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02 décembre 2007

Fouad Siniora, portrait inédit


Le Cox du jour
- décembre 2007


"Patron" en théorie du Liban en tant que Premier Ministre (les accords de Taëf ayant redonné à sa fonction la prééminence sur celle de Président de la République), Fouad Siniora méritait certainement de figurer dans ce dossier consacré à son pays. Pourtant, rien ne le prédisposait a priori à la politique, dans ce pays où les dirigeants des partis sont souvent membres de véritables clans familiaux. Et ce sexagénaire (il est né en 1943) à l'allure austère de technocrate n'était pas doté d'un charisme exceptionnel, une légère déformation faciale - au niveau de la bouche - n'étant pas faite pour arranger les choses ... 
Pour une fois, notre caricaturiste a plutôt été gentil par rapport à la réalité !
Technocrate, Fouad Siniora l'a été assurément au début de sa carrière, qui l'a vu travailler dans les hautes sphères de la banque, avant de diriger le comité d'audit de la Banque Centrale du Liban. Puis sa route croise, à nouveau, celle de son ami d'enfance Rafiq Hariri qui a bâti un empire commercial et financier, se taillant la part du lion dans la reconstruction du pays après la guerre civile (le fameux groupe "Solidere"). Lorsque Hariri devient Premier Ministre dans les années 90 - avec alors la bénédiction de la Syrie -, Siniora devient Ministres des Finances. Puis le vent tourne, et le nouveau favori de Damas - Émile Lahoud également surnommé 'le Pétain libanais" - lui cherche noise en l'accusant de corruption ... accusation dont il sera lavé. Suite au retour aux affaires de Hariri, Fouad Siniora va revenir aux finances, et devenir la cheville ouvrière de la "conférence de Paris II" qui - grâce en particulier à l'amitié très étroite entre Rafiq Hariri et Jacques Chirac - va voir apurée une partie de la dette publique du Liban, en échange d'un début de transparence dans la gestion du pays. Vrais maîtres du pays, les Syriens ne font rien pour répondre aux attentes internationales, et de ce moment là date (au moins en partie), la disgrâce finale de Hariri, puis sa "condamnation à mort" puisqu'il est assassiné le 14 février 2005.
De ce moment date le basculement de la communauté sunnite et de son principal parti politique, le "Courant du Futur" auquel appartient Siniora : ils rejoignent l'opposition libanaise de l'époque, principalement constituée début 2005 par divers partis chrétiens allié aux Druzes de Walid Joumblat. "L'Alliance du 14 mars" (du nom de la gigantesque manifestation de Beyrouth qui a précédé le départ des troupes syriennes) gagne les élections, puis constitue un gouvernement d'union nationale, auquel participent tous les partis (sauf celui du Général Aoun). Six ministres chiites, dont trois du Hezbollah, vont ainsi participer à un "cabinet schizophrène" (pour reprendre l'expression d'un journaliste libanais), qui par exemple ne sera pas au courant de l'attaque lancée contre Israël par le Hezbollah en juillet 2006, ne la cautionnera pas, mais se déclarera solidaire lors des 33 jours de guerre ...
Quelques mois plus tard, et alors que le Liban a payé d'un prix très lourd cette provocation inutile, Siniora et son cabinet vont vivre les limites des arrangements politiciens "à la sauce libanaise" : parce qu'ils refusent le principe d'un tribunal international devant juger les assassins de Rafiq Hariri, les six ministres chiites démissionnent d'un bloc en novembre 2006 - déclarant du même coup "inconstitutionnel" le gouvernement ! Maniant à la fois les mouvements de foule (le "sit-in" du Hezbollah devant le "Sérail", siège du gouvernement) et l'intimidation violente (une série d'assassinats de députés qui réduisent la majorité parlementaire à quatre députés), la Syrie et ses alliés acculent Siniora soit à la confrontation, soit à la soumission. Et - pour ne rien arranger -, son gouvernement doit : mater (péniblement) un coup de force islamiste dans le camp palestinien de Nahr El Bared ; assister (impuissant) au réarmement du Hezbollah par une frontière syro-libanaise poreuse et où les forces de l'ONU n'ont même pas le mandat de patrouiller ; et trouver un candidat de consensus pour une élection présidentielle reculée de mois en mois !
J.C