FIGAROVOX/TRIBUNE - Après les incidents à DPDA et à
Canal Plus, Isabelle Kersimon estime que les médias font preuve
d'irresponsabilité en invitant sur leur plateau de tels représentants de la
religion musulmane.
La société du spectacle si bien analysée par Guy
Debord est une ogresse qui se nourrit infiniment d'elle-même. Depuis quelques
années, elle développe avidement ce qu'elle nomme «clash». Cela consiste à
célébrer ce que la démocratie enfante de pire: la négation absolue de la pensée
et du débat. Constatant que les plus grosses audiences des réseaux vidéo tels
que Youtube se partagent le marché juteux des arènes infamantes et des conseils
cosmétiques pour adulescentes écervelés, les chaînes de télévision classiques
ont emboîté le pas, s'autocaricaturant jusqu'à l'absurde dans l'infotainment.
Quant au métier de journaliste, il cède trop souvent
la place au brouhaha sans analyse et sans esprit, boursouflé d'un égo qui le
rend détestable aux yeux des lecteurs, auditeurs, téléspectateurs, et qui explique
le peu de considération dont jouit actuellement notre profession. Cette semaine
a ainsi vu un Académicien se faire insulter par une militante politique et
notre ministre de l'Éducation nationale se taire devant un islamiste. L'heure
n'est plus à la simple critique des médias.
Les Français ont le droit de savoir qui parle
Alors que la France ensanglantée est toujours sous la
menace d'attentats islamistes, alors que des concitoyens juifs ont été attaqués
et blessés cette année à l'arme blanche, une péronnelle haineuse prétendant
souffrir d'«islamophobie» ordonne que de tout ceci, il ne soit pas question. Il
ne faudrait pas désespérer les Indigènes. Car elle est , je pense, destinée à
servir le breuvage empoisonné que sa comparse Houria Bouteldja a auparavant
déversé, pendant de trop longues années, sur des plateaux tout aussi
complaisants.
Leurs « bêtes » noires sont ces intellectuels juifs
parmi les intellectuels français connus du grand public. Or, que l'on soit
d'accord ou pas avec Alain Finkielkraut, la tradition française oblige et la
décence contraint.
Aussi narquoise que virulente, la prétendue «prof
d'anglais musulmane anodine de Noisy», jouissant d'une posture victimaire
que nos caméras et micros caressent trop souvent, en bons ordonnateurs d'une
moraline paternaliste que l'on pourrait qualifier de coloniale, pour le coup, a
récité son bréviaire de la haine de la France et ordonné à Alain Finkielkraut
de se taire «pour le bien» de notre pays que tout en elle exècre. Cette
jeune femme se prétendant laïque ne l'est pas, dans la mesure où, étant proche
du Parti des Indigènes avec qui elle a défilé dans les rues de Paris il y a
quelques semaines, elle vomit la France et la République, et par conséquent
tout ce que ces bonnes mères offrent à leurs enfants, d'où qu'ils viennent:
l'éducation, les soins, la possibilité de développer son esprit critique, celle
de célébrer par la connaissance la culture des ancêtres et celle de s'émanciper
en libre conscience. Son discours belliqueux est mis en mots et en actes via un
pseudo antisionisme, en fait une obsession des Juifs, un antisémitisme qui ne
trompe personne. Leurs «bêtes» noires sont ces intellectuels juifs parmi les
intellectuels français connus du grand public. Or, que l'on soit d'accord ou
pas avec Alain Finkielkraut, la tradition française oblige et la décence
contraint. Je m'étonne que cette «enseignante» à l'orthographe défaillante
n'ait pas été remise à sa place illico par David Pujadas.
