "sur réaction israélienne" suite à l’attaque, sur son propre territoire, du Hezbollah en juillet 2006 ! Que n’avait-il, à l’époque, dénoncé l’erreur d’appréciation de la milice chiite, qui allait provoquer mille souffrances au Liban ? Toujours prêt à accabler le minuscule Israël (je l’ai même entendu, sur une radio communautaire, critiquer l’état juif pour avoir brisé l’encerclement arabe en juin 1967), Renaud Girard n’a pas un mot pour critiquer la Russie, cent fois plus puissante que la petite Georgie qu’elle vient d’envahir !

4. La liste complète de ces théoriciens de la mauvaise foi serait fastidieuse, et cet article serait bien long ... Évoquons juste, pour finir, l’incontournable Pascal Boniface auteur jadis d’un fameux "Est-il permis de critiquer Israël ?" (éditions Robert Laffont), venu avec un petit sourire en coin sur plusieurs chaînes de télévision nous expliquer que l’on assistait au grand retour de la Russie, un retour dont la brutalité et les orientations politiques ne lui inspiraient nulle critique ; et Paul Quilès, ancien ministre et hélas toujours responsable des questions de défense au Parti Socialiste : celui-là, aussi, ricanait devant les ratés de la guerre du Liban il y a deux ans, en écrivant qu’elle démontrait les limites d’une politique basée sur la force ; dans "Le Figaro" du 19 août, il ne devait pas émettre la moindre critique devant la déferlante des blindés russes dans le Caucase ... et cela, sans doutes parce que (il ne le dit pas, mais il le pense tellement fort !), Israël est l’allié des États-Unis, ce grand méchant loup qu’il nous invite par ailleurs à laisser tomber. Car, je le cite : "il ne sert à rien de feindre d’ignorer que la Russie détient d’énormes réserves d’hydrocarbures et qu’il existe une relation d’interdépendance objective entre celle-ci et les pays européens !"

J.C

26 août 2008

Georgie, 1 : une géopolitique et des enjeux complexes

Carte de la Georgie et de ses voisins

Dans mon article publié dimanche, j’évoquais une « grille de lecture autrement plus complexe que l’affrontement islamistes / états occidentaux » à appliquer à ce conflit de l'été - et en écrivant « islamistes » je pensais presque « musulmans », car hélas à en croire trop de blogs communautaires, l’ensemble des conflits du monde se résument à un choc entre l’Islam et les « autres ». Considérons donc la géopolitique locale, autour de la malheureuse Georgie. Deux axes s’affrontent : d’abord les « pro russes » comprenant la Fédération de Russie, les minorités rebelles (Ossètes et Abkhazes), l’Arménie - complètement enclavée et sans façade maritime - et ... la République islamique d’Iran ; et puis, en face mais ne leur opposant pas un front continu, les « pro américains » comprenant la Turquie (membre de l’OTAN), la Georgie (qui voudrait en faire partie) et l’Azerbaïdjan, riche État pétrolier des bords de la Caspienne. Quelques rappels : les Azéris, sont de bons musulmans comme leurs frères turcs ; tout comme les Adjars, vivant au Sud Ouest de la Georgie et qui ne semblent plus avoir de velléités d’autonomie - ils sont en tout cas restés fidèles pendant le dernier conflit. Par contre, les Russes comme les Ossètes (bien que ces derniers parlent une langue persane) et les Arméniens sont des chrétiens ... comme les Georgiens ! Les Abkhazes, eux, sont en majorité musulmans - mais il y a aussi des chrétiens dans cette population, et l’épuration ethnique qui a visé les Georgiens lors du conflit du début des années 1990 - plus de 200.000 réfugiés - ne semble pas avoir eu une connotation religieuse. Compliqué, non ?

