Depuis le début de la semaine, tous les journaux israéliens affichaient une grande publicité annonçant la « conférence des présidents ». Celle-ci se proposait de rassembler des ministres, des délégations étrangères, des parlementaires, des personnalités, des donateurs, tous ceux qui ont contribué à la construction de l’État et de la société israélienne réunis autour du président Shimon Peres pour célébrer les 60 ans d'Israël. Parmi les noms français, on citera rapidement le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, l'ambassadeur en poste à Tel Aviv Jean-Michel Casa, le philosophe et journaliste Bernard-Henri Lévy, le président du FSJU et de l'AMI Pierre Besnainou. Et le prix Nobel de la paix, grand écrivain en langue française, Elie Wiesel. Le sommet de l'événement devait être marqué par la venue et la présence du président américain George Bush et de son épouse Laura. Le titre de la conférence : « Tomorrow », demain en anglais. Le propos était résolument tourné vers l'avenir d'Israël et de la région.Mais le président Peres l'avait annoncé cette semaine en déclarant que « les nuages de l'Iran planent sur Israël et le monde ». Sa déclaration faisait suite aux événements du Liban où le Hezbollah a fait la preuve qu'il pouvait - comme le Hamas à Gaza - prendre le pouvoir quand il le souhaitait, y compris violemment. La semaine dernière a également été marquée par la mort de deux civils de la région de Sderot suite à un tir de roquettes depuis la bande de Gaza. Alors que Bush arrivait à l'aéroport Ben Gourion, le président iranien Ahmadinedjad déclarait que la grande célébration était le signe du déclin et de la faiblesse de l’État juif. Ses propos étaient relayés par ceux de Mahmoud Zahar, l'homme fort de la bande de Gaza depuis que le premier ministre du Hamas Ismaël Haniyé se cache et n'apparaît plus en public (comme son homologue du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui ne communique plus que par voie de discours enregistrés depuis l'élimination du numéro 2 du Hezbollah Imad Mougnieh). Zahar, qui dirige l'équipe du Hamas chargée de négocier une trêve avec Israël par l'intermédiaire des Égyptiens, a répété avec agressivité que son mouvement ne reconnaîtrait jamais l'existence d'Israël. Deux heures après, juste avant l'ouverture de la soirée de gala à Jérusalem en présence de Bush, une roquette de type Grad frappait un centre commercial à Ashkelon. Elle a touché de plein fouet l'étage où se tient un centre médical pour enfants. Peres l'avait dit : « les nuages de l'Iran planent sur Israël et le monde ».
En pleine panique, 43 personnes ont immédiatement été évacuées sur l'hôpital Barzilaï. Son nom est devenu célèbre depuis que l'hôpital d'Ashkelon accueille les blessés de Sderot et des environs. Parmi les blessés, trois victimes dans un état grave : une mère et sa petite fille de trois ans ont dû être transportées en hélicoptère vers un hôpital du centre d'Israël en mesure de prendre en charge les grands blessés. Deux enfants en bas âge ont également été touchés. Quelques habitants d'Ashkelon se sont rassemblés pour protester devant le centre commercial où défilaient les ambulances : la ville, qui compte 160 000 habitants, est devenue la cible des lanceurs de roquettes depuis maintenant trois mois. Les habitants ont signifié qu'ils n'entendaient pas subir le même sort que la petite voisine Sderot bombardée quotidiennement. Les cours normal de la vie et de l'économie se sont interrompus depuis longtemps dans le sud d'Israël. Certains prédisent que la future cible sera Ashdod.
L'attentat a immédiatement été revendiqué par le Jihad islamique. Celui-ci est l'un des bras armés du Hamas qui revendiquera probablement l'attentat dans la nuit.
Lors de la cérémonie d'ouverture, les visages étaient particulièrement tendus. Le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter s'est fait excuser : habitant de la ville d'Ashkelon, il s'est rendu sur place. Une roquette avait explosé près de sa maison il y a deux mois, la caméra de sécurité de sa résidence privée avait même filmé l'explosion. Alors qu'il se rendait à Sderot, suite à une journée particulièrement violente, une roquette était tombée tout près de lui, blessant légèrement l'un de ses gardes du corps. Dichter a prévenu depuis longtemps que les tirs de roquettes allaient continuer en s'intensifiant. C'est pourquoi il s'est fait le partisan des opérations militaires ciblées dans la bande de Gaza et des éliminations qui visent les personnalités du Hamas.
Le ministre de la Défense Ehoud Barak, après s'être entretenu avec la secrétaire d’État américaine Condollezza Rice, a également annulé sa présence à la soirée de gala pour convoquer un cabinet de sécurité d'urgence. Il réunissait les officiers de l'armée et les membres des services de sécurité israéliens.
