Rechercher dans ce blog

03 décembre 2007

La mosaïque libanaise, ou l’impossible découpage

Carte tirée du site de la documentation française (lien ici)
(pour agrandir, cliquer sur l’image)

Un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours ... et cette carte des confessions au Liban en est une belle illustration !

Comme vous le savez certainement, la population libanaise est constituée d’une véritable mosaïque de religions. Le Ministère de l’Intérieur y a dénombré 16 confessions différentes, et on peut trouver sur l’article de Wikipedia consacré à ce pays un état des inscrits sur les listes électorales pour l'année des 2000 : c’est que, au Liban - République confessionnelle dont le Président, le Premier Ministre et les Députés sont répartis selon des quotas communautaires -, les électeurs sont définis d’abord par catégorie religieuse. Là-dessus, les chiffres que vous lirez laissent songeurs : où sont passés les près de 6000 Juifs inscrits, alors que cette communauté n’a quasiment pas survécu aux multiples conflits israélo-arabes - et à une guerre civile de quinze ans ? Le pourcentage donné pour les Chiites est quasiment le même que pour les Sunnites (environ 25 %), alors que la première population est en forte expansion démographique - ou alors ces chiffres sont le reflet de la grande jeunesse des premiers, les moins de 18 ans ne votant pas ; de la même manière, les Chrétiens (dont une bonne partie de la jeunesse a émigré) représenteraient ainsi un pourcentage électoral relativement plus important que leur population.

Il n’y a pas eu de recensement au Liban depuis 1932, et à l’époque les Chrétiens représentaient 55 % de la population : ainsi s’explique leur prééminence dans les institutions nationales, avant et après l’indépendance (1943). Les accords de Taëf, signés en Arabie Saoudite en 1989, ont abouti à une redéfinition de la répartition des pouvoirs, au détriment des Chrétiens qui avaient - pour parler vite - été les perdants de la guerre civile, sanctionnée elle-même par l’occupation du pays par les Syriens. Aujourd’hui, et après bien des retournements, la communauté sunnite (ex-alliée de Damas et des Palestiniens), craint les Chiites soutenus à la fois par la Syrie et l’Iran, Chiites qui réclament à leur tour un « redécoupage du gâteau » tenant compte de leur nouveau poids démographique (probablement 40 % de la population totale) ... Mais même les chiffres sont sujets à polémiques (voir l’article particulier de Wikipedia consacré à la démographie du Liban), car encore une fois on ne dispose pas de recensement précis ; et, aux Libanais, s’ajoutent les 400.000 Palestiniens (en majorité nés dans le pays et dont les parents ou grands-parents ont fui Israël en 1948), plus des centaines de milliers de « travailleurs », en majorité introduits par la Syrie lorsqu’elle contrôlait le pays !

Après des décennies de conflits, ouverts ou larvés ; après les 150.000 morts de la guerre civile ; après avoir constaté que (surtout pendant la dernière guerre déclanchée par le Hezbollah contre Israël), certaines communautés ne se faisaient pas du tout la même idée que d’autres de l’avenir du pays - grosso-modo : les Chrétiens et les Sunnites visent un avenir paisible sous la protection de l’Occident ; les Chiites dominés par le Hezbollah souhaitent que le Liban reste un pays du « front » contre l'état juif - certains Libanais ont rêvé de transformer leur République en état fédéral ou confédéral. Cette carte, en peau de léopard, indique que ce serait bien difficile tant les populations sont imbriquées : ou alors il faudrait procéder à des déplacements massifs de population, à la manière de ce qu’a connu l’ex-Yougoslavie au sortir de sa propre guerre civile. Par ailleurs, il faut également prendre en compte la ville de Beyrouth et sa banlieue, où vivent la majorité des Libanais (environ 2,5 millions sur 4), poumon économique où sont représentés la quasi-totalité des confessions. 

J.C