Autre élément géopolitique clé dans ce conflit, le pétrole : la presse aura révélé au grand public l’importance du pipe-line reliant la Caspienne à la Mer Noire à travers la Georgie, seule route évitant la Fédération de Russie, et les menaces d’étranglement par le régime qui la dirige actuellement ! Petit détail (jamais évoqué, alors que l’on aura abondamment parlé des ventes d’armes israéliennes à la Georgie, elles-mêmes fortement ralenties avant la guerre du mois d’août suite à des pressions russes), l’Azerbaïdjan est un des principaux fournisseurs de pétrole de l’État d’Israël ... avec d’autres pays musulmans, comme l’Égypte et le Nigeria !

Alors, « gentils chrétiens » contre « méchants musulmans », toujours votre grille de lecture ?
Il y a enfin une autre dimension, celle-là de principe et par rapport à laquelle - même si nous avons eu droit à des articles dégoulinants de complaisance envers la Russie, mais j’y reviendrai dans un autre article - je crois nécessaire d’avoir une position à la fois claire et définitive : celle de la dialectique opposant « l’intangibilité des frontières », et « le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Plusieurs décennies après la décolonisation et près de vingt ans après la disparition du dernier empire colonial de la planète (l’URSS), force est de constater que toutes les frontières sont artificielles, et qu’il y a des peuples répartis sur les territoires d’États voisins. Cela a donné et donne encore quelques millions de victimes lors d’interminables conflits en Afrique. En Europe, quinze ans après la guerre des Balkans, les Occidentaux - en contravention flagrante de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité - ont reconnu l’indépendance de la province serbe du Kosovo, qui risque rapidement de devenir partie prenante d’une « grande Albanie ». Un précédent dangereux, qui pourrait servir demain par exemple aux Arabes israéliens de Galilée réclamant d’abord leur indépendance, puis leur rattachement à un futur État palestinien - on notera d’ailleurs qu’Israël s’est refusé à reconnaître l'indépendance de cette province ! Exploitant ce prétexte, les Russes viennent de se venger en venant « au secours » des Ossètes ... qui réclament le rattachement à leurs frères d’Ossétie du Nord, elle-même partie intégrante de la Fédération de Russie. Et en pratiquant la même technique de grignotage à d’autres populations vivant de part et d’autre de leurs frontières, Poutine risque de reconstituer demain l’empire soviétique disparu !

Alors, « gentils Américains » contre « méchants Serbes », toujours votre grille de lecture ?

J.C

25 août 2008

Le voyage de Meschaal en Jordanie, ou : « la grande offensive russe »

La visite annoncée de Khaleed Meschaal en Jordanie pourrait bien être l'indice d'un retournement complet des cartes politiques au Moyen-Orient qui ne s'exprimera pleinement qu'après l'élection du nouvel hôte de la Maison-Blanche. Mais comme le montre cette visite, qui devrait avoir lieu la semaine prochaine, chacun se prépare déjà aux prochains événements qui auront des répercussions - forcément sanglantes - jusqu'au Pakistan et en Afghanistan.

Khaleed Meschaal est né à Ramallah du temps où la Jordanie exerçait sa souveraineté sur la Cisjordanie et Jérusalem-Est. C'est à ce titre qu'il est titulaire de la nationalité jordanienne, laquelle a été offerte par le royaume hachémite à tous les Palestiniens ayant quitté Israël à la suite de la guerre de 1948. Après un long passage par le Koweït, Meschaal est venu s'installer en Jordanie où il est resté jusqu'à ce que ses activités terroristes, largement sponsorisées par la Syrie, prenant pour cibles Israël aussi bien que la Jordanie, ne contraignent le royaume hachémite à l'expulser. Depuis, c'est à partir de Damas que l'embarrassant chef politique du Hamas a continué ses activités avec le soutien logistique et financier de l'Iran.

