Enfin ! Après des années d’appels à manifester, de meetings, de tribunes libres dans la presse et d’innombrables reportages ; alors même que les Nations Unies ont reconnu le massacre de centaines de milliers de civils et qu’une résolution du Conseil de Sécurité l’été dernier envisageait - oh combien timidement - l’envoi de Casques Bleus, il semble que l’opinion française commence à se réveiller, et les responsables politiques à s’engager.
Mardi 20 mars, le Collectif « Urgence Darfour » (visiter le site en lien) appelait à un grand meeting, en ayant aussi et surtout convié les candidats à l’élection présidentielle. Ceux-ci étaient invités à s’engager sur les résolutions suivantes :
« Candidat(e) à la présidence de la République française, horrifié(e) par le sort réservé aux populations du Darfour, je m'engage :
1. A agir en sorte que la France use de tout son poids auprès du Conseil de sécurité des Nations unies pour y faire adopter des résolutions au titre du chapitre VII de la charte pour la protection effective des populations du Darfour.
2. A mettre en œuvre au niveau approprié, tant que dureront les crimes contre l'humanité, des sanctions économiques contre le Soudan : gel des avoirs, refus de visas pour les dirigeants soudanais impliqués dans les massacres, embargo sur les exportations de pétrole soudanais.
3. A m'abstenir de recevoir en France les membres du gouvernement de Khartoum.
4. A mettre à la disposition de la Cour pénale internationale tous les moyens utiles à sa mission, notamment en ce qui concerne l'établissement et la conservation des preuves, la protection des victimes, des témoins et des enquêteurs.
5. En liaison avec les États concernés, à donner mandat aux forces françaises stationnées au Tchad et en Centrafrique de protéger effectivement les réfugiés, les personnes déplacées et les membres des organisations humanitaires opérant dans ces pays.
6. A mettre en place les moyens d'une surveillance de l'espace aérien du Darfour et à en communiquer les informations aux États et institutions intéressés.
7. A dénoncer avec énergie tout pays qui s'opposerait aux sanctions prises à l'encontre du Soudan fondées sur les crimes contre l'humanité commis par son gouvernement.
8. A user de toute mon influence pour rendre possible une action européenne de protection des populations civiles du Darfour, notamment à mettre en place des corridors humanitaires.
A Paris, maison de la Mutualité, le 20 mars 2007 »
Cet appel a été publié, notamment, par le journal « Libération » qui a eu le grand mérite de publier, le même jour, un dossier de 5 pleines pages sur cette tragédie qui se déroule depuis maintenant 4 ans, dans une immense état africain, membre de la Ligue Arabe et à la population majoritairement musulmane (en lien le dossier sur le site du journal, moins complet malheureusement) Petit rappel, toutes les victimes sont musulmanes au Darfour : mais cela n’intéresse guère « les belles âmes » : des « altermondialistes » à la sauce José Bové en passant par les trotskystes (dont trois branches participent à la course présidentielle), elles ne sont pas venues à la Mutualité ; pour ces hémiplégiques de l’indignation, seules comptent en effet 1) les victimes musulmanes, certes ; 2) mais uniquement victimes de non musulmans, par exemple de dommages collatéraux en Afghanistan, en Irak ou à Gaza ... il ne fallait donc pas compter sur eux à la Mutualité, pleine à craquer ce 20 mars
... mais franchement ce ne fut pas une perte ! Trois candidats à l’élection présidentielle sont venus parler à la tribune, dont deux « grands » : Ségolène Royal, François Bayrou et Dominique Voynet. Nicolas Sarkozy (qui avait signé les résolutions, comme les autres candidats présents), a fait lire par sa représentante, Nicole Guedj, un message où il s’engageait à prendre des sanctions unilatérales contre le Soudan. Mais le « clou » de ce meeting fut la lecture par Bernard-Henri Lévy, d’un message de soutien de Jacques Chirac, menaçant lui aussi le gouvernement de Khartoum (voir en lien). Ségolène Royal et François Bayrou, quant à eux, ont pris l’engagement de boycotter les Jeux Olympiques de Pékin, en 2008, en raison de l’obstruction chinoise à toute résolution contraignante à l’ONU sur le Soudan !
Deux remarques, pour finir.
D’abord ces prises de position montrent que, lentement, à propos du Darfour comme du nucléaire iranien, le leadership politique français se réveille. Mais il est bien dommage que le « grand public », celui qui ne lit que des « gratuits » ou ne suit que les actualités à la télé, reste à la traîne de l’info, car sur ce genre de médias le Darfour reste traité bien furtivement. Il est heureux que Chirac - le support le plus fidèle des pires régimes du monde arabe - ait pris, tardivement, cette position ; mais le « grand public » donc, celui qui ne voit le Monde extérieur qu’au travers des froncements de sourcils à la télévision de son Président de la République (froncements de sourcil qui encouragent à désigner, par 66 % des Français, Israël comme le pays ayant l’influence la plus négative sur les affaires internationales, selon une enquête fameuse de BBC World), le grand public donc qui, toujours d’après ce sondage, a une meilleure opinion de la Chine que des États-Unis, ne sait strictement rien du trouble jeu chinois en Afrique. Il faudra donc lui expliquer, et cela sera très, très long !
Ensuite, je voudrais donner un grand coup de chapeau à Jacky Mamou, le président du collectif « Urgence Darfour ». Ancien responsable de « Médecins du Monde », spécialiste des ONG de terrains, il leur consacre une émission spéciale tous les quinze jours ... sur notre radio, Judaïques FM ! J’ai consacré une émission au Darfour, c’était il y a déjà deux ans (voir en libellé ci-dessous, ainsi que tous les articles déjà publiés sur le sujet). Il sera temps, aussi, d’en reparler et je serais très heureux de le recevoir dans ma série.
J.C