Mohamed Badie, guide suprême des Frères Musulmans
Nous allons reprendre dimanche prochain notre tour du monde arabe, entamé depuis le début de la grande vague de révolutions qui a secoué et qui continue de secouer la plupart de ces pays. Nous allons évoquer l’Égypte, le plus grand état arabe, voisin direct d'Israël, en paix avec lui depuis plus de 30 ans et dont l'avenir inquiète de plus en plus à Jérusalem. Et pour en parler, j'aurai le plaisir de recevoir un jeune Égyptien copte, docteur en géopolitique du Moyen-Orient et spécialiste du monde arabe, Chérif Amir. Chérif Amir a accompli des études de droit, puis il a décidé de s'attaquer à l'étude des mouvements islamistes, et cela s'est matérialisé par une thèse de doctorat qui a duré 6 ans : sa thèse a été soutenue en décembre 2009 à l'Université de Paris 8, et son titre était : "L'impact des convictions religieuses sur les conflits du Moyen-Orient", un travail impressionnant puisque son mémoire a plus de 500 pages, et qu'il a eu la mention très honorable avec félicitations du jury à l'unanimité. Préalablement à cette thèse, il a fait un master sur l'histoire des Frères musulmans, et avec la thèse il a réalisé une des études les plus complètes à ce jour sur ce mouvement des "Frères" , "Al ikhwan al moslemine". Depuis la soutenance de sa thèse l'Histoire s'est accélérée, il y a eu la révolution égyptienne, et même si - et tous les témoignages l'attestent - les jeunes meneurs de la révolution ne se réclamaient pas de slogans religieux ou anti occidentaux, aujourd'hui on redoute vraiment la prise de pouvoir par les "Frères Musulmans", à qui les sondages donnent entre 40 et 50 % des voix.
Parmi les questions que je poserai à Chérif Amir :
- Le Monde avait été ému par l'attentat, le jour de l'an, contre une église à Alexandrie qui avait fait une vingtaine de tués. On avait dit que la police égyptienne n'avait pas eu une attitude très claire, pour la première fois on avait vu des Coptes manifester en masse, et ils ont été nombreux, quelques semaines plus tard, à réclamer le renversement de Hosni Moubarak lors des manifestations géantes place Tahrir, au Caire. Or on vient de vivre, le 7 mai dernier, des affrontements violent entre Chrétiens et Musulmans, il y a eu à nouveau des tués et une église a été incendiée : que ressent le peuple copte dans l’Égypte d'après la révolution ?
- Vous écrivez dans un article publié en mars dernier dans la revue "Controverses" que les Frères Musulmans ont cherché à mobiliser le fidèles autour du rêve "d'Al Sahwa" (le réveil de la communauté des croyants, l'Oumma), et de la renaissance du "Al Khilafa Al Islamiyyah" (le Califat islamique) : en quoi la renaissance d'Israël en 1948 a-t-elle été ressentie comme un désastre ? Et sa destruction est-elle vraiment, et toujours, l'objectif stratégique du mouvement ?
- Vous dites que c'est sous le Président Sadate que les Frères Musulmans ont connu un véritable âge d'or, après avoir été persécuté sous Nasser. Plusieurs choses étonnantes, quand même : lorsqu'il fit son voyage historique à Jérusalem, il a été accompagné par un dignitaire religieux, qui a lu avec lui le Coran dans la Mosquée Al-Aqsa ; pendant des années, la prestigieuse Université Islamique du Caire, Al Ahzar, a été dirigée par une personnalité modérée, le Cheikh Sayed Tantawi , qui avait même rencontré des dirigeants israéliens. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Les "Ikhwan" ont-ils pris un ascendant sur toute la société ? Et comment expliquer l'attitude de Moubarak, qui tout en maintenant la paix avec Israël n'a jamais eu le courage de les affronter frontalement, et a toléré la banalisation de l'antisémitisme ?
- On a une série de signes inquiétants en Égypte, un rapprochement avec l'Iran - on parle de la reprise des relations diplomatiques -, l'ouverture de la frontière avec Gaza, et surtout ce sondage de l'institut PEW Center, qui révélait que les deux tiers des Égyptiens souhaitaient la rupture des relations avec Israël. Confirmez-vous cette tendance dans votre pays ? Cela peut-il aller jusqu'à une vraie guerre ? Ou alors, l'Armée et les élites dirigeantes refuseront-elles ce genre d'aventure ?
- Si on considère les deux états islamiques déjà existants - l'Arabie et l'Iran - et les Frères Musulmans, on peut penser que ces pays, ces mouvances, sont quand même concurrents dans la région : qu'est-ce qui va l'emporter ? Est-ce que c'est un fond idéologique commun ou est-ce que les clivages, en particulier entre Chiites et Sunnites empêcheront tout rapprochement ?
Rarement une de mes émissions aura concerné une actualité aussi angoissante : j'espère que vous serez donc très nombreux à l'écoute !
J.C
J.C