A première vue, l'alliance n'est pas naturelle. Le Hamas, en tant qu'émanation des Frères musulmans, prône le retour à la pureté de la foi sunnite, qui semble très loin des objectifs religieux et politiques d'un pays chiite comme l'Iran. Pourtant, cette alliance de circonstance se révèle naturelle mais également nécessaire si l'on prend en considération un autre élément : l'éclatement de la direction du Hamas. La base du mouvement située à Gaza est représentée officiellement par Ismaël Haniyé. Celui-ci entretient des relations correctes avec Le Caire et ne serait probablement pas opposé à une réconciliation, dont les contours restent à définir, avec l'Autorité palestinienne et à des actes « positifs » en direction d'Israël - à la condition qu'il puisse en tirer un profit politique interne et externe. Mais il doit faire face à l'opposition de Mahmoud Zahar qui joue sur tous les tableaux à la fois : celui-ci choisit tantôt la carte égyptienne tantôt la carte syrienne pour neutraliser son adversaire. Face à la direction du mouvement de Gaza qui a choisi l’Égypte, il faut donc compter avec une autre tendance du mouvement qui s'est tournée vers la Syrie. C'est à ce niveau que Khaleed Meschaal entre en jeu.
Meschaal représente clairement la tendance anti Égypte. C'est pourquoi, tout en étant à la tête d'une organisation sunnite, celui-ci a contracté une alliance avec l'Iran qui entend utiliser le Hamas pour étendre son influence dans les pays sunnites en général et dans l’Égypte en particulier. L'alliance militaire contractée il y a quelques mois entre l'Iran et le Soudan ne fait que renforcer cette tendance générale. On se rappellera également qu'au moment de la prise du pouvoir du Hamas dans la bande de Gaza, des Gazaouïtes avaient dénoncé la présence de chiites. Mais un an après, l'Autorité palestinienne a révélé la présence de cellules terroristes d'Al-Qaïda dans la bande de Gaza. Al-Qaïda est une organisation terroriste sunnite qui est née en Arabie-Saoudite et face à laquelle les Frères musulmans égyptiens font figure de modérés. Il semble donc que l'Iran et l'Arabie Saoudite, tour à tour manipulateurs et manipulés par la direction syrienne du Hamas, se disputent la bande de Gaza pour évincer Haniyé et faire pression tant sur les Frères musulmans que sur le Caire. C'est à rien moins qu'à une offensive contre l’Égypte que Meschaal est en train de travailler. Elle fait également office d'avertissement à Bashar al-Assad et aux autorités syriennes.

La Jordanie a entendu et compris le message. Et elle a décidé de poser cette semaine deux cartes sur la table : au moment même de l'annonce de la visite de Meschaal à Amman, le roi Abdallah II se rend à Moscou. Il faut se rappeler que les rapports de la Jordanie avec la Syrie sont difficiles. Avec l’Égypte, ils ne sont presque guère meilleurs. Il n'est donc pas étonnant que la Jordanie choisisse ce moment pour se réconcilier avec Meschaal, envoyant un message politique positif à l'Iran ... et à la Russie. Si le rapprochement peut sembler là aussi contre nature, il faut alors prendre en considération ces autres événements : le rapprochement entre la Syrie et la France, l'installation officielle du Hezbollah au Liban, et la politique américaine en Irak et en Iran. A propos de la Russie, l’Égypte a développé des relations très étroites avec Moscou ces dernières années : fin mars 2008, le président Hosni Moubarak s'était rendu à Moscou pour une visite de trois jours. Le journal égyptien Al-Ahram avait rapporté qu'il s'agissait de la cinquième visite entre Moubarak et Vladimir Poutine depuis 2001. Toujours d'après Al-Ahram, le contrat signé entre l’Égypte et la Russie couvrait des domaines aussi variés que le nucléaire - la Russie a remporté le marché de construction de la première centrale nucléaire à usage civil - le commerce, l'investissement, le tourisme. Lors de sa rencontre avec Poutine, Moubarak avait également rencontré Medvedev. Le roi Abdallah de Jordanie, en se rendant à Moscou pour une visite de deux jours ce week-end, a donc suivi le chemin inauguré par Moubourak mais également par Assad qui revenait juste d'une rencontre avec Medvedev. L'agence de presse russe Ria Novosti a rapporté vendredi 22 Août que le roi Abdallah II avait manifesté sa satisfaction, à l'issue de son entretien avec le premier ministre russe Vladimir Poutine, devant le développement de la coopération politique, économique et militaire entre la Russie et son pays. Parce que la Jordanie, tout en étant l'alliée politique des États-Unis, ne peut pas se permettre de rester isolée face à la Russie entre l’Égypte et la Syrie.

