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17 janvier 2008

"Le valeureux combat d’un musulman contre l’antisémitisme", un article publié dans l'édition française du "Jerusalem Post"


Introduction :
Ceux des auditeurs de notre station qui étaient à l'écoute, dimanche dernier 13 janvier, ont pu découvrir Didier Bourg, le jeune et sympathique président de la toute nouvelle "Fraternité musulmane contre l'antisémitisme". J'espère - vivement - avoir un peu contribué à faire connaître son travail, car le ressentiment est tellement fort, les nerfs sont tellement écorchés dans une large partie de la communauté juive, que l'on a peine à "dédiaboliser" l'ensemble des Musulmans auprès des plus sourds ... qui crient aussi le plus fort ! Comme devait le dire Emile Moatti, au cours de la même émission, nous risquons de vivre un véritable "repli tribal" au mépris de l'éthique profonde et authentiquement religieuse.
Un refus de prendre cette "main tendue" que l'on rencontre moins (et paradoxalement) en Israël, où dès le début la presse s'est intéressée à cette intéressante initiative : ainsi, l'édition française du "Jerusalem Post" a publié un portrait de Didier Bourg dès le lancement de son association, article que je reproduis avec plaisir avec son aimable autorisation.
J.C

Des musulmans français viennent de créer une association pour lutter contre l’antisémitisme. Une démarche novatrice et courageuse menée par Didier Bourg, un converti à l’Islam.
Assurément, Didier Bourg aime les causes perdues. A 47 ans, ce journaliste vivant dans la région parisienne s’engage dans un combat hautement périlleux où il n’y a à priori que des coups à prendre. Avec une poignée d’amis, il vient de créer la fraternité musulmane contre l’antisémitisme. Une plateforme de dialogue embryonnaire qui ambitionne de briser les stéréotypes et la défiance souvent radicale dont les juifs sont l’objet dans la société musulmane. « Il est frappant de constater à quel point les préjugés antisémites sont répandus dans la communauté musulmane, affirme Didier Bourg. On entend sans cesse parler de complot juif, de main mise sur les médias, de négationnisme etc. J’ai toujours été choqué par cela car j’étais persuadé que ces thèmes appartenaient à un passé peu reluisant. J’ai souvent cherché à détromper mes interlocuteurs. Mais c’est très difficile, les esprits sont très imprégnés de ces idées ».
Si Didier Bourg dénonce si sereinement ces dérives, c’est qu’il est lui-même musulman. Né chrétien, il s’est converti voici près de 20 ans, séduit par la pensée coranique après une profonde quête spirituelle. « Je me suis aussi intéressé au judaïsme, j’ai d’ailleurs fréquenté un temps la synagogue de Versailles où je vivais à l’époque. Mais c’est l’Islam qui m’a le plus attiré. Je perçois cette religion comme un prolongement naturel du judaïsme et du christianisme. J’ai notamment été passionné par un cours sur la mystique chiite que j’ai suivi à l’université ».
Musulman pratiquant et infatigable militant associatif, Didier Bourg n’aura dès lors de cesse que de structurer l’Islam de France et de lui permettre de trouver sa place dans la communauté nationale. Il va créer et diriger plusieurs associations, centre de recherche et revues consacrés à l’Islam. Mais assez rapidement, il se heurte à la fois au conservatisme des aînés et à l’intégrisme des plus jeunes. Didier, devenu Ali, comprend qu’il ne suffit pas de connaître les textes sacrés et de respecter sincèrement les rites islamiques pour obtenir le respect et l’écoute de ses pairs. « On m’a souvent fait sentir ma condition de converti, reconnaît Didier. On m’appelait Ali quand tout allait bien et Didier quand on n’était pas d’accord avec moi. J’ai donc pris un peu de recul par rapport à la vie associative tout en continuant à pratiquer pleinement ma religion ».
Mais Didier Bourg, va conserver un lien privilégié sur la communauté musulmane de France. En tant que journaliste, il collabore à l’émission dominicale de France 2 consacrée à l’Islam. C’est d’ailleurs par le biais d’un reportage qu’il prend conscience de l’urgence de s’attaquer au problème de l’antisémitisme musulman. « Alors que je préparais une émission sur les rapports entre Islam et judaïsme, il m’est arrivé quelque chose qui ne s’était jamais produit dans toute ma carrière. Sur sept musulmans que nous avions invités pour parler du sujet, cinq se sont décommandés sous des prétextes douteux. En fait, ils avaient peur de parler des juifs publiquement ».
Didier Bourg tire de cette déconvenue un constat déroutant : alors que nombre de musulmans tiennent des propos positifs sur les juifs en privé, ils redoutent de le faire en public. La peur de prêter le flanc au soupçon de traîtrise. « En fait, la question d’Israël empêche la plupart des musulmans de réfléchir normalement, estime-t-il. Le plus désolant, c’est que même des gens très doux et très intelligents en arrivent à tenir des propos antisémites ou a soutenir des personnages comme Faurisson, c’est l’horreur ! ».
Intimement préoccupé par cette question, Didier Bourg tente de remonter aux racines du mal. Bien sûr le Coran comprend plusieurs sourates violemment antijuives mais certaines d’entre elles sont au contraire particulièrement bienveillantes à l’égard du « peuple du livre ». Justifier l’antisémitisme par le texte sacré ne peut donc relever que d’une lecture orientée. Selon Didier Bourg, le colonialisme jour un rôle plus central dans l’antisémitisme des musulmans français. « Chez ceux qui n’ont pas connu l’époque coloniale, le juif est perçu comme un traître, un complice des colonisateurs. Parfois le schéma est très simpliste : les gentils musulmans persécutés par les méchants juifs. Le moindre argument contraire peut enflammer la discussion ».
En créant la fraternité musulmane contre l’antisémitisme, Didier Bourg entend tout d’abord offrir un lieu d’expression à ceux qui parmi les musulmans ne se reconnaissent pas totalement dans un tel discours. « L’un des membres fondateur est par exemple un enseignant de Trappes, dans les Yvelines. Il est foncièrement pro-palestinien mais il ne supporte pas les propos antisémites. Il a donc envie d’en savoir plus sur les juifs ».
Après s’être concerté avec des personnalités juives familières de la communauté musulmane, Didier a décidé d’exclure, dans un premier temps, la question du conflit israélo-palestiniens du menu des discussions afin d’éviter de tuer le dialogue dans l’oeuf. « J’ai moi-même sur Israël des positions très différentes de mes coreligionnaires. Je reconnais bien sûr le droit d’Israël à exister et même à se défendre. C’est déjà aller très loin ... ».
Cette ouverture vers le monde juif et vers Israël, plutôt rare dans le monde musulman, Didier Bourg est bien conscient qu’il la doit à ses origines chrétiennes. Exempt d’un héritage culturel où se mêlent présupposés religieux et blessures du colonialisme, il porte un regard sans doute plus objectif que bien de ses frères sur la réalité du message islamique. En ce sens, il incarne sans doute l’espoir d’une amélioration des relations entre deux peuples qui s’éloignent chaque jour d’avantage. « Je ne suis peut-être pas complètement inutile », concède-t-il humblement.

Edition française du Jerusalem Post, 
n° 835, du 27 mars au 1er avril 2007.