Des enseignants racontent, dans la
presse et sur les réseaux sociaux, que certains de leurs élèves ne condamnent
pas l'attaque contre "Charlie Hebdo". Loin de là.
Une fracture profonde traverse-t-elle la France ? La
réaction de certains enfants face à l'attentat contre Charlie Hebdo le
fait penser, tous ne condamnent pas l'attaque. Des professeurs et des élèves en
témoignent.
Au lycée Paul-Eluard de Saint-Denis un colis suspect a
été découvert, vendredi dans la salle des professeurs, raconte Le Monde. A
l'intérieur, il n'y avait pas de bombe mais des câbles et un détonateur,
assurent deux élèves. Dessus, un mot disait "Je ne suis pas
Charlie".
"Ils auraient pu ne tuer
que" Charb
Tous les élèves ont participé à la minute de silence.
Mais certains à contre-cœur. "Moi, la minute de silence, je ne voulais
pas trop la faire", reconnaît Marie-Hélène, 17 ans, "je ne
trouvais pas juste de leur rendre un hommage car ils ont insulté l'islam, et
les autres religions aussi."
"Je l'ai fait pour ceux qui ont été tués, mais
pas pour Charlie [Charb],
le mec qui a dessiné. Je n'ai aucune pitié pour lui. Il a zéro respect pour
nous, les musulmans. Mais ce n'était pas la peine de tuer douze personnes. Ils
auraient pu ne tuer que lui", assène Abdel 14 ans, collégien de 4e au
collège Pierre-de-Geyter de Saint-Denis.
"C'est normal qu'on se
venge"
Dans la très grande majorité des cas, tout s'est bien
déroulé lors de la minute de silence, jeudi 8 janvier à midi, mais certains cas
de perturbation de la minute de silence par des élèves ont été signalés au
ministère de l’Éducation.
Une enseignante a confié au Point les
provocations ayant accompagné la minute de silence observée jeudi après la
tuerie à Charles Hebdo, qui a fait douze morts et quatre blessés graves.
Cette professeure dans un collège classé REP de l'académie de Grenoble, dont le
nom n'est pas donné, voulait rappeler, suivant les instructions du ministère, "que
l'école était là pour transmettre les valeurs de la République".
Elle a donc commencé par un échange avec sa classe de
5e, "composée de collégiens de 12 ans en moyenne", silencieux.
L'un d'eux lui a tout de même demandé : "Pourquoi respecter une
minute de silence pour des gens que je ne connaissais pas ?" Ce qui a
choqué d'autres élèves.
Cette provocation n'est rien, continue-t-elle, par
rapport à ce que d'autres de ses collègues ont dû endurer : "Durant la
minute de silence, dans les autres classes, il y a eu plusieurs expulsions
d'élèves, les uns parlaient, disaient des choses affreuses, les autres
rigolaient." Le débat ne s'est pas toujours mieux passé que la
minute de silence. L'après-midi, une de ses élèves de 4e lui a dit : "Madame, on
ne va pas se laisser insulter par un dessin du prophète, c'est normal qu'on se
venge. C'est plus qu'une moquerie, c'est une insulte !"
"Moi j'suis pour ceux qui l'ont
tué"
Sur Facebook cette fois, une autre enseignante, Julie
Gresh, confie son désarroi. Ainsi commence son billet : "Putain,
sortez-moi de ce collège pourri où je vis depuis 10 ans et où je suis
accueillie à 8 h ce matin par des 'Moi j'suis pour ceux qui l'ont tué',
tenter l'éducation par la langue 'Alors, raconte-moi, c'est qui ton 'L' ? Parce
que dans mes souvenirs récents, il faudrait un COD pluriel.' 'Wesh ben l'autre
là, Charlie.' Tenter la discussion. Baisser les armes. Foutre dehors la
plus virulente. Rester avec les autres."
Elle poursuit par une action pédagogique :
"Projeter le documentaire d'Arte sur le difficile métier de caricaturiste
avec des interviews venues d'Iran, des USA, d'Allemagne, de Palestine. Me faire
limite insulter par un barbu prépubère qui me dit : 'Ouais, Madame, ça se fait
pas ce que vous avez dit là.' 'Ah bon, quoi ?' 'Ben qu'y a une meuf qui
surfait avec Mahomet sur la vague, sur l'Coran ça s'fait pas' lorsque j'avais
utilisé l'expression 'surfer sur la vague' pour évoquer l'attitude des médias
parfois. Entendre d'une gamine que j'adore, grande gueule et intelligente
: 'Ben ouais, non, franchement, tuer ça se fait pas. Encore y aurait que
ceux qui ont fait les dessins, j'dirais rien, mais là, y a les
autres.'" Le post se termine par : "Demander ma
mutation."
Source : France TV info,
9 janvier 2015