du Président Moubarak
(photo Reuters, 7 avril 2008)
Introduction :
Je reproduis ci-dessous un article inquiétant publié il y a quelques semaines dans le journal "les Echos" à l’occasion des élections municipales en Égypte. Où il est question des "émeutes du pain" qui ont éclaté là-bas comme dans plusieurs pays du Tiers Monde, suite à la flambée du prix des denrées de première nécessité. Et où on a l’impression d’un divorce de plus en plus net entre le régime et les couches populaires ... Un article bien dans l'actualité du sommet de la F.A.O à Rome, où les grands de ce monde ont parlé de la sécurité alimentaire, et des besoins des populations qui vont augmenter de 50% dans une vingtaine d'années.
J.C
Je reproduis ci-dessous un article inquiétant publié il y a quelques semaines dans le journal "les Echos" à l’occasion des élections municipales en Égypte. Où il est question des "émeutes du pain" qui ont éclaté là-bas comme dans plusieurs pays du Tiers Monde, suite à la flambée du prix des denrées de première nécessité. Et où on a l’impression d’un divorce de plus en plus net entre le régime et les couches populaires ... Un article bien dans l'actualité du sommet de la F.A.O à Rome, où les grands de ce monde ont parlé de la sécurité alimentaire, et des besoins des populations qui vont augmenter de 50% dans une vingtaine d'années.
J.C
Boycottées par les Frères musulmans, les élections municipales, hier, en Égypte se sont déroulées dans un climat social et politique très tendu en raison de la hausse du prix du pain.
Les élections municipales se sont déroulées dans un calme tout relatif, hier, en Égypte, sur fond de graves tensions provoquées par la flambée des prix du pain. La présence policière était massive aux alentours des bureaux de vote, au lendemain d'émeutes violemment réprimées dans la ville industrielle de Mahallah al-Koubra. Lors de véritables batailles rangées avec des policiers armés de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, 7.000 manifestants y ont piétiné le portrait d'Hosni Moubarak. Une offense rarissime envers le raïs, dans ce pays qui vit sous état d'urgence depuis son arrivée au pouvoir en 1981.
Cet acte symbolique ainsi que les slogans hostiles au régime montrent que la question du coût de la vie (« Les Echos » du 1er avril) prend une tournure politique. L'impasse dans laquelle se trouve le régime a aussi été illustrée, lundi soir, par l'annonce du boycott du scrutin par le parti islamiste des Frères musulmans, officiellement interdit mais, en fait, toléré. Il est vrai que la plupart de leurs candidats ont été ces dernières semaines victimes de rafles policières ou de refus d'enregistrement de la part de la commission électorale. Seulement 21 d'entre eux avaient été autorisés à concourir, aux côtés d'un millier d'opposants du parti libéral Wafd ou des communistes du Tagammou, alors que l’Égypte compte 52.000 municipalités... Le taux de participation au scrutin était, d'ailleurs, particulièrement faible hier, selon des ONG.
Le régime peut craindre de nouveaux embrasements dans les prochains jours, même si à Mahallah les 24.000 ouvriers de la plus grande usine textile du pays n'ont pas mis à exécution leur menace d'une grève générale.
Six heures d'attente par jour
Au total, depuis dimanche, près de 300 personnes ont été arrêtées et 90 blessées, dont 30 parmi les forces de l'ordre. Un mort est à déplorer. C'est de Mahallah qu'était parti il y a deux ans un mouvement de contestation qui avait gagné toute la filière, stratégique s'il en est, puisque le textile représente le deuxième secteur industriel du pays. Comme la majorité des Egyptiens, dont un gros tiers vivent sous le seuil de pauvreté (2 dollars par jour), les ouvriers ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Aux difficultés ordinaires de la vie quotidienne engendrées par une transition chaotique entre planification nassérienne, source de gabegie et de pénurie, et embryon de libéralisme, s'est ajoutée depuis le début de l'année une flambée des prix du pain due aux tensions sur les cours internationaux du blé. Or les 80 millions d’Égyptiens sont les plus gros consommateurs de pain du monde, avec 400 grammes par jour et par personne. Le baladi, du pain subventionné, est bien vendu depuis vingt ans au prix de 0,10 euro les 100 grammes, soit 13 fois moins que le prix du marché libre. Mais il faut près de six heures d'attente par jour pour repartir avec un maximum d'une dizaine de galettes par jour et par famille. En outre, la farine subventionnée est coupée avec de la sciure ou détournée au profit des boulangeries privées. Le quotidien gouvernemental « Al Ahram » affirme que 12.000 trafiquants de farine ont été arrêtés.
