La traduction originale
- août 2011
Introduction
- août 2011
Introduction
Je publie aujourd'hui un article que les lecteurs assidus de la blogosphère francophone ne trouveront pas facilement : il s'agit de la traduction, par mes soins, d'un article de l'un des meilleurs orientalistes israéliens, Zvi Bar'el, qui est un chroniqueur régulier du quotidien "Haaretz". Il y sera surtout question de l'Irak, mais comme conséquence inattendue de la révolution en Syrie puisque l'Iran risque d'y assoir d'avantage encore son "partenariat" après la perte attendue de son seul allié arabe : une analyse aussi originale qu'inquiétante ... et qui intéresse directement Israël !
J.C
J.C
Avec la Syrie dans la tourmente, Téhéran cherche un nouveau partenaire stratégique. Mais la Turquie s'y intéresse aussi
Il fait chaud à Bagdad. Cette semaine, le thermomètre atteint 46 degrés Celsius, mais cela a été un grand soulagement après les 51 degrés enregistrés la semaine dernière. Il fait aussi chaud dans l'arène politique. Le pays avait 46 ministres, jusqu'à ce que le Parlement décide d'annuler 17 portefeuilles fonctionnant à peine.
Le plus grand désaccord porte sur l'autorité du Conseil de la politique nationale, qui sera dirigé par Iyad Allaoui. On s'attend à ce qu'il vienne éroder le pouvoir du Premier Ministre.
Non pas que les citoyens de l'Irak soient particulièrement intéressés, quand ils ont à vivre sans électricité pendant les heures les plus chaudes de la journée. Leur climatiseurs arrêtent de fonctionner et la nourriture dans leur réfrigérateur cuit lentement.
Alors que le gouvernement prolonge l'aide financière aux propriétaires de générateurs privés, à condition qu'ils fournissent 12 heures d'électricité par jour, l'argent n'est pas encore arrivé et il n'est pas clair quand il le sera. Des nouvelles centrales électriques ont été retardées. Les accords que le ministre de l'électricité Ra'ad Shalal a signés avec deux entreprises, une allemande et une canadienne, ont été annulés par le Premier ministre Nouri al-Maliki, qui a viré le ministre. Il semble que le sociétés n'existaient que sur le papier.
L'Irak, qui a disparu du radar des médias internationaux en raison des soulèvements dans les pays arabes, risque probablement de devenir le point chaud de la politique régionale - et bientôt. Tandis que le régime de Bashar el-Assad se bat pour sa survie en Syrie, l'Iran va probablement chercher une alternative stratégique dans le pays que les États-Unis vont quitter d'ici la fin de l'année. "L'occupation de l'Irak par les États-Unis n'a apporté que de bonnes choses pour l'Iran", a déclaré le vice-président irakien Tareq al-Hashemi cette semaine. "L'Iran est devenu plus influent qu'il ne l'avais jamais rêvé."
L'Irak est le troisième partenaire commercial de l'Iran, après la Chine et les Émirats arabes unis, 8 milliards de dollars par an d'échanges, et en croissance régulière. Le mois dernier, l'Iran a signé un contrat pour la construction d'un pipeline de gaz de 2500 km de long, qui traversera l'Irak et reliera l'Iran à la Syrie. L'Iran a des représentants diplomatiques dans les grandes villes de l'Irak et finance des projets civils dans le pays, sans parler de son engagement politique.
"L'Irak est un pays souverain et ne sera subordonné à aucun autre État," a dit Al-Hashemi, mais il admet que l'Iran dispose d'une force d'influence terrifiante sur la politique irakienne. Par exemple, depuis mars, la pression iranienne a empêché l'Irak de condamner la répression brutale des manifestations de la Syrie. Il a demandé que la Syrie "obtienne un dialogue avec l'opposition», et juste la semaine dernière, il a appelé les deux parties - le gouvernement syrien et les «bandes armées» (comme le régime syrien appelle l'opposition) - à s'abstenir de se répandre du sang. En revanche, les chiites irakiens, avec l'encouragement iranien, se sont mis à manifester contre l'implication militaire de l'Arabie Saoudite à Bahreïn.
