Human Rights Watch dénonce de nouvelles lois et
réglementations saoudiennes qui "transforment presque n'importe quelle
critique ou association indépendante en crime terroriste". Riyad a mis en place, selon HRW, "un
cadre légal criminalisant quasiment toute pensée dissidente".
Depuis janvier, l'Arabie Saoudite a promulgué une
nouvelle loi anti-terroriste accompagnée de décrets royaux et de
réglementations, dont l'ONG Human Rights watch (HRW) estime
qu'ils créent "un cadre légal criminalisant quasiment toute pensée
dissidente".
"Les autorités saoudiennes n'ont jamais toléré
que leurs politiques soient critiquées, mais ces récentes lois et règlements
transforment presque n'importe quelle critique ou association indépendante en
crime terroriste", dénonce Joe Stork, directeur adjoint Moyen-Orient et
Afrique du Nord à Human Rights Watch. Ces réglementations, poursuit HRW,
anéantissent toute espoir que le roi Abdallah ait l'intention d'ouvrir un
espace d'expression pour la dissidence pacifique ou les groupes indépendants.
Dans ce magma de loi, réglementations et décrets
anti-terroristes, l'on trouve notamment une criminalisation de tout appel à
l'athéisme.
Ce nouveau tour de vis légal débute le 31 janvier,
quand les autorités saoudiennes promulguent une loi antiterroriste qui, selon
HRW, "comporte de graves lacunes, à commencer par des dispositions vagues
qui permettent aux autorités de criminaliser la liberté d'expression et de
créer des pouvoirs policiers excessifs sans contrôle judiciaire". Selon
cette loi, un acte non violent commis au sein du royaume peut être considéré
comme relevant du terrorisme. Peut également être qualifié de
"terroriste", tout acte visant à "porter atteinte à la
réputation de l'État", à "nuire à l'ordre public" ou à
"ébranler la sécurité de la société".
Dans la foulée de cette loi, le roi Abdallah promulgue
le décret royal 44, qui punit de peines de prison allant de trois à 20 ans la
"participation à des conflits en dehors du royaume", une référence à
l'engagement de Saoudiens dans la guerre en Syrie, notamment.
Le 7 mars, le ministère de l'Intérieur publie sa première liste noire des
organisations terroristes. Y figurent les Frères musulmans, les Houthi du
Yémen, el-Qaëda dans la péninsule arabique, au Yémen, en Irak, Daech (L'Etat
islamique en Irak et au Levant, EIIL), le Front al-Nosra et la branche
saoudienne du Hezbollah.
Le ministère se fend également d'une série de
règlements qui comprennent des clauses permettant aux autorités de considérer
comme un crime toute critique du gouvernement.
L'article 1er condamne ainsi "tout appel en
faveur de l'athéisme sous n'importe quelle forme ou toute remise en cause des
fondements de la religion islamique sur laquelle est fondé le pays".
La criminalisation de toute promotion de la pensée
athée ou de la remise en cause des principes fondamentaux de l'Islam "font
partie du nouvel ensemble complexe de régulations anti-terroristes", note
Adam Coogle, chercheur pour HRW sur les dossiers moyen-orientaux. Cette
interdiction s'inscrit dans le même ensemble de règles qui classe les Frères
musulmans et des groupes jihadistes comme "organisations
terroristes", poursuit-il, interrogé par Lorientlejour.com.
La liste des clauses continue avec la condamnation, à
l'article 2, de toute personne "qui faillit dans sa loyauté envers les
dirigeants du royaume ou prête allégeance à un parti, une organisation, un
courant [de pensée], un groupe ou un individu, à l'intérieur ou à l'extérieur
[du royaume]". L'article 9 va jusqu'à viser les personnes qui
"assistent à des conférences, des séminaires, des réunions à l'intérieur
ou à l'extérieur [du royaume] portant atteinte à la sécurité de la société, ou
semant la discorde au sein de la société".
"Ces dispositions générales contiennent un langage
que les procureurs et les juges utilisent déjà pour poursuivre et condamner des
militants indépendants et dissidents pacifiques", indique Human Rights
Watch.
En mars dernier, deux Saoudiens ont été condamnés à 8
et 10 ans de prison, pour avoir lancé des appels à manifester, sur les réseaux
sociaux.
AFP/Fayez Nureldine
Repris sur le site de "L'Orient Le Jour" le
3 avril 2014