Illustration
du magazine Mahdi
Source :
Khaledalameddine.wordpress.com
Tiré à 30.000 exemplaires, le
magazine Mahdi propose aux jeunes lecteurs des jeux et des récits à la gloire
notamment des martyrs.
Dans la revue enfantine du Hezbollah libanais, les
héros ne sont pas des princes, des fées ou des sorcières, mais des « résistants
tombés contre l’ennemi israélien ». Depuis 11 ans, le puissant parti chiite,
avec son magazine illustré Mahdi, inculque aux enfants son idéologie
sacro-sainte de « résistance » contre l’Etat hébreu, sa raison d’être depuis sa
création dans les années 1980. Il leur offre des récits fictifs inspirés de la
vie des combattants du Hezbollah (Parti de Dieu, en arabe), des puzzles représentant
ces guérilleros barbus ou encore des dessins enseignant à l’enfant comment
éviter les mines.
L’un de ces récits conte l’histoire d’un combattant
qui fait détonner une bombe contre une patrouille israélienne au cours de
l’occupation du sud du Liban. Dans un autre, le « héros » Amer confie à sa mère
sous le sceau du secret qu’il part mener « une opération pour tomber en
martyr ». Il se fait exploser, tuant et blessant 25 militaires israéliens (voir
des illustrations sur ce blog
). Tiré à 30.000 exemplaires, dont 26.000 distribués par les écoles, le mensuel
porte le nom de l’imam al-Mahdi (IXe siècle), le dernier des 12 imams vénérés
par les chiites.
« Les exploits la Résistance »
« Nous voulons inculquer aux enfants les valeurs de
la résistance », explique Abbas Charara, le directeur général du magazine. Il
réfute néanmoins toute propagande belliqueuse. « Nous n’encourageons pas au
port d’armes, mais nous leur faisons connaître les exploits la Résistance
(Hezbollah) ». « On leur dit ’tout comme ces grands ont résisté et vaincu, vous
pouvez aussi résister et vaincre, tout d’abord en vous éduquant » ,
explique-t-il.
Jeune lectrice de huit ans, Zahraa, qui est née alors
que son père combattait l’armée israélienne, indique « aimer les histoires de
résistance et les jeux sympas » de Mahdi. Bête noire d’Israël depuis sa
création en 1982 par les Gardiens de la révolution iranienne, le Hezbollah a mené d’innombrables opérations
meurtrières contre les troupes de l’État hébreu, les poussant à se retirer du
Liban en 2000 après 22 ans d’occupation. Il a déclenché en 2006 une guerre en
enlevant deux soldats israéliens, entraînant une riposte dévastatrice d’Israël
qui n’a pas réussi à neutraliser ce parti, qui se présentera en vainqueur.
L’imaginaire des enfants
Le Hezbollah revendique sa profonde influence
iranienne et la revue en fait de même. Sa rubrique « Le meilleur des leaders »
familiarise ainsi les enfants à l’ayatollah Khomeini, fondateur de la
République islamique d’Iran. Outre le principe de « résistance », le magazine
veut graver dans l’esprit de ses lecteurs de 4 à 17 ans leur appartenance au
chiisme. Les puzzles représentent la Mosquée d’Al-Aqsa à Jérusalem, lieu saint
de l’islam, Sayeda Zeinab, important lieu de pèlerinage près de Damas, ou
encore des combattants portant la bannière de Hussein, un imam vénéré du
chiisme.
Pour Fatima Charafeddine, auteur de littérature pour
enfants, l’insistance de la revue « sur l’identité religieuse sans véritable
mention de l’identité libanaise pousse l’enfant à privilégier son appartenance
communautaire à celle de son pays ». « En outre, le magazine va trop loin en
plaçant les armes et la violence dans l’imaginaire des enfants. C’est vraiment
dangereux ». Mais, selon M. Charara, la revue va au-delà de la thématique
politico-religieuse pour encourager les jeunes à lire et approfondir leurs
connaissances.
Grenade et arme automatique
Mahdi comprend en effet des articles sur des
écrivains, des scientifiques et des personnages historiques comme Alexandre le
Grand, Victor Hugo, Albert Einstein ou encore Thomas Edison. Mais ses pages
« ludiques » encouragent l’enfant à colorier les « objets utilisés par un
résistant », telle une grenade ou une arme automatique. Et à dessiner un
« chemin pour éviter » les bombes à sous-munitions laissées par les Israéliens
dans le sud du Liban.
La revue n’est pas le seul moyen du Hezbollah pour
toucher les jeunes. Sur le site internet « Ilaab wa Qawem » (« Joue et
résiste », en arabe), l’internaute trouve des jeux inspirés de ses opérations.
L’un d’eux, le « cimetière des envahisseurs », lui propose de « tirer une
balle » sur un soldat israélien. Avec comme slogan: « Israël disparaîtra
inévitablement ».
Les Echos, le 2 décembre 2014
Source AFP