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18 novembre 2005

« Recherche psychiatre désespérément »

Sans doute faudrait-il être psychiatre pour expliquer au public quels effets produisent sur le système nerveux des chocs électriques. Sans doute faudrait-il être psychiatre, mais aussi gynécologue, pour expliquer les sévices sexuels, les passages à tabac, tout l’appareil de torture que l’homme peut inventer pour détruire son semblable. Il faudrait encore être psychiatre pour expliquer comment un homme peut arriver à trouver du plaisir - car il s’agit bien de plaisir - dans cette violence. Les psychiatres qui ont travaillé sur les camps de concentration d’Hitler ou de Staline auraient beaucoup de choses à raconter. Mais finalement, ce n’est pas tant de psychiatres qu’ont besoin ces cinq infirmières bulgares et ce Palestinien enfermés dans les prisons libyennes, après avoir subi les pires tortures : ils auraient plutôt besoin d’un orateur, d’un avocat, d’une conscience à figure humaine. Ce que la France se vantait d’avoir : des intellectuels.

Certes, le vingtième siècle nous a laissés blasés : après la Shoah, le nazisme, le stalinisme, les massacres au Rwanda, au Soudan, et les victimes que nous ne citons pas nous pardonneront, il y a de quoi être lassés. Pourtant, les peuples d’Europe loin d’être écœurés, ont gardé la réaction à fleur de peau : en France, en Espagne, en Italie, au Royaume Uni, en Allemagne, les peuples ont défilé pour s’opposer à la guerre que les Etats-Unis menaient contre le régime de Saddam Hussein ; l’affaire des « prisons de Guantanamo » a secoué l’opinion. En France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Royaume Uni, les peuples sont très vigilants quand ils jugent des opérations militaires israéliennes. D’une manière générale, l’Europe entière est très susceptible dès que l’on en vient à la manière dont sont traités les Musulmans. Qu’il s’agisse de ceux qui sont vivants, ou de ceux qui sont morts - la France fait un travail de mémoire remarquable sur son passé colonial, particulièrement en Algérie.

Cette fixation atteint cependant rapidement sa limite : les morts ne doivent pas occulter les vivants. Plus encore, quand les vivants sont sur le point de devenir des morts. Et pour ce qui concerne les Musulmans, le flou qui entoure la désignation est un inconvénient : pourquoi est-ce que les Musulmans qui incendient, tuent, prêchent la haine, torturent, mériteraient plus que les autres cette compréhension muette ou argumentée ? Et pourquoi faudrait-il toujours se taire lorsque les bourreaux sont des Musulmans et les victimes ... la plupart du temps des Musulmans, mais aussi et souvent des Chrétiens et des Juifs ? Les violences que nous voyons ne sont pas des violences ethniques ni même une guerre de religions. La ligne de partage n’est ni religieuse ni nationale : la ligne de partage est politique et morale. C’est en ce sens que l’on peut parler de « guerre de civilisations ». Et le fait que ce soit « dans la patrie des Droits de l’Homme » que l’on refuse absolument de le comprendre nous interpelle drôlement.

Car il faudrait sans doute un psychiatre pour répondre à cette question : qu’est devenue la France ? Pourquoi voit-on ses citoyens - de droite comme de gauche - compromis dans cette collaboration, car il n’y a pas d’autres mots ? Pour ce qui est de ses hommes politiques, il n’est en effet point besoin de psychiatre pour répondre à la question : la réponse est à chercher du côté de calculs géopolitiques, électoraux et sociaux hasardeux, ainsi que du côté des affaires et des banques. Mais pour ce qui est de son peuple, de ses intellectuels, mais aussi de ses hommes d’église, que faut-il dire ? Ou est donc passée la voix de l’Europe tandis qu’on torture impunément en Libye ? L’U.E est bien intervenue et il y a une vraie partie de bras de fer en coulisses ... mais en silence, loin du feu des projecteurs : ce ne sont que des Bulgares, pas encore dignes, comme nous, de faire la leçon au reste du Monde !

Isabelle Rose,
Jérusalem