«Pourquoi vous, une Arabe, n’écrivez-vous pas sur Gaza ?» Les messages ont commencé à arriver peu après que les bombardements israéliens sur Gaza eurent tué près de 500 Palestiniens. Implicitement, on me pressait de tracer la ligne : le Hamas, c’est bien, Israël, c’est mal. Dites-le ! Sinon, vous n’êtes pas assez arabe, pas assez musulmane ...
Mais que dire d’un conflit qui, depuis soixante ans, nourrit chez les Arabes et les Israéliens un sentiment de victimes. Les uns et les autres attendent que tout s’arrête, exigent qu’on fasse attention à eux, car que vaut un massacre ailleurs, au Congo ou au Darfour, comparé à leur sort ? Tout n’a-t-il pas été déjà dit ? Et puis, le suicide d’un cycliste en Irak a déclenché quelque chose en moi qui m’a décidée à écrire, pour pleurer la faillite morale née de l’amnésie qui sévit au Moyen-Orient. Dimanche dernier, un homme sur une bicyclette s’est fait sauter lors d’une manifestation anti-israélienne dans la ville irakienne de Mossoul. Cette technique, légitimée par des dirigeants religieux dans le monde arabe comme arme contre Israël, s’est détraquée et retournée contre des Arabes qui manifestaient contre les bombardements israéliens sur Gaza.
Ce cercle vicieux, qui se termine dans les rues de Mossoul, ne peut être compris qu’en paraphrasant Karl Marx : Israël est l’opium du peuple. Comment expliquer autrement l’amnésie collective qui frappe le Moyen-Orient ? Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, a-t-elle oublié qu’il y a à peine un an, elle avait failli se débarrasser de son Premier ministre Ehud Olmert pour sa gestion catastrophique de la guerre d’Israël de 2006 au Liban, déclenchée dans des circonstances furieusement similaires à celles qui ont précédé le bombardement de Gaza ? Pourtant, elle fait le tour des médias américains en expliquant pourquoi Israël devait agir contre le Hamas. Israël veut-il faire du Hamas des héros, comme il l’a fait avec le Hezbollah ?
Ce cercle vicieux, qui se termine dans les rues de Mossoul, ne peut être compris qu’en paraphrasant Karl Marx : Israël est l’opium du peuple. Comment expliquer autrement l’amnésie collective qui frappe le Moyen-Orient ? Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, a-t-elle oublié qu’il y a à peine un an, elle avait failli se débarrasser de son Premier ministre Ehud Olmert pour sa gestion catastrophique de la guerre d’Israël de 2006 au Liban, déclenchée dans des circonstances furieusement similaires à celles qui ont précédé le bombardement de Gaza ? Pourtant, elle fait le tour des médias américains en expliquant pourquoi Israël devait agir contre le Hamas. Israël veut-il faire du Hamas des héros, comme il l’a fait avec le Hezbollah ?
Tiens, en parlant du Hezbollah : Hassan Nasrallah a-t-il oublié que, alors qu’il fulmine contre l’Égypte qui contribue au blocus de Gaza, il vit dans un pays, le Liban, qui garde plusieurs générations de réfugiés palestiniens dans des camps, véritables prisons virtuelles ? Et les manifestants en Jordanie et au Liban ? Qui leur rappellera qu’en 1970, la Jordanie a tué des dizaines de milliers de Palestiniens en tentant contrôler des groupes palestiniens [épisode connu sous le nom de Septembre Noir, ndt], forçant ainsi l’OLP à s’exiler au Liban où, en 1982, les milices phalangistes, des Libanais chrétiens, ont massacré 3 000 réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila ? Pas un seul phalangiste n’a répondu de ce massacre. Une commission d’enquête israélienne, en 1983, a reconnu Ariel Sharon, alors ministre de la Défense, indirectement responsable des tueries perpétrées lors de l’invasion du Liban par Israël en 1982. Mais vous pouvez être tranquilles : il n’y aura pas d’enquête arabe.
