Retour à l'Histoire avec le
prochain numéro de "Rencontre", et retour sur notre plateau d'un
invité que mes auditeurs fidèles connaissent et apprécient, Pierre Vermeren. Je
ne compte plus les émissions où il nous a fait l'honneur de passer sur notre antenne. Rappelons
qu'il est historien, arabisant, Professeur d'Histoire contemporaine à
l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, et qu'il a déjà consacré
plusieurs ouvrages au Maghreb et en particulier au Maroc. Nous allons parler de son dernier livre,
"Le choc des décolonisations - De la Guerre d'Algérie aux Printemps
arabes", éditions Odile Jacob. C'est un ouvrage impressionnant de 330
pages, dont l'ambition dépasse celle de ses livres précédents dans la mesure où
il parle de toutes les anciennes colonies françaises, et pas seulement de l'Afrique
du Nord ; et où sa perspective historique évoque largement le statut de ces
pays à l'époque coloniale, et rappelle aussi les conditions, par endroit
tragiques, de la décolonisation. J'ai retrouvé Pierre Vermeren, dans l'originalité
de son approche, qui aborde toutes les dimensions de ces sociétés ; et dans sa dénonciation
argumentée de ce que fut la gouvernance de ces pays. Comme il l'écrit dans
l'introduction : "L'échec des élites décolonisées du Sud se double d'un
gros mensonge des élites du Nord : sous couvert d'amnésie, de respect de la
souveraineté des anciennes colonies, et derrière le cache misère du
tiers-mondisme, les élites du Nord n'ont jamais regardé en face les sociétés du
Sud, leurs impasses et les mensonges de la décolonisation sans les
peuples". Alors, il sera impossible d'aborder tous les chapitres de ce
livre tellement riche ; comme ma série est consacrée au monde musulman, on
parlera surtout du Maghreb ; et beaucoup plus rapidement de l'Afrique Noire, en
grande partie musulmane.
Parmi les questions que je
poserai à Pierre Vermeren :
-
En 1945, les émeutes de Sétif, la
proclamation d'indépendance du Vietnam par Hô Chi Mihn, annoncent le processus
de décolonisation. Or cela va prendre 17 longues années, des guerres en Algérie
et au Vietnam, contrairement à toutes les autres puissances européennes qui
vont décoloniser presqu'en douceur, à l'exception du Portugal. Comment
l'expliquez-vous ?
-
Le bilan de ces guerres va être terrible, pourriez-vous
donner les chiffre des tués, et des civils ayant fui ces pays ? Et, en ce qui
concerne l'Algérie, quels vont être les récits officiels après l'indépendance
de 1962, côté français et côté algérien ?
-
A le fin de votre livre, vous donnez le bilan
économique, qui est désastreux presque partout un demi siècle après. Quelles
sont les explications que vous donnez ? Est-ce la faute de la démographie, qui
semble impossible à maitriser dans les pays musulmans
-
Vous
avez un titre terrible pour votre chapitre VII, "l'Etat, bien
patrimonial". Quelle était la répartition des propriétés agricoles avant
la colonisation au Maghreb ? Quel fut l'héritage de la colonisation ? Qu'en ont
fait les dirigeants après le départ de la France ? Et que dire de la
distribution des biens nationaux, au delà des terres agricoles ?
-
Vous donnez plusieurs explications pour le
long maintien au pouvoir des régimes despotiques, au Maghreb et en Afrique
Noire : contrôle militaire et policier pire que du temps de la colonisation ;
répression féroce des militants de gauche, au nom d'un anticommunisme bien vu
par les gouvernements français ; répression des opposants politiques,
emprisonnés, exilés, voire assassinés à l'Etranger. Pourquoi est-ce que ce sont
les Islamistes qu'on a retrouvé ensuite face aux régimes, avec en Algérie la guerre
civile des années 90, qui a été une horreur avec 200.000 tués et un échec ?
-
En ce qui concerne l'Afrique Noire, vous
évoquez leur passage presqu'en douceur vers l'Indépendance, en rappelant que
plusieurs pays actuels étaient regroupés au départ dans des fédérations, l'AOF
et l'AEF : pourquoi cette balkanisation et explique-t-elle en partie leur
retard économique ? A propos de la fameuse "Françafrique" mise en
place par De Gaulle et pilotée par Jacques Foccart, est-ce que cela a duré au
delà de l'alternance politique en France en 1981, et du fameux "discours
de la Baule" de Mitterrand en 1990 ?