Cette illustration assez explicite se trouve à cette adresse sur le site « Liberty Vox ». Dans une « lettre ouverte » au Ministre de l’Intérieur, François Eiffel (alias « FFL ») lui reproche sa mollesse dans l’affaire Redeker, le traitant en gros de lâche. Même si je soutiens la suggestion d’inculper pour incitation au meurtre l’horrible Youssouf al-Qaradawi - ce prédicateur vedette de la chaîne Al-Jazeera qui n’en était pas avec Redeker à son coup d’essai -, je trouve naturellement inadmissible l’outrance d’une telle charge : question courage vis-à-vis des menaces islamistes, Nicolas Sarkozy en a témoigné à deux reprises, avant cette affaire à propos de l’affaire des caricatures de Mahomet et après, en venant il y a quelques semaines témoigner au procès de « Charlie Hebdo ». Mais sur le fond, bien entendu, il ne lui est pas pardonné d’avoir tenté d’aider l’islam de France à s’organiser, et les Musulmans à pratiquer leur religion dans des conditions dignes : à partir du moment où la ligne générale est « pas de différence entre islam politique et islam tout court », tout candidat aux élections présidentielles qui ne considèrerait pas toutes les mosquées de France comme des repères de terroristes serait un complice des islamistes : sic. On aura compris que, à sa droite, Nicolas Sarkozy reçoit les bordées d’injures de ceux qui ne lui pardonnent ni la mise sur pied du C.F.C.M (Conseil Français du Culte Musulman), ni son idée (sur laquelle il est devenu bien silencieux) de revoir la Loi de 1905 pour aider au financement du culte musulman - et le soustraire ainsi aux dollars « wahhabites » en provenance du Golfe. Fausse bonne idée est-on en droit de penser, mais de là à le caricaturer comme dans cet article ... Pendant ce temps, Jean-Marie Le Pen - qui godille maintenant entre deux eaux : essayer de récupérer des voix musulmanes dans les banlieues en tapant contre les États-Unis et en racolant des antisémites comme Dieudonné ; consolider son fond de commerce xénophobe et raciste en tapant contre les « étrangers », immigrés ou enfants d’immigrés -, vient d’en rajouter une louche contre son concurrent (lire ici). D’après une dépêche Reuters, il a au cours de son meeting à Marseille « multiplié les banderilles à l'encontre du « promoteur de la discrimination positive » et de « l'immigration positive », de celui qui a « institutionnalisé l'Islam de France » et aidé à la « construction des mosquées » en France. »
Et pendant ce temps-là, à gauche, on reprend, en gros, le discours caricature de Laurent Fabius : Sarkozy c’est le candidat « atlantiste » (autre sujet, qui mérite un article à part), « libéral » (idem) et « communautariste » (comprendre : qui veut réorganiser la société sur la base de communautés religieuses). Sur le fond de cette troisième accusation, n’ayant ni ma carte de l’UMP ni le pouvoir de sonder les intentions profondes du candidat, je ne vais pas jouer les avocats. Mais je trouve particulièrement injuste le fait qu’on lui balance à la figure, sans arrêt, cette mise sur pied du C.F.C.M sur laquelle avaient déjà « planché » des Ministres de l’Intérieur de droite (Pasqua) ou de gauche (Chevènement). Que le culte musulman soit doté, comme par exemple le Judaïsme d’une sorte de Consistoire, n’a rien de répréhensible et n’interdit pas aux « laïcs » parmi eux de s’organiser en associations ou en fédération d’associations - car le C.F.C.M ne les force pas plus à devenir pratiquants que le Consistoire ne force tous les Juifs à respecter les commandements de leur religion ! En tout cas, je trouve particulièrement instructif cet extrait d’un article récent de « Libération », où - tout en dénonçant sa « chasse aux voix musulmanes » qui est incontestable - les journalistes ne lui font pas « porter le chapeau » du cafouillage actuel du C.F.C.M ...