Alors que les États-Unis sont en train de mener une offensive en Europe, déployant sur son sol - République tchèque, Pologne - un bouclier de missiles, on assiste donc à un déploiement de la Russie au Moyen-Orient (Égypte, Syrie, Jordanie, Iran), qui quoique n'étant pas du même ordre lui permet cependant de renforcer son influence. C'est à la lumière de ces circonstances que l'on doit comprendre l'entente entre la France et la Russie - telle qu'elle s'est manifestée dans la gestion de la crise en Géorgie. Le voyage du premier ministre israélien Ehoud Olmert à Moscou ce mois de septembre, au moment même ou le président français Nicolas Sarkozy sera à Damas, sera certainement d'un très grand intérêt. Ces deux rencontres auront pour effet de déplaire fortement à la Maison Blanche et c'est sans doute ainsi que l'on doit comprendre le refus exprimé par les États-Unis vendredi 22 Août de vendre à Israël des avions permettant de faire le plein d'essence en vol. Mais ces deux rencontres déplairont également à l'Iran : si la Russie est de facto son alliée, elle n'entend pas le laisser développer davantage son influence, préférant le garder sous contrôle. C'est pourquoi Téhéran cherche en ce moment son salut dans une autre direction. Tout indique qu'il l'a déjà trouvée.

Isabelle-Yaël Rose,
Jerusalem

05 août 2008

Bonnes vacances et rendez-vous le 24 août !

 
Et voilà venu le moment de vous dire au revoir ... pour un peu moins de trois semaines. Alors que beaucoup d'entre vous sont déjà partis, et profitent - du moins je vous le souhaite ! - d'une vue aussi somptueuse que celle de mon illustration ...
De mon côté, ce ne sera rien que de très classique, à quelques heures de Paris et sur les plages normandes ; avant - je l'espère - de partir plus loin et au soleil, dans quelques mois.
Le blog et l'émission prendront donc des vacances bien méritées, et je vous donne rendez-vous sur ces deux médias, le dimanche 24 août.
Sur Judaïques FM, vous pourrez entendre une émission déjà enregistrée, et assez exceptionnelle : une interview du chanteur franco-algérien Khalis, construite autour de sa chanson bouleversante "Kamikaze" (cliquer sur son nom en libellé).
Sur le blog, je serai aussi de retour le même jour, et j'espère faire avec vous un petit point d'actualité ... en espérant qu'elle aussi aura été légère.
Bonnes vacances à toutes et tous !

J.C

03 août 2008

"Le Monde" est-il en train de tourner ?



Introduction :
Les lecteurs fidèles l'auront surement noté, je fais rarement référence au journal "Le Monde" sur mon blog ... Une très ancienne tradition d'hostilité envers l'état d'Israël, d'une part, et un "politiquement correct" souvent complaisant envers les totalitaires - islamistes ou autres - et critique envers les démocraties, d'autre part, m'en ont éloigné durablement ; même si, et cela m'est aussi arrivé de les signaler, il y a eu (rarement) dans ce journal des articles sortant de cette ligne. J'essaie, au moins, de ne pas adopter la rigidité bornée de trop de publications communautaires qui refusent la simple lecture de la presse de gauche, ou n'y relèvent que les publications hostiles ; je serais d'ailleurs un piètre journaliste si je ne lisais que les journaux d'un seul bord, ou si je passais mon temps à faire partager des rancœurs, exercice dont certains semblent ne pas se lasser, hélas !
J'ai relevé ces dernières semaines deux éditoriaux qui marquent un changement notable par rapport à "l'ère Plenel", du nom de l'ancien rédacteur en chef qui avait - par exemple - combattu la loi interdisant le port des signes religieux ostensibles à l'école, et maintenu une chape de plomb dans son journal sur les massacres au Darfour.
Ces deux éditoriaux, revenant sur ces deux sujets, méritent d'être signalés et je les reproduis intégralement !
J.C

