Tout commence il y a deux ans, par une rumeur insistante : le Coca-Cola contiendrait de l'alcool. Accusation farfelue mais immédiatement reprise par les sites musulmans, de forums en articles plus ou moins étayés. Associations et médias communautaires, dont le blog Al-Kanz, très en vogue, assaillent Coca-Cola France de questions. Et reçoivent une réponse standard : «Nos boissons sont reconnues comme non alcoolisées par les autorités gouvernementales de chaque pays.» Une missive qui laisse insatisfaits les plus intransigeants. La législation française considère en effet qu'une boisson est «sans alcool» lorsqu'elle en contient moins de 1,2 %. Qu'en est-il alors du fameux breuvage à la recette secrète ?
Après quelques hésitations, la direction de Coca-Cola France décide de faire appel à «l'organisme de certification de la mosquée de Paris», explique Philippe Marty le porte-parole de la firme. Celle-ci commande une analyse du Coca par un laboratoire indépendant. «Ensuite, nous avons garanti que Coca Cola était parfaitement sans alcool et donc halal», détaille le chef de la certification à la mosquée, Al Sid Cheikh, qui regrette de voir fleurir «beaucoup d'accusations sans aucun fondement religieux. C'est plutôt politique. Mais les sociétés s'inquiètent pour leur notoriété».
Appels au boycott sur le Net
Des listes de produits à boycotter circulent sur le Net, leurs fabricants se voyant accusés de financer l'État d'Israël ... Coca-Cola en fait partie. «Coca est haram ("interdit")», peut-on lire sur des forums, comme celui de Bladi.net où les injonctions comme «Boire Coca revient à encourager la politique de l'État terroriste d'Israël», alternent avec des messages de bon sens, certains s'insurgeant de voir le Coca haramisé parce que «déclaré juif».
Des familles entières «évitent le Coca par précaution» assure le secrétaire de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93) qui a convié le PDG de Coca France, Christian Polge, à s'expliquer en juin dernier. L'intéressé s'est présenté à Drancy, espérant clore l'incident avec son certificat Halal. Mais il a dû justifier «la position de Coca-Cola dans le conflit au Moyen-Orient». Il a rappelé que Coca oeuvre à Ramallah, «où nous sommes l'un des plus gros employeurs».
Depuis, les gages donnés par l'entreprise semblent avoir calmé les rumeurs et l'UAM assure qu'elle ne prône pas le boycott mais juste la «transparence sur des sujets importants pour que les musulmans puissent former leur jugement».
D'autres marques subissent elles aussi la pression communautaire, entre requêtes sérieuses sur la composition et stigmatisations. Des milliers de SMS ont accusé en janvier McDonald's de reverser ses recettes du jeudi à l'État hébreu pour acheter des obus (sic !). Masterfood, le fabriquant des barres chocolatées Snickers et Bounty, a dû précipitamment démentir l'usage de graisse animale dans ses produits pour éviter la mise au ban. Tandis que médicaments, yaourts et cosmétiques précisent maintenant qu'ils ne contiennent ni alcool ni gélatine animale pour éviter la désaffection d'un public chaque jour plus soucieux de la norme religieuse.
Le Figaro
20 août 2009