« Bonne année 2020 ». Les Syriens de
l’opposition se sont réveillés hier matin en apprenant l’élimination de l’un de
leurs pires bourreaux, saluant une nouvelle fois le geste « d’Abou Ivanka
el-Ameriki ». Qassem Soleimani, le commandant en chef des forces iraniennes
al-Qods, a été abattu par les États-Unis lors d’un raid chirurgical, dans la
nuit de jeudi à vendredi, à l’aéroport de Bagdad. Avec des combattants déployés
en Syrie, l’unité de ce général iranien a joué un rôle incontournable pour
soutenir et consolider le pouvoir de Bachar el-Assad, un temps affaibli sur le
champ de bataille face aux rebelles et aux jihadistes. Fort de ce soutien
iranien, et de l’appui de la Russie et du Hezbollah, Damas a multiplié les
victoires jusqu’à reconquérir plus des deux tiers du pays.
Dans
l’esprit de la rébellion syrienne, l’homme est ainsi perçu comme une figure « terroriste
» et présenté comme « le Joker meurtrier » de la région. « Le meurtre de Qassem
Soleimani, patron numéro un des crimes des gardiens de la révolution contre les
peuples syrien et irakien et les peuples de la région, est une frappe
douloureuse qui confirme que le monde est capable de stopper l’Iran et de
protéger les civils syriens s’il le veut », a estimé sur Twitter Nasr Hariri,
le chef de l’opposition syrienne en exil.
« Honnêtement,
j’ai été heureux d’apprendre qu’il a été tué. Il n’y a pas que les Syriens qui
le sont, le Moyen-Orient tout entier devrait se réjouir de la mort de l’homme
qui a alimenté pendant des années la haine entre les différentes sectes
religieuses », confie Ziad*, un activiste basé à Gaziantep. « Soleimani était
un tueur impitoyable. Il est rare que, dans une bataille d’ego, justice soit
ainsi rendue par ricochet », écrit un opposant syrien sur un groupe WhatsApp
réunissant des activistes et des journalistes du monde entier. « Soleimani a
encouragé Assad à céder Palmyre à l’État islamique et à concentrer ses forces
sur Alep, un endroit qui, selon lui, était d’une plus grande importance
stratégique. Comme l’État islamique a détruit Palmyre, Soleimani a détruit
Alep », poursuit-il. Lors de la chute d’Alep en décembre 2016, le puissant
commandant iranien avait été pris en photo marchant aux côtés des forces
gouvernementales dans un décor de désolation.
Dans
la province d’Idleb, le dernier bastion antirégime en proie à des bombardements
intenses de Damas et de Moscou, des habitants ont célébré la nouvelle en
offrant des pâtisseries. En avril 2017, l’opposition syrienne avait déjà laissé
éclater sa joie lors des frappes américaines en représailles aux attaques
chimiques du régime contre Khan Cheikhoun. À Ariha hier, des milliers de
personnes sont descendues dans la rue, lors de la manifestation hebdomadaire
contre le régime et ses alliés, pour saluer le raid américain contre « le
criminel Soleimani». « Il a disparu Soleimani, aaqbal al-thani (vivement le
deuxième) », chantaient des habitants de Binnich, dans la province d’Idleb.
Comme à chaque événement marquant dans la guerre syrienne, l’artiste-peintre
Aziz el-Asmar a peint sur un mur de la ville Kassem Soleimani jeté dans « les
poubelles de l’histoire ». « Pour les habitants de Hama, de Homs, du Qalamoun,
d’Alep, de la Ghouta, et d’ailleurs, nous célébrons aujourd’hui. Un peu de bonheur
et d’espoir est désormais entré dans la vie des Syriens », commente dans une
vidéo un réfugié en Turquie, en mangeant des maamouls.Nombreux sont ceux qui
exultaient hier, s’en donnant à cœur joie sur les réseaux sociaux. Sur Twitter
et sur Facebook, des photomontages moquant Soleimani ou Bachar, et d’autres
présentant (le président américain Donald) Trump comme un héros, ont rapidement
circulé. Le chef de l’État syrien, Bachar el-Assad, épaulé militairement par
Téhéran, a assuré hier que le soutien du général iranien à l’armée syrienne «ne
sera pas oublié ». « Bachar doit être bien content que les États-Unis l’aient
liquidé. Il ne devait pas apprécier le fait de se faire mener par la baguette
par l’Iranien », ironise Raed, un journaliste de l’opposition, de la province
d’Alep.
Caroline HAYEK
L’Orient - Le Jour, 4 janvier 2020