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21 février 2019

Lalla Essaydi, les fantômes des harems

Harem revisité #31, Lalla Essaydi

Une toile sur la Toile
- Février 2019


Impossible pour ces mois du Maroc d’ignorer Lalla Essaydi, artiste hyperdouée.


Un numéro de cette rubrique lui a déjà été consacré en 2014, et on le retrouvera en cliquant son nom en libellé ci-dessous. Rappelons qu’elle est à la fois peintre et photographe, marocaine et américaine ; et que ses techniques sont très diverses, car elles associent collages, calligraphie et techniques diverses.

Les femmes sont ses personnages exclusifs, personnages d’hier dépeintes dans un Orientalisme revisité et faisant revivre un passé mythique.

Tahar Ben Jelloun a écrit un texte admirable, qui rend compte avec acuité et poésie à la fois de l’atmosphère unique de ces peintures de harems, traversant avec grâce les siècles par le talent de Lalla Essaydi. Voici le lien pour le lire, ci-dessous un extrait.

« Les surréalistes se sont souvent amusés en dessinant des trompe-l’œil sur des pans de murs aveugles et inhospitaliers. Ils jouent avec nos yeux, ils piègent notre regard et nous tombons dans le panneau. Il y a chez Lalla Essaydi quelque chose de ce surréalisme qui libère les perceptions et les rend plus intelligentes.
Ces scènes écrites, peintes, reconstituées, travaillées à l’extrême exigence, ces jeunes femmes qui posent dans un lieu qui n’existe plus, ces personnages adoubés par les effluves des parfums du paradis, ces regards de face, cette posture qui déchire le silence, ne sont qu’illusion. Ces femmes d’une beauté sublime portent des caftans de la fin du XIXè ou début du XXè siècle. Ces habits de lumière et d’or, ces parures d’un temps où l’art s’insinuait dans les activités quotidiennes, ces merveilles sorties des mains d’artisans sont aujourd’hui là, portées avec élégance par ces jeunes femmes. Lalla Essaydi les reprend à son compte et les intègre dans sa recherche de l’authenticité marocaine. Le temps étreint les images, ce qui permet à l’artiste de faire plusieurs compositions afin d’atteindre non pas l’harmonie mais le questionnement de la poésie. Ainsi ce Harem revisité a quelque chose d’indicible : toutes ces femmes murées dans l’espace de leur solitude attendent. Elles sont là, mais ce n’est qu’une apparence, puisque le harem n’existe plus et qu’elles-mêmes ne sont pas certaines d’être là. »

J.C