1 : La Burqa, symbole

"Peut-on devenir française quand on porte la burqa, ce vêtement qui, à l'exception des yeux, masque entièrement les femmes dans les pays (ou les familles) musulmans les plus rigoristes ? Non, vient de répondre sans détour le Conseil d'Etat dans un arrêt qui, sans aucun doute, fera date.
L'affaire sur laquelle la haute juridiction a tranché tient en quelques mots : une Marocaine mariée à un Français et mère de trois enfants nés en France s'est vu refuser, en 2005, la nationalité française, au motif qu'elle porte la burqa et que cela constituerait un "défaut d'assimilation". Saisi en appel, le jugement du Conseil d'Etat tient, également, en quelques mots, manifestement pesés au trébuchet : cette femme "a adopté, au nom d'une pratique radicale de sa religion, un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française et notamment le principe d'égalité des sexes".
Voilà donc relancée la controverse sur la place des religions, et de l'islam en particulier, en France. Le débat sur le port du "voile" à l'école avait déjà soulevé la question il y a quelques années : la France doit-elle, avec tolérance et sagesse, accepter l'expression publique de l'identité religieuse et de la différence culturelle ? Ou doit-elle, au contraire, marquer nettement les limites au-delà desquelles le principe de laïcité, fondement de la République, serait bafoué. En adoptant la loi de 2004 interdisant le port de tout signe religieux ostensible dans les établissements scolaires, le Parlement avait clairement choisi la seconde réponse.
Dans son arrêt du 27 juin, le Conseil d'Etat adopte une position similaire. Nul doute qu'il va se voir reprocher, à nouveau, de stigmatiser une religion, l'islam. Et de ne pas mesurer le fossé qui le sépare de la réalité complexe de la société française. Le Conseil, il est vrai, s'en tient à une appréciation de principe : à ses yeux, la burqa est tout sauf un signe religieux banal, qui relèverait d'un simple choix privé ou de la liberté de conscience ; à ses yeux, c'est au contraire un symbole majeur pour les musulmans les plus militants et minoritaires, qui revendiquent une pratique extrême de leur religion. Un symbole de ségrégation entre les hommes et les femmes. Un symbole inacceptable du statut d'infériorité de la femme dans cette conception de l'islam. Comment lui donner tort ?"
Editorial du journal "Le Monde" paru dans l'édition du 12 juillet 2008

