Adolf Hitler et le Grand Mufti, rencontre du 28 novembre 1941
Tout
le monde a suivi le scandale provoqué par les déclarations
"révisionnistes" de Netanyahou sur la Shoah, présentant le Grand Mufti
de Jérusalem, Mohammed Amine al Husseini, comme le véritable inspirateur de la
Shoah, réclamée à un Adolf Hitler ainsi dédouané - lui et son régime - du
Génocide. Au delà de ma propre compilation d'articles dans la presse
israélienne, j'ai lu beaucoup de choses intéressantes sur des pages
"d'ami(e)s" de mon réseau FaceBook ; et certaines m'ont permis de
rassembler des analyses et informations que j'ai donc plaisir à partager avec
vous dans ce "dossier".
Mais
disons d'emblée aussi que la lecture de
certains commentaires prenant la défense de "Bibi" m'ont à la fois surpris
et désolé, car je me rends compte que les "groupies" ne se
découragent jamais, quoique disent ou fassent leurs idoles : naïveté ? Esprits
bornés ? On a l'impression que certaines et certains sont incapables de
jugement indépendant. On a aussi l'impression que l'esprit de nuance a déserté
certains esprits, qui sont incapables de formuler en même temps deux
vérités complémentaires : oui, le Grand Mufti était un allié des nazis et un
antisémite meurtrier ; oui, Hitler a voulu, conçu et réalisé la Shoah bien
avant sa rencontre avec lui. Alors je publierai des liens en ce sens, même si
certaines ou certains ne veulent connaitre qu'une des faces de la même vérité.
Commençons
par les faits "basiques" pour les lecteurs qui ne seraient pas au
courant : ils ont d'abord été rappelés jeudi matin sur notre antenne par mon
ami Gérard Akoun, lire
ici . Allant
plus en profondeur sur l'affaire, mon ami Ilan Scialom - qui a été un des
invités de "Rencontre, voir son nom en libellé - a écrit un article
percutant sur
son blog du "Times of Israël" . Il dit à propos de la thèse de
Netanyahou : "Elle minimise totalement
l’antisémitisme violent de Hitler qui atteint son paroxysme avec
l’extermination systématique des Juifs dès l’été 1941. Netanyahu se comporte
ici en révisionniste historique et le fait pour des raisons politiques claires."
Quelles sont ces raisons ? "Créer un lien entre nationalisme palestinien
et nazisme", le passé permettant de justifier un refus présent de négocier.
Généralisant
le propos, mon ami Jacques Benillouche a publié un bref
billet d'humeur sur cette tendance, déplorable, à "nazifier" les
ennemis d'aujourd'hui. Il n'y a aucune commune mesure entre le bilan du nazisme
et les centaines ou les milliers de victimes de chaque "round" de
confrontation, et les assimiler est une insulte aux victimes de la Shoah.
Bien
entendu, en partageant ce point de vue, je me dois de dire aussi - et en
particulier à mes ami(e)s musulman(e)s - que la "nazification" d'Israël
dans la propagande arabe - bien antérieure à l'actuel gouvernement israélien -,
est quelque chose de tout à fait insupportable. Voilà par exemple le genre
d'illustrations que l'on trouve sur des pages FaceBook antisionistes radicales,
mais il y en a des dizaines d'autres !
Et
question révisionnisme historique, puisque effectivement Bibi en a fait, la
veille des sites antisémites et antisionistes radicaux permet d'en trouver tous
les jours : par exemple, ce
délire complotiste faisant d'Adolf Hitler, non seulement un complice des "Sionistes",
mais en fait un Juif caché ... descendant d'un Rothschild : étonnant non ?
Mais
revenons aux faits, et à la délirante "thèse" du Premier Ministre
israélien : il faut savoir qu'il a subi une avalanche de critiques en Israël,
aussi bien sur le caractère incendiaire et provocateur de ses propos que,
surtout, sur le fond : les plus éminents historiens de la Shoah - aussi bien
dans le pays que dans la Diaspora -, sont montés au créneau pour le dénoncer, lire
ici .
L'excellent
"Times of Israël" a
publié un enregistrement des échanges entre Adolf Hitler et le Grand Mufti
de Jérusalem, tels qu'on peut les trouver dans les archives du Ministère
allemand des Affaires Etrangère. C'est bien une déclaration d'allégeance, dans
une guerre contre les trois ennemis partagés, les Juifs, les Anglais et les
Communistes. Mais il n'est pas question de la Shoah !