L'attentat contre Ashkelon intervient à un moment très particulier. D'abord, d'un point de vue symbolique, le jour de l'arrivée de Bush consacré aux célébrations des 60 ans de l’État d'Israël en présence de nombreuses délégations étrangères. Ensuite, comme nous l'avons déjà dit, au moment où le Hezbollah - l'Iran, pour être clair - monte d'un cran ses menaces contre le Liban. Les mouvements chiites extrémistes ont également relancés leurs offensives en Irak contre les troupes américaines, tandis que les Kurdes attaquent la Turquie alliée des États-Unis. Enfin, une « trêve » est actuellement discutée avec le Hamas par l'intermédiaire des Égyptiens. Le chef des services de renseignements Omar Suleiman s'est déplacé cette semaine - fait rare - à Tel Aviv et Jérusalem.
Tous les commentateurs israéliens ont expliqué que la relance des hostilités depuis la bande de Gaza avait une fonction : le Hamas entend ainsi faire pression sur Israël en lui indiquant ce à quoi il s'exposerait en refusant une trêve à ses conditions. D'un autre côté, les positions posées par le Hamas sont tellement insoutenables qu'il est difficile de croire qu'Israël puisse y souscrire. D'une part, la trêve hypothétique ne comporte aucune garantie. D'autre part, le Hamas ne s'engage pas pour les autres groupes terroristes. Enfin, il refuse toujours de libérer Gilad Schalit. Au moment où le premier ministre Ehoud Olmert est particulièrement faible - embourbé dans une nouvelle « affaire » ; tandis que toute la région lance des signaux alarmants dirigés par l'Iran, l'escalade n'a manifestement qu'une fonction : embarrasser un peu plus Israël et l'obliger à une réponse. Il est peu probable qu'Israël se lance immédiatement dans une opération militaire d'ampleur. D'autant qu'il doit se préparer à riposter sur deux fronts. Il est en revanche certain que le gouvernement et les forces de sécurité, qui agissent quotidiennement par des frappes ciblées, sont dans une position extrêmement délicate face à une opinion israélienne exaspérée.
Ce matin, le ministre des Affaires étrangères espagnol a lancé l'idée d'une collaboration entre Israël, les pays européens et les pays arabes modérés pour contrer la menace iranienne de plus en plus réelle et concrète. A la suite de sa visite en Israël, Bush doit se rendre à Sharm El-Sheikh pour rencontrer le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi de Jordanie Abdullah. Le président français Nicolas Sarkozy est attendu fin juin en Israël. Tout indique que les pays arabes ne sont pas prêts à agir contre le terrorisme et l'Iran : suite à la tentative de coup d’État au Liban, le sommet de la Ligue arabe réuni au Caire en urgence a renoncé - suivant en cela les recommandations de la Syrie - à envoyer des troupes de stabilisation et d'observation au Liban. L'Arabie Saoudite s'est contentée de déclarations de principes spectaculaires mais peu efficaces concrètement. Il semble que les Arabes, farouchement hostiles aux chiites iraniens, préfèrent cependant laisser le « sale boulot » et les risques qu'il comporte aux autres. Mais si les forces démocratiques ne parviennent pas à mettre en œuvre une diplomatie plus offensive, non seulement elles perdront définitivement le Liban et leur rêve d'une Palestine, mais elles prendront également le risque d'un embrasement dans la région. Car Israël ne peut pas se permettre de « laisser les nuages de l'Iran planer sur la région ». Pour lui, c'est une question de vie ou de mort. Le visage du président américain lors de l'inauguration de la soirée, l'expression tendue des officiels américains, semblaient indiquer que Bush, qui doit quitter ses fonctions en janvier, a compris qu'il n'était pas encore arrivé au terme de son mandat dont rien n'indique qu'il sera sanctifié par la paix. Car les six mois à venir seront manifestement consacrés à la guerre.
Isabelle-Yaël Rose
Jérusalem, le 14 Mai 2008
En pleine panique, 43 personnes ont immédiatement été évacuées sur l'hôpital Barzilaï. Son nom est devenu célèbre depuis que l'hôpital d'Ashkelon accueille les blessés de Sderot et des environs. Parmi les blessés, trois victimes dans un état grave : une mère et sa petite fille de trois ans ont dû être transportées en hélicoptère vers un hôpital du centre d'Israël en mesure de prendre en charge les grands blessés. Deux enfants en bas âge ont également été touchés. Quelques habitants d'Ashkelon se sont rassemblés pour protester devant le centre commercial où défilaient les ambulances : la ville, qui compte 160 000 habitants, est devenue la cible des lanceurs de roquettes depuis maintenant trois mois. Les habitants ont signifié qu'ils n'entendaient pas subir le même sort que la petite voisine Sderot bombardée quotidiennement. Les cours normal de la vie et de l'économie se sont interrompus depuis longtemps dans le sud d'Israël. Certains prédisent que la future cible sera Ashdod.
L'attentat a immédiatement été revendiqué par le Jihad islamique. Celui-ci est l'un des bras armés du Hamas qui revendiquera probablement l'attentat dans la nuit.
