L’AEIA, l’Agence internationale pour l’Énergie Atomique, vient de confirmer ce que les Israéliens affirmaient depuis des années déjà, l’existence d’un programme nucléaire iranien à vocation militaire. En clair, l’Iran fabrique une bombe atomique ou du moins, possède, dés à présent, le combustible et la technologie nécessaire pour en fabriquer une ou plusieurs en l’espace de quelques mois. L’AEIA use d’un langage diplomatique, mais néanmoins assez clair, quand elle émet de « sérieuses inquiétudes » concernant le programme nucléaire iranien, en s’appuyant sur des informations « crédibles » qu’elle développe dans ce rapport publié le mardi 8 novembre. « L’Iran a travaillé sur le développement d’un schéma d’arme nucléaire, et certaines activités sont spécifiques aux armes nucléaires ». Les Russes et les Chinois, qui se sont toujours opposés au sein des Nations Unies au durcissement des sanctions économiques contre l’Iran, ont essayé, mais en vain, d’empêcher la publication de ce rapport. Ils auront du mal à en rejeter toutes les preuves apportées, mais ils continueront, sans doute, à soutenir la fiction d’un programme nucléaire civil, dans la mesure où certaines recherches peuvent avoir un double usage, civil et militaire. Ils mettent, d’ailleurs en doute l’impartialité du rapport de l’AEIA. Les Occidentaux, les États-Unis et la France en tête, auront du mal à leur faire accepter que des sanctions « d’une ampleur sans précédent », comme l’a demandé Alain Juppé, soient adoptées contre l’Iran. La Chine a conseillé aux Iraniens, par la voix de son ministre des affaires étrangères, d’agir avec « souplesse et sincérité » avec l’AEIA sur ce dossier, mais il ne semble pas, pour le moment, que cela soit la voie suivie par l’Iran. Pris la main dans le sac, ses dirigeants repoussent les accusations de l’AEIA, qu’ils déclarent « sans fondement», ils affirment que leur pays n’abandonnera jamais ses droits légitimes en matière nucléaire, mais qu’il continuera à respecter ses obligations dans le cadre du Traité de non prolifération nucléaire et donc le contrôle de ses activités par l’AIEA, dont il récuse les conclusions !
La diplomatie iranienne s’est jouée des occidentaux, pendant plusieurs années, avec la complicité des Russes, en prenant des engagements de transparence qui n’ont jamais été suivis d’effet. Elle a tiré parti de la pusillanimité, peut-on en dire plus, de l’ancien directeur général de l’AEIA, Mohamed El Baradei, pour dissimuler ses activités nucléaires à usage militaire, tantôt en autorisant, tantôt en interdisant l’inspection de ses installations, ou en camouflant certaines ; l’essentiel était de gagner du temps pour atteindre son objectif, fabriquer la bombe.
On comprend mieux ce qui s’est passé en Israël, dans les semaines qui ont précédé la publication de ce rapport, ces fuites dans la presse sur un débat au sein du gouvernement entre les partisans d’un bombardement, à court terme, des sites nucléaires iraniens : Benyamin Netanyahou, Ehud Barak, et ceux des ministres qui s’y opposaient en considérant que cette action ne présentait pas, encore, un caractère d’urgence ou qu’Israël ne pouvait s’y engager sans avoir, au moins, le soutien des États-Unis. Shimon Peres est intervenu lui aussi et le débat est devenu public, pour ou contre le bombardement des sites nucléaires, un véritable sondage grandeur nature. Des manœuvres aériennes ont eu lieu ainsi que le lancement réussi d’un missile Jéricho 3, un missile dont le rayon d’action dépasse les 4500 km, et qui peut donc frapper l’Iran.
Il s’agissait d’alerter la communauté internationale sur l’urgence de prendre, contre l’Iran, des sanctions paralysantes pour son économie qui l‘obligerait à renoncer à la bombe mais aussi sur la possibilité pour Israël, en cas d’échec, d’agir tout seul. On pouvait, bien sur, avoir des doutes sur l’imminence d’une intervention militaire : en général on l’effectue sans avertissement et en bénéficiant de l’effet de surprise, mais les officiels iraniens ne devaient pas être rassurés, tant l’armée israélienne est coutumière des actions audacieuses ! Ce message était aussi adressé à Bachar el Assad, au cas où il serait tenté d’attaquer Israël pour faire diversion aux révoltes populaires, et au Hezbollah qui se vante de posséder des milliers de missiles fournis par l’Iran et capables d’atteindre les grands centres israéliens : la riposte israélienne ne s’exercerait pas seulement sur eux mais frapperait, aussi, l’Iran leur commanditaire
Une intervention contre les sites nucléaires iraniens est momentanément écartée, tout va dépendre de la force des sanctions qui seront prises contre l’Iran. Mahmoud Ahmadinejad a déclaré « nous ne reculerons pas d’un iota sur le chemin sur lequel nous nous sommes engagés » Il est évident que s’il ne cède pas dans des délais relativement courts, un Iran doté de l’arme nucléaire serait un danger pour tous ses voisins, et le bombardement sera à nouveau d’actualité.
Gérard Akoun
Judaïques FM 94.8, le 10 novembre 2011