Libération, le 26 février 2007
Sarkozy, ou la grande récup’ des voix de l’islam
Christophe Boltanski et Catherine Coroller
« Rivalités et contraintes
En mai 2002, Nicolas Sarkozy arrive au ministère de l'Intérieur sans grande connaissance du dossier. Que faire de l'épineuse consultation sur l'islam initiée par la gauche, en 2000, en vue de l'élection d'une instance représentative du culte musulman. Les grandes associations, Grande Mosquée de Paris (proche de l'Algérie), Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans), Fédération nationale des musulmans de France (FNMF, proche du Maroc), y sont associées. Sarkozy se donne le temps de la réflexion. Le dossier piétine. Les rivalités entre les tendances de l'islam empêchent tout accord sur le mode d'élection. Mais le climat se dégrade avec une forte augmentation des actes antisémites. La question de la création d'une instance musulmane censée prêcher le calme dans les quartiers apparaît plus urgente. Sarkozy prend le dossier en main. Se dépensant sans compter là où ses prédécesseurs ont délégué à leurs conseillers, allant jusqu'à «séquestrer» les associations musulmanes tout un week-end dans un château appartenant au ministère de l'Intérieur, il les contraint à se mettre d'accord. Les trois principales fédérations se répartissent la direction du futur CFCM. En avril 2003, le tout premier Conseil français du culte musulman est élu.
Peau de banane de Chirac et Villepin
Une semaine plus tard, Sarkozy est l'invité d'honneur de la 20e rencontre annuelle de l'UOIF au Bourget. Soudain, alors qu'il a été accueilli en «ami», le ministre de l'Intérieur durcit le ton. Devant une salle bondée, hommes et femmes séparés, ces dernières pour la plupart voilées, il rappelle l'obligation pour tous les Français, y compris les «musulmanes», de poser tête nue sur la photo figurant sur la carte d'identité. Bronca, sifflets. Fin de la lune de miel ? En réalité, le ministre marche sur des œufs. Ses «amis» politiques de droite lui reprochent d'avoir fait le jeu des «intégristes» l'UOIF en leur ouvrant la porte du CFCM. Par son coup de gueule du Bourget, Sarkozy entend montrer sa fermeté envers les fondamentalistes. Le CFCM fonctionne mal. Les fédérations qui le composent continuent à s'entre-déchirer. Pour qu'il n'implose pas, Sarkozy doit le porter à bout de bras. A intervalles réguliers, il reçoit les frères ennemis musulmans en tête à tête place Beauvau et se bat pied à pied pour les convaincre de ne pas démissionner. Du coup, les dossiers dont le CFCM est censé s'occuper, dont la formation des imams, n'avancent pas.
A partir de 2003, Chirac et Villepin glissent une peau de banane sous le pied de Sarkozy en agitant de nouveau la question du voile. Le président de la République et le Premier ministre veulent une loi interdisant le port du foulard à l'école. Le ministre de l'Intérieur est contre. Le texte sera voté en mars 2004, juste avant le départ de Sarkozy pour le ministère de l'Economie.
A son retour place Beauvau, le 2 juin 2005, Sarkozy retrouve un CFCM toujours divisé. Entre-temps, une forte personnalité en a claqué la porte avec fracas. Dounia Bouzar incarnait un islam féminin et moderne. «Sarkozy me parlait de Boubakeur [recteur de la Mosquée de Paris et président depuis l'origine du CFCM, ndlr] comme de mon chef de troupe. « Ecoutez votre chef de troupe », me disait-il. C'était le Concordat revu par la vieille gestion coloniale, sur le mode : les Arabes parlent aux Arabes.» Aucune réunion ne se déroulait sans la présence d'un représentant du ministère de l'Intérieur. Les consignes étaient données le matin lors d'un petit-déjeuner avec Sarkozy lui-même.
