Introduction :
Ainsi va l’actualité,
et ce modeste blog qui n’est pas un journal en ligne ne peut la suivre sur tout :
j’ai entrepris de publier un dossier sur un nouveau pays dans ma série « Voyage
en Orient », et je poursuivrai bien sûr jusqu’à la fin du mois du mars
cette escapade marocaine ; mais rester dans ma thématique ne me fait pas
oublier, bien sûr, ce qui se passe en France ; et alors que je partage
beaucoup là-dessus sur Facebook ou plus récemment sur Twitter, ne faire
aucun allusion à une actualité concernant directement ma communauté pourrait m’être
reproché par un lecteur rapide et ne me connaissant pas.
Donc, tous
les voyants de l’antisémitisme sont passés au rouge. Les grands médias s’en
sont fait l’écho une fois de plus, hélas, et beaucoup doutent de l’impact de la
campagne d’alerte qui vient d’être lancée. Cet éditorial du « Monde »
publié hier résume bien les choses, mais je me permets d’y ajouter un « bémol »
à propos de l’impact des « gilets jaunes » sur cette déferlante
antisémite, jugeant leur mouvement réellement dangereux ; j’espère trouver
le temps d’y revenir par un article spécifique, mais pour illustrer cela j’ai
choisi une illustration qui résume bien les choses.
J.C
Editorial du
journal « Le Monde »
Le nouvel
accès d’antisémitisme doit nous pousser à une mobilisation déterminée, qui
passe avant tout par la lutte contre la tentation de la banalisation de ce mal.
Le niveau
d’antisémitisme a toujours été un baromètre fiable de l’état de santé d’une
société. La progression impressionnante du nombre d’actes antisémites révélée,
lundi 11 février, par Christophe Castaner, le ministre de l’intérieur,
vient malheureusement le confirmer : en 2018, les actes répertoriés
(insultes, menaces, dégradations de biens, agressions, homicides) ont progressé
de 74 %, après deux années de recul.
Cette haine
qui n’a rien d’ordinaire est un véritable poison. Ici, les murs sont recouverts
de croix gammées, là, le mot « juden » (« juifs » en
allemand) a été tagué sur une devanture, partout sur les réseaux sociaux se
répandent des slogans sortis des poubelles de l’histoire. Dans certains
quartiers, les juifs doivent subir un antisémitisme « du quotidien »,
harcèlements incessants, insultes, menaces, qui rendent odieuse la vie de tous
les jours. Mois après mois, la haine se libère, les inhibitions se lèvent, et
les actes finissent par suivre.
L’enlèvement
et l’assassinat d’Ilan Halimi en février 2006, la tuerie à l’école juive
Ozar-Hatorah de Toulouse en mars 2012, l’agression d’un jeune couple à
Créteil en décembre 2014, l’attentat contre l’Hyper Cacher de la porte de
Vincennes, à Paris, en janvier 2015, l’assassinat de Sarah Halimi dans le
11e arrondissement de la capitale en avril 2017, la
séquestration d’une famille juive à Livry-Gargan en septembre 2017… Les
alertes se multiplient, mais c’est comme si les condamnations des pouvoirs
publics et des associations finissaient par se banaliser, elles aussi, jusqu’à
devenir inaudibles auprès d’une part grandissante de la population.
Pas de visage
La crise
sociale que connaît la France depuis l’émergence du mouvement des « gilets
jaunes » n’a fait qu’encourager certains comportements. Il est évident que
l’extrême droite a tenté de profiter de cette dynamique sociale pour diffuser
ses slogans dans les manifestations ou sur les ronds-points. La détestation que
le chef de l’Etat suscite chez une partie de la population s’est parfois
doublée de l’antisémitisme le plus abject à travers des syllogismes aussi
stupides que dangereux.
Toutefois,
réduire la progression actuelle de l’antisémitisme au mouvement des
« gilets jaunes » ne correspond pas à la réalité des statistiques.
Sur les neuf premiers mois de l’année, les actes contre les juifs étaient déjà
en augmentation de 69 %. Penser qu’une fois la tension sociale retombée,
la vieille haine hideuse reculera d’elle-même tient du vœu pieux.
Le plus
pervers dans cette résurgence de l’antisémitisme, c’est que, souvent, celui-ci
n’a pas de visage. Le nombre de faits portés à la connaissance de l’autorité
judiciaire reste limité. Aucune étude digne de ce nom n’a dressé le profil des
auteurs, leurs motivations profondes, leur parcours idéologique. Comme le
souligne Jean-Yves Camus, le directeur de l’Observatoire des radicalités
politiques à la Fondation Jean-Jaurès, « l’extrême droite en profite
pour imputer la responsabilité de tous les actes antijuifs aux musulmans ».
Pour lutter contre son ennemi, il est indispensable de le connaître. Il est
urgent de s’atteler à cette tâche.
Sur
l’antisémitisme, mieux vaut ne pas avoir les idées trop simples. Celui qui
prend racine dans nos banlieues ne peut être réduit à l’irruption du conflit
israélo-palestinien dans le débat franco-français. Complotisme,
antiaméricanisme, frustrations sociales : tout est bon pour alimenter la
haine du juif, qui vient se greffer sur des « traditions » beaucoup
plus anciennes.
Ce nouvel
accès d’antisémitisme doit nous pousser à une mobilisation déterminée. A court
terme, celle-ci passe par un plus grand contrôle des réseaux sociaux, qui sont
le vecteur privilégié et le plus accessible pour diffuser le fléau. Des mesures
pour renforcer les obligations et les responsabilités des plates-formes
numériques ont été annoncées en mars 2018 par le gouvernement. Il est
indispensable de ne pas relâcher cet effort.
Parallèlement,
il faut intensifier la prévention et la pédagogie au sein de l’éducation nationale
auprès de générations qui n’entretiennent plus le même rapport mémoriel et
historique à la Shoah. Il faut surtout que chacun d’entre nous lutte contre
l’indifférence, la tentation de la banalisation et prenne conscience que nous
sommes en présence d’un mal qui ronge la République de l’intérieur.
Editorial du
journal Le Monde, 12 février 2019