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08 octobre 2015

Troisième Intifada ? Quelques analogies et quelques différences avec la seconde

Ambulance devant le Mur Occidental, après une attaque au couteau le 7 octobre 2015


Impossible d'ignorer sur ce blog les nouvelles tragiques qui nous viennent d'Israël - même si, et je le rappelle régulièrement, la thématique de mon émission et de ce modeste journal en ligne dépasse largement le conflit israélo-palestinien.

Depuis hier mercredi, les attaques au couteau se répandent dans tout le pays comme dans les Territoires, et tout fait penser, logiquement, à une troisième Intifada : souhaitée ou non par les Palestiniens, spontanée ou manipulée, avec le soutien actif ou passif de l'Autorité Palestinienne ou du Hamas ... laissons s'écouler a minima quelques semaines pour avoir les réponses à autant de questions.

Un rappel, cependant, et à propos d'une Intifada bien réelle - la seconde - qui a éclaté en octobre 2000, il y a donc tout juste 15 ans. Les analogies sont évidentes :

- déclenchement pratiquement au moment des grandes fêtes juives d'automne, après Roch Hachana ; 

- prétexte de soit disant menaces sur la Mosquée Al -Aqsa ; en 2000, c'était la visite d'Ariel Sharon sur le Mont du Temple qui aurait mis le feu aux poudres ; aujourd'hui, ce sont en fait des mois et des mois de rumeurs, relayées dans la presse arabe et sur les réseaux sociaux, qui enflamment de très jeunes Palestiniens, convaincus de défendre un lieu saint de l'Islam en venant tuer, au hasard, des Juifs coupables selon eux de "menacer la Sainte Mosquée" ; à ce titre, le discours de Mahmoud Abbas disant que « Les juifs n’ont pas le droit de souiller la mosquée Al-Aqsa de leurs pieds sales », était aussi intolérable sur la forme qu'irresponsable ; 

- blocage total du processus de paix, les négociations ayant cessé depuis de longs mois tandis qu'en 2000, c'était l'échec des entretiens directs de Camp David, Yasser Arafat ayant refusé les propositions d'Ehud Barak, qui pourtant avait accepté de larges concessions, y compris un Etat palestinien et le partage de Jérusalem ; je ne veux pas revenir ici sur les responsabilités du blocage actuel, disons - appréciation personnelle - qu'elles sont a minima partagées pour les deux parties ;

- "Contamination" du secteur arabe en Israël, avec des émeutes et même des actes terroristes menées là aussi par des très jeunes, s'identifiant totalement à leurs "frères" palestiniens.



Mais à la réflexion, l'analogie me semble, à mon modeste avis, s'arrêter là :

- à Jérusalem, on a aujourd'hui un gouvernement à la majorité étriquée, très marqué à droite et avec surtout des alliés du Likoud hostiles à tout compromis ; en 2000, c'était un gouvernement au contraire très "colombe" ; si donc un choc politique devait survenir, ce serait plutôt un "coup de barre à gauche" avec un gouvernement d'Union Nationale où le "Parti sioniste" remplacerait le parti de Bennett, celui "des implantations" ; pour rappel, début 2001 et avec la victoire électorale d'Ariel Sharon, un gouvernement d'Union Nationale fut constitué sous sa direction avec -déjà - les Travaillistes associés au pouvoir ;

- après la rupture de Camp David, éclata la seconde Intifada dont on sait aujourd'hui qu'elle n'avait rien de spontané ; son objectif stratégique fut de "tordre le bras" d'Israël, en le forçant à la concession réclamée - elle l'est toujours - par la partie palestinienne, et qui équivaudrait pour l'Etat juif à un suicide : le fameux "droit au retour" de millions de réfugiés, mais surtout descendants de réfugiés de 1948 ; aujourd'hui, on ne devine pas d'objectif stratégique précis, hormis la remise sur le devant de la scène de la cause palestinienne, largement oubliée avec l'atroce guerre civile en Syrie et l'ombre du Daech ;

- attentats suicides presque quotidiens, attaques à l'arme automatique, on a presque oublié ce que fut la seconde Intifada : ce sont autant d'opérations nécessitant une infrastructure lourde, des caches d'armes, des explosifs, etc. ; et on se souvient de la peine qu'eut Israël pour gagner cette véritable guerre, qui nécessita une opération militaire d'envergure au printemps 2002 ; aujourd'hui, les seuls Palestiniens disposant d'armes conséquentes sont ceux du Hamas, enfermés dans leur "Califat enclave", d'où ils ne peuvent pas sortir ; les terroristes d'aujourd'hui, très jeunes et agissant semble-t-il individuellement, sont armés de couteaux ou tournevis, de quoi tuer ou blesser grièvement, certes ; mais avec beaucoup moins de puissance destructrice qu'au début des années 2000 ;

- enfin, différence fondamentale : en 2000, aucune ligne défensive n'existait contre les infiltrations terroristes ; aujourd'hui, la "barrière de sécurité" (qui n'est un mur que sur une petite portion) d'une part, les "check points" dans les Territoires, d'autre part, permettent de filtrer fortement les agressions potentielles ; démonstration paradoxale de cela, ce sont les Palestiniens de Jérusalem Est, vivant du côté "israélien" du "mur", qui ont commis la majorité des attaques au couteau ; ceci, bien sûr, à propos de la sécurité dans le pays lui-même, car la multiplication de certaines implantations au cœur de la Cisjordanie va poser des problèmes épineux de sécurité à l'armée israélienne.


Jean Corcos