De gauche à droite : le représentant des Musulmans des Comores, Madame Nicole Guedj, ancien ministre, le Mufti de la Grande Mosquée de Paris, le Recteur Si Dalil Boubakeur, Gildas le Bideau président de la Fraternité d'Abraham, Jean Tibéri maire du 5 ème arrondissement,et Bernard Kanovitch représentant du Crif
Comme je vous le rapportais le soir même du 25 mars (lire ici), la Fraternité d’Abraham a célébré avec beaucoup d’éclat ses 40 ans, lors d’une « Journée internationale du dialogue ».
On en trouvera, d’abord et ci-dessus, un petit reportage photographique que je dois à mon ami Vincent Pilley, un infatigable militant du dialogue interreligieux, lui-même ... bouddhiste, et devenu un proche d’Emile Moatti, mon vieux complice de Judaïques FM et d’ailleurs !
Quelques mots, d’abord, des objectifs fixés il y a 40 ans par les fondateurs de la Fraternité d’Abraham, Si Hamza Boubakeur, le père du Recteur actuel de la Grande Mosquée de Paris, André Chouraqui, Jacques Nantet et le Révérend Père Riquet. Voici un extrait du manifeste fondateur, adopté très courageusement le 7 juin 1967, en pleine Guerre des Six Jours, alors que tout dialogue paraissait impossible entre Juifs et Musulmans !
« Apportant le témoignage que le monde attend d’eux, des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans - dans le respect absolu de leurs religions et confessions - ont décidé de s’unir pour prendre conscience de tout ce qui, depuis Abraham, constitue leur commun patrimoine spirituel et culturel, mais aussi pour travailler ensemble à la réconciliation effective de tous les descendants d’Abraham et pour libérer le monde des méfaits de la haine, des violences fanatiques, des orgueils de la race et du sang, en lui révélant les sources authentiques et divines d’un humanisme fraternel ».
Quel beau programme ! ... et qui n’a pas pris une ride, même si hélas on est encore très loin du compte 40 ans après. Plusieurs intervenants, lors des discours que j’ai entendus à la Grande Mosquée ou plus tard lors du colloque, ont rappelé qu’alors et en particulier pour deux des fondateurs disparus, le Révérend Père Riquet et Jacques Nantet, le souvenir encore vif de la Shoah, avait porté, par un sentiment d’urgence humanitaire, le dialogue entre les confessions monothéistes : il s’agissait en priorité d’en finir avec des siècles « d’enseignement du mépris » vis-à-vis des Juifs, et, pour l’Église Catholique d’après Vatican II, de renoncer définitivement à la conversion finale des fidèles des autres religions. Le chemin parcouru a depuis été immense entre Juifs et Chrétiens, mais malheureusement, entre l’islam et « les autres », l’après 11 septembre a rendu plus difficile le dialogue - depuis, plus précisément la révolution « khomeyniste » de 1979 qui a refait de cette religion un projet politique révolutionnaire.
Quel beau programme ! ... et qui n’a pas pris une ride, même si hélas on est encore très loin du compte 40 ans après. Plusieurs intervenants, lors des discours que j’ai entendus à la Grande Mosquée ou plus tard lors du colloque, ont rappelé qu’alors et en particulier pour deux des fondateurs disparus, le Révérend Père Riquet et Jacques Nantet, le souvenir encore vif de la Shoah, avait porté, par un sentiment d’urgence humanitaire, le dialogue entre les confessions monothéistes : il s’agissait en priorité d’en finir avec des siècles « d’enseignement du mépris » vis-à-vis des Juifs, et, pour l’Église Catholique d’après Vatican II, de renoncer définitivement à la conversion finale des fidèles des autres religions. Le chemin parcouru a depuis été immense entre Juifs et Chrétiens, mais malheureusement, entre l’islam et « les autres », l’après 11 septembre a rendu plus difficile le dialogue - depuis, plus précisément la révolution « khomeyniste » de 1979 qui a refait de cette religion un projet politique révolutionnaire.
Mais revenons à la journée du 25 mars : son programme a été d’un œcuménisme parfait : réception tôt le matin à la Grande Synagogue de la Victoire par le Grand Rabbin Gilles Bernheim ; puis à la Grande Mosquée de Paris, où une plaque fut apposée (la plupart des photos y ont été prises) ; puis il y eut un colloque à la Mairie du sixième arrondissement, sous la présidence du penseur et écrivain catholique René Guitton (visitez son site en lien : j’y ai découvert qu’il a consacré un livre à Abraham) ; ont pris la parole Antoine Sfeir, l’orientaliste bien connu qui s’est défini publiquement, lui le franco-libanais laïc et né maronite, comme un « fils d’Abraham » ; Gildas Le Bideau, président de la Fraternité ; Gérard Israël, historien et philosophe ; le Révérend Père Dericke, théologien ; le Pasteur Jean Arnold de Clermont, président de la Fédération Protestante de France ; Djelloul Seddiki, président de l’institut de théologie de la Grande Mosquée de Paris ; et Maurice Reuben Hayoun, écrivain et philosophe, qui a en conclusion rappelé la figure du Patriarche Abraham, le « père commun » aux trois grands monothéismes : un homme qui n’a rien écrit, par lui-même, mais dont la Bible nous a laissé le souvenir d’un dévouement exceptionnel à son Créateur et aux siens, et dont la « tente était ouverte à l’étranger » ; et il a cité Renan, parlant de l’Orient qui a enfanté les grandes religions et où « quelques lieues seulement séparent Jérusalem du Sinaï et le Sinaï de La Mecque » ; il est des raccourcis, à la fois historiques et géographiques, qu’il est bon de rappeler ! Celui-là m’inspire - de façon strictement personnelle et par un atavique sentiment de la fragilité juive - que ce genre de proximité peut à la fois construire une filiation et balayer dans les vents du désert les héritiers les plus faibles.
Enfin, en apothéose, la journée fut clôturée (voir photo), par des lecture et des chants de l’autre côté de la place, dans la magnifique Église Saint Sulpice avec les chorales des scouts musulmans, juive « Chiva ve Simha » et du Temple de Plaisance Ridder, ainsi que les voix de Marisa Berenson, Nadia Samir, Robert Hossein, Smaïn ; une journée magnifique s’achevait ainsi, alors que (mais cela est devenu une habitude), les grands média avaient boudé cette manifestation : les « Hommes de bonne volonté » font-ils moins recette que les fanatiques ? Ou alors - et plusieurs participants au colloque l’ont évoqué - les religions ont-elles mauvaise presse par les temps qui courent, où toute la société vit une crise des valeurs ? Et cela, même si (et ce fut rappelé, surtout avec brio par le R.P Dericke et par Gérard Israël) les plus lucides des Juifs, Chrétiens et Musulmans ont compris ce qu’ils doivent à la laïcité ; et assument parfaitement - c’était le titre du colloque - « la responsabilité des religions abrahamiques dans la cité ».
J.C