Certes,
me direz-vous, mais les deux leaders n'allaient pas faire état en public d'un
projet secret d'extermination qui d'ailleurs avait déjà commencé sur le
terrain, depuis l'été 1941, par les fusillades massives en Ukraine ... alors
d'où Netanyahou a-t-il tiré sa théorie sur le rôle du Mufti ? Lui et d'autres
révisionnistes s'appuient sur les déclarations d'un bras droit d'Adolf
Eichmann, Dieter Wisliceny, lors du procès de Nuremberg. Or d'autres historiens
n'accordent aucun crédit à ces déclarations, lire
cet autre article très fouillé . A noter que le titre de cette dernière
publication n'a rien à voir, puisqu'est cité le père de Bibi, lui-même
historien réputé. Mais il est question, à la fin du texte, d'un autre
révisionnisme, celui-là concernant l'histoire des Marranes, "revue et
corrigée" par Benzion Netanyahou.
Ceci
étant dit - mais hélas, non suffisamment souligné par les grands médias - les
propos inadmissibles de Netanyahou ne doivent pas, non plus, faire oublier qui
fut Mohammed Amine al Husseini, père historique du nationalisme arabe en
Palestine : lire tout d'abord cette synthèse assez complète sur Wikipedia,
où est notamment cité un historien d'origine palestinienne, Philipp Mattar
disant : "il ne fait néanmoins aucun doute qu'Husseini « a
coopéré avec le régime le plus barbare des temps modernes ».
Deuxième
élément à verser au dossier, cette
critique très documentée de l'article signé par Henry Laurens dans
"L'encyclopédie des relations entre Juifs et Musulmans des origines à nos
jours" (voir lien en libellé), article où cet historien - très hostile au
Sionisme, et qui a marqué des générations d'arabisants en France - a minimisé
son rôle. Merci à Rudi Roth pour cette longue analyse historique, démontrant en
particulier que le Mufti avait, autour de lui et parmi ses héritiers
politiques, d'authentiques nazis.
Troisième
élément, un long texte mis en ligne sur sa page FaceBook par Antoine Vitkine,
lui aussi historien et que j'ai eu le plaisir de recevoir dans mon émission
(voir son nom en libellé). Il s'agit d'un long extrait tiré de son propre livre
"Mein Kampf, histoire d'un livre". Je ne reproduis ci-dessous que le
début de sa publication :
"Le grand mufti de
Jérusalem, Amin al-Husseini, partisan du panarabisme, adversaire acharné de
la présence juive en Palestine, est l’un des hommes clefs du rapprochement
arabo-allemand et participe tôt à la diffusion du livre dans l’ensemble du
Moyen-Orient. Il est ainsi à l’origine de la publication des extraits de Mein
Kampf, en 1934, dans le journal Le Monde arabe de Bagdad. Ayant fui en Irak en
1937, le mufti aide à la mise en place du régime proallemand de Rachid Ali.
La rébellion se maintient au pouvoir quelques mois, le temps d’un pogrom
contre les Juifs, auquel participe Husseini. La collaboration du grand mufti avec les nazis ne sera pas sans conséquences.
Celui-ci se réfugie en 1941 en Allemagne et rencontre Hitler. Dans ses
mémoires, Husseini relate : « La condition fondamentale que nous avons posée
aux Allemands pour notre coopération était d’avoir les mains libres dans
l’éradication de tous les Juifs, jusqu’au dernier, en Palestine et dans le
monde arabe. J’ai demandé à Hitler qu’il me donne son engagement explicite
pour nous permettre de résoudre le problème juif d’une façon conforme à nos
aspirations nationales, correspondant aux méthodes scientifiques inventées
par l’Allemagne pour son traitement des Juifs. J’obtins la réponse suivante :
“Les Juifs sont à vous.” "
Enfin, quatrième et dernier
élément, ce texte du célèbre journaliste Albert Londres, relatant les pogroms
de 1929, à Safed et à Hébron où vivaient des communautés juives séculaires : il
a été repris sur le "blog de Danilette" que
vous trouverez en lien. Vous verrez que la responsabilité du Mufti
dans les fausses rumeurs - déjà ! - d'attaques des lieux saints musulmans était
évidente à l'époque :
J.C