Dorothée Schmid
Tout
d'abord une précision, pour mes auditeurs qui seront étonnés de ne pas m'entendre
évoquer dans cette émission les terribles attentats que nous venons de
connaitre à Paris. En fait, j'ai réalisé le même jour (7 janvier) les deux
parties de mon entretien avec mon invitée, au moment où nous ne savions rien
encore de l'attaque terroriste contre "Charlie Hebdo".
Ce
sera donc la deuxième émission d'une série spéciale que j'ai décidé de
consacrer à la question kurde au Moyen-Orient. En effet, ce peuple de plus de
40 millions habitants attire enfin l'attention des médias, depuis qu'une coalition
internationale s'est dressée contre l'effroyable guerre de conquête menée par
l'Etat islamique, ou "Daesh" : en pratique, et on l'a vu en Syrie
comme en Irak, les seules unités combattantes à leur résister sur le terrain sont
les forces kurdes, alors même que les Arabes sunnites ont, à l'exception de
certains états engagés par leur aviation, une attitude très frileuse. Pour en
parler, j'aurai à nouveau le plaisir de m'entretenir avec Madame Dorothée Schmid.
Pour rappel, elle est responsable du programme « Turquie
contemporaine » à l’Institut Français des Relations Internationales
(IFRI), et elle a dirigé plusieurs livres et numéros spéciaux à l'IFRI ou ailleurs,
sur la Turquie mais aussi sur la question kurde. La dernière émission - que
j'avais intitulée "Turquie, Syrie, Kurdes : une partie à trois" -,
avait permis de faire un point approfondi sur les Kurdes de Syrie et sur leur
positionnement dans la guerre civile actuelle, avec bien sûr en arrière plan la
Turquie, ce pays où vivent la majorité des Kurdes - plus de 20 millions. Cette
fois-ci nous parlerons de l'Irak, un pays éclaté qui lui a connu les pires
violences depuis l'intervention américaine. Quelques soient les reproches,
justifiés, que l'on puisse faire a posteriori à cette intervention, elle a
aussi démontré que "l'état nation irakien" état bien fragile, et aujourd'hui
on a une implosion, entre les Sunnites et les Chiites. Mais les Kurdes
irakiens, eux, ont mis à profit ces dix ans pour assurer leur emprise là où ils
sont majoritaires et, où peut-être demain, ils seront indépendants : et ce sera
le sujet de cet entretien.
Parmi
les questions que je poserai à Dorothée Schmid :
-
Après la Première Guerre Mondiale et le
démembrement de l'Empire Ottoman, le Traité de Sèvres en 1920, avait prévu
l'autonomie pour les zones kurdes du Moyen-Orient, en vue d'une indépendance :
celle-ci n'est jamais arrivée. Il y a eu des soulèvements armés, pourtant aucun
élan de solidarité, aucune résolution des Nations-Unies ne sont jamais venus en
soutien à leur cause. Et on a vraiment l'impression que ce peuple
"gêneur", volontairement oublié par les grandes puissances, vient
d'être aussi "redécouvert" par des journalistes, peu curieux sur ce
qui sort de leurs grilles de lecture car ils ne sont ni arabes, ni juifs : qu'en
pensez vous ?
-
Quand avait commencé l'insurrection armée
contre le régime de Bagdad, est-ce que c'était avant Saddam Hussein ? Est-ce
qu'il y avait eu, comme avec la Turquie, des trêves ou une guerre ininterrompue
? Quels étaient les leaders historiques de la rébellion kurde ? Et comment
sont-ils arrivés, à partir de la Guerre du Golfe de 1991, à établir petit à
petit un territoire autonome ?
-
Tout le monde se souvient des images
terribles de la fuite des Yézidis d'Irak en direction des zones kurdes, alors
qu'ils risquaient vraiment d'être massacrés par les fanatiques du Daesh ; mais
il y a eu aussi l'exode de centaines de milliers de Chrétiens qui ont fui vers
le Nord. Pourquoi ne sont-ils pas allés vers Bagdad, ou dans le Sud ? Est-ce
qu'il ne faut pas y voir une preuve que les Kurdes, qui sont en majorité de
religion musulmane sunnite mais avec aussi la pratique minoritaire d'autres
confessions, sont finalement plus tolérants que les autres populations de la
région ?
-
Projetons-nous dans l'avenir, en espérant que
l'ennemi commun des Kurdes irakiens et du gouvernement de Bagdad soit
définitivement écrasé, ce qui peut prendre des années : une indépendance totale
du Kurdistan est-elle possible ? Il semble difficile à la majorité arabe du pays
de l'accepter, pour deux raisons : c'est la zone la plus riche en eau, et
surtout une des zones pétrolifères de l'Irak ; et les populations sont
mélangées par endroits, surtout à Mossoul qui est la capitale régionale. Une
résolution "gagnant-gagnant" pour les uns et les autres vous
semble-t-elle possible ?
-
Pourquoi parle-t-on si peu des Kurdes d'Iran,
qui semblent plutôt avoir, comme les Kurdes d'Irak, soutenu ce pays ? Est-ce
parce que ce peuple a finalement plus de liens de parenté, par son origine
ethnique et surtout par sa langue, avec les Perses qu'avec les Arabes ?
Un
sujet rarement évoqué en profondeur par nos médias : soyez nombreux à l'écoute
!
J.C