2 : Solidarité africaine

"Après le Zimbabwe, le Soudan. A quelques semaines d'intervalle, deux dirigeants africains mis en cause sur la scène internationale pour des crises, et des crimes, qui frappent en premier lieu leurs populations appellent leurs pairs à leur secours.
Robert Mugabe, le président zimbabwéen, a pu compter sur la solidarité continentale, au sein de plusieurs organisations, notamment l'Union africaine (UA), pour se protéger. Mais des voix africaines discordantes, lassées de son entêtement à se maintenir au pouvoir à tout prix, fût-ce en ruinant son pays, commencent à émerger. Des présidents africains se refusent à ce que la mise en question des agissements de l'un des leurs soit assimilée à une trahison au profit des ex-puissances coloniales et des pays occidentaux.
Omar Al-Bachir, son homologue soudanais, est le premier président en exercice mis en cause par la Cour pénale internationale (CPI). Il l'est sur la base d'accusations présentées lundi 14 juillet par le procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, pour son rôle dans la tragédie du Darfour. La nature de ces accusations est, à la mesure des faits, d'une gravité exceptionnelle. Elle s'appuie sur "des preuves sur les crimes commis dans l'ensemble du Darfour (ouest du Soudan) au cours des cinq dernières années" pour mettre en cause directement le chef de l'Etat soudanais.
Le président Al-Bachir compte sur des réflexes d'autodéfense pour que l'UA et la Ligue arabe s'emploient à torpiller une éventuelle action de la CPI. Les premiers résultats sont déjà visibles. Hisham Youssef, chef du bureau du secrétaire général de la Ligue arabe, a enjoint la CPI de "ne pas politiser" son action et de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures soudanaises, contestant ainsi la légitimité de la juridiction, désignée en filigrane comme le bras judiciaire des pays occidentaux. Une réunion de la direction de l'UA s'est conclue, elle, par un communiqué rappelant "la préoccupation de l'UA face à la mise en accusation abusive de dirigeants africains".
Pourtant, tous savent à quel point Omar Al-Bachir est coupable. La dignité serait pour la Ligue comme pour l'UA de se désolidariser de ceux qui humilient et martyrisent l'Afrique et le monde arabe."
Editorial du journal "Le Monde" paru dans l'édition du 15 juillet 2008

01 août 2008

Une nouvelle loi problématique votée à la Knesset, par Isabelle-Yaël Rose

Une loi proposée par le député Reuven Rivlin (Likoud) vient d'être votée dans la nuit du 30 Juillet en première lecture à la Knesset. Elle amnistie les colons qui avaient manifesté leur opposition, d'une manière violente, au moment du désengagement de la bande de Gaza en 2006, s'en prenant aux forces de l'ordre. Les seuls partis à s'être prononcés contre cette loi ont été les partis arabes et le parti d'extrême-gauche israélien, le Meretz. Rivlin a déclaré dimanche 27 juillet sur la chaîne 10 que cette amnistie avait pour but de permettre une intégration des inculpés dans les unités combattantes de l'armée, entrée qui est refusée à toute personne ayant un casier judiciaire. Il a poursuivi en expliquant que l'opposition au désengagement avait été un mouvement démocratique, contre une décision elle-même démocratique émanant de la Knesset. Le Meretz, dans une session houleuse de l'assemblée, a dénoncé les progrès du fascisme, expliquant que les forces non-démocratiques utilisaient toujours les institutions pour prendre possession de l'assemblée et de la société.
Le Likoud, qui dirige l'opposition sous la présidence de Benyamin Netanyahou, est coalisé avec les partis religieux sionistes, qui représentent les habitants des implantations de Judée-Samarie.

Vendredi dernier, le quotidien israélien « Haaretz » publiait les dernières recommandations de l'armée et des forces de sécurité israéliennes (Shin Bet) en charge des « territoires occupés ». Le rapport pointait l'augmentation des violences contre les soldats et la recrudescence des actes de provocation. Ainsi, un jeune colon a saisi un soldat par la gorge, le menaçant avec un couteau. Les soldats doivent quotidiennement s'interposer entre les colons et les Palestiniens des « territoires occupés », particulièrement en Judée. Les seconds accusent les premiers de détruire leurs champs et leurs récoltes, régulièrement arrachés ou incendiés. Ces derniers mois, les agressions se sont multipliées, sans qu'il soit possible de faire un lien direct entre l'attentat qui avait pris pour cible une Yeshiva en mars - la Yeshiva du rav Kook est un haut lieu du sionisme religieux - et l'escalade des violences dans les territoires : il y a 15 jours, toujours selon le « Haaretz », des colons ont attaqué des Palestiniens, qu'ils ont menottés, leur bandant également les yeux, avant de les frapper. L'un des hommes a perdu conscience. Seule l'intervention de l'armée, qui a elle même violemment été prise à parti, a permis de mettre un terme à l'affrontement. Au mois de février, un colon avait tué un Arabe. Il avait déclaré à la police avoir été attaqué par une bande d'une « quarantaine de Palestiniens ». C'est seulement par miracle qu'à un contre quarante l'homme, armé, avait réussi à s'en sortir vivant. La plupart du temps, les enquêtes se terminent toujours par une relaxe du colon qui a agi en légitime défense. Les habitants des implantations sont souvent armés. Ils s'organisent en « milices paramilitaires », harcelant les Palestiniens mais également la police, l'armée et la presse.

