Reyhaneh Jabbari, lors de son premier procès en 2008
© GOLARA SAJADIAN
/ AFP
Reyhaneh Jabbari, condamnée à mort pour le
meurtre d'un homme qui l'avait, selon elle, agressée sexuellement, a été pendue
samedi matin.
Une jeune Iranienne, Reyhaneh Jabbari, condamnée à
mort pour le meurtre d'un homme qui l'avait, selon elle, agressée sexuellement,
a été pendue ce samedi matin. Une exécution qui a déclenché l'indignation de
plusieurs pays. Elle a immédiatement suscité la condamnation d'Amnesty International, qui l'a qualifiée de "nouvelle
tache dans le bilan des droits de l'homme de l'Iran"
et d'"un affront à la justice". Les États-Unis
et le Royaume-Uni ont également vivement condamné l'exécution de la jeune
femme.
Reyhaneh Jabbari, une décoratrice d'intérieur âgée de
26 ans, a été condamnée à mort en 2009 pour le meurtre en juillet 2007 de
Morteza Abdolali Sarbandi, un chirurgien et ancien employé du ministère des
Renseignements, au terme d'un procès "partial", selon Amnesty. Un
expert de l'ONU avait également affirmé en avril que la cour n'avait pas pris
en compte toutes les preuves, et que les aveux de la décoratrice avaient été
obtenus sous la contrainte. Selon des "sources fiables" citées par
cet expert, Morteza Abdolali Sarbandi aurait agressé physiquement et sexuellement
la jeune femme qui, cherchant à se défendre, l'aurait poignardé avant de
s'enfuir et d'appeler une ambulance.
Pour Téhéran, "le meurtre était
prémédité"
Mais la justice iranienne a balayé ces critiques : les
éléments du dossier ont montré que "le meurtre était prémédité", a
assuré le bureau du procureur de Téhéran dans un communiqué publié samedi.
Reyhaneh Jabbari a avoué "avoir acheté un couteau de cuisine (...) deux
jours avant le meurtre" et l'a utilisé pour commettre le meurtre, selon le
communiqué, ajoutant qu'elle avait frappé Sarbandi dans le dos, "ce qui
montre qu'elle n'était pas en légitime défense". Enfin, elle a
"envoyé un SMS à un ami dans lequel elle dit je vais le tuer ce soir,
ce qui montre que le meurtre était prémédité et que l'affirmation de défense
contre un viol est sans fondement", poursuit le texte.
Au cours des dernières semaines, la justice iranienne
avait accordé plusieurs délais pour obtenir de la famille de la victime qu'elle
accorde son pardon, ce qui, selon la charia (loi islamique), en vigueur en
Iran, permet à un condamné à mort pour meurtre d'échapper à l'exécution et de
purger une peine de prison. La famille de Sarbandi a exigé, selon les médias
iraniens, que Reyhaneh Jabbari dise "la vérité" sur l'identité d'un
autre homme présent au moment du meurtre pour accorder son pardon.
"Dans ses aveux, elle a déclaré qu'un homme était
dans l'appartement au moment où mon père a été poignardé, mais elle refuse de
donner son identité", avait déclaré Jalal, le fils de Morteza Abdolali
Sarbandi, à la presse en avril. "Si elle dit la vérité, elle sera
pardonnée, sinon elle subira la loi du talion" et donc la pendaison,
avait-il poursuivi.
Les appels à la clémence pas
entendus
Des artistes et des personnalités de la société civile
avaient appelé à la clémence, tout comme des organisations internationales des
droits de l'homme. Sur la page Facebook créée en soutien à Reyhaneh Jabbari
apparaissent désormais le message "Repose en paix" et des photos de
la jeune fille lorsqu'elle était encore enfant. "Nous condamnons
l'exécution ce matin en Iran de Reyhaneh Jabbari", a indiqué la
porte-parole du département d'État américain, Jennifer Psaki, dans un
communiqué. "Il y a de sérieux doutes sur l'équité du procès et les
circonstances entourant ce dossier, dont des rapports faisant état de
confessions recueillies sous de sérieuses contraintes."
"Nous joignons notre voix à celles qui demandent
à l'Iran de respecter l'équité des procès garantie à son peuple par la loi
iranienne elle-même ainsi que ses obligations internationales", a conclu
Psaki. À Londres, le ministre chargé du Moyen-Orient Tobias Ellwood a
"vivement regretté le recours à la peine de mort dans le cas de Reyhaneh
Jabbari", réitérant la "ferme opposition" du Royaume-Uni à cette
sentence. En 2013, au moins 500 personnes ont été exécutées en Iran, en
majorité pour des affaires de drogue, selon l'ONU.
Le Point, 26 octobre 2014
Source : AFP