C’est Israël qui donne un sens à notre victimisation. Les horreurs que nous nous infligeons les uns aux autres ne comptent pas. Il est difficile de critiquer les Palestiniens au moment où tant d’eux ont trouvé la mort ces derniers jours, mais les maîtres du Hamas de Gaza ne sont que les derniers d’une longue liste de leaders à démolir leur cause. Pour ceux d’entre nous qui regrettons que la religion ne soit pas séparée de la politique, le Hamas a confirmé nos craintes : les islamistes se soucient plus d’un affrontement avec Israël que du sort de leur peuple. Où était la colère quand deux fillettes palestiniennes sont mortes à Gaza quand des roquettes du Hamas, dirigées contre Israël, sont tombées trop près, la veille du début des bombardements israéliens ? Quant à l’Égypte, le président Moubarak, au pouvoir depuis 1981, est responsable d’une politique désastreuse qui, d’un côté, maintient en vigueur le traité de paix signé en 1979 par Anouar el-Sadate avec Israël et, de l’autre, laisse les médias d’État exprimer leur furie contre Israël en suscitant une haine quasi hystérique contre ce pays chez l’Égyptien moyen.
Oui, l’occupation par Israël de terres arabes met en colère les Égyptiens, mais il n’existe aucun espace dans les médias égyptiens ni dans les cercles intellectuels pour discuter d’Israël autrement que comme d’un ennemi. Moubarak tire les marrons du feu d’une politique qui consiste à monter les camps les uns contre les autres, de manière à se rendre indispensable. Où est la colère des Égyptiens et des autres, contre les violations des droits de l’homme et contre l’oppression dans leurs pays ? Si de si grosses foules s’étaient rassemblées chaque semaine dans chacune des capitales arabes, leurs dictateurs auraient été renversés depuis longtemps. C’est le pire des déshonneurs fait à la mémoire des Palestiniens tués ces derniers jours que d’appeler à davantage de violences. Cela a échoué depuis soixante ans. Nous honorons les morts en frappant, et continuons à frapper.
Parler au Hamas ? Israël doit le faire s’il veut en finir avec la violence. Comme les Égyptiens, les Jordaniens, les Libanais et les Syriens, avant que leur pays n’échoue au nom de la Palestine. Les Palestiniens n’ont pas encore leur État. Quelle honte ce serait si les pays arabes, les uns après les autres, tombaient au nom de la Palestine.
C’est Israël qui donne un sens à notre victimisation. Les horreurs que nous nous infligeons les uns aux autres ne comptent pas. Il est difficile de critiquer les Palestiniens au moment où tant d’eux ont trouvé la mort ces derniers jours, mais les maîtres du Hamas de Gaza ne sont que les derniers d’une longue liste de leaders à démolir leur cause. Pour ceux d’entre nous qui regrettons que la religion ne soit pas séparée de la politique, le Hamas a confirmé nos craintes : les islamistes se soucient plus d’un affrontement avec Israël que du sort de leur peuple. Où était la colère quand deux fillettes palestiniennes sont mortes à Gaza quand des roquettes du Hamas, dirigées contre Israël, sont tombées trop près, la veille du début des bombardements israéliens ? Quant à l’Égypte, le président Moubarak, au pouvoir depuis 1981, est responsable d’une politique désastreuse qui, d’un côté, maintient en vigueur le traité de paix signé en 1979 par Anouar el-Sadate avec Israël et, de l’autre, laisse les médias d’État exprimer leur furie contre Israël en suscitant une haine quasi hystérique contre ce pays chez l’Égyptien moyen.
Oui, l’occupation par Israël de terres arabes met en colère les Égyptiens, mais il n’existe aucun espace dans les médias égyptiens ni dans les cercles intellectuels pour discuter d’Israël autrement que comme d’un ennemi. Moubarak tire les marrons du feu d’une politique qui consiste à monter les camps les uns contre les autres, de manière à se rendre indispensable. Où est la colère des Égyptiens et des autres, contre les violations des droits de l’homme et contre l’oppression dans leurs pays ? Si de si grosses foules s’étaient rassemblées chaque semaine dans chacune des capitales arabes, leurs dictateurs auraient été renversés depuis longtemps. C’est le pire des déshonneurs fait à la mémoire des Palestiniens tués ces derniers jours que d’appeler à davantage de violences. Cela a échoué depuis soixante ans. Nous honorons les morts en frappant, et continuons à frapper.
Parler au Hamas ? Israël doit le faire s’il veut en finir avec la violence. Comme les Égyptiens, les Jordaniens, les Libanais et les Syriens, avant que leur pays n’échoue au nom de la Palestine. Les Palestiniens n’ont pas encore leur État. Quelle honte ce serait si les pays arabes, les uns après les autres, tombaient au nom de la Palestine.
Mona Eltahawy
intellectuelle d’origine égyptienne résidant à New York.
« Rebond », copyright « Libération » le 05/01/2008
Traduction Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant
intellectuelle d’origine égyptienne résidant à New York.
« Rebond », copyright « Libération » le 05/01/2008
Traduction Gérard Eizenberg pour La Paix Maintenant