Dans ces conditions, la loi votée par la Knesset est pour le moins problématique. D'une part, elle fait figure de « loi d'exception » en faveur de groupes qui ont déjà pris pour habitude de s'extraire de la « loi commune ». La plupart sont désocialisés, sans travail, tandis que les jeunes ne sont même plus scolarisés. Les colons vivent en marge de la société et des lois israéliennes, dont ils méprisent les institutions telles que la Cour de Justice et la Knesset, les deux piliers de la démocratie israélienne. Au moment même où le ministre de la sécurité intérieure, Avi Dichter, déclare la nécessité de rétablir la légalité et l'autorité de la police sur les citoyens ; tandis que le chef de l'armée, Gabi Askhenazi, réagissant aux derniers développements de « l'affaire de Neilin », annonce que l'armée doit renforcer ses valeurs morales et éthiques ; une amnistie pure et simple couvrant les événements de 2006 ne peut avoir que trois effets : affaiblir encore un peu plus les lois, donner aux colons un sentiment d'impunité déjà largement diffusé en Samarie et en Judée, humilier la police et l'armée qui perdent progressivement le contrôle du terrain, se faisant même attaquer. L'armée est de plus en plus dans une position intenable, prise en tenaille entre les colons et les manifestants d'extrême gauche associés aux Palestiniens, qui organisent quotidiennement des actions contre la barrière de sécurité[1]. C'est ainsi qu'un jeune soldat a tiré avec des balles en caoutchouc contre un manifestant palestinien menotté et les yeux bandés, il y a trois semaines. Le soldat a accusé son commandant de lui avoir donne l'ordre de tirer. Le témoignage du commandant a été recueilli sous la supervision d'un détecteur de mensonges qui a souligné des incohérences et invalidé sa version des faits. C'est pourquoi celui-ci a été mis a pied pour une période de 10 jours a partir du 29 juillet, le temps de terminer l'enquête. D'autre part, cette « loi d'exception » est problématique en ce qu'elle encourage les colons dans leurs pratiques. Si les plus jeunes sont effectivement appelés à devenir des combattants de l'armée, les événements de Neilin risquent de se multiplier. On voit mal comment cela permettra à l'armée de rétablir son image au cœur même de la société israélienne qui, tout en restant attachée à l'institution militaire - vitale pour Israël -, a développé un sens critique exigeant de ses officiers qu'ils respectent les normes de la vie publique israélienne. Si les soldats qui abusent de leur pouvoir ne sont pas sanctionnés, Israël s'achemine vers une « déconnexion » entre l'armée et la société, très dangereuse dans un pays où l'armée est constituée de recrues. De la même manière, si les colons qui prennent leurs libertés avec les lois ne sont pas punis, on voit mal comment ils pourront s'intégrer dans la société, la police et l'armée. Plus encore quand les délits en question sont rien moins que des lynchages ou des meurtres.

