Nous retrouverons Pierre
Vermeren pour l’émission de dimanche prochain. Rappelons qu’il est professeur
d’histoire à l’Université Paris Panthéon Sorbonne, et un grand spécialiste du
Maghreb. Nous continuerons de parler de son dernier livre, « Dissidents du
Maghreb » (éditions Belin), co-écrit avec Madame Khadija Mohsen-Finan, politologue
et membre du laboratoire Sirice auquel il est également attaché : un
ouvrage de 350 pages, plein d’informations sur un sujet peu connu, celui des
hommes et des femmes qui ont combattu des régimes autoritaires pendant les
décennies qui ont suivi les indépendances. Il y a deux semaines, mon invité
avait présenté à nos auditeurs le contexte historique des premières décennies
après l’indépendance au Maroc, en Algérie et en Tunisie, pour éclairer les
affrontements souvent cruels entre des pouvoirs autoritaires et les oppositions
diverses. J’ai intitulé notre prochaine émission « Maghreb, dissidences
plurielles », et nous allons parler des espaces de luttes qui n’ont pas
été ceux des partis politiques, mais plutôt de ce qu’on pourrait appeler la
société civile, médias, ligues des droits de l’homme, minorités ethniques, etc.
Parmi les questions que je
poserai à Pierre Vermeren :
-
Au moment de l’indépendance, les trois pays se
sont tous définis comme « arabes », alors même que les Berbérophones
sont 60% de la population en 1960. Le cas de l’Algérie est vraiment particulier,
en raison de l’importance des Kabyles dans tous les domaines non spécifiquement
liés à leur identité, comme la culture, les Droits de l’Homme, les médias, la
recherche universitaire à Alger ou en France : comment
l’expliquez-vous ?
-
L’identité berbère va mettre une vingtaine
d’année pour apparaitre sur le devant de la scène : ce sera le « Printemps
kabyle » en 1980 avec des manifestations, puis au printemps 2001 à nouveau
des manifestations, avec quatre fois plus de tués : mais ces deux révoltes
populaires n’ont pas été inspirées par des politiques : qu’est-ce qui a
cristallisé ces deux évènements ? On a l’impression aussi que la culture « amazight »
a été beaucoup plus facilement reconnue au Maroc : pourquoi ?
-
Les Ligues des Droits de l’Homme ont joué un
rôle considérable dans les trois pays, en particulier en Algérie et en Tunisie,
où il y a eu des régimes à parti unique quasiment jusqu’à la fin des années 80.
Comment Bourguiba puis Ben Ali ont-ils géré cette Ligue ? Et comment les défenseurs des Droits de
l’Homme, en Tunisie comme en Algérie ont-ils fait face à la très forte
répression des islamistes dans les années 90, alors que leurs propres dirigeants
étaient plutôt laïcs ?
-
Concernant les médias, vous donnez des éléments
accablants au chapitre 7 : aujourd’hui, l’Algérie se situe au 134è rang
mondial pour la liberté de la presse, le Maroc juste avant, et la Tunisie –
malgré la révolution de 2011 – est à la 97è place. On a l’impression que seule
l’apparition d’Internet a pu avoir un effet libérateur. Pourquoi la presse vous
semble quand même plus dynamique en Algérie, pays fermé, qu’au Maroc qui nous
est plus proche
-
On sait que ce sont autant si ce n’est plus les
pesanteurs des sociétés du Maghreb que les gouvernements qui rendent quasiment
impossible l’affirmation de l’athéisme ou de l’homosexualité. Dans les trois
pays, l’islam est religion d’Etat – de façon plus ambigüe en Tunisie :
mais vous dites que le respect des codes de la religion est le plus étouffant
au Maroc : pourquoi ?
-
Vous évoquez dans votre dernier chapitre les
révoltes populaires d’avant 2011, et puis d’après, et on découvre plusieurs
éléments communs aux trois pays du Maghreb : d’abord il y a eu des
mouvements populaires dans les années 2000 qui annonçaient les « printemps
arabes » et qu’on n’a pas voulu voir, qui ont eu lieu dans des zones
pauvres et périphériques – Gafsa en Tunisie, Kabylie, Sud Algérien ; cela
continue après 2011, par exemple le mouvement du Hirak dans le Rif
marocain : ces mouvements spontanés hors encadrement politique ou syndical,
peuvent-ils renverser les régimes ?
Encore un entretien passionnant sur ces pays si proches de
la France : soyez nombreux au rendez-vous !
J.C