Près de la commune de Corcos (Espagne)
C’était
il y a maintenant un peu plus de 40 ans. Je découvrais, émerveillé, la fameuse
« Encyclopaedia Judaïca », Encyclopédie en langue anglaise dont la
première version venait de sortir au début des années 70. Et je ne fut pas peu
fier de voir que la famille Corcos avait eu les honneurs de près d’une page et
demie ! Comme je l’appris plus tard, cet article avait été écrit par un
érudit du même patronyme, David Corcos, lui-même historien de la communauté
marocaine et qui s’était naturellement intéressé à sa propre généalogie.
Bien
plus tard, il y a quelques années, j’ai eu le plaisir d’échanger avec son fils,
Sidney, grâce au réseau Facebook. Nous avons même eu le plaisir de nous
rencontrer lors de l’un de ses passages à Paris. Il a eu la gentillesse de
m’adresser deux documents, l’un qui est une version réactualisée de l’article
de l’Encyclopédie, enrichie par ses propres recherches, publiée sous le titre
« The Corcos family » dans le « Journal of jewish
genealogy, Sharsheret Hadorot », hiver 2000, volume 14 n°2 ; et
l’autre qui est une monographie consacrée aux familles juives qui ont vécu dans
le port marocain de Mogador, aujourd’hui Essaouira. Impossible, bien sûr,
d’esquisser un résumé de cette documentation si précieuse, mais je voudrais
juste partager dans le cadre de ces « mois du Maroc » quelques
éléments essentiels, rattachant les maillons des Diasporas entre lesquelles a
cheminé ma famille.
D’abord
l’origine, clairement espagnole
Traduction
du début de l’article de Sidney Corcos
« La
saga de la famille Corcos a commencé il y a mille ans en Espagne et est
considérée comme l'une des plus anciennes familles juives séfarades. Dès le
10ème siècle, on trouve les noms Corcos, Carcosa et Carcause en Espagne. Selon
la tradition familiale, la famille serait originaire de la ville de Corcos
(province de Valadolid en Castille (Espagne). Cette ville existe toujours, mais
lors de notre visite, aucune trace d'une présence juive n'a été trouvée. On
sait qu'il y avait une famille le nom de Carcosa en Catalogne aux XIIIe et XIVe
siècles, d'après certains chercheurs, ce nom et cette famille sont originaires
de la ville de Carcassonne (sud de la France).
Avec
l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492, la famille fut dispersée dans divers
pays, dont le Portugal (Yehuda Ben Abraham Corcos) et l'Italie (David Corcos,
fondateur de la branche italienne). »
Ensuite,
un séculaire enracinement en Afrique du Nord
Suite
de l’article
« D'autres
membres de la famille sont arrivés en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Ceux qui
sont venus au Maroc ont fondé cette branche de la famille et ont été les plus
prospères de toutes les branches. Ils ont profondément marqué l'histoire de la
communauté juive marocaine. Pendant environ 500 ans, ils ont fait partie
intégrante de l'histoire sociale, économique et politique du Maroc. C’est la
branche à laquelle appartient ma propre famille et qui est décrite dans cet
article. »
Evocation
rapide de la branche tunisienne
« Abraham
Corcos, également de Fès (décédé vers 1575), fut nommé dayyan à Tunis et sa
tombe attire toujours les pèlerins. »
Or, un
triste évènement m’a fait évoquer cet illustre personnage sur mon blog en 2015,
dans un article intitulé "Rabbi
Messaoud El Fassi, un ancêtre profané" : j’évoquais, avec des photos inédites,
la profanation de sa tombe. Mais, comme vous le lirez en allant sur ce lien, je
m’interrogeais aussi sur sa véritable date de décès : Sidney Corcos
reprend celle de l’Encyclopaedia Judaïca, donc la situe au 16ème
siècle ; alors que des sources tunisiennes, et en particulier dans
l’article dédié sur Wikipedia, le situe deux siècles plus tard : un point
à encore éclaircir !
L’illustre
branche marocaine
Impossible
donc de vous résumer l’article sur l’histoire de la famille Corcos, centrée
autour de la branche marocaine qui fut et la plus nombreuse, et celle qui
laissa l’empreinte la plus forte à travers les siècles. Outre la ville de Fès
d’où était donc originaire mon ancêtre, c’est à Marrakech qu’ils s’illustrèrent
en particulier, avec surtout la figure de Joshua Corcos, le « millionnaire
du Mellah », personnalité d’une grande générosité et dont l’enterrement en
1929 fut suivi par des milliers de juifs et de musulmans ; dans le cadre
de la rénovation récente de cet ancien quartier juif, la plaque portant son nom
a été apposée dans une rue. Pendant plusieurs générations, des Corcos eurent le
privilège d’être des « Tajjar al Sultan » (marchands du sultan),
jouant un grand rôle dans l’économie du Royaume. C’est à ce titre, en
particulier, qu’ils firent partie des familles juives qui bâtirent, puis firent
prospérer le port de Mogador, aujourd’hui Essaouira. L’historien Michel
Abitbol, qui fut mon invité à la radio, a dit d’ailleurs qu’une de ses toutes
premières publications portait sur les relations entre la famille Corcos et les
Sultans !
Originaire
lui-même de Mogador, ayant vécu à Agadir mais parti en Israël en 1960, juste
avant le terrible tremblement de terre qui devait faire des milliers de
victimes, David Corcos (1917-1975) y fut un pionnier dans la recherche
historique sur les Juifs du Maroc ; il publia 300 articles dans
l’Encyclopaedia Judaïca, et dénonça les discriminations dont ils étaient alors
victimes dans la société israélienne. Ses enfants furent eux parfaitement
intégrés dans le pays, devenant officiers dans l’armée et prenant part aux
guerres d’usure (1970), du Kippour (1973) et du Liban (1982). Sidney Corcos,
outre donc une passion héritée de son père pour l’histoire et la généalogie,
est zoologiste et directeur du Musée National d’Histoire Naturelle de
Jérusalem.
J.C