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11 décembre 2007

Mes invités libanais ...


Rappelons d’abord un des principes qui guide ma série radiophonique : n’inviter que des hommes ou des femmes maîtrisant parfaitement le thème retenu pour l’émission du jour.
Facile à dire ... mais dans la pratique, la « peopolisation » de la politique et le mélange des genres sur les plateaux télé sont devenus des véritables plaies, les auditeurs ou téléspectateurs n’ayant même plus l’impression d’entendre des incompétents discuter de l’actualité ! Rappelons à ce sujet ce que disait Denis Jeanbar, ancien directeur de la rédaction du journal "L’Express", dans son efficace pamphlet « Les dictateurs à penser » (Editions du Seuil) : il descendait en flammes ce qu’il appelait le "magic circus de l’info", avec (à l’époque) des émissions comme "Tout le monde en parle" d’Ardisson sur France 2 (Laurent Ruquier a depuis pris la relève, mais sur un mode moins agressif) ; il parlait de la confusion des genres, avec des plateaux où on fait parler politique à des vedettes du porno ou à des héros du "loft", et où l’applaudimètre fait office de démocratie ; et il écrivait très justement : « fini le « je pense je suis », maintenant c’est « il réagit, donc il est ». Reconnaissons aussi que, faute de temps (notre station ne dispose que de 4h30 d’heures de diffusion par jour, et les plages des émissions ne dépassent pas le matin une durée maximum de 25 minutes), ce petit jeu de la dispersion des invités et de la dilution des discours ne peut guère être pratiqué !

Autre dérive (mais cela, les auditeurs de la fréquence juive le savent un peu), il y a cette facilité qui consiste à inviter des experts à la compétence réelle, mais qui correspondent à la "ligne" générale de la station : ainsi sont invités de préférence des experts plutôt "pro israéliens", non forcément "communautaires" mais qui ne peuvent, dans ces conditions et même si leur discours parait sympathique, aller facilement dans des pays voisins et hostiles d’Israël - donc apporter un témoignage concret et non académique ...
Or le Liban constitue clairement un exemple des limites du genre ! Territoires palestiniens exclus, c’est le seul pays ayant connu de réels conflits avec l’État juif au cours des 25 dernières années, conflits ayant causé des milliers de morts et des destructions lourdes. Le ressenti anti-israélien y est très fort, largement au-delà des franges fanatiques du Hezbollah, et on se souvient de la sortie du Premier Ministre Fouad Siniora au lendemain de la guerre de l’été 2006 : « le Liban sera le dernier état arabe à signer la Paix avec Israël « !

Pas facile, dans ces conditions, de recevoir des invités libanais. D’ailleurs, les nationaux résidents au Liban pourraient être physiquement inquiétés dans leur pays, pour être passé sur les ondes d’une radio "sioniste", même émettant de Paris ! Restent les "franco-libanais", ayant quitté leur pays en majorité au moment de la guerre civile : et j’ai reçu ainsi Antoine Sfeir à cinq reprises, Khattar Abou Diab une fois (au lendemain de "La révolution des cèdres" en 2005), et Chawki Freiha quatre fois au cours des deux dernières années.

Quelques rappels et mots d’explication ...

- Antoine Sfeir est, par son origine, un chrétien maronite (il est d’ailleurs apparenté au Patriarche de cette communauté, Monseigneur Nasrallah Boutros Sfeir), mais il se définit comme libre penseur et profondément laïc : à ce titre, il a courageusement démonté et dénoncé les mouvances islamistes, en particulier dans son livre « Les réseaux d’Allah. Les filières islamistes en France et en Europe » (Éditions Plon) qui avait fait l’objet d’une émission, puis dans « Le dictionnaire mondial de l’islamisme », du même éditeur et qui avait fait l’objet aussi d’une émission (taper son nom en libellé pour entendre une de ses interviews sur le blog). Directeur des « Cahiers de l’Orient », il est régulièrement invité par les chaînes de radio et de télévision. Il a pris, par contre, dernièrement des positions très prudentes en ce qui concerne la situation dans son pays, en critiquant assez durement à la fois Israël et les États-Unis pour la situation au Moyen Orient.

- Khattar Abou Diab est politologue, consultant et conférencier dans différentes institutions universitaires (École de journalisme de Lille, Collège interarmées de Défense, etc.). Il a été enseignant aux Universités de Paris III, VII et XI. Spécialiste de l’Islam et du Moyen Orient, il écrit notamment pour les revues « les Cahiers de l’Orient » et « Arabies ». Il a participé au "Dictionnaire mondial de l'islamisme", publié donc sous la direction d’Antoine Sfeir, son ami libanais. Mais surtout, il présente l’originalité d’être Druze, très proche de cette minorité mal connue qui, sous la direction de la famille Joumblat, a été successivement pro et anti-syrienne. Lorsque je l’ai reçu, il avait eu des propos très sévères pour la Syrie, que l’on pourra retrouver également en tapant sur son nom en libellé.

- Enfin (pourquoi le nier), je me sens particulièrement proche de Chawki Freiha, ancien collaborateur d’Elisabeth Schemla dans le journal en ligne disparu "proche-orient.info" et qui a depuis lancé avec succès le site « mediarabe.info », en lien permanent sur le blog. Lui aussi chrétien maronite, il dispose d’un réseau assez bien informé sur place, ce qui lui permet de livrer même certains « scoops » (ainsi, les tentatives d’approches réciproques entre la France et la Syrie au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy, ou les profils de certains candidats à la présidence libanaise présentés à tort comme "de consensus"). Je me souviens de deux émissions particulièrement émouvantes, réalisées pendant et juste après la guerre de l’été 2006, où nous avions évoqué son pays qui venait de payer un lourd tribu à un conflit provoqué par le Hezbollah, pour lequel il n’éprouve nulle sympathie !

J.C