Harem revisité #31, Lalla Essaydi
Une toile sur la Toile
- Février 2019
Impossible pour
ces mois du Maroc d’ignorer Lalla Essaydi, artiste hyperdouée.
Un numéro de
cette rubrique lui a déjà été consacré en 2014, et on le retrouvera en cliquant
son nom en libellé ci-dessous. Rappelons qu’elle est à la fois peintre et
photographe, marocaine et américaine ; et que ses techniques sont très
diverses, car elles associent collages, calligraphie et techniques diverses.
Les femmes
sont ses personnages exclusifs, personnages d’hier dépeintes dans un Orientalisme
revisité et faisant revivre un passé mythique.
Tahar Ben
Jelloun a écrit un texte admirable, qui rend compte avec acuité et poésie à la
fois de l’atmosphère unique de ces peintures de harems, traversant avec grâce les
siècles par le talent de Lalla Essaydi. Voici le lien
pour le lire, ci-dessous un extrait.
« Les
surréalistes se sont souvent amusés en dessinant des trompe-l’œil sur des pans
de murs aveugles et inhospitaliers. Ils jouent avec nos yeux, ils piègent notre
regard et nous tombons dans le panneau. Il y a chez Lalla Essaydi quelque chose
de ce surréalisme qui libère les perceptions et les rend plus intelligentes.
Ces scènes
écrites, peintes, reconstituées, travaillées à l’extrême exigence, ces jeunes
femmes qui posent dans un lieu qui n’existe plus, ces personnages adoubés par
les effluves des parfums du paradis, ces regards de face, cette posture qui
déchire le silence, ne sont qu’illusion. Ces femmes d’une beauté sublime
portent des caftans de la fin du XIXè ou début du XXè siècle. Ces habits de
lumière et d’or, ces parures d’un temps où l’art s’insinuait dans les activités
quotidiennes, ces merveilles sorties des mains d’artisans sont aujourd’hui là,
portées avec élégance par ces jeunes femmes. Lalla Essaydi les reprend à son
compte et les intègre dans sa recherche de l’authenticité marocaine. Le temps
étreint les images, ce qui permet à l’artiste de faire plusieurs compositions
afin d’atteindre non pas l’harmonie mais le questionnement de la poésie. Ainsi
ce Harem revisité a quelque chose d’indicible : toutes ces femmes murées dans
l’espace de leur solitude attendent. Elles sont là, mais ce n’est qu’une
apparence, puisque le harem n’existe plus et qu’elles-mêmes ne sont pas
certaines d’être là. »
J.C