Mais, entre le ministre de l'Intérieur et le CFCM, le désamour va croissant. En mars 2006, Sarkozy clôt une énième brouille entre les organisations musulmanes sur un tonitruant : «Démerdez-vous !» En janvier, lorsqu'il vante à la presse son bilan, il ne fait aucune allusion à l'instance représentative musulmane. Coup de grâce : le 8 février, il prend position pour Charlie Hebdo, contre la Mosquée de Paris et l'UOIF, qui poursuivent le magazine devant les tribunaux pour avoir publié les caricatures de Mahomet. «L'électorat musulman ne compte pas de manière significative dans sa campagne», conclut alors Fouad Alaoui, secrétaire général de l'UOIF. »
Et pendant ce temps-là, à gauche, on reprend, en gros, le discours caricature de Laurent Fabius : Sarkozy c’est le candidat « atlantiste » (autre sujet, qui mérite un article à part), « libéral » (idem) et « communautariste » (comprendre : qui veut réorganiser la société sur la base de communautés religieuses). Sur le fond de cette troisième accusation, n’ayant ni ma carte de l’UMP ni le pouvoir de sonder les intentions profondes du candidat, je ne vais pas jouer les avocats. Mais je trouve particulièrement injuste le fait qu’on lui balance à la figure, sans arrêt, cette mise sur pied du C.F.C.M sur laquelle avaient déjà « planché » des Ministres de l’Intérieur de droite (Pasqua) ou de gauche (Chevènement). Que le culte musulman soit doté, comme par exemple le Judaïsme d’une sorte de Consistoire, n’a rien de répréhensible et n’interdit pas aux « laïcs » parmi eux de s’organiser en associations ou en fédération d’associations - car le C.F.C.M ne les force pas plus à devenir pratiquants que le Consistoire ne force tous les Juifs à respecter les commandements de leur religion ! En tout cas, je trouve particulièrement instructif cet extrait d’un article récent de « Libération », où - tout en dénonçant sa « chasse aux voix musulmanes » qui est incontestable - les journalistes ne lui font pas « porter le chapeau » du cafouillage actuel du C.F.C.M ...
Libération, le 26 février 2007
Sarkozy, ou la grande récup’ des voix de l’islam
Christophe Boltanski et Catherine Coroller
« Rivalités et contraintes
En mai 2002, Nicolas Sarkozy arrive au ministère de l'Intérieur sans grande connaissance du dossier. Que faire de l'épineuse consultation sur l'islam initiée par la gauche, en 2000, en vue de l'élection d'une instance représentative du culte musulman. Les grandes associations, Grande Mosquée de Paris (proche de l'Algérie), Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans), Fédération nationale des musulmans de France (FNMF, proche du Maroc), y sont associées. Sarkozy se donne le temps de la réflexion. Le dossier piétine. Les rivalités entre les tendances de l'islam empêchent tout accord sur le mode d'élection. Mais le climat se dégrade avec une forte augmentation des actes antisémites. La question de la création d'une instance musulmane censée prêcher le calme dans les quartiers apparaît plus urgente. Sarkozy prend le dossier en main. Se dépensant sans compter là où ses prédécesseurs ont délégué à leurs conseillers, allant jusqu'à «séquestrer» les associations musulmanes tout un week-end dans un château appartenant au ministère de l'Intérieur, il les contraint à se mettre d'accord. Les trois principales fédérations se répartissent la direction du futur CFCM. En avril 2003, le tout premier Conseil français du culte musulman est élu.
Peau de banane de Chirac et Villepin
Une semaine plus tard, Sarkozy est l'invité d'honneur de la 20e rencontre annuelle de l'UOIF au Bourget. Soudain, alors qu'il a été accueilli en «ami», le ministre de l'Intérieur durcit le ton. Devant une salle bondée, hommes et femmes séparés, ces dernières pour la plupart voilées, il rappelle l'obligation pour tous les Français, y compris les «musulmanes», de poser tête nue sur la photo figurant sur la carte d'identité. Bronca, sifflets. Fin de la lune de miel ? En réalité, le ministre marche sur des œufs. Ses «amis» politiques de droite lui reprochent d'avoir fait le jeu des «intégristes» l'UOIF en leur ouvrant la porte du CFCM. Par son coup de gueule du Bourget, Sarkozy entend montrer sa fermeté envers les fondamentalistes. Le CFCM fonctionne mal. Les fédérations qui le composent continuent à s'entre-déchirer. Pour qu'il n'implose pas, Sarkozy doit le porter à bout de bras. A intervalles réguliers, il reçoit les frères ennemis musulmans en tête à tête place Beauvau et se bat pied à pied pour les convaincre de ne pas démissionner. Du coup, les dossiers dont le CFCM est censé s'occuper, dont la formation des imams, n'avancent pas.
