Une poignée de « voyageurs
écrivains », n’ont pas passé sous silence cette sensibilité, née de leur
rencontre avec les charmes distillés par Tanger. Ils transcendent par la
densité des notes, la réalité des images, la profondeur des réflexions, la
brièveté du séjour.
Astolphe de Custine, que son « voyage de Russie » rendra célèbre, vint en 1831 y promener son spleen. Charles Didier vint, en 1835, en sa quête de dépaysement, de thérapie et de ressourcement qui le conduira droit au suicide. Fasciné par la ville, il y campa l’action de ses œuvres romanesques célèbres, « Le chevalier Robert (1838) », « Thela (1839) ». La merveilleuse « Revue de deux monde » ouvrira ses colonnes à ses « Promenades marocaines », qui connaîtront, publiées en volumes, un éminent succès d’édition. Le même succès fut réservé à George Borrow, homme de plume britannique, qui avait les nerfs à fleur de peau et une forte personnalité, classique des bibliothèques royales. Ses œuvres achevées sont : « Wild Wales » « The Zinechi » et « The bible in Spain ». Quant à Vassili Botkine, il accentua sa mélancolie slave et sa vie métaphysique. A Alexandre Dumas d’accélérer ses aventures et ses rencontres en l'espace de trente-six heures. Il en a retiré plus que tout autre n'aurait pu le faire en un séjour plus long. Hans Christian Anderson, vint à Tanger comme il l’avait fait pour Florence, à la poursuite de soleil et de sensations inédites pour la thématique de ses romans. Il donna ses impressions sur son séjour effectué à Tanger dans « Le conte de ma vie ». Alexandre Demidoff, venant y enrichir en 1847 ses étapes maritimes méditerranéennes, se constitua en un propagandiste irréprochable de Tanger, station touristique d’hiver. Richard Francis Burton y séjourna en novembre de 1855.
Astolphe de Custine, que son « voyage de Russie » rendra célèbre, vint en 1831 y promener son spleen. Charles Didier vint, en 1835, en sa quête de dépaysement, de thérapie et de ressourcement qui le conduira droit au suicide. Fasciné par la ville, il y campa l’action de ses œuvres romanesques célèbres, « Le chevalier Robert (1838) », « Thela (1839) ». La merveilleuse « Revue de deux monde » ouvrira ses colonnes à ses « Promenades marocaines », qui connaîtront, publiées en volumes, un éminent succès d’édition. Le même succès fut réservé à George Borrow, homme de plume britannique, qui avait les nerfs à fleur de peau et une forte personnalité, classique des bibliothèques royales. Ses œuvres achevées sont : « Wild Wales » « The Zinechi » et « The bible in Spain ». Quant à Vassili Botkine, il accentua sa mélancolie slave et sa vie métaphysique. A Alexandre Dumas d’accélérer ses aventures et ses rencontres en l'espace de trente-six heures. Il en a retiré plus que tout autre n'aurait pu le faire en un séjour plus long. Hans Christian Anderson, vint à Tanger comme il l’avait fait pour Florence, à la poursuite de soleil et de sensations inédites pour la thématique de ses romans. Il donna ses impressions sur son séjour effectué à Tanger dans « Le conte de ma vie ». Alexandre Demidoff, venant y enrichir en 1847 ses étapes maritimes méditerranéennes, se constitua en un propagandiste irréprochable de Tanger, station touristique d’hiver. Richard Francis Burton y séjourna en novembre de 1855.