Car en sus de porter tort à l'invité, l'insultante
personne a déshonoré nombre de nos compatriotes d'origine levantine,
maghrébine, etc., et nombre de musulmans plus attachés à leur tradition
familiale et spirituelle qu'aux colifichets des intégristes. Elle a donné d'eux
une image pathétique et détestable. Le dessinateur Johann Sfar l'a parfaitement
exprimé: «C'est vraiment la double peine pour les citoyens français venus
d'une famille du Maghreb, ou de culture musulmane. Non seulement la télé ne les
laisse pas assez souvent s'exprimer, mais en plus, quand on nous vend des
«jeunes gens représentatifs et issus de la société civile» il s'agit à tous les
coups de copains de Tariq Ramadan ou des Indigènes de la République. Les
émissions qui choisissent de tels intervenants torpillent le débat et montrent
des joutes caricaturales. (…) Je ne voudrais pas être dans la tête des
directeurs d'antenne car ils portent une lourde responsabilité sur le climat
dégueulasse de notre pays. Il faut s'attacher à faire baisser les préjugés, à
créer de la fraternité. Les français originaires du Maghreb n'ont jamais
demandé à être représentés par les copines de Tariq Ramadan ou des Indigènes de
la République! C'est irresponsable. Et ça attise la haine de tous les côtés.»
Le «musulman normal» et les représentants de la
République
Le spectacle vire aussi au cauchemar. Hier, c'est dans
«Le Supplément» de Canal + que l'inconcevable se produisait: Najat
Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, était conviée avec des
représentants de l'association dite humanitaire BarakaCity. Perquisitionnée
plusieurs fois, l'association revendique sa présence dans une vingtaine de pays
et affirme avoir recueilli 16 millions d'euros de dons en trois ans
d'existence. Un peu comme avec le CCIF, nul ne connaît le montant réel des dons
ni l'identité des «mécènes». BarakaCity était venue médiatiser le cas de
Moussa, militant actuellement emprisonné pour d'obscures raisons au Bangladesh.
Idriss Sihamedi, le président de BarakaCity, se
présente lui aussi comme « un musulman normal ». Il semble que «musulman normal»
soit une consigne récemment délivrée à tous les épigones de l'islam politique.
Idriss Sihamedi, le président de BarakaCity, se
présente lui aussi comme «un musulman normal». Il semble que «musulman normal»
soit une consigne récemment délivrée à tous les épigones de l'islam politique.
Grand seigneur, il consent à être éventuellement qualifié de simple
«orthodoxe». Un argument auquel le journaliste Claude Askolovitch a été
sensible en écrivant son livre, lui qui invite aussi régulièrement sur iTélé
des figures connues de l'islam politique (le CCIF et ses réseaux).
J'épargnerai à nos lecteurs l'intégralité de la
prestation de Idriss Sihamedi. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il ne condamne
pas clairement les abominations de l'État islamique et que pour lui, il est
«normal» de ne pas serrer la main des femmes et d'occulter celles qui
travaillent avec lui. Face à lui, l'ex-ministre du Droit des femmes n'a pas su
rappeler qu'en République française, l'égalité des sexes n'est pas une option,
ni que, «musulman» ou pas, tout Français a pour ennemi les ennemis déclarés de
la France haïssant en elle ces valeurs en principes défendues par nos hommes et
femmes politiques.
Dominant face à une ministre embarrassée et interdite,
Idriss Sihamedi n'hésitera pas, quelques heures plus tard, à se livrer à une
tentative d'intimidation sur Francis Chouat, maire d'Évry et président de la
communauté d'anglo Évry-Centre Essonne, lui lançant sur Twitter: «Souhaitez-vous
vraiment être en confrontation avec nous? Nous avons des éléments/arguments
compromettants.» À quelle provocation l'élu s'était-il donc livré, lui
valant cet arrogant courroux? Un post sur Facebook, où il dénonce «la
supercherie doublement dangereuse qui est en train de se médiatiser autour de
BarakaCity». «Je ne suis pas en tête-à-tête ni dans un match à distance avec
lui», m'a indiqué Francis Chouat, «Je sais l'urgente nécessité de faire
vivre les principes de la République, qui sont des valeurs, et la clarté autour
de ces valeurs».
Il serait temps que nos confrères en prennent la
mesure.
Isabelle Kersimon
Le Figaro, 25 janvier 2016
Isabelle Kersimon est journaliste. Elle a coécrit,
avec Jean-Christophe Moreau, Islamophobie: la contre-enquête (Plein Jour, 288p,
19€, octobre 2014).