Le Roi Mohammed VI à la prière pour l'Aïd Al-Fitr,
Mosquée Al-Mohammedia de Casablanca, juillet 2016
S’il est un pays où l’athéisme
est devenu presque impossible, c’est le Maroc. Après avoir subi les putschs de
1971 et 1972 et orchestré l’opération saharienne, Hassan II a davantage
instrumentalisé son rôle de commandeur des croyants. De même, son fils Mohammed
VI, après les attentats islamistes de 2003, a monopolisé à son seul profit l’interprétation
de la loi coranique (devenant de ce fait le grand mufti de son royaume, et
soumettant toutes les autorités religieuses, a fortiori le musulman lambda, à sa primauté dans l’interprétation
et la jurisprudence).
Si cette prérogative a pu conduire à des interprétations
libérales de la charia (la voie divine), comme démontré par la réforme du code
de la famille, qui a par exemple interdit de
facto la polygamie et autorisé les femmes à demander le divorce, en fait
elle s’accompagne en retour d’un respect formel du cadre juridique et
conceptuel instauré par la doctrine de l’islam sunnite. Outre de nombreuses
prescriptions religieuses dont beaucoup ont été codifiées dans le droit positif
de l’Etat chérifien à l’époque de Lyautey (contrôle de la sexualité, du respect
des interdits sexuels et religieux …), la règlementation marocaine et les mœurs
en vigueur imposent aux citoyens musulmans de se conformer au style (présumé) de
vie islamique.
Cela n’empêche pas, très concrètement, des millions de citoyens
de s’affranchir de ce cadre de vie selon leur bon plaisir. Mais la conscience
de franchir les limites autorisées est d’autant plus vive que la famille, la
communauté ou les autorités sont toujours fondées à spécifier qu’un interdit
islamique et législatif a été franchi : par exemple, toute personne ayant
bu de l’alcool, ayant rompu le jeûne collectif ou étant confondue de relations
sexuelles hors mariage est passible d’un emprisonnement immédiat en vertu de la
loi. La punition et la sanction ne sont qu’une question de circonstances et d’appréciation.
Khadija Mohsen-Finan et Pierre
Vermeren
« Dissidents de du
Maghreb », Editions Belin, page 172