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02 octobre 2015

La propagande apocalyptique de Daech (en Français), 2/2



Nous le voyons ici, Daech instrumentalise, ment et ne cache absolument rien des crimes qu'il commet

C'est ainsi que dans l'édition française de Dabiq, nous voyons cette photographie : une tête décapitée a été placée en plein milieu de la quatrième marche d'un escalier, au milieu de ruines diverses. Il s'agirait selon Daech d'un "apostat". Dans l'Express (2 octobre 2014), le politologue Asiem El Difraoui explique la stratégie menée: "L'ultra-violence constitue la marque de fabrique du mouvement.
Les mises en scène de décapitation ou d'assassinats en masse, filmés en gros plan, ont pour but de terroriser ses ennemis dans la guerre psychologique. En interne, elles assurent aussi la cohésion du groupe, en montrant qu'il met ses menaces à exécution. Cette brutalité permet de maintenir une pression omniprésente et diffuse." Pour autant, Daech n'a rien inventé. Rappelons ici qu'en son temps, le souverain Mongol Gengis Khan s'amusait à élever des pyramides de têtes décapitées et toute notre histoire est marquée par des procédés et crimes violents et monstrueux qui ont tous le même but: semer la terreur.
Justement, dans une autre photographie, on voit des prisonniers, ils sont debout, terrorisés, le regard hagard. Ils vont être assassinés. Puis, on voit une quinzaine de djihadistes, puis dans une autre photo, une dizaine d'entre eux. Ils exécutent alors froidement une dizaine d'hommes qui sont à genoux avec la légende suivante : "Exécution des traîtres Chou'aytât" (de la Tribu des Chou'aytât). Un rédactionnel revient largement sur ce crime de guerre afin de tenter de l'expliquer. Selon Dabiq, ces clans (Chou'aytât) auraient accepté de se soumettre à Daech. Ils auraient ensuite rompu leur pacte parce qu'ils s'opposeraient à l'application de la Charia (Loi canonique islamique).
En réalité, ces textes s'adressent notamment et principalement à des musulmans ou à des convertis. C'est pour cette raison que Dabiq est truffé de récits multiples souvent décontextualisés, de commentaires farfelus, de versets trafiqués et/ou de hadiths (traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons, considérés comme des principes de gouvernance personnelle et collective pour les musulmans que l'on désigne généralement sous le nom de "tradition du Prophète").
Au final, c'est là, la force terrifiante de Dabiq pensé et conçu comme un puissant outil de propagande. Leur cible ? Des jeunes ayant grandi avec Internet depuis leur prime enfance.

Qui sont les probables lecteurs de Dabiq?

Dounia Bouzar qui dirige le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), explique dans un entretien (Libération, 14 septembre 2014) que les personnes qui sont endoctrinées par cette propagande ne connaissent pas le Coran et ne parlent pas l'arabe. "La majorité des candidats sont des convertis. Le phénomène de radicalisation est tellement extrême et rapide qu'ils sont parfois dans une dichotomie étonnante entre manger du porc et partir faire le djihad le lendemain." Ce que le politologue Asiem El Difraoui résume en une formule: "Aujourd'hui, Daech récupère plutôt les rejetons des sociétés occidentales, tels Mohamed Merah ou Mehdi Nemmouche: des jeunes en marge, des petits voyous, des gens largués cherchant un sens à leur vie.
Le mythe du salut est au cœur de cette imagerie apocalyptique et cauchemardesque: Daech fait croire à ceux qui le rejoignent qu'ils peuvent racheter leur conduite passée en devenant djihadistes. Récompense ultime: il promet un accès direct et immédiat au paradis si les recrues acceptent de participer à des attentats suicides". Exemple? "Flames of war", un documentaire de propagande de 55 minutes, filmé en HD avec un montage agressif, montre un djihadiste qui meurt... le sourire aux lèvres.
Car, la véritable révolution numérique pour ces groupes, comme l'explique Rania Makram, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) du quotidien égyptien Al-Ahram (20 août 2014), est apparue avec les réseaux sociaux, en 2006. Selon elle, Daech a réussi à moderniser la propagande djihadiste. Le montage de son film intitulé "Le Choc des épées IV", avec des prises de vues aériennes, zooms, effets sonores, respecte même les codes du cinéma d'action.
Nous le voyons donc ici, Daech utilise avec une parfaite maîtrise les réseaux sociaux. Il s'agit là d'un puissant outil au service de leur cyber-guerre et cette propagande haineuse fait donc le tour du Web. Le djihad numérique a donc devant lui de nombreux et terrifiants boulevards. Terrifiant.

Marc Knobel,

Le Huffington Post, 13 octobre 2014