J'intitulerais cette chronique, « pour Rachida Dati », non parce que je partage ses options politiques, les idées qu'elle défend, les réformes de la justice qu'elle propose à l'Assemblée Nationale, mais parce que je suis scandalisé par la campagne de dénigrement menée à son encontre, les critiques qui s'accompagnent de références à peine voilées à ses origines ou à la délinquance de ses frères dont on la rend comptable. Je suis, d'ailleurs, autant scandalisé, par les discours de soutien, prononcés par le Président de la République, par l'UMP, par ses collègues de gouvernement. Certains compliments, trop appuyés, desservent plus qu'ils ne servent celui, celle en l'occurrence, qui les reçoit. Mme Dati avait-elle besoin que l'UMP salue le travail qu'elle avait accompli, ou que M. Devedjian salue sa force de caractère ? Plus personne n'ignore son itinéraire, le courage, la volonté dont elle a fait preuve, le travail qu'elle a fourni pour réussir, alors qu'elle était issue d'un milieu défavorisé : un père ouvrier marocain, une mère algérienne analphabète, 10 frères et sœurs ! Un modèle d'intégration réussie, Nicolas Sarkozy en a fait une icône républicaine, il l'a nommée Garde des Sceaux, un ministère régalien, celui de la Justice un poste qui revient en général à un homme ou une femme politique expérimenté, surtout lorsqu'on veut faire aboutir un lourd programme de réformes - dont certaines sont en panne depuis les années et que d'autres suscitent réserve, inquiétude, opposition. Le costume que lui a taillé Nicolas Sarkozy n'était-il pas trop large pour elle ? N'a-t-il pas fait une erreur de casting en lui confiant ce poste ? On peut, raisonnablement, se poser la question quand on se rend compte de la pression qui pèse sur elle, de son inexpérience de son angoisse d'échouer et je ne crois pas que des propos comme ceux, que Nicolas Sarkozy a tenu le 13 juillet - « elle a une obligation de réussite parce que sa présence place Vendôme est un hommage à tous les enfants de France » - l'aident à surmonter ses difficultés, en particulier relationnelles, avec les différents milieux de la magistrature qui la ressentent comme une intruse, mise à cette place par le fait du prince. Elle est certes magistrate, mais elle ne sort pas de l’École de la magistrature !
Une fois de plus, on est malheureusement obligé de constater qu'on est plus sévère, qu'on demande plus à une femme, et plus encore si elle est jeune et issue de l’immigration qu'à un homme. Dominique Sopo avait raison de dénoncer, je cite, « les réticences et les crispations, de la part d'une élite française, composée principalement d'hommes blancs de plus de 50 ans ». Nous avons eu dans le gouvernement Villepin un Ministre des affaires étrangères qui n'était guère brillant mais qui a enrichi, de ses bourdes diplomatiques, le bêtisier du Quai d'Orsay, il n'a pas pour autant été soumis au feu roulant de la critique, de ses amis et de ses adversaires comme ont pu l'être Ségolène Royal, hier, et Rachida Dati aujourd'hui.
La Garde des Sceaux, ne fait peut-être pas le poids, mais elle applique le programme de Nicolas Sarkozy, à lui de faire en sorte qu'elle réussisse à s'imposer, à lui en donner le temps en ralentissant peut être le train des réformes de la Justice parce qu’un échec de Rachida Dati consacrerait aussi l’échec de l’ouverture aux jeunes issus de l’immigration, une bonne mesure prise par Nicolas Sarkozy
Gérard Akoun
Chronique politique du 19 juillet 2007
Judaïque FM 94.8