Lors de la cérémonie d'ouverture, les visages étaient particulièrement tendus. Le ministre de la Sécurité intérieure Avi Dichter s'est fait excuser : habitant de la ville d'Ashkelon, il s'est rendu sur place. Une roquette avait explosé près de sa maison il y a deux mois, la caméra de sécurité de sa résidence privée avait même filmé l'explosion. Alors qu'il se rendait à Sderot, suite à une journée particulièrement violente, une roquette était tombée tout près de lui, blessant légèrement l'un de ses gardes du corps. Dichter a prévenu depuis longtemps que les tirs de roquettes allaient continuer en s'intensifiant. C'est pourquoi il s'est fait le partisan des opérations militaires ciblées dans la bande de Gaza et des éliminations qui visent les personnalités du Hamas.
Le ministre de la Défense Ehoud Barak, après s'être entretenu avec la secrétaire d’État américaine Condollezza Rice, a également annulé sa présence à la soirée de gala pour convoquer un cabinet de sécurité d'urgence. Il réunissait les officiers de l'armée et les membres des services de sécurité israéliens.
L'attentat contre Ashkelon intervient à un moment très particulier. D'abord, d'un point de vue symbolique, le jour de l'arrivée de Bush consacré aux célébrations des 60 ans de l’État d'Israël en présence de nombreuses délégations étrangères. Ensuite, comme nous l'avons déjà dit, au moment où le Hezbollah - l'Iran, pour être clair - monte d'un cran ses menaces contre le Liban. Les mouvements chiites extrémistes ont également relancés leurs offensives en Irak contre les troupes américaines, tandis que les Kurdes attaquent la Turquie alliée des États-Unis. Enfin, une « trêve » est actuellement discutée avec le Hamas par l'intermédiaire des Égyptiens. Le chef des services de renseignements Omar Suleiman s'est déplacé cette semaine - fait rare - à Tel Aviv et Jérusalem.
Tous les commentateurs israéliens ont expliqué que la relance des hostilités depuis la bande de Gaza avait une fonction : le Hamas entend ainsi faire pression sur Israël en lui indiquant ce à quoi il s'exposerait en refusant une trêve à ses conditions. D'un autre côté, les positions posées par le Hamas sont tellement insoutenables qu'il est difficile de croire qu'Israël puisse y souscrire. D'une part, la trêve hypothétique ne comporte aucune garantie. D'autre part, le Hamas ne s'engage pas pour les autres groupes terroristes. Enfin, il refuse toujours de libérer Gilad Schalit. Au moment où le premier ministre Ehoud Olmert est particulièrement faible - embourbé dans une nouvelle « affaire » ; tandis que toute la région lance des signaux alarmants dirigés par l'Iran, l'escalade n'a manifestement qu'une fonction : embarrasser un peu plus Israël et l'obliger à une réponse. Il est peu probable qu'Israël se lance immédiatement dans une opération militaire d'ampleur. D'autant qu'il doit se préparer à riposter sur deux fronts. Il est en revanche certain que le gouvernement et les forces de sécurité, qui agissent quotidiennement par des frappes ciblées, sont dans une position extrêmement délicate face à une opinion israélienne exaspérée.
Ce matin, le ministre des Affaires étrangères espagnol a lancé l'idée d'une collaboration entre Israël, les pays européens et les pays arabes modérés pour contrer la menace iranienne de plus en plus réelle et concrète. A la suite de sa visite en Israël, Bush doit se rendre à Sharm El-Sheikh pour rencontrer le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président égyptien Hosni Moubarak et le roi de Jordanie Abdullah. Le président français Nicolas Sarkozy est attendu fin juin en Israël. Tout indique que les pays arabes ne sont pas prêts à agir contre le terrorisme et l'Iran : suite à la tentative de coup d’État au Liban, le sommet de la Ligue arabe réuni au Caire en urgence a renoncé - suivant en cela les recommandations de la Syrie - à envoyer des troupes de stabilisation et d'observation au Liban. L'Arabie Saoudite s'est contentée de déclarations de principes spectaculaires mais peu efficaces concrètement. Il semble que les Arabes, farouchement hostiles aux chiites iraniens, préfèrent cependant laisser le « sale boulot » et les risques qu'il comporte aux autres. Mais si les forces démocratiques ne parviennent pas à mettre en œuvre une diplomatie plus offensive, non seulement elles perdront définitivement le Liban et leur rêve d'une Palestine, mais elles prendront également le risque d'un embrasement dans la région. Car Israël ne peut pas se permettre de « laisser les nuages de l'Iran planer sur la région ». Pour lui, c'est une question de vie ou de mort. Le visage du président américain lors de l'inauguration de la soirée, l'expression tendue des officiels américains, semblaient indiquer que Bush, qui doit quitter ses fonctions en janvier, a compris qu'il n'était pas encore arrivé au terme de son mandat dont rien n'indique qu'il sera sanctifié par la paix. Car les six mois à venir seront manifestement consacrés à la guerre.
Isabelle-Yaël Rose
Jérusalem, le 14 Mai 2008