Yves Bourdillon,
« Les Echos », 9 avril 2008
Les élections municipales se sont déroulées dans un calme tout relatif, hier, en Égypte, sur fond de graves tensions provoquées par la flambée des prix du pain. La présence policière était massive aux alentours des bureaux de vote, au lendemain d'émeutes violemment réprimées dans la ville industrielle de Mahallah al-Koubra. Lors de véritables batailles rangées avec des policiers armés de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, 7.000 manifestants y ont piétiné le portrait d'Hosni Moubarak. Une offense rarissime envers le raïs, dans ce pays qui vit sous état d'urgence depuis son arrivée au pouvoir en 1981.
Cet acte symbolique ainsi que les slogans hostiles au régime montrent que la question du coût de la vie (« Les Echos » du 1er avril) prend une tournure politique. L'impasse dans laquelle se trouve le régime a aussi été illustrée, lundi soir, par l'annonce du boycott du scrutin par le parti islamiste des Frères musulmans, officiellement interdit mais, en fait, toléré. Il est vrai que la plupart de leurs candidats ont été ces dernières semaines victimes de rafles policières ou de refus d'enregistrement de la part de la commission électorale. Seulement 21 d'entre eux avaient été autorisés à concourir, aux côtés d'un millier d'opposants du parti libéral Wafd ou des communistes du Tagammou, alors que l’Égypte compte 52.000 municipalités... Le taux de participation au scrutin était, d'ailleurs, particulièrement faible hier, selon des ONG.
Le régime peut craindre de nouveaux embrasements dans les prochains jours, même si à Mahallah les 24.000 ouvriers de la plus grande usine textile du pays n'ont pas mis à exécution leur menace d'une grève générale.
Six heures d'attente par jour
Au total, depuis dimanche, près de 300 personnes ont été arrêtées et 90 blessées, dont 30 parmi les forces de l'ordre. Un mort est à déplorer. C'est de Mahallah qu'était parti il y a deux ans un mouvement de contestation qui avait gagné toute la filière, stratégique s'il en est, puisque le textile représente le deuxième secteur industriel du pays. Comme la majorité des Egyptiens, dont un gros tiers vivent sous le seuil de pauvreté (2 dollars par jour), les ouvriers ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Aux difficultés ordinaires de la vie quotidienne engendrées par une transition chaotique entre planification nassérienne, source de gabegie et de pénurie, et embryon de libéralisme, s'est ajoutée depuis le début de l'année une flambée des prix du pain due aux tensions sur les cours internationaux du blé. Or les 80 millions d’Égyptiens sont les plus gros consommateurs de pain du monde, avec 400 grammes par jour et par personne. Le baladi, du pain subventionné, est bien vendu depuis vingt ans au prix de 0,10 euro les 100 grammes, soit 13 fois moins que le prix du marché libre. Mais il faut près de six heures d'attente par jour pour repartir avec un maximum d'une dizaine de galettes par jour et par famille. En outre, la farine subventionnée est coupée avec de la sciure ou détournée au profit des boulangeries privées. Le quotidien gouvernemental « Al Ahram » affirme que 12.000 trafiquants de farine ont été arrêtés.
Yves Bourdillon,
« Les Echos », 9 avril 2008