A partir de 2003, Chirac et Villepin glissent une peau de banane sous le pied de Sarkozy en agitant de nouveau la question du voile. Le président de la République et le Premier ministre veulent une loi interdisant le port du foulard à l'école. Le ministre de l'Intérieur est contre. Le texte sera voté en mars 2004, juste avant le départ de Sarkozy pour le ministère de l'Economie.
A son retour place Beauvau, le 2 juin 2005, Sarkozy retrouve un CFCM toujours divisé. Entre-temps, une forte personnalité en a claqué la porte avec fracas. Dounia Bouzar incarnait un islam féminin et moderne. «Sarkozy me parlait de Boubakeur [recteur de la Mosquée de Paris et président depuis l'origine du CFCM, ndlr] comme de mon chef de troupe. « Ecoutez votre chef de troupe », me disait-il. C'était le Concordat revu par la vieille gestion coloniale, sur le mode : les Arabes parlent aux Arabes.» Aucune réunion ne se déroulait sans la présence d'un représentant du ministère de l'Intérieur. Les consignes étaient données le matin lors d'un petit-déjeuner avec Sarkozy lui-même.
Mais, entre le ministre de l'Intérieur et le CFCM, le désamour va croissant. En mars 2006, Sarkozy clôt une énième brouille entre les organisations musulmanes sur un tonitruant : «Démerdez-vous !» En janvier, lorsqu'il vante à la presse son bilan, il ne fait aucune allusion à l'instance représentative musulmane. Coup de grâce : le 8 février, il prend position pour Charlie Hebdo, contre la Mosquée de Paris et l'UOIF, qui poursuivent le magazine devant les tribunaux pour avoir publié les caricatures de Mahomet. «L'électorat musulman ne compte pas de manière significative dans sa campagne», conclut alors Fouad Alaoui, secrétaire général de l'UOIF. »
Enfin, le candidat UMP a été épinglé par Caroline Fourest sur son blog (en lien permanent ici). Nicolas Sarkozy en flagrant délit d'incompétence à propos d'Al-Qaïda, tel est le titre du « post » que vous trouverez en lien. Ceci à propos d’une interview sur RMC le 26 février (vous en trouverez le podcast sur cet article), où le Ministre de l’Intérieur (qui devrait pourtant être parfaitement au clair sur le sujet) s’est « emmêlé les pinceaux » en ne sachant pas précisément si la mouvance de Ben Laden était sunnite ou chiite ... Bien étrange réponse ! Ignore-t-il que ce Saoudien, issu d’une richissime famille, ne pouvait être issu de la minorité chiite, méprisée dans son pays ? Qu’il a eu comme professeurs des frères musulmans expulsés par Nasser, donc sunnites purs sucre ? Qu’en Afghanistan son organisation avait été protégée par les Talibans, eux-mêmes des Sunnites persécuteurs de leur propre minorité chiite, dans l’Ouest du pays ? Mais enfin - et surtout - que feu Al-Zarkaoui, ex chef d’Al-Qaïda en Irak et grand massacreur de Chiites, a tenu des propos carrément génocidaires à leur égard ? Si Sarkozy pense que l’extrémisme terroriste pouvait se trouver chez l’une comme l’autre des branches de l’islam, alors là il n’y a rien à dire. Mais Al-Qaïda est sunnite, et il n’a pas bien répondu à la question !
Deux dernières notes, à propos du C.F.C.M : d’abord le souvenir de mon interview, très instructive, de Didier Leschi, le Directeur du Bureau des Cultes au Ministère de l’Intérieur en juillet dernier. Et puis à propos de Dounia Bouzar, citée dans l’article de « Libé » et dont j’ai eu le plaisir de faire la connaissance l’année dernière, vous annoncer qu’elle fera partie de mes prochains invités !
J.C