Mais le signal le plus alarmant vient de la Knesset elle même qui a voté la loi de Rivlin sans que sa proposition ne déclenche aucun débat public, aucune polémique, aucune opposition. Au moment où Israël est submergé par une vague de délinquance et de criminalité, les coupables étant de plus en plus jeunes et de plus en plus violents, méprisant toute loi et toute institution; tel n'était certainement pas le meilleur message à faire passer à la jeunesse. La jeunesse a au contraire besoin de savoir qu'il y a des règles qui ne souffrent aucune impunité. Elle a besoin de savoir qu'il existe dans ce pays des institutions garantes de l'ordre civil qui doivent être respectées. Elle a besoin de savoir que le débat politique lui même - même si les députés et les ministres, au plus haut niveau, présentent un spectacle accablant - a des limites et suit des règles pour que les citoyens et les divers groupes d'opinion puissent continuer à coexister. Bref, la jeunesse a besoin de savoir qu'elle vit dans une société civilisée et non pas dans une jungle où c'est celui qui crie et qui frappe le plus fort qui a raison. Cette loi d'amnistie est une catastrophe pour la société israélienne, pour les forces de l'ordre, mais aussi pour les pédagogues et les parents. Le fait qu'elle n'ait rencontrée aucune opposition est un symptôme qui témoigne non seulement de la lâcheté des hommes politiques israéliens, préoccupés davantage par les élections que par leur peuple et leur pays ; mais aussi du piteux état des forces démocratiques. Les hommes de la police, de l'armée, du Shin Bet - dont le dévouement est exemplaire, qui sacrifient souvent leur famille, leur vie personnelle, parfois même leur vie tout court, pour accomplir leur tâche sécuritaire au service de la collectivité - sont tout simplement envoyés sur le front social avec un pistolet à eau.

Le taux d'abstention aux futures élections, dans un pays pourtant habitué à une forte participation électorale, sera probablement historique. Mais l'on peut encore redouter une désaffection pour l'armée, la police (un dernier rapport publié le 29 Juillet dans le Maariv montre qu'il y a de plus en plus de policiers qui démissionnent), et l'ensemble des forces de sécurité - dont la vitalité est pourtant autant nécessaire que les meilleurs équipements militaires. Sans parler de l'incapacité dans laquelle Israël se place dans l'avenir d'évacuer aucun territoire destiné à devenir palestinien, tout simplement parce qu'il est peuplé de millions d'Arabes qui ne deviendront jamais israéliens, à moins de renoncer au caractère juif du pays.

Le vrai amour, l'amour douloureux et inconditionnel, doit être éclairé. Plus que jamais, Israël a besoin d'être aimé pour de vrai par les Juifs et les Israéliens. Il doit également ne pas renoncer à ses normes politiques et éthiques, qu'il se dicte à lui même, avec autonomie et exigence, pour continuer non seulement à être aimable mais à remplir sa mission. Une mission douloureuse et inconditionnelle, qui ne se résume pas à de mesquins calculs électoraux et à des tractations visant à renforcer des coalitions qui ont pris les commandes de la Knesset avant même les élections. Tranquillement, sans même utiliser la force.

Isabelle-Yaël Rose
Jérusalem

[1] La « bataille » autour de l'érection de la barrière de sécurité est tellement empreinte d'idéologie et de mauvaise foi qu'une décision pourtant historique de l'establishment militaire est passée quasiment inaperçue en début de semaine. Grâce à l'émission « London et Kirshenbaum » de dimanche, on pouvait apprendre, grâce aux commentaires de l'auteur du livre « barrières et tour » (Homot et migdal, en hébreu), que l'armée avait décidé de modifier le tracé de la barrière sans attendre la décision de la Cour suprême de manière à ne pas « annexer » de fait 25 dounam appartenant à un propriétaire palestinien. Le tracé de la barrière a été reculé, faisant repasser les 25 dounam de l'autre côté, et la mesure coûtera des millions de dollars à Israël. L'auteur a expliqué que par cette mesure, l'armée avait appliqué l'esprit des recommandations de la Cour suprême, sans même attendre qu'elle ait statué sur la plainte, devançant son jugement. Le fait que l'armée ait intégré l'esprit des recommandations de la Cour de justice est tout simplement un fait nouveau.