Tanger au
XIXe siècle est devint un passage obligé de toutes les grandes plumes. Cela
continue même aujourd’hui. A vrai dire chacun y trouve son compte pour asseoir
sa créativité. Tanger des écrivains s’est forgée, de Potoki en passant par
Amicis, de Loti à Morand et Bowles en longeant une route fleurie d’œuvres
attachantes. La ville est rentrée de plain-pied dans la littérature. Tanger
ville mythique elle l’est. Ville à multiples facettes elle le chante. Ville de
l’inattendu elle l’exprime. Tanger est divisée et complexe, de l’une à l’autre
de ses sept collines. « Tanger n’est plus un lieu d’écriture. Mieux que
cela, elle est devenue matière à roman… » écrit Tahar Ben Jelloun, orfèvre
en la matière. Il est lui aussi pris dans ce lieu de folie de l’écriture. Dans
« Jours de silence à Tanger », écrit sûrement à Tanger, il traduit
l’angoisse de la solitude. Quant à Mohamed Choukri, natif de Tanger, qui écrit
en arabe, il s’est fait connaître par son autobiographie dans « Le pain
nu », une histoire de l’amertume, celle d’un enfant de la rue. Tanger a
drainé une foule de personnes en mal d’écriture, qui lui ont consacré des
reportages, des correspondances littéraires, des souvenirs de voyages, des
ouvrages de fiction, des récits de vie etc.… Paluel-Marmont jette son ancre à
Tanger et écrit en 1936 « Tanger l’unique », une œuvre romanesque qui
met en exergue les divers avantages, et la tragique histoire de ce
« premier port d’escale » de l’empire chérifien. Paluel a traîné sa
silhouette dans les jardins du Petit Socco. qu'il décrit : « Pôle attractif où se
trouvent immanquablement tous ceux qui se cherchent, où se trouvent, ceux qui
ont été séparés, où se fixent les rendez-vous, où s’amorcent les sympathies,
les combinaisons, les complicités ». Pierre Malo, rencontre sa
providence dans la créativité littéraire. Il ouvre les portes de Tanger au
moment du développement miraculeux. Il publie en 1953 « Le vrai visage de
Tanger », dans lequel il étale ses impressions : « l’étranger qui fait escale
à Tanger pour la première fois s’émerveille de voir avec quelle virtuosité on
est parvenu à réussir, sur un si petit espace, tant d’exotisme et de séduction
(…) le regard, d’un seul coup, en saisit l’essentiel et si d’autres cités, en
Afrique du Nord, peuvent offrir des spectacles plus grandioses, nulle
assurément, ne saurait, avec plus de complaisance, livrer son pittoresque à
l’avidité des touristes ».
Tous ces écrivains arrachés douloureusement à leur
pays ou venus de leur plein gré, ont trouvé à Tanger l’hospitalité, la chaleur
du cœur dans cette ville à la porte de l’Europe. Pris par l’émerveillement du
site et de la végétation luxuriante, comme prisonniers des remparts de la
médina, ils n’ont pas résisté à l'envie d'y élire domicile et d'y travailler.
Paul Bowles a posé son bâton de pèlerin à Tanger en 1947, qu’il baptisa «la
Dream city ». Il y écrivit la majeure partie de son œuvre romanesque s’inspirant
des milieux qu’il visitait. Doué d’une fibre sensible d’ethnologue il décrivait
le moindre détail. Truman Capote, écrivain américain arrivé juste deux ans
après Bowles, écrivit ses « Impressions de voyages »
où il décrit Tanger avec émotion : « couronné de collines, tourné
face à la mer, ce promontoire haut et blanc, qui semble se faire une traîne de
toute la côte africaine, est une ville internationale au climat excellent, huit
mois sur douze ». Tanger a accueilli aussi en 1950 Paul Morand,
l’homme pressé, qui prit en location une maison bien équipée dans un quartier
résidentiel. Il ne passera que quelques saisons dans la « villa Shakespeare » louée
pour neuf ans, partagé entre la réflexion désabusée, l’exaltation sensuelle,
les visites d’amis et les escapades en Espagne. Il s'était installé dans le
contraste, entre le frémissement d’une vie profonde et la monotonie manifeste
du quotidien, par son attitude d’homme blasé d’errance et d’exotisme, rêvant
avant toutes choses de l’ambiance de la Seine. Il publia « Hacate et ses
chiens » une histoire pleine de sens qui a pour cadre une ville non
révélée mais identifiée, selon la description, comme étant la cité du Détroit.
Mais Paul Morand avait tété un peu du lait ressuscitant de l’innovation
romanesque tangéroise ; désormais il était lié à cette ville. Son nom demeurera
indélébile de l’aura littéraire de Tanger.
D'autres écrivains, engloutis par l’oubli frustrant,
revinrent avec leurs écrits qui témoignent d’une période qui pourrait
constituer l'école buissonnière de l’histoire culturelle : Elisa Chimenti,
italienne née à Tanger à la fin du XIXe siècle, arabisante de grand talent,
cueillit tel un bouquet de fleurs, les légendes marocaines de la région de
Tanger et les publia. Carlos Nesry, qui mourant, associait à sa prestance de
Caballero espagnol, un double cri d'amour qui s'adressait à la sensibilité des
cœurs, l’équilibre des âmes et à l’acceptation de l’autre dans ses
spécificités. Tanger fit rêver tous les créateurs quel que soit leur domaine.
Certains ont pu réaliser leurs rêves, d’autres furent obligés de les transposer
ailleurs. Il n'en reste peut-être que le souvenir...
Nacer Boudjou
nacerboudjou.over-blog.com, 22 décembre 2008