Cet
outil de propagande en anglais pour le djihad mondial est publié sur internet.
Pour son premier numéro intitulé "Le retour du califat", Dabiq, le
journal en PDF de Daech, donnait la parole à Abou Bakr Al-Baghdadi (chef de l'État islamique). Il
déclare l'avènement d'une nouvelle ère pour l'Islam et renouvelle son appel aux
musulmans du monde entier à venir soutenir le nouvel État islamique en Irak et
en Syrie.
La
maquette du journal ressemble fortement à celle d'Inspire (le magazine diffusé
par Al-Qaïda dans la péninsule arabique, rédigé en anglais, apparu en 2010 et
piraté par les services américains en 2013). A travers ses 10 numéros, Inspire
dont le format était attrayant, présentait aux djihadistes isolés des méthodes
pratiques pour commettre par eux-mêmes des attentats, comme par exemple comment
"incendier une voiture, en dix étapes".
Mais,
selon certains experts, la ligne éditoriale de Dabiq est plus centrée sur
l'idéal de construction d'un Etat fondé sur la charia (loi islamique) que sur
l'incitation à l'action. "L'objectif n'est pas de pousser les jeunes
musulmans occidentaux radicalisés à mener des attentats mais de les faire venir
en Syrie", explique Peter Neumann, directeur du Centre international pour
l'étude de la radicalisation, basé à Londres (L'Expansion, 10 juin 2014).
Au-delà,
quel est son fond idéologique?
Dabiq
écrit le Washington Post, nous explique que le temps est venu de l'apocalypse,
après des siècles de guerre sainte. Il décrit les combats en Irak et la Syrie
et parle d'une guerre de civilisation. Objectif? " Envahir la péninsule
arabique et Allah va nous permettre de la conquérir. Il sera alors temps d'envahir
la Perse et Allah nous permettra de le faire. Enfin, il est temps d'envahir
Rome, et Allah nous permettra de le faire. » Voilà en substance ce que l'on
peut lire dans le deuxième numéro du magazine djihadiste intitulé "The
Flood" ("L'inondation").
Dabiq:
pourquoi ce titre? La bataille de Dabiq a tellement d'importance pour Daech
qu'elle est en fait le titre de son magazine en ligne, édité en plusieurs
langues. De quoi s'agit-il ? Dabiq est le nom d'un village situé près d'Alep au
nord de la Syrie, proche de la frontière turque. Menacée par une horde
"d'infidèles", l'armée des musulmans est décimée. Elle finit par
triompher dans la cité syrienne de Dabiq, le 24 août 1516. Mais, comme nombre
de hadiths, celui-ci compte plusieurs versions, dont l'une assure qu'après
Dabiq (un jour) l'armée musulmane ira prendre... Constantinople, l'ancienne
capitale de l'Empire chrétien d'Orient, de nos jours, Istanbul.
Le
magazine de Daech est publié aujourd'hui en langue française. Son numéro 3 est
particulièrement soigné, la maquette est très travaillée, aérée, on trouve des
encadrés et des notes. Un travail qui a été probablement effectué par des
maquettistes francophones. De grandes ou de petites photographies illustrent
son contenu. En tout, elle fait 42 pages et selon certaines sources, elle
circulerait de la main à la main dans certaines banlieues.
Une
image vaut mieux que mille mots
D'après
la ligne éditoriale de Dabiq, toutes éditions confondues, il existe deux
mondes. "Le camp de l'islam et de la foi et le camp de l'incrédulité et de
l'hypocrisie". La propagande d'Abou Bakr Al-Baghdadi (qui prend également
le titre de Commandeur des croyants, Amir al-Mu'minin) est abondamment citée:
"Ô Communauté Islamique, le monde est divisé en deux parties, en deux tranchées,
il n'y en a pas de troisième, le camp de l'Islam et de la Foi, et le camp de la
Mécréance et de l'Hypocrisie; le camp des Musulmans et des Moudjahid là où ils
sont, et le camp des juifs, des croisés, de leurs alliés et, avec eux, toutes
les nations de la mécréance et de ses religions dirigée par l'Amérique et la
Russie et gouverné par les Juifs"
Et,
pour Baghdadi, une nouvelle ère est arrivée "Un jour viendra où le
musulman sera le maître, noble, respecté en tout lieu, il lèvera la tête et son
honneur sera préservé et personne n'osera s'attaquer à lui sans être châtié et
toute main qui s'approchera de lui sera coupé. Que le Monde sache
qu'aujourd'hui est le début d'une nouvelle ère." Et d'ajouter aussitôt:
"Alors écoute, Ô Communauté islamique, écoute et comprend, lève-toi et
réveille-toi, le temps est venu de se libérer des chaînes de la faiblesse et de
se soulever devant la tyrannie, devant les gouverneurs traîtres, les agents des
croisés, des athées et les protecteurs des juifs."
Et
comme une image vaut mieux que mille mots, le magazine regorge d'images. Pèle
mêle: photos d'habitants souriants, récits multiples d'expériences et de
combats, articles promettant un avenir meilleur... Il n'y a d'ailleurs pas une
seule photo dans ces pages sans que n'apparaisse le drapeau de l'État
islamique. C'est ainsi que Dabiq publie des photographies de moudjahid de l'EI,
ils paradent avec leur drapeau noir sur des chars ou des véhicules blindés,
devant une ou des foules en liesse, en Irak comme en Syrie. Dabiq publie aussi
des cadavres de civils sunnites qui auraient été massacrés par des chiites ou
de djihadistes tombés lors de combats.
Le
numéro 3 de Dabiq en langue française s'ouvre sur une photographie atroce, celle du journaliste américano-israélien Steven Sotloff,
juste avant qu'il n'ait été décapité, en septembre 2014. La terreur se lit sur
son visage. Dans son avant-propos, Dabiq explique qu'après que les attaques
aériennes américaines aient été officiellement commencé en Irak, l'Etat
islamique aurait envoyé un message de mise en garde en menaçant d'exécuter
James Foley (reporter-photographe américain assassiné le 19 août 2014), en
réponse à ces attaques.
Dans
les quelques lignes de propagande conspirationniste et délirante qui suivent,
il est écrit : "Dans son discours du 20 août 2014, Obama a volontairement
omis de mentionner Steven Sotloff, en montrant à nouveau à son peuple que
l'intérêt numéro un du gouvernement américain est la notoriété d'Israël ainsi
que de ses alliés, y compris les forces sionistes peshmergas (kurdes). Ils sont
donc plus importants que les vies de ses citoyens."
Marc
Knobel,
Le
Huffington Post, 13 octobre 2014