Introduction :
D’abord, partir du vrai dossier « à charge » instruit contre le Pape. Ses déclarations mardi dernier 12 septembre devant l’université de Ratisbonne, dans son Allemagne natale, ont propagé une tempête de protestation furieuse dans le monde musulman, dont on ne sait pas - comme pour l’affaire des caricatures de Mahomet au début de l’année - quelle est la part de l’indignation sincère et de la manipulation des islamistes. Je suis donc partie de la source la plus officielle qui soit (l’agence de presse catholique « Zenit ») pour chercher le discours considéré comme une offense : on trouvera le texte complet des déclarations de Benoît XVI sur ce lien. Ci-dessous, la partie la plus polémique.
J.C
« Tout cela me revint en mémoire récemment à la lecture de l'édition publiée par le professeur Theodore Khoury (Münster) d'une partie du dialogue que le docte empereur byzantin Manuel II Paléologue, peut-être au cours de ses quartiers d'hiver en 1391 à Ankara, entretint avec un Persan cultivé sur le christianisme et l'islam et sur la vérité de chacun d'eux. L'on présume que l'Empereur lui-même annota ce dialogue au cours du siège de Constantinople entre 1394 et 1402; ainsi s'explique le fait que ses raisonnements soient rapportés de manière beaucoup plus détaillées que ceux de son interlocuteur persan. Le dialogue porte sur toute l'étendue de la dimension des structures de la foi contenues dans la Bible et dans le Coran et s'arrête notamment sur l'image de Dieu et de l'homme, mais nécessairement aussi toujours à nouveau sur la relation entre - comme on le disait - les trois « Lois » ou trois « ordres de vie »: l'Ancien Testament - le Nouveau Testament - le Coran. Je n'entends pas parler à présent de cela dans cette leçon ; je voudrais seulement aborder un argument - assez marginal dans la structure de l'ensemble du dialogue - qui, dans le contexte du thème « foi et raison », m'a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce thème.
D’abord, partir du vrai dossier « à charge » instruit contre le Pape. Ses déclarations mardi dernier 12 septembre devant l’université de Ratisbonne, dans son Allemagne natale, ont propagé une tempête de protestation furieuse dans le monde musulman, dont on ne sait pas - comme pour l’affaire des caricatures de Mahomet au début de l’année - quelle est la part de l’indignation sincère et de la manipulation des islamistes. Je suis donc partie de la source la plus officielle qui soit (l’agence de presse catholique « Zenit ») pour chercher le discours considéré comme une offense : on trouvera le texte complet des déclarations de Benoît XVI sur ce lien. Ci-dessous, la partie la plus polémique.
J.C
« Tout cela me revint en mémoire récemment à la lecture de l'édition publiée par le professeur Theodore Khoury (Münster) d'une partie du dialogue que le docte empereur byzantin Manuel II Paléologue, peut-être au cours de ses quartiers d'hiver en 1391 à Ankara, entretint avec un Persan cultivé sur le christianisme et l'islam et sur la vérité de chacun d'eux. L'on présume que l'Empereur lui-même annota ce dialogue au cours du siège de Constantinople entre 1394 et 1402; ainsi s'explique le fait que ses raisonnements soient rapportés de manière beaucoup plus détaillées que ceux de son interlocuteur persan. Le dialogue porte sur toute l'étendue de la dimension des structures de la foi contenues dans la Bible et dans le Coran et s'arrête notamment sur l'image de Dieu et de l'homme, mais nécessairement aussi toujours à nouveau sur la relation entre - comme on le disait - les trois « Lois » ou trois « ordres de vie »: l'Ancien Testament - le Nouveau Testament - le Coran. Je n'entends pas parler à présent de cela dans cette leçon ; je voudrais seulement aborder un argument - assez marginal dans la structure de l'ensemble du dialogue - qui, dans le contexte du thème « foi et raison », m'a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce thème.