Des intérêts autour d'un gazoduc
L'Irak est pris en tenaille entre la dépendance à l'Iran et son désir de faire partie du monde arabe. Le futur gazoduc est une offre que Irak ne pouvait pas refuser, même si elle est susceptible de compliquer les choses avec ses citoyens sunnites, qui s'inquiètent de l'influence excessive de l'Iran. Des représentants sunnites des zones que le pipeline traversera, ont déclaré à des journalistes étrangers qu' ils ne permettront pas que le projet soit réalisé et que le gazoduc sera saboté. Ces attentats, comme le craint l' Irak, sont susceptibles de pousser l'Iran à demander de placer ses propres forces de sécurité là-bas et apporter ainsi une présence iranienne sur le territoire irakien.
L'Irak s'inquiète du rejaillissement que la bataille en Syrie pourrait avoir sur son territoire, et a creusé une tranchée de trois mètres de profondeur, et 45 km de longueur pour arrêter les gens et les véhicules en provenance de Syrie. Il n'a pas peur des réfugiés, mais d'autres facteurs susceptibles de traverser l' Irak, si et quand le régime syrien s'écroulera, ou si l'armée syrienne s'arrête de patrouiller à la frontière.
Pour l'instant, seuls environ 7.500 soldats font la police le long des 1.100 kilomètres de frontière. Dans le même temps, l'Iran exige que l'Irak aide financièrement le régime syrien, afin d'éviter son effondrement économique.
L'Iran a un puissant rival économique avec la Turquie, dont les échanges avec l'Irak s'élèvent à 11 milliards de dollars par an. La concurrence pour le marché irakien a donné aux deux pays une bonne raison de signer des accords entre eux et avec l'Irak. Le mois dernier, les trois ont convenu conjointement d'établir une banque avec un investissement de 200 millions de dollars, et l'Iran et la Turquie ont annoncé leur intention d'accroître les échanges entre eux jusqu'à 30 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Lorsque cet accord a été signé, la Turquie était encore sûr qu'elle réussirait à convaincre Assad de mettre en œuvre des réformes, et d'apporter le calme pour le pays. Pendant ce temps, les relations entre la Turquie et la Syrie se sont détériorées, et la Turquie a commencé à se distancer d'Assad et à haussé le ton contre Téhéran, alors que l'Iran l'a accusé d'être «un sous-traitant américain".
Les intérêts économiques de la Turquie en Iran sont trop forts pour détruire leurs relations, mais l'arène de leur lutte est susceptible de se déplacer à l'Irak, qui dépend de chacun d'eux. La Turquie a pris une décision tactique pour s'opposer à Assad, la question est qu'est-ce que l'Iran fera ? Est-ce que ses intérêts politiques et économiques en Irak le forceront à abandonner Assad et à accroître son contrôle sur l'Irak, tout en conservant de bonnes relations avec la Turquie, ou est-ce que l'idéologie et le souci de protéger Hezbollah vont croitre ?
Il fait chaud à Bagdad. Cette semaine, le thermomètre atteint 46 degrés Celsius, mais cela a été un grand soulagement après les 51 degrés enregistrés la semaine dernière. Il fait aussi chaud dans l'arène politique. Le pays avait 46 ministres, jusqu'à ce que le Parlement décide d'annuler 17 portefeuilles fonctionnant à peine.
Le plus grand désaccord porte sur l'autorité du Conseil de la politique nationale, qui sera dirigé par Iyad Allaoui. On s'attend à ce qu'il vienne éroder le pouvoir du Premier Ministre.
Non pas que les citoyens de l'Irak soient particulièrement intéressés, quand ils ont à vivre sans électricité pendant les heures les plus chaudes de la journée. Leur climatiseurs arrêtent de fonctionner et la nourriture dans leur réfrigérateur cuit lentement.
Alors que le gouvernement prolonge l'aide financière aux propriétaires de générateurs privés, à condition qu'ils fournissent 12 heures d'électricité par jour, l'argent n'est pas encore arrivé et il n'est pas clair quand il le sera. Des nouvelles centrales électriques ont été retardées. Les accords que le ministre de l'électricité Ra'ad Shalal a signés avec deux entreprises, une allemande et une canadienne, ont été annulés par le Premier ministre Nouri al-Maliki, qui a viré le ministre. Il semble que le sociétés n'existaient que sur le papier.
L'Irak, qui a disparu du radar des médias internationaux en raison des soulèvements dans les pays arabes, risque probablement de devenir le point chaud de la politique régionale - et bientôt. Tandis que le régime de Bashar el-Assad se bat pour sa survie en Syrie, l'Iran va probablement chercher une alternative stratégique dans le pays que les États-Unis vont quitter d'ici la fin de l'année. "L'occupation de l'Irak par les États-Unis n'a apporté que de bonnes choses pour l'Iran", a déclaré le vice-président irakien Tareq al-Hashemi cette semaine. "L'Iran est devenu plus influent qu'il ne l'avais jamais rêvé."
