C’est l’information qui crée la sensation politique
dans tous les forums de la Méditerranée. Elle alimente toutes les réflexions
géostratégiques de la région.
Le lancement ce 8 novembre, depuis la base de Kourou
en Guyane, d’un satellite de surveillance baptisé Mohammed VI-A construit par
une entreprise commune française Thales Alexia Space et Airbus défende and
space. Coût de ce contrat dont la négociation avait débuté avec Paris en 2013,
un demi-milliard d’euros. Objectifs à usages multiples…civils, militaires et
sécuritaires.
Discrètement, le Maroc s’apprête à rejoindre le club
très fermé des deux autres puissances africaines que sont l’Égypte et l’Afrique
du Sud, qui ont accès et qui peuvent faire usage de cette technologie de
surveillance, d’anticipation et de prévisions.
Signe que ce projet lourd et structurant engage la
vitalité des relations entre Paris et Rabat en particuliers et du royaume du
Maroc avec les pays de l’Union Européenne, le principe de sa négociation fut
lancé en 2013 et révélé partiellement par le journal « La Tribune ». Et sachant
que les relations entre les deux pays ont traversé un froid glacial durant
l’année 2015, la conclusion aujourd’hui d’un tel contrat, gigantesque par son
volume économique et ses répercussions politiques et militaires témoigne de la
solidité structurelle des liens entre la Maroc et la France malgré les tempêtes
et les sauts d’humeur qui peuvent les marquer de temps à autre.
Par ailleurs, les analyses qui ont fleuri dans les
réseaux sociaux pour souligner l’importance de cette acquisition marocaine ont
pour la plus part mis l’accent sur un fait majeur.
Il ne s’agit aucunement d’un caprice de pays riche de
ces ressources énergétiques mais plutôt d’une vraie conquête du pouvoir de
l’information dont seuls peuvent disposer des pays assis sur de solides
fondations et une grande crédibilité à l’international. Cette performance
marocaine vient d’illustrer cet état de fait.
Le lancement d’un tel projet avec l’ambition marocaine
de maîtriser l’information spatiale concernant sa région et ses profondeurs
stratégiques est de nature à compléter la palette des pouvoirs d’influences du
Maroc.
Déjà consacré porte d’entrée incontournable des flux
financiers et économiques de l’Europe vers l’Afrique, le Maroc a vu ces
dernières décennies son leadership africain progressivement consolidé, aidé à
la fois par un investissement économique sans précédent sur le continent
africain et une incarnation religieuse d’un islam modéré dans cette région
travaillée par les forces de la radicalisation avait grand besoin.
Dès l’annonce de cette information, les médias se sont
emballés sur le décryptage d’une telle démarche. Après en avoir souligné l’importance
stratégique, les commentaires ont placé ce tournant dans une perspective qui
crée de nouveaux rapports de force dans la région.
Face à un environnement sinon concurrentiel du moins
franchement hostile, le Maroc semble avoir marqué un point crucial qui lui
donne une grande longueur d’avance. Le voisin espagnol, pourtant membre de
l’UE, ne maîtrise pas totalement l’accès à cette technologie, ou du moins le
fait-il de manière très partielle. Le voisin de l’Est, L’Algérie et sa
politique hostile à l’égard du Maroc, est renvoyé à sa conception dépassée,
voire calcifiée des rapports de force dans la région.
D’ailleurs avec l’Algérie, cette information sur le
fameux satellite marocain a pris une vive importance dans la mesure où
elle intervient dans un contexte de tension et d’escalade lancée
par Alger sur le Maroc et dont les dernières déclarations ordurières du
ministre algérien des affaires étrangères Abdelkader Messahel furent un funeste
symptôme.
Selon de nombreux spécialistes de la question, cette
nouvelle opportunité de l’information par satellite acquise par le Maroc aidera
le pays à lui ouvrir en grand des champs d’action avec des multiples usages.
Elle facilitera sa tâche à sécuriser d’avantage son environnement, à mettre en
perspective ses multiples projets de développement.
Elle lui permettra surtout de suivre les différents
mouvements des trafiquants d’armes, d’êtres humains ou de produits illicites
qui tentent traverser son territoire et menacent de porter atteinte à ses
équilibres.
Cette nouvelle technologie, gérée de manière
indépendante et autonome, offrira au Maroc sans aucun doute un avantage
militaire et de renseignements certain dans une région menacée par
l’instabilité où les séparatistes du Polisario, souvent croisés aux groupes terroristes
qui essaiment dans le Sahel qui sont à l’affût du moindre dysfonctionnement
régional pour prospérer et consolider leurs influences néfastes.
Mustapha Tossa
Times of Israël, 6 novembre 2017