Serge Klarsfeld lisant un discours, prison de Pantarei, Talinn (Estonie).
J'ai pris cette photo en mai 1993, à l'occasion d'un voyage commémoratif dans les Pays baltes sur les traces du convoi de déporté juifs n°73. La moitié de ce convoi fut anéantie en Estonie, et l'autre moitié en Lituanie, où nous sommes aussi allés. Assistaient à la cérémonie l'ambassadeur de France et des membres du gouvernement estonien. Deux enfants de déportés portent le drapeau.
"Vichy, un passé qui ne passe pas", tel était le titre d'un livre d'Eric Conan et Henry Rousso. Curieux Pays que le nôtre, où l'on ne discute guère de l'avenir (secteurs économiques à développer, domaines de recherche à privilégier, défis démographiques à surmonter, maîtrise de l'énergie et de l'environnement), en lui préférant un débat lancinant sur le passé. Il est vrai que la notion de "devoir de Mémoire" doit beaucoup au travail acharné des meilleurs historiens juifs : ici (au premier plan Serge Klarsfeld, avec qui j'ai eu l'honneur de travailler il y a une petite quinzaine d'années), ou aux États-Unis (Raoul Hilberg et combien d'autres). Il s'agissait de faire resurgir d'un oubli honteux un évènement unique, la Shoah, d'en faire comprendre la spécificité - alors que certains parlent toujours de "détail de l'Histoire" - mais surtout et d'abord d'obtenir un minimum de justice pour les survivants et les enfants de déportés. Et même s'ils étaient traumatisés, spoliés ou endeuillés après la Guerre, les juifs français n'ont jamais manifesté leur colère par des des incendies d'édifices publics, ou des attaques contre les forces de police !
Tout autre est la démarche de déstabilisation sociale et politique des sympathisants du manifeste "les indigènes de la République" : dans cette mouvance se retrouvent, pour le pire, des agitateurs professionnels et des communautaristes hostiles à toute intégration dans la République ; je reviendrai sur ce manifeste et sur ses sympathisants. Pour l'heure, il est urgent de ne pas accepter cette culpabilisation collective que veulent nous vendre des avocats sans scrupules de la violence, urbaine ou terroriste. Il est nécessaire de refuser de toute nos forces la logique de leur "plaidoirie", qui procède toujours du même manichéisme : victimisation absolue d'une partie de l'Humanité, définie par un statut éternel et innocent de proie du colonialisme ; diabolisation définitive de "l'homme blanc" qui n'aurait jamais apporté à des "humiliés" que pillages et destructions. Comme le dit Pascal Bruckner dans une interview au "Nouvel Observateur" de cette semaine, "lire sous la plume d'intellectuels responsables ou de sociologues chevronnés que les "indigènes de la République" continuent à Clichy-sous-Bois ou aux Minguettes le même combat qu'à Diên Biên Phu ou dans les Aurès, est d'une niaiserie abyssale"
Il est donc nécessaire de ne pas laisser confisquer le débat par des pseudo-spécialistes, en faisant entendre des vrais historiens ("Rencontre" l'a déjà fait, en recevant des invités de qualité comme Benjamin Stora, Michel Abitbol ou Pierre Vermeren). Mais ce que l'on appelle "la fracture coloniale" a pris une telle importance dans l'actualité qu'il devient nécessaire d'en reparler à notre émission : de nouveaux projets, donc, pour la programmation 2006 ! Dans l'attente, il y a urgence à lire cette tribune libre de Max Gallo, intellectuel de gauche que l'on ne saurait le moins du monde accuser de céder à une "Lepénisation" de la société !
Voir l'article ci-dessous.
J.C
J.C