L'Irak est le troisième partenaire commercial de l'Iran, après la Chine et les Émirats arabes unis, 8 milliards de dollars par an d'échanges, et en croissance régulière. Le mois dernier, l'Iran a signé un contrat pour la construction d'un pipeline de gaz de 2500 km de long, qui traversera l'Irak et reliera l'Iran à la Syrie. L'Iran a des représentants diplomatiques dans les grandes villes de l'Irak et finance des projets civils dans le pays, sans parler de son engagement politique.
"L'Irak est un pays souverain et ne sera subordonné à aucun autre État," a dit Al-Hashemi, mais il admet que l'Iran dispose d'une force d'influence terrifiante sur la politique irakienne. Par exemple, depuis mars, la pression iranienne a empêché l'Irak de condamner la répression brutale des manifestations de la Syrie. Il a demandé que la Syrie "obtienne un dialogue avec l'opposition», et juste la semaine dernière, il a appelé les deux parties - le gouvernement syrien et les «bandes armées» (comme le régime syrien appelle l'opposition) - à s'abstenir de se répandre du sang. En revanche, les chiites irakiens, avec l'encouragement iranien, se sont mis à manifester contre l'implication militaire de l'Arabie Saoudite à Bahreïn.
Des intérêts autour d'un gazoduc
L'Irak est pris en tenaille entre la dépendance à l'Iran et son désir de faire partie du monde arabe. Le futur gazoduc est une offre que Irak ne pouvait pas refuser, même si elle est susceptible de compliquer les choses avec ses citoyens sunnites, qui s'inquiètent de l'influence excessive de l'Iran. Des représentants sunnites des zones que le pipeline traversera, ont déclaré à des journalistes étrangers qu' ils ne permettront pas que le projet soit réalisé et que le gazoduc sera saboté. Ces attentats, comme le craint l' Irak, sont susceptibles de pousser l'Iran à demander de placer ses propres forces de sécurité là-bas et apporter ainsi une présence iranienne sur le territoire irakien.
L'Irak s'inquiète du rejaillissement que la bataille en Syrie pourrait avoir sur son territoire, et a creusé une tranchée de trois mètres de profondeur, et 45 km de longueur pour arrêter les gens et les véhicules en provenance de Syrie. Il n'a pas peur des réfugiés, mais d'autres facteurs susceptibles de traverser l' Irak, si et quand le régime syrien s'écroulera, ou si l'armée syrienne s'arrête de patrouiller à la frontière.
Pour l'instant, seuls environ 7.500 soldats font la police le long des 1.100 kilomètres de frontière. Dans le même temps, l'Iran exige que l'Irak aide financièrement le régime syrien, afin d'éviter son effondrement économique.
L'Iran a un puissant rival économique avec la Turquie, dont les échanges avec l'Irak s'élèvent à 11 milliards de dollars par an. La concurrence pour le marché irakien a donné aux deux pays une bonne raison de signer des accords entre eux et avec l'Irak. Le mois dernier, les trois ont convenu conjointement d'établir une banque avec un investissement de 200 millions de dollars, et l'Iran et la Turquie ont annoncé leur intention d'accroître les échanges entre eux jusqu'à 30 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.
Lorsque cet accord a été signé, la Turquie était encore sûr qu'elle réussirait à convaincre Assad de mettre en œuvre des réformes, et d'apporter le calme pour le pays. Pendant ce temps, les relations entre la Turquie et la Syrie se sont détériorées, et la Turquie a commencé à se distancer d'Assad et à haussé le ton contre Téhéran, alors que l'Iran l'a accusé d'être «un sous-traitant américain".
Les intérêts économiques de la Turquie en Iran sont trop forts pour détruire leurs relations, mais l'arène de leur lutte est susceptible de se déplacer à l'Irak, qui dépend de chacun d'eux. La Turquie a pris une décision tactique pour s'opposer à Assad, la question est qu'est-ce que l'Iran fera ? Est-ce que ses intérêts politiques et économiques en Irak le forceront à abandonner Assad et à accroître son contrôle sur l'Irak, tout en conservant de bonnes relations avec la Turquie, ou est-ce que l'idéologie et le souci de protéger Hezbollah vont croitre ?
Zvi Bar'el
Haaretz, 17 août 2011
Traduction Jean Corcos