Elle affichait sa liberté sur les
photos qu’elle publiait sur les réseaux sociaux. La jeune blogueuse et
mannequin de 22 ans a été abattue au volant de sa Porsche.
Elle changeait de coupe et de couleur de cheveux
autant que de look, passant du t-shirt rock à la robe à dentelles en quelques photos postées sur son compte Instagram.
La jeune mannequin Tara Fares, élue Miss Bagdad et Miss Irak en 2014, a été
abattue jeudi en pleine rue de la capitale irakienne.
Sur les réseaux sociaux, les messages d’hommage se
multiplient, sans arriver à couvrir les critiques et la calomnie que la jeune
femme de 22 ans subissait ces derniers mois. Tandis que nombre d’internautes
lui reprochaient ses tenues osées, d’autres soupçonnent qu’elle a justement été
assassinée pour avoir revendiqué cette liberté.
Selon les médias locaux, l’influenceuse aux presque 3
millions d’abonnés sur Instagram - contre 1,8 million pour notre Miss univers tricolore Iris Mittenaere - a reçu
trois balles alors qu’elle était au volant de sa Porsche décapotable aux
fauteuils rouges étincelants. Elle était en compagnie de son petit ami, qui
l’aurait conduit à l’hôpital de Bagdad avant de comprendre qu’elle était déjà
morte.
Tuée pour son influence ?
Dans son pays, une société religieuse patriarcale, conduire
une voiture de sport quand on est une femme peut déjà être très mal perçu.
Enfourcher un vélo suffit même à choquer certains hommes. La féministe Marina
Jaber, sans voile et en jean, s’y emploie par exemple depuis plusieurs années,
serpentant les rues de Bagdad pour faire passer son message d’émancipation.
Tara Fares, elle, avait un temps séjourné en Europe
après ses victoires de Miss. Puis la jeune femme était rentrée sur ses terres
en important sa façon de vivre occidentale, et ses tatouages ! Ne s’affichant
pas plus dévêtue que nombre de blogueuses françaises, mais parfois dans des
positions sexy, elle s’était attiré les foudres de détracteurs masculins, mais
également féminins.
D’autres « Barbie » tuées récemment
Le mois dernier, deux femmes célèbres, appartenant
également au secteur de la beauté de Bagdad, sont aussi décédées dans de
mystérieuses circonstances, relève par ailleurs CNN. La première, Rafeef
al-Yaseri, était surnommée la « Barbie de l’Irak ». Elle symbolisait à la fois
la réussite et le culte de l’apparence puisqu’elle était chirurgien plasticien
et organisait des programmes nationaux spécialisés dans les affaires médicales
dédiées aux femmes. Rafeef al-Yaseri a été tuée à son domicile mi-août. Une
semaine plus tard, c’est Rasha al-Hassan, propriétaire et directrice du Viola
Beauty Center à Bagdad, qui était retrouvée morte chez elle.
Mercredi soir, la mission de l’ONU en Irak (Unami)
s’est par ailleurs émue de la mort par balle de la militante des droits de
l’Homme Souad al-Ali,a priori tuée dans des circonstances plus claires, par son
mari, à Bassora, au sud du pays. La police ayant communiqué en invoquant un «
différend familial », la mission des Nations Unies a réagi en rappelant «
condamner tout acte de violence, en particulier contre les femmes, dont le
meurtre, les menaces et l’intimidation, comme des actes totalement
inacceptables ».
A ce stade, rien n’indique que le meurtre de Tara
Fares soit lié à une quelconque revendication anti-féministe, malgré les
accusations de ses fans. La police a lancé une enquête ce vendredi.
Aurélie Rossignol
Le Parisien, 28 septembre 2018