Mon invité dimanche prochain
sera mon ami Hervé élie Bokobza. Il a reçu une formation supérieure rabbinique
en France et aux Etats-Unis, et a publié quatre ouvrages en hébreu consacrés au
Talmud et aux Sages d’Israël ; il est enseignant auprès de plusieurs
centres d’études juives, chrétiennes et universitaires, en particulier au
Collège des Bernardins ; et il s’investit beaucoup dans le dialogue
interreligieux. Le rapport du peuple juif aux autres nations est un fil rouge
dans son travail, je cite en particulier deux ouvrages, « Israël-Palestine,
la paix à la lumière de la Torah », et « L’autre, l’image de l’étranger
dans le Judaïsme », pour lesquels j’avais eu le plaisir de le recevoir il
y a plusieurs années. Il vient de publier un nouveau livre, « De la
violence juive », aux éditions Saint-Léger, collection « Les acteurs du savoir », où il
s’interroge sur ce qui pourrait justifier la violence si on faisait une lecture
littérale de la Torah. Alors quel rapport avec le monde musulman, qui est la
thématique de cette émission ? Et bien d’abord un rapport politique
immédiat, car certains extrémistes en Israël prétendent s’appuyer sur des
textes sacrés pour justifier une violence gratuite contre les Arabes. Mais
aussi une réflexion à élargir à l’islam, car de nos jours, et on le sait bien,
la violence religieuse et souvent terroriste est davantage le fait de dérives islamiques.
Parmi les questions que je
poserai à Hervé élie Bokobza :
-
Dès ton premier chapitre tu donnes deux
exemples de commandements du Deutéronome – celui relatif au « fils rebelle »
que l’on doit conduire au Temple pour qu’il soit lapidé, et celui de la « ville
séduite », pratiquant l’idolâtrie et qui doit être entièrement exterminée.
Tu présentes les commentaires annulant ces décrets et qui existent à leur sujet
dans le Talmud. Qu’est-ce ce qui fait autorité
dans le Judaïsme : est-ce la Torah ou est-ce le Talmud, ou les deux ?
Et pourquoi ?
- Jean-Marie Muller, philosophe français non juif,
dit qu’un Dieu d’amour ne peut avoir formulé des commandements meurtriers, et
donc que les passages correspondants des textes sacrés ont été écrits par des hommes :
or c’est impossible à accepter par un croyant juif ou musulman. D’où la notion
de « transgression » si on n’applique pas tous les commandements
: est-ce un sujet abordé, aussi bien dans la Torah que dans le Talmud ?
-
Ton raisonnement s’appuie sur un fait précis :
la destruction du Temple de Jérusalem, et donc la disparition du Sanhédrin chargé
d’appliquer les lois religieuses, rendent impossible l’application des lois de
la Torah qui ont un lien avec la violence. Quelles sont ces lois ? Ne
peut-on pas objecter – et c’est ce que disent les extrémistes nationalistes –
que c’est différent, car une souveraineté juive a été rétablie en Eretz Israël ?
-
Un sujet particulièrement explosif, qui
risquerait de déclencher une guerre de religion absolument impossible à gérer, est
la question du Temple et de sa reconstruction. Tu le dis dans plusieurs
endroits du livre, la nostalgie du Temple détruit, les prières quotidiennes évoquant
le retour du peuple d’Israël dispersé, et qui remontera à Jérusalem aux temps
messianiques pour voir le Temple reconstruit, est vraiment au cœur de la foi
juive. Mais alors que répondre à ceux qui disent que c’est un devoir religieux
que de le rebâtir, après avoir rasé les Mosquées qui ont été construites dessus ?
-
Une femme palestinienne, mère de famille,
circulant en voiture avec son mari a été atteinte par des jets de pierre et a
succombé à ses blessures. Cinq étudiants d'un établissement religieux juif
situé dans une implantation israélienne ont été arrêtés. Comparé aux
innombrables actes terroristes palestiniens, cela reste heureusement très limité.
Que dit la tradition juive pour le cas où un non juif est dans son bon droit
contre un juif ? Que faut-il faire
avec de tels enseignants extrémistes ?
-
Tu fais, dans plusieurs passages du livre un
éloge de la Diaspora en disant que, par le contact forcé avec d’autres peuples
et civilisations, les Juifs ont en quelque sorte « humanisé » leur
conception des commandements divins écrits dans la Torah. Au fond, n’est-ce pas
cela qui a manqué à l’Islam, cette expérience de religion minoritaire ?
Mais d’autre part, est-ce que c’est vraiment transposable de nos jours aux Musulmans
vivant en dehors des terres d’Islam ?
Un livre riche, mais exigeant et qui appelle à
la réflexion : soyez nombreux à l’écoute !
J.C