Dans le septième entretien (dialexis -controverse) édité par le professeur Khoury, l'empereur aborde le thème du djihad, de la guerre sainte. Assurément l'empereur savait que dans la sourate 2, 256 on peut lire: « Nulle contrainte en religion ! ». C'est l'une des sourates de la période initiale, disent les spécialistes, lorsque Mahomet lui-même n'avait encore aucun pouvoir et était menacé. Mais naturellement l'empereur connaissait aussi les dispositions, développées par la suite et fixées dans le Coran, à propos de la guerre sainte. Sans s'arrêter sur les détails, tels que la différence de traitement entre ceux qui possèdent le « Livre » et les « incrédules », l'empereur, avec une rudesse assez surprenante qui nous étonne, s'adresse à son interlocuteur simplement avec la question centrale sur la relation entre religion et violence en général, en disant: « Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l'épée la foi qu'il prêchait ». L'empereur, après s'être prononcé de manière si peu amène, explique ensuite minutieusement les raisons pour lesquelles la diffusion de la foi à travers la violence est une chose déraisonnable. La violence est en opposition avec la nature de Dieu et la nature de l'âme. « Dieu n'apprécie pas le sang - dit-il -, ne pas agir selon la raison, "sun logô", est contraire à la nature de Dieu. La foi est le fruit de l'âme, non du corps. Celui, par conséquent, qui veut conduire quelqu'un à la foi a besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de la violence et de la menace... Pour convaincre une âme raisonnable, il n'est pas besoin de disposer ni de son bras, ni d'instrument pour frapper ni de quelque autre moyen que ce soit avec lequel on pourrait menacer une personne de mort ... ».
L'affirmation décisive dans cette argumentation contre la conversion au moyen de la violence est : ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu. L’éditeur Théodore Khoury commente : pour l'empereur, un Byzantin qui a grandi dans la philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, en revanche, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle du raisonnable. Dans ce contexte, Khoury cite une oeuvre du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui explique que Ibn Hazn va jusqu'à déclarer que Dieu ne serait pas même lié par sa propre parole et que rien ne l'obligerait à nous révéler la vérité. Si cela était sa volonté, l'homme devrait même pratiquer l'idolâtrie. »
Le passage que j’ai souligné résume le fond du message papal, du moins tel que je l’ai compris : la foi doit procéder de la raison, et non de la contrainte physique. Benoît XVI cite d’ailleurs (assez habilement) la Sourate du Coran qui dit « Nulle contrainte en religion ». Autrement dit, on peut lire entre les lignes son discours comme la dénonciation des tendances violentes qui s’expriment actuellement dans le monde musulman (ce que l’on pourrait appeler « l’islam politique ») : la perte de toute rationalité, l’absence totale de scrupules pour imposer sa volonté par la force y compris par le terrorisme, le refus de toute posture d’égalité avec « l’autre », et la référence récurrente au « djihad », la guerre sainte. L’Église Catholique s’est elle-même montrée coupable il y a plusieurs siècles - et pendant longtemps - de la même violence (singulièrement vis-à-vis du peuple juif). Le Pape aurait sans doutes du le rappeler aussi, pour se placer moralement dans une posture plus forte en dénonçant « la boutique concurrente ». Mais ce n’est pas une raison, non plus, pour ne pas reconnaître le chemin parcouru par la chrétienté - et ne pas espérer que l’islam connaisse le plus rapidement possible la même évolution.
Cette nouvelle tempête provoque aussi sur la toile de furieuses interventions des internautes. Je vous invite à parcourir les réactions associées à un article du journal "Libération" en date du 16 septembre : vous y trouverez à la fois l’exaspération de certains face à la compréhension toujours réclamée pour « l’hypersensibilité » des Musulmans, la haine antireligieuse de beaucoup qui mettent tout le monde dans le même sac ... et des messages de haute volée comme celui-là : « il ne manque que le Pape pour déclarer les croisades : les chares sont là (afganistan,irak,liban qatar,l'arbie),les soldats aussi il ne manque que sa benidiction ». Sic, faute d'orthographe comprises !
Nota ajouté le 19/09/06 :
Vous avez été très nombreux à venir lire cet article, et je remercie les visiteurs passés et à venir ! Il ne s’agissait que de la première pièce du dossier ouvert sur le blog pour cette affaire, et il serait dommage de ne pas lire les « posts » suivants. Voici donc les liens pour les découvrir.
1. La réaction du Rabbin Gabriel Farhi sur Judaïques FM
2. Foi et raison
3. Un vieux contentieux ?
Et si vous souhaitez en découvrir plus sur ce blog et sur l’émission de radio qui sont consacrés au monde musulman ... cliquer sur le titre ou sur le lien « home » en bas à gauche.
Vous avez été très nombreux à venir lire cet article, et je remercie les visiteurs passés et à venir ! Il ne s’agissait que de la première pièce du dossier ouvert sur le blog pour cette affaire, et il serait dommage de ne pas lire les « posts » suivants. Voici donc les liens pour les découvrir.
1. La réaction du Rabbin Gabriel Farhi sur Judaïques FM
2. Foi et raison
3. Un vieux contentieux ?
Et si vous souhaitez en découvrir plus sur ce blog et sur l’émission de radio qui sont consacrés au monde musulman ... cliquer sur le titre ou sur le lien « home » en bas à gauche.
J.C